Pensées (Elena / Libre)

Cette journée-là, Ann avait décidé d’aller rendre visite à ses cousins et cousines, plus particulièrement à Elena. Voilà maintenant très longtemps qu’elle ne lui avait pas parlé (depuis les vacances de Noël, pour être plus précise), et elle désirait prendre des nouvelles de la fillette, qui vivait sans doute trop souvent dans la solitude. Bien qu’Elena fut entourée de deux demis-frères et de deux demies-sœurs, il était évident que cette dernière restait plus souvent seule qu’avec ces derniers. Normal qu’Ann était portée à croire cela, puisqu’à chaque fois qu’elle allait chez sa cousine (ou sa presque cousine), cette dernière étaient enfermée dans sa chambre, et ne venait pratiquement pas parler aux autres, sauf lorsqu’elle s’y voyait obligée.
* Remarque que si j’avais eu une sœur comme Kelly-Jane … * ne put s’empêcher de penser Ann.
Oui, si elle avait eu une sœur comme Kelly-Jane, Ann aussi aurait sans doute bien préféré rester tranquillement enfermée dans sa chambre. La différence avec Elena était que celle-ci possédait autant, sinon plus, si cela s’avérait possible, de caractère que Kelly-Jane Iverson. Imaginez un peu les conflits que cela donnait …

Lorsqu’elle arriva chez Elena, Ann n’eut pas besoin d’appuyer sur la sonnette que Kelly-Jane ouvrait déjà la porte.
« Salut Kelly-Jane, dit Ann. Est-ce qu’Elena est là ? »
La question parut décevoir sa cousine, décevoir celle-ci que quelqu’un puisse préférer parler à sa sœur qu’à elle-même. Cette dernière se contenta de quitter la pièce, visiblement héritée.

La Serpentard entra donc dans la maison, et chercha Elena, avant de la trouver assise au salon, ce qui l’étonna d’ailleurs fort.
« Elena ! s’exclama Ann. Ça va ? »

Elena était assise sur le divan de son salon depuis déjà un moment. Aujourd’hui, fait étonnant, Kelly-Jane semblait avoir renoncé à lui pourrir la vie. Peut-être cette dernière s’était-elle trouvée une occupation beaucoup plus passionnante …

Bien que ce ne fut guère le genre de choses qu’Elena aimait démontrer, il lui arrivait souvent de se poser de multiples questions, tant sur des sujets existentielles que sur des sujets pour le moins banals. Cette fois, c’était son avenir qui la rongeait. Encore. S’il y avait un sujet sur lequel la jeune fille se posait des questions, c’était bien celui-là ! Qu’est-ce que je FERAI plus tard ? Qu’est-ce que je DEVIENDRAI plus tard ? Parfois, la fillette se disait que toutes cela, toutes ces études et ce tralala, ne servait en bout de ligne absolument à rien. Mais bon … Il était normal de se poser des questions, après tout, non ? Chaque fois, la fillette en concluait donc qu’au moins, elle savait ce qu’elle voudrait absolument faire dans un avenir plus ou moins rapproché : elle voudrait retrouver celui ou celle qui avait assassiné sa mère. Et surtout, elle voudrait venger sa mère de ce meurtrier …

Mais elle n’eut pas le temps de se poser toutes ces questions plus longtemps qu’une voix familière la tira de ses pensées : celle de sa cousine Ann. Ann, sans doute la seule Serpentard au monde à se soucier autant de tout le monde, même des Gryffondor et des Poufsouffle …
« Salut Ann, lui répondit Elena. Ne reste pas là, viens t’asseoir. »

Cette fois, Ann s’était bien rendue compte qu’elle avait tiré Elena de ses pensées. Mais comme cette dernière ne manifesta pas le moindre irritement (comme Kelly-Jane …), elle se dit qu’elle ne la dérangeait certainement pas.
« Ça fait longtemps qu’on ne s’est pas parlé, ajouta-t-elle, en s’asseyant à côté de sa cousine. Comment vas-tu ? Ça va à Taliesin ? J’imagine que c’est très différent de Poudlard … »
En effet, cela devait être assez différent sans toute cette rivalité entre Maisons. Peut-être, au fond, était-ce mieux comme ça. Une école ou personne ne s’appuyait que sur de simples couleurs et sur de simples symboles pour te juger … C’était sans aucun doute différent de Poudlard.
« À Poudlard, les Maisons séparent beaucoup de gens, compléta la Serpentard. La plupart des Gryffondor n’aiment pas les Serpentard et vice-versa. C’est assez agaçant à la fin … »
Mais Elena ignorait sans doute tout de cela. Tant qu’on n’avait pas été étudiant à Poudlard, on ne pouvait qu’ignorer ce que cela faisait lorsque quelqu’un vous jugeait simplement en fonction de la Maison à laquelle vous apparteniez … En effet, il était arrivé, et à plusieurs reprises, à Ann de se faire juger par des Gryffondor, des Poufsouffle et des Serdaigle (qui ne la connaissaient même et qui n’avaient même pas prit, ne serait-ce, que la peine de lui parler), simplement parce qu’elle était une Serpentard. Certes, beaucoup de Serpentard pouvait être particulièrement mesquins avec les confrères des autres Maisons, mais ce n’était pourtant pas le cas de la jeune adolescente. Elle, elle respectait tous et chacun, peu importe ses différences et/ou son appartenance à un groupe spécifique. Et cela lui valait parfois le mépris de ses propres camarades de Serpentard …

Elena écoutait sa cousine parler. Bien qu’elle comprenait de quoi elle parlait, elle ignorait ce que ce pouvait être que de vivre une situation pareille. Elle avait entendu dire, de ses parents surtout, qu’il existait bel et bien une rivalité entre les Maisons de Poudlard, surtout pour ce qui était des Gryffondor et des Serpentard. Bien qu’elle eusse choisi une autre voie que celle de toute sa famille, Elena Middleton connaissait très bien l’histoire de Poudlard ainsi que celle de toutes ses Maisons (et de ses fondateurs). Son frère ainsi que ses demis-frères la lui avait racontée à de multiples reprises, tellement qu’elle la connaissait maintenant par cœur. La fillette imaginait qu’il devait tout de même être désagréable de se faire juger en fonction de sa Maison. Déjà, plusieurs jugeaient Elena Maxim par sa façon de s’habiller, généralement peu colorée. Toujours vêtue de noir avec généralement du maquillage noir, elle n’inspirait habituellement pas de sympathie aux gens de son entourage. Décidément, elle ne connaissait peut-être pas la situation exactement d’Ann, mais elle connaissait elle aussi quelque chose de similaire.
« Moi, ça va, se contenta-t-elle de répondre. Et à Taliesin ? Eh bien, disons que j’ai eu quelques problèmes avec le directeur, comme tu le sais déjà. Enfin … Je dirais simplement qu’il ne me porte pas dans son cœur … Tout comme moi d’ailleurs. Depuis que je me suis battue avec Maria, il me surveille de près, j’ai l’impression. Il a peut-être peur que je tue quelqu’un. Haha. Quelle idée. »
Elle prit une pause avant d’ajouter :
« En effet, j’imagine également que Taliesin est très différente de Poudlard. Ce n’est pas la même école, après tout. Ce serait moche si tout était pareil. Ça n’aurait rien donné du tout de créer une nouvelle école, non ? Tu sais, nous n’avons peut-être pas de Maisons, mais cela ne veut pas dire que nous ne savons pas ce que c’est qu’être discriminé. De la discrimination, il y en a partout. Même chez les Moldus. Tu sais, beaucoup d’élèves de Taliesin ne m’apprécient pas particulièrement à cause de ma façon de m’habiller. Il sont une sorte de préjugé à mon égard. Je suis un peu sinistre, c’est vrai, mais ils ne prennent même pas la peine de me parler, et se fient simplement à mon apparence. Je parie que c’est aussi agaçant, sinon plus, que de se faire juger pour la Maison à laquelle on appartient. Ce genre de situation est vraiment moche, et le sera toujours, peu importe le contexte. »
Il n’y avait rien de prétentieux dans ce que la jeune fille venait de raconter. Elle tenait simplement à ce que sa cousine sache qu’elle n’avait pas besoin d’être élève à Poudlard pour savoir ce que c’était que de se sentir rejetée. Depuis l’année dernière, Elena Middleton était pratiquement toujours restée seule à Taliesin. Pas d’amis, pas de gens à qui parler. Même pour une fille de nature plutôt solitaire, cela commençait à être un poids lourd à porter. Mais qui sait, peut-être cette année cela allait-il changer. Ou du moins, Elena l’espérait de tout son cœur.

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Ann frissonna. Parfois, la façon de parler d’Elena lui faisait froid dans le dos. Il était vrai que cette dernière était de nature plutôt sinistre, personne ne pouvait le nier. Mais là n’était pas tellement le problème. Le problème réel, c’était que lorsqu’elle parlait, Ann avait l’impression que de tuer quelqu’un ne la dérangerait pas du tout. Elle ignorait s’il s’agissait d’un fait ou de son imagination mais il faisait tout de même un peu peur de penser que la fillette pourrait un jour être responsable d’un acte criminel terrible et impensable. Tuer était quelque chose de terrible pour quiconque, mais encore plus, on le croyait, lorsque cela venait d’une fillette âgée de douze ans. Peut-être n’était-ce que le fruit de l’imagination débordante de la Serpentard, du moins, c’était ce qu’elle espérait. À vrai dire, lorsque l’on regardait Elena Middleton, il n’était pas tellement difficile de deviner toute la haine et la colère qui l’envahissaient. Depuis son tout jeune âge, Elena faisait preuve d’un comportement plutôt étrange pour une jeune fille de son âge, surtout depuis la mort de sa mère. Cette dernière semblait réellement déterminée à trouver l’assassin d’Erin Middleton, sa mère, et cela, depuis le jour ou elle l’avait retrouvée sans vie en compagnie de son père. Plutôt inquiétant. Habituellement, n’importe quel enfant normal ne penserait pas à se venger de la sorte, surtout un enfant de cinq ans … La réaction d’Elena face à cet événement tragique avait d’ailleurs été la raison de pourquoi le père de cette dernière, Mark, la surveillait de très près, plus particulièrement que ses autres frères et sœurs. (Et ce n’était pas parce qu’elle était pratiquement seule comme enfant, loin de là … Avec deux demies-sœurs et deux demis-frères, son père n’avait pas qu’elle à surveiller …) Ce dernier semblait avoir peur qu’elle commette un acte qu’elle pourrait regretter toute sa vie. Selon Ann, tout cela devait malheureusement être justifié.
« Maria ? fit Ann. Tu n’as pas l’air de l’aimer beaucoup … »
Bravo, la constatation ! Comme si ce n’était pas évident … Pour cette réponse-là, la Serpentard se maudit. Aurait-elle pu répondre quelque chose de plus idiot encore ? Sûrement pas … Elle s’empressa d’ajouter :
« Je veux dire … Qu’est-ce qu’elle a bien pu faire pour que tu la hais à ce point-là? »
Un peu moins niaiseux comme réponse, cette fois. Il faut croire que malgré tout, il lui arrivait parfois de savoir rattraper ses erreurs.
Lorsqu’Elena lui parla des Maisons, de la discrimination et de tout ce qui s’en suivait, Ann réalisa qu’en fin de compte, elle s’était peut-être trompée sur le compte de Taliesin. Peut-être, au fond, n’était-ce pas si différent de Poudlard. Ils n’avaient certes pas les quatre Maisons là-bas, mais il était certain que la discrimination pouvait tout de même persister … Les gens devaient trouver autre chose, comme son interlocutrice venait tout juste de lui mentionner …
« Je suis désolée d’apprendre qu’il se passe un peu la même chose à Taliesin qu’à Poudlard, dit-elle. Je crois qu’au moins, là-bas, vous aviez cela en plus. »
Cette fois, la jeune fille réalisa qu’elle venait de faire une gaffe, sans même le vouloir. Avait-elle dénigré Taliesin sans faire exprès? La réaction de son interlocutrice ne tarderait sans doute pas à le lui faire savoir … Dans quelques heures déjà, la jeune sorcière allait monter à bord du Poudlard Express. Il serait bien dommage de rester en mauvais termes avec Elena juste avant de partir.

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