Pour quelques vers...

- Il est en de viles âmes et en de sanglants coeurs,
Des idées mauvaises et de cruels désirs,
Des envies vengeresses qu'assoiffent les heures
Et qui dans les eaux les plus sombres se mirennt

Oui, se mirent à danser pour une horrible folie
Meurtrières et stupides furents les haines polies
Qui encore aujourd'huis aiment anéantir
Les cerveaux jeunes qui n'ont pas le courage de fuir...

Azariel marqua une pause et se répéta ces vers un instant....

- C'est vraiment nul ! s'écria-t-il.

Il se laissa glisser au dessus du sol sans se préoccuper des petits qui se retournaient sur son passage alors qu'il parlait seul. Le jeune fantôme, si un fantôme peut être jeune, traversa trois épais murs d'un air morne puis il ressortit dans un couloir vide. Il leva un sourcil et haussa les épaules.

- Frêles et sans consistance
Ils sont partis tels des fantômes
La tête ballotant en cadence
Leurs corps souffrant des hématomes
Qu'avait déposé la malchance...

Il ricana puis soupira.

- Je me fais pitié. Si seulement je pouvais écrire.

Il s'arrêta au milieu du couloir, les bras ballants.

Si l'ectoplasme poète cherchait du réconfort sur le thème "Mais non, c'est très beau, d'ailleurs, si tu pouvais avoir la bonté de me dédicacer un sonnet...", il risquait fort d'être déçu.
Car le couloir dans lequel il venait de débouler était précisement celui où Peeves errait comme un esprit frappeur en peine. Les vacances étaient une période détestable. Les élèves ne gambadaient plus dans les couloirs la nuit, Rusard et sa pelure de chat ne traînaient pas non plus leurs six pattes à travers le château... Bref, c'était la morte saison pour un farceur.
Le tout rendait Peeves particulièrement morose, comprendre par là "encore plus désagréable que de coutume".

Il s'était arrêté de voleter tristement quand il avait entendu une voix débiter des sornettes juste à l'angle du couloir où il se trouvait et avait grimacé de manière éloquente : Pouah ! Qui osait ainsi troubler la majesté des lieux ? Une honte, vraiment. Quand on n'était pas capable de composer correctement, on se taisait.
Visiblement avec la ferme intention de donner quelques cours de composition poétique au malheureux aussi handicapé dans ce domaine - et aussi parce qu'il était curieux de savoir qui pouvais bien déblatérer ainsi, ce n'était tout de même pas Dumbledore ? - Peeves sortit de son angle de couloir et fit tinter son bonnet à grelots argentés tout en effectuant une galipette savante dans les airs.

Il lorgna le fantôme d'un air curieux - tiens, c'était quoi, son nom, à celui-là ? - avant de ricaner, tout en secouant sa main droite, l'air de dire "Oupslà, c'est pas top, hein ?!"
Il sourit, mauvais, avant de répondre d'une voix haut perchée désagréable :

- J'te l'fais pas dire, mon grand ! C'est vraiment pas terrible ! Et puis, la mort, les fantômes, tout ça, c'est dépassé, comme thème. Faut se moderniser un peu !

Azariel leva la tête vers cet abruti de Peeves qui n'était pas même capable de lui adresser la parole dans un language correcte. Le fantôme haussa les épaules. Il avait l'habitude de Peeves et, finalement, il s'était rendu compte qu'un esprit frappeur ne peut rien faire à un fantôme. Que voulait Peeves ? Le faire mourir une seconde fois ? Le jeune homme leva donc les yeux au ciel et passa au travers de Peeves.

-Oui, oui, tu as raison... bonne journée...

Il ne s'arrêta même pas pour lui adresser ces mots. Si Peeves lui avait fait peur quand il était en première année. Mais maintenant il était bien le cadet de ses soucis et puisqu'il fallait le supporter pour les deux cents années à venir et même plus il valait mieux directement l'ignorer...

Ce que pouvait Peeves contre un fantôme ? Oh, au moins une chose : le pousser à bout. Le petit ectoplasme était un véritable pot de colle dont le record personnel dans la catégorie "Temps nécessaire pour contraindre McGonagall à pousser des hurlements hystériques" s'élevait à une minute vingt secondes. Et il comptait bien s'améliorer.
Tout esprit frappeur digne de ce nom se doit d'être une véritable teigne. De ce côté là, Peeves n'avait aucun souci à se faire. Il était probablement la plaie de l'école aux yeux des élèves, loin devant Rogue et Rusard.

Bref, il en fallait plus que la réponse glaciale d'Azariel pour le décourager. Tout au contraire, Peeves y voyait là le signe de l'être à ne pas déranger. Ce qui, pour un esprit frappeur signifiait "individu potentiellement intéressant car susceptible de s'exciter très vite". Il suivit donc Azariel, tel le petit chien fidèle, déclamant d'un ton dramatique particulièrement comique :

- Ô Rage, Ô désespoir, Ô décès ennemi,
N'ai-je donc tant erré que pour cette infamie ?
Eh Quoi ? Serais-je donc devenu un esprit,
Que pour traîner en ces murs mon âme meurtrie ?
Ce bras, autrefois, des vers minables inscrivit,
Il a perdu son utilité aujourd'hui,
Que ne puis-je le couper, le trancher, l'éloigner
De ce corps de fantôme dont l'Enfer est d'exister ?

Il compléta sa tirade d'un ricanement lugubre et effectua une pirouette dans les airs avant de toussoter quelque chose qui ressemblait fort à un "pathétique".