Han la bourde ! [PV]

Elle ne rétorqua rien lorsqu’il lui dit que c’était Jan qui était bête de laisser de côté son fils. En un sens, elle aussi il lui arrivait de penser ainsi mais pour avoir été élevée dans une famille monoparentale, elle savait quels écueils elle risquait de rencontrer, l’impuissance que pouvait ressentir un parent. Elle l’avait souvent lu sur les traits de son père même si elle ne fuirait jamais comme lui en utilisant son argent pour faciliter les choses et se donner bonne conscience.

Après le baiser, elle ressentit vraiment le besoin de descendre et de retrouver un semblant de normalité dans cette matinée devant un café et un croissant de sa propre pâtisserie. Pourtant, une partie d’elle aurait aimé rester là, avec un homme pour la protéger mais bon, elle ne pouvait pas rester indéfiniment faible. Elle était peut-être une femme dans l’enceinte de cette chambre mais une fois sortie, elle redeviendrait la patronne et peut-être que le plus tôt serait le mieux, quoi qu’elle décide.

« Merci. » dit-elle d’un ton décidé lorsqu’il lui dit qu’il ne prendrait pas toute l’eau chaude. Elle se dirigea ensuite dans la direction opposée et alla retrouver son tout petit qui étant en train de faire des bulles dans son jus d’orange. « Chéri, arrête de faire ça, on ne joue pas avec la nourriture. » Stephen arrêta immédiatement et observa sa mère pendant qu’elle se servait un café. Il la croyait encore malade. Percevant le stress de son fils, Cordélia se retourna et lui fit un sourire. « Et bien, qu’est-ce que tu as Stephen ? Tu as perdu ta langue ? Allez, ouvre la bouche, montre moi si tu as toujours ta langue ! Ah mais oui, elle est là, je la vois, attends, est-ce qu’elle fait toujours la même longueur ! » et elle appuya doucement sur les joues de son fils en riant tandis que celui-ci, entrant dans le jeu de sa mère ouvrait grand la bouche et lui faisait des grimaces.

« Allez, fini de manger. Maman est hyper en retard ! » Stephen hocha la tête pour faire signe qu’il comprenait, avala une nouvelle gorgée de jus de fruit et demanda à sa mère. « C’est à cause de papa si tu as pleuré ? » A ces mots, Cordélia lâcha sa tartine ce qui eut pour effet de faire gicler un peu de café dans son bol. Cela n’aurait pas dû l’étonner, ce n’était pas la première fois que Stephen lui posait ce genre de question quand elle avait l’air triste. « En quelque sorte, mais tu ne dois pas t’inquiéter mon cœur, l’histoire avec papa n’a rien à voir avec toi, tu le sais bien n’est-ce pas ? » « Oui, mais je ne veux pas que tu sois triste. Moi je n’ai pas besoin de papa. » Puis il fit un cœur sur la tartine encore sauve de Cordélia avec le bout de sa cuillière et la poussa vers Cordélia qui lui sourit, les larmes aux yeux. « Je ne suis pas triste Stephen, au contraire, avec toi je suis comblée. » Et elle le serra contre elle avant de lui intimer l’ordre de finir son petit déjeuner (c’était jamais que la deuxième fois XD).

Peu de temps après, alors que Cordélia finissait son café tout en essuyant maladroitement les traces de café sur son peignoir, Nolhan fit son grand retour. Quelque part, elle était rassurée. Stephen n’aimait plus son père qui n’était qu’un souvenir flou pour lui, il ne pouvait pas s’offusquer de la présence d’un homme ici. Enfin là, Cordélia oublie que Stephen est presque à l’âge du complexe d’oedipe mais bon, on y reviendra peut-être une autre fois !

Cordélia ne put s’empêcher de rougir ce qui la laissa elle-même assez perplexe. Stephen la regardait fixement comme toujours, elle lui prit du coup son verre et le lui re-remplit. Il avait besoin d’énergie ce petit, il était trop statique !

« Ok, je vais y aller alors. Nany est parti faire quelques courses. Je te laisse avec Stephen ok. » Elle se dirigea vers la porte et frôla Nolhan au passage ce qui la fit frémir mais, heureusement, ça Stephen ne pouvait pas le voir ! « Soyez sage les garçons ! » Sur quoi, elle alla se faire couler un bain et se plongea dedans avec délectation. Elle prit aussi le temps de réfléchir aux évènements de la matinée plus calmement. Il allait falloir qu’elle apprenne à faire la part des choses entre ce qui s’était passé – et ce qui se passerait peut-être encore, elle ne savait plus trop ce qu’elle voulait – et le boulot. Nolhan devait sûrement moins se prendre la tête qu’elle tient ! Elle avait furieusement envie de parler à Julia de tout ça mais c’était impossible parce qu’elle savait que sa meilleure amie lui dirait qu’il fallait qu’elle choisisse et pour le moment, elle n’en était pas capable. Elle ne savait même pas ce qu’elle voulait !

Pendant que Cordélia pensait à tout ça, Stephen continuait à fixer en silence ce qui se passait autour de lui, cette fois Nolhan donc. Il resta silencieux un bon moment, peu causant par nature, mais fini par lâcher « Maman a pleuré à cause de papa ? » Oui, il n’en démordait pas. Mais à presque 4 ans, on a souvent des idées fixes, les siennes étaient seulement un peu plus sérieuses que la moyenne.

Pendant que Cordélia était dans la salle de bain à se faire belle – de manière totalement inconsciente, elle n’avait personne à séduire bien sûr, non, non ! -, son fils Stephen observait de ses yeux verts teintés de gris et de bleu Nolhan, une couleur moins pure que celle de Cordélia, une couleur entre ses deux parents. Il jaugeait l’adulte avec neutralité, un peu comme s’il avait l’intention de faire le tri entre le vrai et le faux.

« Cauchemar ? » dit-il d’un air un peu perplexe. Visiblement, il n’y croyait pas vraiment. Pour lui, c’était sûr, sa mère était triste à cause de son père, cet homme horrible qui les avait abandonné tous les deux. « Quand je serais plus grand, j’épouserais ma maman à la place de papa. » Puisque son père n’avait jamais demandé Cordélia en mariage, lui il le ferait na ! Il serait meilleur que Jan Jensen, et même qu’il ne voulait plus s’appeler Jensen !

Il allait continuer – il pouvait devenir très bavard lorsqu’il était haineux – mais il n’en eut pas le temps, il entendit en haut des pas, ceux de sa mère, en train de sortir de la salle de bain. Il leva les yeux et haussa les épaules. Tant pis, il n’en saurait pas plus maintenant sur ce qui se tramait au sujet de sa maman. Une chose était sûr, Nolhan était un idiot s’il pensait qu’il allait gober son histoire de fatigue et de cauchemar. Il connaissait sa mère, elle était hyperactive alors elle n’était jamais fatiguée, et si elle avait fait un cauchemar, elle serait venu voir l’homme de sa vie pour la rassurer : LUI.

« C’est bon les garçons ? Stephen, tu as été sage ? » Le petit garçon se renfrogna dans son bol vide et Cordélia lui caressa les cheveux d’un air soucieux. Elle posa ensuite son regard émeraude sur son assistant. « Tu as fini de petit déjeuner ? Tu peux y aller en tout cas si tu veux. On se revoit au travail. » Maintenant, voilà, c’était fini. Enfin, oui, enfin, c’était peut-être le mot. Même si elle s’était maquillée et qu’elle était toute mignonne dans sa jupette et son col roulé noir, elle ne faisait pas ça pour son assistant, elle était toujours mignonne non ? Non ? Bon, peut-être pas quand elle était couverte de farine et de sucre, mais là tout de suite, tout ce qu’elle voulait c’est que tout redevienne normal entre Nolhan et elle. Notez, elle pensait ça sous l’œil inquisiteur de son fils, elle pensait différemment il y a trois minutes seule dans sa chambre pendant qu’elle refaisait le lit.

« Moi en tout cas j’y vais, Julia est seule avec Shawn et Sloan pour faire tourner la boutique, elle va nous tuer. » Elle embrassa ensuite son fils sur le front et se dirigea vers la sortie en faisait signe à Nolhan de la suivre. Nanny était pile à l’heure, tant mieux.

« Et maintenant, on se casse ! » souffla-t-elle à Nolhan au moment de sortir de la maison. Le plus dur était encore à faire : savoir ce qu’elle voulait pour la suite. Et encore, elle ne connaissait pas les grandes ambitions oedipienne de son fils !