[ Une Belle Amitié ] -PV-

Ce matin là, ce furent les rayons de soleil qui réveillèrent Keira Williams. Battant doucement des paupières, la sorcière resta allongée un instant, observant le ciel depuis son lit, puis, se redressant, elle glissa doucement sa main dans ses courtes boucles blondes. Elle demeura immobile, écoutant les bruits de la rue (l’appartement étant parfaitement silencieux, Corann étant partie pour la semaine chez son petit ami, à Aberdarron). Finalement, la sorcière se leva et quitta son lit d’un pas léger. Elle enfila une robe de chambre et se dirigea vers la cuisine. Un verre de jus de fruit plus tard, elle prenait la direction de la salle de bain. Elle verrouilla la porte derrière elle (comme toutes les autres portes de l’appartement, soit dit en passant), et fit couler de l’eau chaude dans la baignoire. Pendant que cette dernière se remplissait, elle retira sa robe de chambre précédemment enfilée et observa son corps avec inquiétude. Si les bleus s’en étaient allés et que ses côtes avaient fini par se soigner, elle gardait quelques marques et la simple vue de ces cicatrices lui donnait la nausée. A l’hôpital, on lui avait assuré qu’elles finiraient par s’estomper puis par disparaître, mais ils ignoraient le temps que cela prendrait… la sorcière détourna le regard, écoeurée, et se glissa dans l’eau chaude de son bain.

Trois quarts d’heure plus tard, elle sortait du bain, plus détendue. Elle se sécha rapidement, puis enfilé un pantalon noir, un chemisier bleu ciel et sa veste noire. Des talons, puis elle était partie. Depuis son ‘problème’ avec Louis, la sorcière se faisait discrète. C’était pour cette raison, d’ailleurs, qu’elle avait teint et coupé ses cheveux. Pour les vêtements, il en allait de la même façon. Elle ne portait plus de couleurs vives, ni de coupes affriolantes. Peut-être s’y remettrait-elle un jour, mais il était encore trop tôt pour elle. Elle tenait à rester aussi discrète que possible.

Son sac à main sous le bras, et sa guitare à la main, la sorcière inspecta une dernière fois son appartement, jeta un rapide coup d’œil à la fenêtre, cherchant du regard l’appartement de Kaïn qui était éteint… Puis, secouant la tête, elle soupira et quitta enfin l’appartement. Elle n’ouvrit pas la porte, comme toujours, elle préférait transplaner. Même si ce moyen de transport la rendait malade, il demeurait bien plus sûr que les rues de Londres.

C’est donc en quelques secondes que la sorcière se retrouva devant la maison de Roze Maiden Montgomery. Inquiète, Keira ne pu s’empêcher d’observer les alentours, craignant de voir Son visage apparaître dans son champ de vision. Evidemment, il n’en n’était rien, et, sonnant à la porte de son amie, l’ex Gryffondor demeura méfiante. Quand la porte de la maison s’ouvrit et que le visage de Roze apparut devant la chanteuse, cette dernière fut immensément soulagée (c’était là un des effets que lui faisait Roze dernièrement). Souriante, le regard éteint jusqu’alors se mettant à briller soudainement, la demoiselle serra son amie dans ses bras :

« Roze !!! »

Rentrant (assez rapidement quand même, on n’est jamais assez sûr…), la musicienne souffla :

« Je suis si contente de te voir ! »

En soit, elles s’étaient déjà vues il y a moins de trois jours, mais pour Keira, les heures passées seules semblaient être plus longues encore que des mois. L’absence de Corann lui pesait, et elle préférait ne pas trop embêter Kaïn. Car si elle ne l’agaçait (visiblement) pas trop pour le moment, elle craignait que cela ne dure pas, si elle restait trop souvent avec lui.

« Comment va Luca aujourd’hui ? »

C’était là, un des (rares) avantages qu’avait eu la ‘rupture’ entre Louis et elle. Depuis cette histoire, la jeune fille n’avait plus rien contre le bébé. Evidemment, elle ne se voyait toujours pas le porter (elle craignait de le faire chuter, ce qui serait vraiment horrible… Evidemment). Mais elle n’avait rien contre l’idée de le voir et de jouer avec lui (ce qui consistait un immense progrès en soit !)

Roze ne posait jamais de questions, elle ne disait jamais un mot plus haut que l’autre non plus. Extérieurement, l’allemande était comme un lac d’eau pur nullement troublé par les vents tourbillonnants autour d’elle. Bien entendu, c’était trompeur, car il ne fallait pas oublier les années de psychothérapie et les nombreux psychotropes que la jeune femme utilisait pour éloigner sa schizophrénie, ses hallucinations. Cependant, et quoi qu’on puisse en dire, Roze était une valeur fiable pour ses amis lorsqu’ils étaient en difficultés. Raisonné et calme, elle réfléchissais mais sans jamais agir plus que nécessaire, la limite qu’elle mettait entre elle et les autres depuis toujours (son « défaut de communication ») lui servait dans ces cas là à être la présence rassurante dont on a besoin en cas de coup dur. C’est pourquoi depuis que Keira était sortie de l’hôpital, Roze lui ouvrit sa porte aussi régulièrement que l’ex-rouquine le désirait. Elle ne la forçait pas non plus à venir la voir, elle ne la harcelait ni de questions, ni de coups de fil, elle se contentait juste d’être là, juste au cas où.

Moins ostensible que son amie, elle se contenta de répondre à son étreinte et d’ajouter un « Bonjour Keira. » De la voix fluette qu’on lui connaît bien. Roze sourit à son amie, discrètement, sereinement. Lucas dans le salon jouait avec des cubes en bois qu’il empilait soigneusement, bien assis, adossé à son fauteuil pour bébé (qu’il n’occupait pas, c’était tellement plus marrant d’être par terre). Cela dit, pour le bambin, c’était comme si Keira n’était pas là, il était concentré sur son jeu et de lui on n’entendit qu’un petit cri de surprise et de joie effrayée quand, son accumulation terminée, elle s’éparpilla par terre (il ne les empilait que pour mieux les faire tomber).

« Je vais me faire un thé, en veux-tu un ? » Et sans réellement attendre la réponse, elle se servit elle-même de l’eau chaude dans laquelle elle tourna sa baguette et laissa une tasse au milieu au cas où.

« Je crois qu’il est dans sa phase construction-démolition. » Elle désigna le petit garçon qu’observait sa nurse d’un air féroce. La nurse en question donnait souvent l’impression qu’elle allait sauter à la gorge de tout un chacun mais c’était une perle avec les enfants. Ceci dit, maintenant que Keira était là, sa présence n’était plus nécessaire et en même temps que Roze désignait son enfant, elle congédia du geste la bonne femme, à la manière de la châtelaine qu’elle aurait du être si elle n’avait pas épousé Edward. Roze était presque tout le temps à la maison et n’avait en théorie pas besoin d’une nurse mais on ne sait jamais quand elle aura une hallucination alors elle trouvait plus rassurant d’avoir quelqu’un pour surveiller qu’elle ne faisait pas de mal à Lucas sans le vouloir… mais en présence de Keira, elle ne ressentait pas le besoin de cette présence, elle faisait confiance à la jeune fille, même si celle-ci n’avait pas confiance en elle. « Pour le moment, il est normal. » Finit-elle par dire après un moment de rêverie silencieuse, la grande hantise de Roze étant que son fils ne soit pas normal, en bref qu’il soit comme elle.

Entrant dans la demeure (plutôt grande, soit dit en passant) de son amie, Keira accepta la proposition de la jolie blondinette :

« Je veux bien… merci ! »

La tasse présente ‘au cas où’ servait donc… En règle générale, Keira ne râlait que lorsqu’il s’agissait de manger, pour boire elle ne faisait pas la fine bouche (en revanche pour lui faire manger quelque chose de calorique, il fallait se lever très tôt et s’acharner sur elle, parce qu’elle cédait très difficilement *pour ne pas dire jamais :p*. Keira posa ses prunelles sur la pile de jeu démolie par les soins du petit garçon. Elle n’avait pu s’empêcher de sursauter (de surprise mais aussi de peur) quand la pile s’était bruyamment effondrée. Rapidement rassurée néanmoins, elle écouta son amie parler de son fils, silencieusement.

« J’imagine que ça doit être assez ‘classique’… J’ai jamais eu d’amis garçons à cet âge, et je crois que je ne m’en serais pas souvenue si ç’avait été le cas de toute façon… mais on m’a souvent dit que les garçons étaient toujours plus agités que les filles quand ils sont petits… Après, je ne sais pas si c’est vrai ou de simple ‘on dit que’… »

Pour Keira ça ne pouvait pas s’appliquer, de plus, puisqu’elle souffrait d’hyperactivité depuis sa plus jeune enfance (ce qui avait expliquait ses résultats scolaires *catastrophiques* et ses capacités artistiques (un moyen de se défouler et de s’échapper d’après les psychiatres et psychologues qu’elle avait consulté dans son enfance et adolescence).

Quand Roze répondit à la chanteuse que son fils s’avérait être ‘normal’ pour l’instant, cette dernière ne pu s’empêcher de lever les yeux au ciel :

« Je persiste et je signe, Roze, tout va bien aller avec ton fils… »

Pour Keira, de toute façon, personne n’était ‘normal’ sur cette planète. On l’assumait, on le montrait ou non, mais on était tous des malades mentaux, des personnes instables, dangereuses (pour soit ou pour autrui *voir même pour les deux, quand on a la chance de cumuler* mais, aux yeux de la rouquine (blonde pour le coup, mais on comprend, hein…) il n’y avait pas une personne sur terre qui pouvait dire, sans mentir qu’il était parfaitement équilibré (ou sinon, et bien c’était sans nul doute lui le plus déjanté, et puis voilà !). Après, elle avait cessé de débattre sur ce sujet, tout simplement parce que rares étaient les personnes à se joindre à son opinion et qu’elle trouvait ça lassant de se répéter sans cesse…

« Roze ? »

Keira venait de songer à quelque chose, tout à coup, et elle avait besoin de connaître l’avis de son amie. C’était genre presque vital (oui oui tout à fait o___O) :

« Dis moi, comment tu as su qu’Edward était le bon ? »

Sirotant son thé tout en jetant de temps en temps un regard de côté pour surveiller que Lucas se contentait toujours de s’amuser à empiler puis faire tomber ses cubes en bois (chose qu’il accomplissait toujours avec autant de sérieux, à cet âge on trouve fascinant et pas ennuyant pour un sou des choses très simples !), elle reposait tout aussi régulièrement et avec la même sérénité les yeux sur son amie. Roze était, contre toute attente vu son passif, une image maternelle (ou familiale) très sûre, son autorité naturelle et son flegme de surface lui permettant d’être un roc pour ceux de sa famille et, éventuellement, ses amis. Elle ignorait comment Keira la percevait, mais elle se comportait avec elle un peu comme elle le faisait avec Fredericke, essayant de la guider (ramener serait un terme plus juste dans le cas de Keira) vers la lumière de manière subtile. Rien ne servait de forcer les gens, c’était un principe de base dans la manipulation d’autrui, y compris quand la dites manipulation était animée par les meilleurs sentiments du monde.

« C’est sûrement classique, Christian prétend que son fils aussi est passé par là. Le bruit ne me dérange pas, mais il agace un peu Edward quand il travaille. Heureusement qu’il y a la pièce insonorisée. » Edward était un amour et dans une certaine mesure il savait faire preuve de patience, mais elle n’était pas à toute épreuve comme celle de sa femme, hors comme Roze était partisane de laisser Lucas faire tomber des cubes si ça l’amusait, il avait fini par se réfugier dans la salle de musique, au plus grand amusement de la petite blonde qui le taquinait beaucoup à ce sujet.

« Peut-être, mais on ne sait jamais, ma cousine n’a commencé à être vraiment malade que vers ses six ans et ça n’a fait que s’aggraver depuis. Comme je suis sa tutrice en Angleterre, on m’a écris la semaine dernière pour me dire qu’elle avait détruit un nombre incalculable d’assiette et de verre et qu’elle était depuis lors enfermée à l’infirmerie, le plus souvent évanouie. C’est le sang des Maiden et aucune mère ne souhaite ni ma maladie, ni celle de Fredericke ou celle de Serena à ses enfants…. » Elle secoua légèrement la tête, elle s’était coupé les cheveux dernièrement donc ils étaient beaucoup plus raide qu’à l’accoutumé et beaucoup plus court aussi, mais elle en avait eu assez que Lucas lui tire ses boucles blondes par jeu, elle l’avait eu eheh, une fois coupées, il ne pouvait plus les atteindre si facilement !

Elle avait observé la énième chute de cubes de son fils quand Keira l’avait interpellé avec au bout du compte une question assez étrange. Enfin, ce n’est pas qu’il ne soit pas inhabituel qu’entres jeunes femmes on parle de ce genre de choses, et même si elles n’avaient pas énormément de différence, Roze faisait plus adulte, mais bon… est-ce qu’on demande souvent à une schizophrène des explications sur les sentiments ? Ce n’était jamais arrivé à Roze en tout cas, surtout qu’elle passait souvent pour totalement insensible.

« C’était une évidence, nous sommes fait l’un pour l’autre, il est ce que je suis pas, je suis ce qu’il n’est pas, mais on se comprend quand même, c’est là le véritable amour, l’équilibre parfait entre ressemblance et dissemblance… ça s’imposait à moi. Mais ça c’est pour l’explication rationnelle, j’avais conscience de ça mais au début je le voyais comme mon meilleur ami parce que je ne connaissais rien d’autre que l’amitié – et encore -, mais l’amour c’est sensiblement différent, je l’ai compris quand j’ai commencé à être jalouse. » Mais après, c’était parce qu’elle n’était pas du tout possessive par nature, elle ne savait pas trop si ça fonctionnait pareil chez les autres, mais pour elle, la révélation était passée par la jalousie. Elle se demanda pourquoi Keira lui posait cette question et qui était l’heureux élu qui l’y poussait… mais comme à son habitude, elle garda ses questions pour elle, cela viendrait en temps voulu.

Keira écouta Roze parlait de son fils (enfin des bébés plus généralement) pensive. Pour la rouquine, il avait toujours été évident qu’elle n’aurait jamais d’enfant. Elle n’était pas assez responsable, trop instable, trop immature et trop dangereuse pour se permettre ce genre ‘d’enfantillage’ disait-elle. Et puis son code génétique n’était sûrement pas un cadeau ! Oui, elle était belle, mais au fond, n’avait-elle pas que cela qui jouait en sa faveur ?? (et encore, faut aimer le roux, hein… *paf*). Aussi jugeait-elle l’idée plus que mauvaise… Et puis de toute façon, pour avoir un enfant, il faut commencer par avoir un homme (bon dans le cas de Keira, le mari était exclus, mais même avec une relation d’un soir, ce n’était pas envisageable… tout simplement parce qu’elle ne voulait plus entendre parler de toutes ces choses là à présent.). C’était trop dur, et elle se sentait incapable d’aimer comme elle avait pu aimer dans le passé.

« D’accord… Et sinon… je ne t’ai jamais demandé non plus, mais tu avais une idée du sexe que tu voulais, pour l’enfant ? Ou peu t’importait ? »

Oui, parce que jadis, si Keira avait voulu un enfant (ça lui était arrivé quand elle était toute petite encore *paaaf*), elle savait qu’elle préférait avoir une fille. Parce qu’elle trouvait les filles plus mignonne, plus jolie, puis elle avait des cheveux longs qu’on pouvait coiffer n’importe comment… on pouvait les maquiller, les vêtir joliment… Tandis que sa vision des garçons était plutôt centrée sur les engins mécaniques et des pauvres habits qui vivaient leurs derniers instants alors qu’ils n’avaient que trois jours…

Quand Roze parla de la maladie qui touchait sa famille, keira lui prit doucement la main et répliqua :

« Oui mais du côté d’Edward, tout va très bien, que je sache… Alors ne te fais pas trop de soucis, Roze, ça va te ruiner la santé, sinon…. J’ai un très bon pressentiment, moi, en ce qui concerne ton petit garçon… »

Keira adressa un sourire à son amie, puis le sujet dévia sur l’amour… Plus précisément sur celui que Roze éprouvait pour son mari… Keira était admirative. Elle avait toujours fui face à l’amour, et quand elle avait tenté de le vivre pleinement, elle avait eu tord, choisissant les mauvais raisons, les mauvaises personnes… Pourquoi réagissait-elle toujours comme ça ? Ca ne marchait jamais, mais c’était bien sa faute à elle… Elle était nulle, voilà tout. Elle était stupide en bonus, parce qu’elle avait laissé partir deux garçons adorables pour deux imbéciles… Elle soupira doucement, répondant d’un air pensif :

« Je voie… Je t’admire… vraiment. »

Puis le regard de l’ex rouquine s’assombrit, tandis qu’elle interrogeait de nouveau la jeune maman :

« Ha et… encore une question, désolée je t’envahit aujourd’hui… mais j’aimerais savoir… Tu crois que Michael et Raphaël m’en veulent ? Je veux dire… par rapport au groupe… »

Oui parce qu’ils avaient toutes les raisons du monde de lui en vouloir, à la longue… Elle avait m*rdé avec sa cure (même si au fond c’était plutôt bien tombé, puisque Roze avait accouché à peu près en même temps…) et elle avait été hospitalisé pendant plus d’une semaine (ce qui avait coupé court aux répétition et annulé un concert). Et maintenant, elle n’arrivait plus à se comporter comme avant avec ses collègues (et pourtant amis). C’était plus fort qu’elle, elle n’aimait pas l’idée d’être à côté des hommes. Y compris ses amis… Elle n’y arrivait plus… Alors elle se montrait distante, réservée et refusait de rester seule avec eux si Roze n’était pas là (et si la blonde se rendait aux toilettes, il était vital que Keira vienne avec elle…) ce qui poussa la sorcière à ajouter :

« Et… sois franche, je t’en prie… Ne t’énerve-je pas ? »

Parce qu’au regard de l’ex Gryffondor, il y avait de quoi, tout de même !!!

La question de Keira laissa quelques minutes Roze silencieuse avec son thé. Elle n’en avait jamais vraiment parlé avec son amie, elle avait tout juste abordé la question une fois quand celle-ci avait été désignée d’office pour l’accompagner à l’hôpital… mais Roze n’avait pas voulu être enceinte. Pour être exacte, elle savait que ça finirait par arriver parce qu’Edward voulait un enfant, mais son instinct maternel n’était des plus éveillé, même maintenant d’ailleurs, elle n’avait rien de la maman poule… traditionnelle ! Du coup, sur le moment, elle n’avait pas réfléchi à ce qu’elle préférait, elle pensait juste que cet enfant, elle ne pourrait jamais être seule avec, jamais s’en occuper pleinement, et pire qu’il risquait d’être malade comme elle…

« Je crois que j’aurais préféré avoir une fille, tu sais, pour l’habiller etc… mais un garçon a ses avantages aussi, surtout qu’Edward s’occupe plus de lui que moi. » Cela pouvait sembler étrange alors qu’elle était très souvent chez elle et pas son mari mais c’était un fait néanmoins, elle avait beaucoup de temps mais peu d’occasion. La faute à sa maladie mais aussi peut-être à son caractère étrange, elle était très chaleureuse mais en même temps distante, même son fils ne pouvait pas pénétrer dans les limites de son univers… personne peut-être, pas même Edward, ne le pouvait, elle s’y était résigné depuis longtemps.

« J’espère que ton pressentiment est le bon alors… » Elle pressa la main de Keira et lui sourit avec une infinie douceur avant de jeter un nouveau coup d’œil vers Lucas qui semblait s’être enfin lassé de ses cubes pour jouer à la place avec son train qui était dans le coin aussi. Le salon devenait pour lui un terrain de jeu et Roze faisait de gros efforts sur elle-même pour ne pas laisser sa maniaquerie naturelle l’emporter et se ruer vers les cubes pour les ranger. On ne pouvait pas prétendre le contraire, elle avait beaucoup progressé dans son évolution et sa maladie.

Elle ne répondit pas au sujet de l’amour qu’elle éprouvait pour Edward et qui, de toute évidence, suscitait l’admiration de la jeune fille à ses côtés. Quelque part, c’était amusant parce qu’il n’y a pas si longtemps, Keira trouvait ça stupide et maintenant elle semblait presque envieuse… un changement positif si on en croyait simplement Roze, traditionnelle pour ce qui touchait ce genre de sujet.

« Je ne vois pas pourquoi. » cela dit, Roze n’avait pas beaucoup évoqué le sujet avec Raph’ et Michael non plus, Roze n’était pas très bavarde par nature et elle agissait toujours à son rythme alors elle se mettait volontairement un peu à part du reste du groupe, Keira était ce qui l’y accrochait, leur alchimie était réel, elle fonctionnait sur scène, ce n’était pas forcément le cas pour les deux autres musiciens. Elle ne prétendait pas que ça se passait mal, mais elle était trop rancunière pour oublier ses anciennes années Poudlard, la méchanceté d’alors (purement adolescente, certes) de Michael et l’indifférence – voire le mépris – de Raphaël. Comme elle était fausse en permanence avec les « étrangers » (la vraie Roze étant un brin trop bizarre pour le commun des mortels), ça ne posait aucun problème au sein du groupe, elle ne le leur faisait pas sentir particulièrement, mais elle n’allait pas leur parler non plus… (Faut pas trop en demander non plus ! y’a pas si longtemps, elle voulait tous les voir mourir hein !)

« Non. Tu ne m’énerves pas. Et quand bien même ce serait le cas pour certains ou certaines, tu n’as pas à t’en occuper. A trop voir la boue dans son jardin, on oublie que celui du voisin est un véritable marécage ma chérie. » Parce que si les nouvelles lubies de Keira devait déranger, qu’en était-il des siennes hein ? n’oublions pas que Roze avait des hallucinations régulièrement, qu’elle devait obligatoirement suivre un programme bien fixé sous peine de quoi elle pétait un plomb (intérieurement) et qu’elle discutait souvent avec son piano, quand ce n’était pas avec les oiseaux. Donc bon, que Keira ne saute plus au cou des garçons et qu’elle la suive aux toilettes ce n’était pas si grave que ça hein… faut relativiser ! *Roze dans toute sa splendeur*

Une fille… Keira comprenait Roze… Elle aussi, à sa place aurait préféré une fille. Et plus encore à l’heure actuelle même si dans tous els cas, elle ne se voyait, de toute façon pas du tout digne d’être une maman *pas assez responsable, et pas assez forte non plus*. Aussi la rouquine adressa-t-elle un petit sourire à son amie :

« D’accord… »

Keira ne répondit pas à Roze, mais restait persuadée de ce qu’elle avait annoncé à son aînée. Oui, elle avait un bon sentiment concernant cette histoire, après elle n’avait pas le troisième œil (bien au contraire, elle avait toujours été une quiche en magie, divination compris !) mais… elle y croyait… et elle espérait. Peut-être que quelque part, quelqu’un entendait-il les pensées, les souhaits et les réalisait-il ??? Keira y croyait… Depuis que Kaïn lui avait littéralement sauvé la vie, elle y croyait plus que jamais.

Keira ne se sentait pas vraiment d’expliquer à la blonde ses soucis avec les garçons du groupe, aussi se contenta-t-elle simplement de répondre à cette dernière dans un soupire las :

« Je suis chi*nte. »

C’était évident, elle en avait bien conscience. Elle était gluante, collante, dépendante de Roze, Kaïn, Corann… et complètement effrayée par Raphaël et Michael (entre autre). De quoi en surprendre plus d’un au final, non ? Ceci étant, la sorcière n’avait pas spécialement envie de s’étendre sur le sujet, aussi secoua-t-elle ses boucles blondes dans un petit mouvement de tête et reprit-elle, dans un petit sourire, consolée par les paroles (bien sages) que tint son amie :

« Tu as raison, Roze… Merci. »

Elle eut un instant d’hésitation, et finalement, elle rompit la distance les séparant pour embrasser son amie d’un petit bisous sur la joue :

« Je t’aime. »

C’étaient des paroles sincères et sans ambiguïté (on peut le préciser, connaissant les penchants de la jeune artiste, après tout…). Elle soupira de nouveau, puis songea qu’il était temps de se changer les idées :

« Au fait, tu veux toujours apprendre la guitare ? »

Elles en avaient parlé, toutes deux il y a quelques temps, mais le sujet n’avait plus été abordé depuis… Et c’était (pour Keira) un moyen de se changer les idées, tout en changeant radicalement de sujet… Elle aimait la musique, et ce n’était pas parce qu’elle était brisée à l’intérieur, comme à l’extérieur qu’elle avait perdu toute fibre musicale… Bien au contraire, la musique était un de ses appuis plus qu’essentiel dans sa rééducation personnelle… Elle lui permettait de ne pas perdre pied, de garder un minimum la tête haute et de respirer plus posément… Ce qui était loin d’être désagréable, il fallait bien l’avouer !

Même si Roze savait que ce n’était pas parce que son amie lui donnait raison qu’elle allait tout à coup se rendre compte qu’elle n’était pas la chieuse qu’elle pensait être, la blondinette n’épilogua pas. A quoi bon ? Une attitude positive, ça n’arrive pas par miracle, cela s’apprend avec le temps, petit pas par petit pas, et Keira était jeune, elle avait tout le temps pour apprendre à relativiser. Ceci dit, Roze trouvait toujours très étonnant comme la rouquine (bon, blonde pour l’heure mais on se comprend) pouvait faire une montagne d’un malheureux grain de riz.

« Mais moi aussi ma chérie. » Répondit-elle simplement, comme si elle parlait de la météo ou du train que Lucas venait de faire tomber. Les grandes déclarations d’amour ne choquaient pas la jeune fille mais il ne fallait pas lui demander d’en faire d’aussi émouvantes, ce n’était absolument pas son style, elle était à cet égard bien trop distante et surtout, elle était schizophrène ! Pour le commun des mortels, peut-être que ça n’expliquait rien, mais quand on savait que cela était à la base un problème avec la partie du cerveau qui permet de communiquer, tout devient plus limpide, non ? Roze n’avait aucune difficulté avec les sentiments, elle les ressentait comme tous les autres êtres humains, mais pour ce qui était de communiquer le fond de sa pensée, si elle devait le faire directement, c’était autre chose… cela dit, maintenant, elle allait mieux, si elle n’y mettait pas d’intonation particulière (chose auquel on finissait par s’habituer, demandez donc à Edward !), elle parvenait au moins à le dire sans s’adresser au passage à la commode ou au bouquet de fleur.

« Oh oui ! Nous pourrions peut-être commencer aujourd’hui ? » Roze avait envie d’apprendre la guitare, il n’y avait pas de raison particulière à ça, elle trouvait seulement que ça pourrait être sympa. Après tout, son seul métier c’était musicienne, alors autant faire les choses bien. « Il faut que je confie Lucas à sa nurse, il n’est pas très réceptif à la musique et pour l’heure cela risque en plus de ressembler surtout à du bruit, tu ne penses pas ? » Parce que Roze ne promettait pas d’être très douée à la guitare, au début du moins, vu qu’elle était à l’origine pianiste. Vous me direz, les deux sont des instruments à corde, mais de toute évidence, ils n’ont que ça en commun.

Roze alla donc chercher son fils, le prit dans ses bras et le conduit (contre son gré) jusque dans la nurserie où se tenait la perle qui allait s’occuper du petit garçon pendant que sa maman s’occupait à ses frivolités. Ce dernier mot étant clairement l’opinion de la nurse, pas celle de Roze, bien qu’elle le devine aisément. « Suis moi, on va aller dans la salle insonorisée. La guitare d’Edward s’y trouve. »

Les sorcières se lançaient joyeusement dans l’apprentissage de la guitare… Enfin, Keira s’installait provisoirement à la place de l’enseignante, tandis qu’elle allait essayer d’apprendre toutes les subtilités *sort* de cet instrument à son amie blonde… Et connaissant les deux demoiselles, il risquait d’y avoir de l’ambiance (d’un point de vue purement extérieur ^_^). Roze laissa son fils avec sa nourrice, Keira demeurant silencieuse, le temps du ‘transfert’. Elle-même avait eu une nurse, dans son enfance… En fait, elle en avait même eu un sacré paquet… Et même si elles étaient toutes gentilles, elle en gardait un très mauvais souvenir… Ce qu’elle annonça d’ailleurs à son amie, arborant alors un air pensif, tandis que cette dernière revenait la voir :

« J’ai eu beaucoup de nurse, quand j’étais petite… Mes parents voyageaient tout le temps… Et j’étais d’avantage un trophée à exposer de temps à autre qu’une véritable fille pour ma mère… »

Elle n’ajouta rien, mais elle n’en pensait pas moins. Malgré tout ce que disait Roze, Keira pensait vraiment qu’il était important qu’elle passe du temps avec son fils, comme elle venait de le faire. Même si elle n’était pas seule, ce n’était pas ce qui comptait le plus… De ses souvenirs d’enfance, en tout cas, la rouquine savait qu’elle avait apprécié ces rares moments passés avec sa maman. Même si elles n’avaient jamais été toutes seules, toutes les deux… même si il y avait une foule de personne autour d’elle, voir sa maman sourire, alors qu’elle parlait d’elle, la regardait… Tout cela suffisait à gonfler le petit cœur de Keira à l’époque… mais cela semblait être si loin à présent…

Les deux amies se rendirent ensuite dans la salle insonorisée où se trouvait la guitare du jeune époux de Roze. Keira, quant à elle, avait apporté la sienne. Les deux amies s’installèrent dans la pièce, la rouquine laissa sa propre guitare dans sa house, interrogeant au préalable son amie :

« Tu sais les accorder ? »

C’était, après tout, la base… Si on ne sait pas accorder sa propre guitare, on est assez mal parti pour en jouer (ou sinon il ne faut pas s’attendre à avoir un morceau très juste…). Keira avait appris très vite. Il faut dire que la musique était plus qu’une passion pour la rouquine. C’avait été comme une révélation. Grâce à elle, elle avait appris à être plus ‘posée’, elle avait su refreiner son hyperactivité… Elle avait plus ou moins appris à gérer son surplus énergétique et elle avait pu centrer son attentions sur un sujet fixe plus de quelques minutes (ce qui relevait de l’exploit pour la jeune femme…).

« Sinon, pour la lecture, tu as dû voir que c’était beaucoup plus simple que la piano, au niveau des partitions, on fonctionne seulement en clé de sol et on n’a pas deux mains à différencier… ce qui représente un certain avantage, par rapport au piano. Après tu as aussi le système des tablatures, qui est encore plus simple que la partition, si ce n’est que tu n’as pas la rythmique sur les tablatures… Tu t’es déjà un peu penchée dessus un jour, ou pas du tout ? »

Levant alors un regard interrogateur vers son aînée, la rouquine pencha légèrement la tête, attendant les réponses de la jeune femme avant de poursuivre ses propres explications (il était après tout inutile de répéter des choses qui n’avaient aucun secret pour la jolie blonde, n’est-ce pas ?)

Roze fixa un instant Keira sans répondre. Elle ne comprenait pas bien où son amie voulait en venir… Elle se dit que, peut-être, Keira comparait sa propre situation à celle de Lucas, mais ce n’était pas du tout la même chose. Tout d’abord, Lucas n’était pas un trophée aux yeux de la blonde allemande, il était son fils, point. Certes, elle le trouvait mignon, chou et tout les autres qualificatifs absolument pas objectifs qu’une jeune mère peut donner à son petit, mais cela n’empêchait pas qu’elle ne le montrait pas particulièrement, tout d’abord parce qu’elle ne voulait pas l’exposer aux risques qu’entraîne un statut. Lucas était encore jeune, mais il était déjà comte de par la lignée noble de sa mère… il serait bien assez tôt sous l’influence des rapaces, et le plus tard serait le mieux si Roze en croyait sa propre expérience. Qui plus est, si elle avait une nurse, ce n’était pas pour éviter son fils ou le délaisser, mais parce qu’elle ne pouvait pas s’occuper de lui, elle était dangereuse pour un enfant si jeune, elle pourrait lui faire du mal pendant une hallucination, et ça bien entendu, elle ne le voulait pas… même si c’était dur pour elle de devoir confier son enfant à une autre la plupart du temps et de ne jamais pouvoir être seule avec, c’était mieux que de prendre des risques qu’elle pouvait éviter.

« Ta mère n’était pas vraiment une bonne mère. » Sous-entendu que elle, elle essayait d’en être une. De là à dire qu’elle y arrivait, ce n’était pas certain et elle n’irait pas jusqu’à le prétendre, mais elle essayait, et elle supposait que c’était déjà pas mal.

« J’ai déjà vu Edward le faire, mais c’est tout. » En fait de guitare, les rares fois où Roze en avait touché une, c’était avec son mari, jamais seule, alors on pouvait considérer qu’elle était plus que novice en la matière (encore que ce fût fort comme expression, car comment être plus que novice hein ?).

« J’ai déjà lu des partitions de guitare, mais je préfère rester sur quelque chose qui serait semblable à celles que je possède en piano, je crois que cela m’aiderait, surtout pour commencer, de même que jouer l’air au piano me permettrait à l’oreille de voir si c’est faux. Comme tu le sais, je joue surtout à l’oreille, les partitions, je me contente de les apprendre. » Comme pour tout le reste dans sa vie, Roze ne faisait pas de la musique comme tout le monde, mais c’était aussi pour ça qu’on l’aimait pas vrai ?