Plongé dans ses emplettes, Severus était d’une humeur fracassante. Il détestait ce besoin incessant de se ravitailler, de dépendre de boutiques et surtout, il détester dépenser le peu d’argent que son métier de professeur lui permettait de gagner. Il était à présent devant un stand douteux, sur lequel étaient étalées des potions dont les mérites vantés faisaient sourire Rogue. L’une permettait, soi-disant, de décupler ses forces, alors qu’une autre permettait d’augmenter la vision. Et bien entendu, chaque potion coûtait plus de neuf cent gallions. Severus s’approcha du vendeur, et se planta devant lui, sans même faire attention à la longue file d’attente qui s’était formée bien avant son arrivée. Le vendeur lui lança un regard interrogateur, avant de lui lancer, d’une voix méprisante et hautaine :
« Vous faites la queue, comme tout le monde. Sinon, j’appelle ces deux types, que vous voyez là-bas. Ils se chargeront de votre cas… »
Severus ne put s’empêcher de sourire. C’était dommage, l’hostilité de cet escroc le rendait encore plus détestable, et donc, il allait prendre plus de plaisir à le ratatiner comme une vieille chaussette. En un rien de temps, il avait sorti sa baguette, et avait attrapé l’une des potions qui se trouvait sur l’établi. Il lâcha la potion, qui se fracassa sur le sol. Le liquide jaunâtre qu’elle contenait s’étala, comme de l’eau.
« Lamentable… Vous voyez, si cette potion, comme vous le dites si bien, avait la propriété de rendre invisible, elle ne s’étalerait pas ainsi, comme le fait un simple verre d’eau. Elle resterait compacte, à cause de l’Asphodèle en poudre, qui se trouve dans toutes les potions diminuant l’opacité, pour croître son efficacité. Cette potion n’est que le méprisant reflet de votre escroquerie. Vous n’êtes qu’un minable qui n’a rien d’autre à faire dans la vie que d’escroquer des naïfs qui pensent qu’une potion a tous les pouvoirs. Allez donc semer l’anarchie ailleurs, espèce de petit escroc lamentable et ignoble ! »
Et, sans un mot de plus, il laissa sur place l’escroc, pour se diriger vers la boutique d’Apothicaire. Il avait lancé tout cela sur des mimiques de dégoût, et son regard était devenu aussi noir que la cape qu’il portait. Il entra dans la boutique, et referma la porte. Discrètement, il passa devant les autres clients, et entra dans la file de droite. Deux files d’attente s’étaient formées, et deux vendeurs s’occupaient de répondre à leurs attentes. Les bras croisés, Rogue avançait au rythme de la file qui diminuait. Il avait besoin d’un peu d’Armoise. C’était l’unique ingrédient qui lui manquait, et il en avait absolument besoin pour ses futures potions. Mais son regard venait de se poser sur une silhouette qui lui était assez familière, dans l’autre file. Lily-Roze Silverstone, ou plutôt, Lily-Roze Quint comme il fallait l’appeler maintenant (Severus, il faut le rappeler, avait assisté à la fête de son mariage), avait décidément beaucoup grandi… Et Severus ne put s’empêcher d’apercevoir un relief assez important sur le bas-ventre, symptôme de la plus belle des maladies. Durant sa scolarité à Poudlard, il fallait reconnaître que Lily-Roze avait été une bonne élève. Une Serdaigle, tout de même, mais bonne élève, que Severus n’avait jamais vraiment réprimandé comme les autres non-Serpentard. Peut-être parce qu’il avait perçu en elle des qualités qu’il appréciait… Il ne savait pas. Pour le moment, celle-ci venait de le remarquer, et, la distance qui les séparait leur permettait aisément d’entamer une conversation confortablement. Celle-ci venait d’ailleurs de terminer sa commande, et bientôt, ce serait au tour de Severus…
« Miss Silverstone… Ah, pardon, les vieilles habitudes… Je veux dire, Mrs Quint… Quel plaisir de vous voir ! Vous semblez… épanouie, et on dirait qu’un heureux évènement ne va pas tarder à se produire ! »
Severus ne souriait pas, mais une certaine sympathie luisait dans son regard. Une sympathie tout de même modérée… C’était à son tour de passer commande. Il changea rapidement de regard, déposa une pièce sur le comptoir, réclama son flacon d’Armoise, et reprit sa conversation, en attendant la réponse de Lily-Roze, pour reprendre son éclat sympathique, et, pour une fois, sincère. Severus Rogue, ou l’art de changer de comportement en un tour de main…