Premier trajet

Susan était à la bourre. Pas une petite bourre sympathique, non, la grosse, la vraie, celle qui panique tout le monde en moins de temps qu'il n'en faut pour dire "Oh non ! Rogue enseigne encore cette année", ce qui, malheureusement, risquait de se révéler véridique.
Bref, Susan, donc, était en retard. Pourquoi, mais pourquoi personne n'avait-il songé à mettre à sonner un des réveils de la maison ?

Ô rage, ô désespoir, ô réveil ennemi,
Pourquoi ai-je oublié d'remonter ta sonnerie ?
Et ne me suis-je endormie, bercée par Morphée,
Que pour être éveillée par l'immense Anxiété ?

Trêve de plagiat littéraire médiocre, Susan, à moitié endormie, avait réussi à se faufiler dans le train juste avant que celui-ci ne s'ébranle et s'était retrouvée dans des couloirs bondés, envahis de premières années plutôt perdus qui n'avaient pas l'air d'avoir compris que les compartiments, mesdames et messieurs, étaient faits pour être occupés et "dégagez les couloirs, s'il vous plaît !".

Elle s'était ainsi acquittée de son devoir de préféte et de seconde année et, après avoir dirigé ses cadets vers les différents compartiments libres, s'étaient elle-même mise en quête d'une banquette où il resterait une petite place et, si possible, d'un lieu où elle serait en territoire connu, avec des gens qu'elle appréciait et donc pas avec des Serpentards, s'il vous plaît.

Mais maintenant qu'elle avait casé les premières années, la plupart des compartiments étaient pleins. Chouette ! Elle allait devoir poireauter dans les couloirs jusqu'à l'arrivée ! Ou alors, elle allait piquer une place à quelqu'un pendant que cette personne irait aux toilettes.

Dans un espoir fou et déluré, elle ouvrit un dernier compartiment et là, ô miracle, merci les potirons ! , il restait des places. Plétore de places ! En fait une seule fillette occupait déjà le wagon. Une nouvelle visiblement. Susan passa la tête par la porte et demanda :

- Excuse-moi, je peux entrer, les autres compartiments sont pleins et je n'ai pas très envie de rester dans le couloir tout le trajet.

L'homme que représentait Lockart était vraiment l'idéal féminin de toute une génération, et Louise, malgré son jeune age, n'était pas insensible au sex-appeal narcissique de ce bellâtre d'écrivain.
Ainsi, dévorant le manuel depuis un bon quart d’heure qu’elle était entrée dans le train, savourant l’ouvrage et s’extasiant sur l’homme merveilleux qui avait pu accomplir tant de choses...

Bien entendu, elle ne comprenait pas certains mots comme « moldu », mais elle passait outre; c’était comme lire un livre dans une langue étrangère qu’on maîtrisait relativement: il fallait lire la globalité du texte, et comprendre le vocabulaire en fonction des mots qui l’entourait. Donc, voila... Si tout les sorciers étaient si beaux que lui...

Toujours pleine d’une excitation croissante, elle sentait aussi une certaine appréhension l’envahir... Elle avait si peur d’être exclue de la masse! Sa mère avait voulu la rassurer... Après tout, elle, qui avait vécu en France toute sa jeunesse dans une famille modeste, s’était bien intégrée parmi le milieu huppé Londonien, mais avait totalement perdu son caractère autrefois altruiste, elle était devenue affreusement matérialiste et guindée...

Plongée, donc, dans son ouvrage, elle n’entendit pas la porte du compartiment coulisser immédiatement... Et n’entendit que les paroles d’une voix féminine qui la fit sursauter.

Levant la tête, elle vit une fille qui semblait à peine plus âgée qu’elle et qui n’avait pas du réussir son brushing à la perfection étant donné l’état de ses cheveux.

Le temps était venu pour Louise de se faire des contacts. Souriant telle sa mère lorsqu’elle avait des invités à une réception, elle répondit:

- «  Oui, tu peux venir... Je suis Louise Cathaline Anderson, et j’entre en première année..., je ne connais personne ici... et je serai ravie de t’avoir parmi moi »

Les cheveux de Susan semblaient animés d'une vie propre. Quel que soit le temps qu'elle passe à les brosser, tout était à recommencer quelques minutes plus tard. Elle en avait pris son parti et, pour être parfaitement honnête, n'y prêtait absolument aucune attention. A douze ans à peinse, Susan n'était qu'au seuil de l'adolescence et un de ses pieds se trouvait encore fermement ancré dans le petit monde de l'enfance. Son apparence lui importait par conséquent peu, de même que celle des autres. Qu'elle profite donc de cette joyeuse insouciance, le temps du changement et de la quête de l'identité viendrait bien assez tôt.

Pour l'heure bien loin de toutes ces considérations psychologiques, Susan adressa un sourire reconnaissait à la fillette et entra sans plus attendre dans le compartiement, traînant derrière elle sa lourde valise qu'elle installa, non sans mal étant donné sa petite taille et son poids de souris, dans le filet à bagage.
Ceci étant fait, elle s'assit sur la banquette faisant face à celle de Louise et posa son petit sac de voyage à ses côtés.

- Enchantée Louise, je suis Susan Bones, de Poufsouffle.

Elle tut son second prénom, non pas parce qu'il était trop ridicule pour être prononcé de vive voix mais pour la simple raison qu'on ne lui avait jamais appris à se présenter en alignant ses prénoms. Le réflexe ayant raison de tout le reste, elle s'était présentée de la manière la plus banale qui soit. Les Bones étaient financièrement aisés et culturellement parfaitement intégrés à la société sorcière, merci pour eux. Il n'en restait pas moins que l'aristocratie n'avait jamaid daigné ouvrir ses bras à la lignée Bones, pourtant de sans pure, mais aux idées bien trop progressistes pour elle.

La jeune sorcière croisa les jambes et lança un rapide coup d'oeil par la fenêtre. La capitale était déjà loin et la riante campagne britannique de la fin de l'été défilait à toute allure. C'était bon de retourner à Poudlard. A la pensée du vieux château et de l'année qui commençait, Susan eut un bref sourire.
S'enfonçant un peu plus dans la banquette, elle avisa le livre de Louise et demanda d'une voix douce chargée d'intérêt (un liiiivre !) :

- Que lis-tu ?

La fille se présenta sous le nom de Susan Bones et s’assit en face d’elle.
Le fait d’être en face d’une personne qui, en théorie, présentait les même dons que vous, était quelque chose de fort...
Sa vis-à-vis, malgré son brushing loupé, avait l’air d’une personne fort sympathique... Mais plus âgée... Et Louise ne savait pas si elle était sorcière d’origine ou pas... Elle avait un peu honte de ne rien âgée du monde des sorciers...

Bien entendu, elle s'était dit qu'elle ne devait pas être la seule, mais lorsque l'on a un doute énorme qui plane dans l'esprit, on a beau se convaincre, on finit toujours par être plus déprimé et dubitatif qu'au début...
Surtout que Louise avait le don de faire une montagne d'un petit rien et de s'angoisser plus que la plupart des gens... Enfin, avec un ouvrage de Lockart, tous vos soucis s'évanouissent! (C'est Vanish avec les taches xD)

Susan lui demanda alors qu'elle était l'ouvrage qu'elle lisait. Lou ne pu retenir un sourire brillant d'admiration pour l'auteur de l'ouvrage.

-"C'est "moi le magicien", de notre professeur de Défense contre les forces du mal."

Elle débitait le nom à rallonge du cours dont elle ne connaissait même pas le but de l'enseignement, ni même à quoi servait l'enseignement donné... Il ne fallait pas se leurrer... La preuve, chez les moldus "biologie" semblait être un nom diablement passionnant, évoquant des tonnes de choses sauvages et inconnues, alors qu'en réalité, s'était simplement l'étude de la faune et la flore... Entre autres -_-'
-"Heu... C'est ou Poufsouffle? "

Elle ignorait tout et vraiment tout de sa future école... Et pour le moment, le mot Poufsouffle semblait être le nom d'un village... écossais peut-être?

Susan pouvait se montrer capable d'une grande impassabilité et, en cette heure précise, elle en remercia intérieurement le ciel. Elle détestait Gilderoy Lockhart, non seulement parce qu'elle avait trouvé que ses livres n'étaient que des ouvrages stupides uniquement destinés à le glorifier mais en plus parce que sa mère était tellement folle de ce blondinet bellâtre qu'elle avait ben pensé tourner chèvre à force de l'entendre lui radoter qu'elle était in-croy-a-ble-ment chanceuse de pouvoir étudier auprès de lui. C'était bien simple, elle ne connaissait pas encore son nouveau professeur mais ne pouvait déjà plus le voir en peinture.

Elle parvint cependant à rester parfaitement stoïque lorsque Louise lui présenta son livre et ne sourcilla même pas quand la fillette afficha un air tristement béat. Après tout, elle ne pouvait pas lui en vouloir de succomber au charme de Lockhart, c'était un tombeur né et il y avait fort à parier que la plupart des filles de l'école allait lui faire les yeux doux, y compris les plus brillantes.

D'ailleurs, il allait peut-être se révéler excellent pédagogue, du moins, c'était ce qu'elle osait espérer. Ne jamais juger avant sur des apparences, s'était-elle psalmodier au cours de la quinzaine passée dans le but de chasser son a priori désastreux sur Gilderoy. De toute façon, il restait un professeur et était donc digne de respect, n'est ce pas ?

- Oh ! Et tu aimes ? J'ai lu quelques uns de ses livres durant les vacances, c'est assez... euh... particulier, je veux dire, rajouta-t-elle de peur de blesser Louise, ce n'est pas le type d'ouvrage que tu t'attends à devoir acheter pour un cours.

*En général, la modestie veut que l'on ne fasse pas acheter ses propres ouvrages*

La fillette fut tiré de ses pensées par la question géographique de Louise. Un peu étonnée d'abord, il lui semblait si évident à elle, fille de sorciers, que Poufsouffle était une des maisons de Poudlard, d'autant plus que toute sa famille ou presque y passait depuis des générations, qu'elle en oubliait parfois que tous les élèves n'étaient pas dans le même cas.
Elle adressa un sourire qui n'avait rien de moqueur à la jeune sorcière et répondit :

- Oh, Poufsouffle n'est pas un lieu, c'est le nom d'une des quatre maisons de Poudlard. Tu vois, au début d'année, les premières années sont répartis dans les quatre maisons en fonction du caractère de chacun, c'est un peu comme le système de classe dans les écoles primaires.

La fille se présenta sous le nom de Susan Bones et s’assit en face d’elle.
Le fait d’être en face d’une personne qui, en théorie, présentait les même dons que vous, était quelque chose de fort... intrigant. Elle devait sûrement tout connaître au sujet de la magie, ou du moins assez pour la renseigner... Mais elle n'allait pas la harceler de questions dès le départ, malgré la curiosité qui la démangeait.

Sa vis-à-vis, malgré son brushing loupé, avait l’air d’une personne fort sympathique... Mais plus âgée... Et Louise ne savait pas si elle était sorcière d’origine ou pas... Elle avait un peu honte de s'être méprise sur le nom de Poufsouffle... Mais après tout, elle n'y connaissait rien, et son ignorance était justifiée...

Un grand sourire illumina son visage lorsque le nom de Lockart fut évoqué: ravie de parler de ce professeur qui avait un sourire si étincelant, elle répondit:


- « Je trouve ses ouvrages passionnants! Il a vécu tant de choses... mais... »

Son sourire se fana quelque peu

- « Il y a beaucoup de chose que je ne comprend que modérément » ...

... Pour ne pas dire pas du tout, ces mots sorciers étaient décidément du chinois pour elle...

- « Mais une question me turlupine plus particulièrement: est ce que tu penses qu’il se faisait aussi des manucures lorsqu’il était dans la forêt face au danger? »

Selon toute vraisemblance, Gilderoy Lockhart, ses sourires d'une blancheur suspecte et ses bouclettes blondes avaient fait une nouvelle petite victime. Susan écarquilla une brève seconde les yeux de manière perplexe.
Au fond, elle étati peut-être celle qui était anormale. Elle se souvenait parfaitement qu'à l'école primaire, ses copines s'étaient éprises d'un play-boy du dimache au bronzage surfait et à la voix de fillette. Elle s'était contentée d'observer avec un étonnement mêlée de curiosité sociologique les filles glousser comme des poules dès qu'une photo de lui paraissait dans un magazine. De manière générale, Susan voyait mal comment on pouvait avoir le béguin pour quelqu'un d'assez âgé pour être votre père.

Elle se contenta donc d'hocher la tête de manière un peu raide lorsque Louise entreprit de louer les mérites des livres de Monsieur Colgate et dut faire appel à toute sa bonne volonté pour ne pas laisser un petit sourire sceptique lui échapper. Après tout, les aventures décrites dans ces livres lui paraissent bien extraordinaires pour ne pas être en partir inventée. De son avis, la réputation de Lockhart était bien trop surfaite : plus basée sur sa capacité à regarder un objectif que sur de réels talents de conteur. Passons.

La Poufsouffle haussa les sourcils avec étonnement en entendant la question de Louise. Elle s'était attendue à quelque chose du genre mais avait misé sur un "Tu penses que sa couleur de cheveux est naturelle ou pas ?" plus simple. Visiblement, la jeune sorcière qui lui faisait face avait plus d'imagination qu'elle.

- Pardon ? laissa-t-elle échapper sous l'effet de la surprise.

Néanmoins, elle se reprit très vite et enchérit immédiatement d'un ton très naturel :

- Oh... Euh, je pense que quelqu'un d'aussi important et soigné que lui se doit d'être absolument présentable dans toutes les circonstances, donc je pense que oui... Après tout, il semble se débarasser si facilement de ses ennemis que ça doit être un jeu d'enfant pour lui de tenir une baguette tout en se limant les ongles, n'est ce pas ?

Susan avait la don de pouvoir rester sérieuse dans les situations les plus improbables. Son ton était donc parfaitement maîtrisée et elle avait l'air de trouver la question de la manucure de Lockhart aussi passionnante que celle de la vie des pingouins au temps de Marie Stuart (au passage, une minute de silence pour la malheureuse).

Louise sourit à la réponse de son aînée, Rassurée. Elle était à un âge ou l'on était facilement influençable, autant par les médias, que par l'entourage et les fréquentations diverses.
Avec sa meilleures amie moldue (bien qu’elle ne connaissait pas la signification de ce terme, le narrateur, lui, la connaissait^^) Butterfly, elles avaient passé toute leur primaire à regarder des clips sur la chaîne de musique et à feuilleter les magasines que leurs mères laissaient traîner sur la table basse du salon.
Ainsi, elles s’étaient faites des idées très précises sur ce qu’il fallait aimer ou pas, et leurs canons de beautés étaient les mêmes que ceux de n’importe qui d’autre ayant subi un lavage de cerveau médiatique: Il leur fallait juste que l’individu ait un beau visage, un bronzage parfait, un style vestimentaire répondant aux normes. Le QI ne comptait pas vraiment...

Susan ne semblait pas être du genre à trouver ce genre de critères indispensables... Lou décida de prendre les choses avec humour, et lui demanda d’un ton badin;

- « Et... Tu penses que le blond vénitien est sa couleur naturelle? Moi je pencherai plutôt pour le châtain foncé! »

Après tout, les gens n’étaient pas obligés de partager les mêmes opinions pour être amis, si?

Oh Merlin ! Cette fois-ci, on y était. Aujourd'hui Mesdames et Messieurs, grand débat sur la coloration de Lockhart dans le neuvième compartiment. Vous pouvez réserver vos places auprès du conducteur de la locomotive, merci. L'argent récolté permettra d'offrir un cerveau à notre ami Gilderoy, merci pour lui !
Susan se tritura une mèche de cheveux tout en réfléchissant à la question de Louise. Difficile pour elle de dire puisqu'elle évitait soigneusement de regarder les photos de Lockhart, ça lui ferait trop plaisir. D'ailleurs, un fan de plus ou un de moins, il n'était plus à ça près. Et plutôt que "fan", "groupie" conviendrait mieux.

Au fond d'elle, Susan commençait à se piquer au jeu. C'était finalement intéressant, cette conversation, dans le genre détente. Elle gratifia Louise d'un coup d'oeil rêveur. Elle avait vraiment l'air gentille malgré son amour immodéré pour un grand blond de plus de quatre fois son âge. Ce n'était vraiment pas de sa faute : tout était fait pour qu'on l'aime et si Susan résistait pour l'instant, c'était uniquement parce qu'il n'était pas dans son caractère de baver devant quelqu'un. De plus, son côté modeste et altruiste se révoltait contre l'égocentrisme de l'individu.

- Je ne sais pas, on a tellement l'habitude de le voir avec cette couleur qu'elle semble naturelle. Je ne le vois pas en brun foncé mais après tout, il fait peut-être des colorations pour cacher quelques cheveux blancs. Il n'a plus vingt ans, n'est ce pas ?

Espérant que cette dernière remarque n'allait pas vexer la fillette, Susan lança un regard bref à la souriante photo de Lockhart qui ornait la couverture avant de rajouter, bien malgré elle :

- Et ses dents, c'est un bridge ou pas ? Je veux dire, elles sont tellement droites...