Sociopathe en cuisines -LIBRE-

Sally Volakis, blottie au fond de son lit, avait les yeux grands ouverts. Le dortoir des Serdaigle était plongé dans l’obscurité et le seul son audible était les légers ronflements des élèves endormis, parfois troublés par le froissement d’une couette ou le grincement d’un lit. La fillette blonde serrait un vieux livre dans ses mains, un livre traitant des défenses contre les forces du mal. Elle arrivait à déchiffrer la petite écriture qui parsemait les pages du livre en s’éclairant avec sa baguette magique, ignorant totalement la gêne qu’elle pouvait provoquer chez ses camarades assoupies. Elle ne ressentait pas la moindre fatigue, pas le moindre picotement derrière ses yeux indiquant qu’il valait mieux dormir. Et elle s’ennuyait à mourir.

Foutue insomnie…

Elle connaissait déjà tout ce que racontait le livre. Il y était stipulé qu’il n’y était écrit que les rudiments de la matière, et elle était déçue que l’auteur du livre n’ait même pas cherché à aller plus loin. Déjà qu’apprendre que cet idiot de Mangemort avait éradiqué cette matière de Poudlard l’avait profondément dépitée, si en plus elle ne pouvait pas approfondir ses connaissances personnelles… Les dents serrées, elle jeta le livre au pied de son lit et rejeta les draps qui s’entortillaient autour de ses jambes, avant de chercher du regard l’heure inscrite en lettres fluorescentes sur son réveil à piles moldu. Minuit et demi. Rapide calcul mental. Les cours débutaient à huit heures. Encore plus de sept heures à tuer. Elle se laissa retomber sur son oreiller. Depuis la rentrée, désobéir au règlement de Poudlard pouvait se montrer être de la folie pure. Jusque là, elle l’avait toujours scrupuleusement suivi, non pas par loyauté envers Rogue, qui, de toute façon, l’indifférait, mais plutôt pour éviter de se faire virer de Poudlard. Elle comptait bien connaître le château par cœur avant de devoir faire ses valises. Mais maintenant, continuer d’être sage et obéissante commençait à sérieusement lui taper sur les nerfs.

Tant pis pour les risques.

Elle ne se posa pas plus se questions. L’insouciance que lui conférait son jeune âge pouvait parfois avoir du bon. Elle posa ses pieds nus par terre, frissonna et enfila un sweet-shirt trop grand par-dessus son pyjama. Même avec ce vêtement informe, elle affichait la carrure d’une crevette. Tant mieux. Elle ne voulait pas attirer l’attention. Discrètement, elle sortit du dortoir et traversa la salle commune bleue et bronze à pas de velours. Lorsqu’elle fut dans le couloir désert, elle décida de se rendre… Bah en fait, elle ne savait pas trop. Peut-être à la bibliothèque. Non. Ça, elle pouvait le faire la journée et à la vue de tous. Puis son ventre émit un gargouillement disgracieux. La faute au repas de la veille qu’elle avait volontairement laissé de côté –la viande était trop cuite, elle avait eu l’impression d’essayer d’ingérer une semelle de chaussure.

Ses pieds la menèrent mécaniquement aux sous-sols, là où se trouvaient les cuisines. Qu’elle n’ait rencontré personne sur le chemin relevait juste de la chance. A un moment, elle s’était trouvée sur le chemin de Miss Teigne, mais le chat grisâtre avait reporté son attention sur un rat qui s’était faufilé entre ses pattes et n’avait pas remarqué la fillette qui osait désobéir au sacro-saint règlement. Sally savait comment entrer dans les cuisines après avoir écouté un immense garçon de Gryffondor le murmurer à une Poufsouffle d’un air empli de fierté. Il n’avait pas faire attention à elle, vu que le sommet de son crâne n’atteignait même pas son coude. Dès qu’elle entra dans la cuisine, une myriade d’elfes s’attroupa autour d’elle. Leur laideur aurait pu repousser beaucoup de monde, mais Sally ne leur jeta qu’un regard froid. Leur apparence physique lui importait peu, tant qu’ils avaient des gâteaux à la crème à lui filer. Beaucoup de gâteaux à la crème.

« Miss, que voulez-vous ?
Miss, dépêchez-vous, les elfes n’ont pas le droit de parler aux élèves…
Miss, prenez ceci et partez vite !
Miss…
Miss… »

Leurs voix aiguës commençaient à l’agacer, mais ils avaient quelque chose de touchant, et ils paraissaient sincèrement inquiets pour elle.

« C’est bon, murmura-t-elle sèchement. Je veux juste quelque chose de bon à manger. »

Mais elle n’eut pas le temps d’attraper la tarte que lui tendait généreusement une des créatures ; déjà, elle avait entendu des pas se rapprocher d’elle. Elle se mordit la lèvre, vérifia d’un coup d’œil si sa baguette était toujours dans sa poche et fit vivement volte-face, prête à affronter la personne qui risquait de la réprimander très vertement…