Touffes de poils

« Fichue saison ! »

Skiìrt maugréait tout seul depuis sa sortie du château. Il ne se sentait pas très bien et sa mission dans la forêt l’obligeait à traverser ce champ aux herbes toutes humides de la pluie de ce matin. Il détestait quand sa fourrure était trempée, ce qui était d’autant plus curieux qu’on ne l’avait jamais vu rechigner à nager.

L’approche de la forêt avait progressivement fait taire ces jérémiades. Ce n’était pas que le terrain soit plus sec, c’était seulement que l’expérience lui avait apprit que le silence était le meilleur gage de survie. Les profondeurs obscures regorgeaient de dangers de toutes sortes pas toujours identifiables.

Il y avait plus d’un rat qui avait eu comme première vision de leur agresseur l’intérieur de son estomac !

La petite clairière qu’il connaissait bien était heureusement en lisière des arbres.

Après s’être approché suffisamment, un petit point blanc qui pointait hors du sol était la promesse d’une récolte de champignons dès demain. Voilà qui changerait un peu du menu trop gras et trop sucré qu’on pouvait récupérer dans les cuisines.

Il était maintenant temps de revenir au château. Il reviendrait demain avec du renfort… En espérant que le temps serait sec.

Un bruit derrière lui fit sursauter. Et dire qu’il avait été prudent ! D’un saut vif, il s’était retourné et tendit ses sens dans la direction approximative de la source du bruit suspect.

Une touffe d’herbe se mit à remuer…

Cela faisait presque trois heures que Ratatouille était descendu du grand monument rouge qui bougeait, à savoir le train comme l’appelaient communément les humains. Le voyage avait été mouvementé : Ratatouille avait failli se faire écraser une bonne centaine de fois par des paires de chaussures dont il n’avait même pas eu le temps d’entrevoir le propriétaire. Quelques heures après le début su voyage, il avait entendu un bruit reconnaissable entre mille : le chariot à friandises. Il avait immédiatement sauté sur ses pattes et s’était précipité vers l’endroit d’où provenait la petite clochette. C’était avec un bâton noir au goût sucré serré dans sa patte qu’il était reparti en courant, poursuivi par un ou deux humain. Heureusement, ce dernier s’était arrêté juste à ce moment là et Ratatouille n’avait pas perdu de temps pour sauter de la grosse machine rouge et noire. A présent, les moustaches du petit rat étaient toutes frisées de terreur et il n’aspirait qu’à une chose : se reposer. Cependant, cet espoir allait être difficile à réaliser étant donné la quantité de bêtes sauvages rôdant aux alentours ; en effet, en cette saison, les pluies étaient fréquentes et la nourriture était moins abondante que d’ordinaire, ce qui poussait les prédateurs à s’aventurer autour de la forêt à l’endroit même où se trouvait Ratatouille en cet instant.

Mais à peine le petit rat avait il avancé de quelques centimètres (ce qui équivaut à au moins vingt pas de rat) qu’il entendit à nouveau un bruit, plus discret cette fois. Il ne perdit pas un instant et sauta dans une touffe d’herbe, à peine assez grande pour le masquer tout entier. Pourtant, la créature de l’autre côté ne se trompa pas à sa cachette et Ratatouille se sentit observé, et même fixé intensément par des yeux inconnus.
Le petit rat risqua un œil en dehors de sa cachette et aperçut à son grand soulagement que la créature –comme il l’avait surnommé dans sa tête- n’était autre qu’un des siens : un rat gris. Ce dernier avait, semble t-il entendu et même aperçu la touffe d’herbe bouger et semblait aux aguets.
Ratatouille, qui savait combien il était désagréable d’avoir peur où même de sentir une présence inconnue, n’hésita qu’un instant avant de finalement se décider à sortir de sa cachette et de se trouver né à né avec un de ses congénères rats.

De la touffe d’herbe émergeaient deux oreilles roses. Il ne s’agissait donc pas d’un serpent, première hypothèse qui avait germé dans le cerveau de Skiìrt. Une tête était attachée aux oreilles. Celle-ci se risqua hors de la touffe d’herbe et des yeux curieux l’observèrent un instant avant que la bouche du rat – car il s’agissait bien d’un rat – n’esquissèrent un sourire encadré par des moustaches frisottées.

Jamais Skiìrt n’avait vu un rat aussi curieux que celui-là. Tout d’abord il était gris, comme une souris. Il faisait probablement partie d’un clan habitant la forêt. C’est vrai que, pour hardi qu’il soit, il se s’était jamais aventuré profondément dans la forêt interdite (comme l’appelait les habitants de Poudlard) et qu’elle devait recéler des tas d’espèces bizarres autant qu’étranges.

Mais ce qui étonnait le plus le petit rat brun, c’était cet étrange sourire qu’il n’avait jamais vu sur un faciès de rongeur. Pouvait-il le traduire par une attitude amicale ou bien les dents découvertes étaient une menace d’agression ?

Devait-il redouter qu’un clan de rat gris ne soit sur le point d’envahir son château ? hmmmm… on ne pouvait pas en écarter l’hypothèse… Il devait interroger ce curieux spécimen pour en savoir plus. Si une guerre d’invasion devait se déclencher, toute information serait précieuse.

« Qui es tu ? » lança-t-il.

Cette question soudaine ne provoqua pas chez son interlocuteur de réflexe de fuite. Skiìrt en déduit qu’il n’était probablement pas en face d’un éclaireur suivi par une troupe nombreuse (un éclaireur surpris aurait tout de suite cherché du renfort). Tant mieux car le rat gris se trouvait entre lui et le château et il n’aurait pas aimé tomber sur une bande de rats vindicatifs.

Mais… d’un autre côté, il pouvait aussi se sentir assez sûr de lui et de sa force pour ne pas fuir à la première rencontre. Prudence donc….

Le rat étrange pencha sa tête de côté pendant que ses moustaches reprenaient un aspect plus normal. Encore une bizarrerie !

[hj : désolé d'avoir mis si longtemps à répondre pour un post aussi court ><]

Une fois avoir repris totalement ses esprits, Ratatouille s’aperçut qu’en réalité, le rat lui faisant face n’était pas gris comme lui, mais brun. Celui-ci venait d’ailleurs tout juste de lui demander son identité. Ratatouille avait beau être méfiant avec n’importe qui, même les rats, il n’était pas en sécurité et en totale position de vulnérabilité depuis plus de trois heures, tout seul à proximité d’une forêt inconnue et dont il savait malgré tout qu’elle était peuplée de créatures toutes plus dangereuses les unes que les autres. Il n’avait donc en l’occurrence d’autre choix que celui qui se présentait à lui, à savoir le rat brun ! Ratatouille l’observa malgré tout longuement avant de lui lancer :

« Je m’appelle Ratatouille »

Il ne dit rien de plus que la réponse à la question que lui avait posé le rat face à lui, il avait appris à ne pas en dire trop, par méfiance envers toutes les créatures peuplant le monde.
Le rat brun avait une mine de quelqu’un à qui on pouvait faire confiance, mais uniquement si on le connaissait, ce qui n’était pas le cas de Ratatouille, bien au contraire ! De plus, il avait la mine d’un espion travaillant pour le compte du Roi des Rats ; ce dernier dirigeait la plupart des rats, lesquels avaient renié Ratatouille il n’y avait pas si longtemps, sous prétexte que sa famille s’était enfuie grâce à son aide, ce qui était bien entendu totalement faux ! En effet, si Ratatouille avait voulu aider sa famille à s’enfuir, il se serait évidemment enfui avec elle, ce qui n’était malheureusement pas le cas !
Sur ces pensées, le petit rat fixa à nouveau son regard perçant sur le rat brun et attendit une réplique de sa part.

L’étrange étranger sembla hésiter avant de répondre.

Cherchait-il un faux nom à lui donner ? Peut-être… Skiìrt était d’un naturel méfiant et ses aventures avaient poussé cette tendance à un point extrême. Néanmoins, la mine apeurée de son interlocuteur semblait indiquer que celui-ci était loin de la compagnie rassurante des siens.

Pour avoir connu la même chose, il sentit un courant de sympathie l’envahir pour museler sa défiance.

Se rapprochant subrepticement pour se mettre sous le vent, il huma l’odeur de son congénère. La peur… la faim… l’inquiétude… Il dégageait une odeur de détresse.

La grande question était de savoir s’il était seul. Un rat isolé devait être secouru par solidarité raciale. Bien sûr, s’il avait avec lui une troupe venue pour piller les réserves de nourriture, c’était la guerre assurée. Il devait donc s’assurer qu’il était bien seul.

« Je suis Skiìrt » Pas besoin de faire des phrases. Pour s’être aventuré seul dans ce coin dangereux, ce rat était peut être un peu idiot. Il fallait donc s’exprimer simplement pour être sûr qu’il n’y ait pas de quiproquos.

« Où est ton clan ? » Dans le même temps, Skiìrt avait réussi à contourner le nouveau venu qui avait pivoté pour continuer à lui faire face. Seulement, maintenant, il ne barrait plus le chemin du château.

Une seconde… Il était venu par ce chemin ? Une éventuelle troupe pouvait bien le suivre… Un sursaut de méfiance lui fit adopter une pose un peu curieuse, un œil sur son interlocuteur, l’autre regardant de côté en direction du chemin du château.

Son manège avait l’air de surprendre le rat gris. Si c’était le cas, tant mieux ! S’il ne devinait pas ses intentions, il gardait un léger avantage.

Hmmm… Il n’avait toujours pas répondu à la question. Hésitait-il à répondre ou bien observait-il sa stratégie ? De sa réponse pouvait découler beaucoup de choses. Il insista.

« Alors ? ton clan ? »

[hj: erf...j'ai mis longtemps dzll]

Le rat faisant face à Ratatouille semblait toujours aussi méfiant bien que le rat gris vienne de lui donner son nom. Pourtant, il se présenta lui aussi :il se nommait Skiìrt.
Il semblait considérer Ratatouille comme un simple d’esprit, où alors était-ce simplement sa méfiance qui l’empêchait d’en dire plus, ou peut-être même un mélange des deux ! Quoi qu’il en soit, il reprit quelques instants après : Où est ton clan ?

Là encore, Ratatouille mit un temps avant de répondre, non pas parce qu’il était un peu idiot, comme devait le penser le dénommé Skiìrt, mais parce qu’il ne savait pas comment expliquer sans déballer toute sa vie qu’il n’avait plus de clan ! Enfin, il répondit en choisissant soigneusement ses mots :
« Mon clan…n’est pas avec moi, je suis seul. Je ne te veux pas de mal. »

C’était plutôt simple comme réponse, mais au moins, tout était dedans. Finalement, en voyant que la conversation n’avançait pas plus que les deux rats sur le chemin se présentant devant eux, Ratatouille se risqua à demander :
« On peut trouver de la nourriture par ici ? »

Cependant, il se rendit immédiatement compte qu’il n’aurait pas du poser cette question ; en effet, Skiìrt allait sans doute penser que Ratatouille était accompagné par d’autres rats et que cette question était destinée à connaître le lieu où se trouvait la nourriture qu’ils devaient voler ! Mais c’était trop tard, la question était posée et Ratatouille s’efforça de prendre les yeux les plus brillants de vérité possible…

« Mon clan… n’est pas avec moi, je suis seul. Je ne te veux pas de mal »

Cette réponse un peu hésitante suivi par un léger plissement de la bouche (encore un sourire ? où avait-il appris à faire ça ? ) indiquait que le visiteur était un peu décontenancé par l’attitude de Skiìrt.

Avec son pelage humide d’avoir traversé les herbes, il semblait un peu… gauche. Maladroit. Mais finalement sympathique ! Ses oreilles roses était d’un comique tel qu’on ne pouvait pas imaginer ce personnage comme quelqu’un de sournois.

Skiìrt décida que, pour l’instant, il pouvait faire confiance à ce jeune ( ? oui, il semblait jeune) étranger.

« On peut trouver de la nourriture par ici ? »

La mine fatiguée qui accompagnait cette question donnait un autre indice à l’esprit d’observation de Skiìrt : ce rat venait de loin et il n’est pas facile de trouver des sources de nourriture quand on se déplace. Il le savait parfaitement pour l’avoir vécu.

« Ne restons pas là » répondit-il « Le coin est dangereux ! Dès que la lumière baisse, certains dangers mortels rôdent à la lisière de cette forêt. Suis-moi, je vais te montrer où trouver de quoi manger »

Le rat gris avait l’air d’hésiter mais le mot ‘manger’ fit son effet et il commença à suivre Skiìrt.

« Ici tu es dans un endroit dangereux. En premier lieu, tu dois d’abord garder tous tes sens en éveil et toujours savoir dans quel trou sauter si jamais tu entends un bruit.

Je vais t’emmener dans un endroit où il existe des dangers bien plus terribles : ce sont les humains ! Tu es sûrement assez vieux pour en avoir connu et tu penses probablement que leur voisinage nous est bénéfique car ils nous jettent toujours un tas de bonne nourriture qu’ils appellent ‘ordures’.

Je te rassure, ici, ça se passe aussi un peu de cette façon mais ces humains sont spéciaux. On les appelle des ‘sorciers’. Ca veut dire qu’il peuvent faire des choses étonnantes et incompréhensibles. Comme transformer un animal en chou-fleur… tu vois le genre ? Ils utilisent pour cela une arme terrible qui se présente sous la forme d’une baguette.

Ce lieu est un lieu d’entraînement pour leurs jeunes. Il faut faire très attention à ne pas te faire voir car ils sont nombreux à nous prendre pour cibles d’exercice.

Les adultes sont aussi dangereux. Ils ne s’exercent plus mais font des « expériences » après nous avoir attrapés. Pour nous, ça ne fait pas de différence : finir sous forme caillou après avoir bu une potion ou bien collé au plafond en trois morceaux après un tir de baguette, ça te fait passer le goût du fromage.

Il y a aussi les chats et autres animaux familiers qui accompagnent les jeunes. Ils sont presque tous carnivores ! Les chouettes ! j’oubliais les chouettes ! C’est très dangereux : ça vole sans aucun bruit. En fait, le premier bruit que tu entends, c’est leurs serres qui se plantent dans ton cou ! Pour éviter ça, tu dois faire confiance à tes moustaches et bien surveiller les mouvements de l’air.

Il y a aussi les pièges du concierge, les fantômes qui s’ennuient, les escaliers qui bougent, etc, etc.

On va pénétrer dans le château par une gouttière… Tu sais grimper aux tuyaux j’espère ?

Je vais te montrer les cuisines. Déjà tu pourras te nourrir et, à priori, on ne devrait rencontrer que des elfes. C’est des êtres petits et bizarres. Enfin petits par rapport aux humains mais assez grands tout de même. Ils ne sont généralement pas agressifs…. Enfin tu verras ! Reste près de moi et il ne devrait rien t’arriver. Je te présenterai à mon clan après. Enfin, si tout va bien… »

Il n’avait jamais parlé autant d’une seule traite. C’est comme si ses heures passées en solitaire avaient accumulé en lui un besoin de parler. Il n’avait quand même pas oublié de continuer à observer son compagnon qui semblait attentif à ses paroles. Espionnage ? Non, il ne pouvait plus y croire. C’était un jeune rat affamé qui écoutait ses conseils. Peut-être arriverait-il à survivre, finalement.

Finalement son bavardage leur avait permit d’arriver au pied du château qui projetait maintenant son ombre sur eux.

Le soir tombait et se préparait à laisser sa place à la nuit tandis que deux silhouettes minuscules paraissaient être deux petits points dans l’ombre d’un immense château. Ratatouille était mi-effrayé, mi-curieux face à la masse imposante qui leur faisait face, à Skiìrt et lui. D’après la longue explication de ce dernier, ce château était peuplé de créatures pour le moins étranges nommée ‘sorciers’, des humains aux pouvoirs magiques… c’était effrayant comme description. Cependant, lorsque le rat brun mentionna les elfes, Ratatouille eut un sursaut de surprise : il connaissait bien les elfes, et c’était sans doute les seules créatures avec lesquelles il n’avait jamais l’impression d’être un repas !
Au loin, aux alentours du château, Ratatouille put apercevoir quelques silhouettes humaines, ce devaient être les sorciers dont parlait Skiìrt un instant plus tôt.
Le rat brun paraissait étrange à Ratatouille, mais c’était sans doute parce qu’il savait un grand nombre de choses que Ratatouille ignorait ! Quoi qu’il en soit, Ratatouille lui faisait confiance, même si cette confiance paraissait aveugle.
Skiìrt lui annonça alors qu’il allait l’emmener aux cuisines. Ratatouille eut une réaction immédiate au mot « manger » et sa confiance envers Skiìrt augmenta encore lorsque ce dernier lui dit qu’il allait lui donner à manger. Enfin, il le mit en garde contre les bêtes sauvages, et il commencèrent à escalader la gouttière menant à l’intérieur du château, le passage humain étant trop risqué. Enfin une chose que Ratatouille savait faire convenablement en dehors de manger : grimper aux tuyaux !

En quelques secondes, les deux rats étaient arrivés jusqu’à l’étroite corniche du premier étage.

Evidemment, il existait bien d’autre chemins pour pénétrer dans le château mais, à cette heure de la journée, ils étaient soit trop fréquentés (et donc dangereux), soit trop faciles à utiliser (Skiìrt ne voulait pas montrer un passage qui pourrait servir plus tard à une troupe d’envahisseurs).

Il avait donc choisi cette voie pour préserver la difficulté d’accès à d’autres étrangers. Plus tard, la confiance grandissant, il montrerait d’autres possibilités à son (peut-être) futur ami.

Le rat gris était un athlète. Non seulement l’escalade ne lui avait pas posé de problèmes mais il n’était même pas essoufflé. Bien ca ! Il avait des aptitudes pour la survie…

La fissure du mur était étroite mais les deux rongeurs s’y faufilèrent sans problème. Une petite course derrière la boiserie et ils débouchèrent dans la galerie qui descendait aux cuisines.

Skiìrt s’arrêta.

« Si on croise d’autres rats, tu me laisseras parler. Ici, les étrangers ne sont pas forcément les bienvenus. Si tu es avec moi, cela ne devrait pas poser de problème mais, tout seul face à une troupe, tu risques de te faire agresser. Nous ne sommes pas des sauvages mais nous défendons notre bien, tu comprends ? »

Ratatouille eut l’air d’acquiescer. Ils poursuivirent donc leur descente et débouchèrent près d’une cheminée où un feu ronronnait. Skiìrt passa la tête hors du trou.

« La voie est libre ! » annonça-t-il presque aussitôt.

Les deux compères s’avancèrent dans la pièce.
[HJ : La suite dans les cuisines]