Le temps de l'oublie [PV]

Chiya revenait de longues vacances de trois mois dans son pays natal. Elle avait fait une grosse dépression suite à sa rupture avec Noah. Enfin, peut-on parler de rupture quand le garçon s’enfuit sans laisser de trace du jour au lendemain ? Néanmoins, Babel, représentant américain en Angleterre, ne supportait pas la remplaçante de Chiya qui était donc revenue en Angleterre. Elle avait retrouvé la colocation et donc Pénélope et la fille qu’elle avait eut avec Noah. Elle l’avait mal vécu mais Chiya était une as pour cacher ce qu’elle ressentait. En plus, ce n’était pas la faute de Pénélope si Noah était un lâche.

« Chiya ! » La belle américaine se retourna pour voir sa meilleure amie Victoria Montgomery qui lui tendait un dossier. « Babel en est à six hiboux express là, faut absolument que tu ailles au département des transports magiques avant qu’il ne provoque un accident diplomatique. » Chiya se leva du fauteuil où elle s’était installée et lissa sa jupe de tailleur, attrapant le dossier et le parcourant des yeux. « Ok… j’y vais. » Victoria regarda son amie partir et la rattrapa au dernier moment « Tu devrais t’occuper du petit stagiaire, il a l’air de beaucoup s’ennuyer… » Chiya soupira et partit sans répondre. Victoria pensait que le sexe arrangeait tout, faisait tout oublier… et il y a quelques mois de ça, Chiya pensait comme elle. Mais plus maintenant, parce qu’elle avait eut le cœur brisé par ce qui n’avait été au début qu’une histoire d’un soir. Après, bien sûr, il y en avait d’autres avec qui elle gardait de bons contacts comme Jason (petit ami actuel de Penny, ahah, qu’est-ce qu’on se marre !) et Samuel, mais si ça se passait bien c’est parce qu’ils n’avaient jamais eu aucune importance.

Arrivant au département des transports magiques, elle entra sans frapper. Elle avait marre de bosser dans la diplomatie, il allait falloir qu’elle se trouve autre chose un de ces quatre… « Bonjour. » Il n’y avait qu’un tout jeune homme, le stagiaire sûrement. Mignon, effectivement, mais dans les dix commandements de Vickie et Chiya, il y avait une règle qui disait qu’on ne couchait pas avec ses collègues. Quoi que tout bien pesé, elle ne travaillait pas pour le ministère anglais alors il n’était pas son collègue, non ?

« Je viens de la part du ministère magique américain, je dois faire viser ce dossier par votre responsable. » Lentement, elle s’approcha du stagiaire, un sourire en coin sur ses lèvres rosies par un peu de gloss. Elle poussa sur le bureau le dossier vers le jeune homme, se penchant juste assez pour être tentante sans être vulgaire… car contrairement à Victoria, Chiya détestait la vulgarité. Bref, peu importait, elle n’était pas venu pour ça de toute façon.

Elle, non, mais à votre avis… pourquoi est-ce que Vickie l’y a fait aller ?

Il aimait son travail, mais n'en n'était pas accro pour autant, pourtant, ces derniers temps, il était un adepte des heures supplémentaires. La raison ? Un ennui profond. Il s'ennuyait à en mourir. Il n'avait que très peu de relation en dehors du travail, et la plupart de son temps libre, il le prenait au bar à charmer de jolies demoiselles qui lui faisait les yeux doux. Relations qui se terminaient bien assez vite. Kenny avait toujours été quelqu'un d'assez volatil, il n'était jamais parvenu à se fixer. La seule relation durable qu'il avait eu, c'était avec Joyce, une charmante Poufsouffle qui travaillait depuis quelques temps pour le ministère. Dans quel étage ? Il ne s'en souvenait pas parce qu'ils ne se fréquentaient plus depuis un moment. Relation amoureuse qui s'était une fois de plus mal fini, à croire qu'il était maudit. Ou plutôt, c'est lui qui se maudissait tout seul. Kenny se lassait trop vite de ces belles jeunes filles, il fallait qu'un trait de caractère de celle-ci ne lui convienne plus pour qu'il lâche l'affaire sans demander son reste.

Comment remédier à ça ? Il n'y avait pas de remède. Il devait s'y faire, et il avait beau être charmant et coureur du jupon, par moment, il se demandait s'il ne devrait pas essayer de se caser avec une fille stable. Doux rêve qui s'envole au loin, c'était impossible quand on avait un caractère comme le sien. Droit sur sa chaise, il triait des papiers tout en répondant au téléphone. Le courrier de ce matin avait été conséquent, il avait beaucoup de travail, et ne s'en était jamais plein. Par moment, le responsable venait le voir pour constater que tout aller pour le mieux. Mais il venait de moins en moins souvent, était-ce une marque de confiance ? Après tout, il avait obtenu de nombreux Optimal dans ses matières favorites, notamment en Sortilèges et Enchantements, et en Métamorphose. Ses notes avaient été plutôt bonnes, et le responsable comptait peut être le garder. Parce qu'il était efficace.

Bizarre quand on savait la réputation de tire au flanc qu'il avait à l'école. Mais depuis la mort de sa soeur Nana, il n'avait plus trop goût à s'amuser autant qu'avant. Il ne l'avait jamais apprécié, parce qu'elle était un poids dans sa famille, ou plutôt pour lui. Et il n'avait même pas été fichu de voler à son secours. Il avait été un frère absent. Lamentable ? Sûrement, en toute évidence. Mais comment aurait-il pu savoir qu'elle allait se retrouver sur le terrain de la bataille ? Les remords étaient loin, mais pas tant que ça. Son regard se plongea dans les papiers lorsqu'une voix le sortit de ses pensées.

Kenny leva les yeux pour planter le regard dans celle qui aurait pu être une simple cliente. Mais si elle cherchait à voir le responsable pour un document venant du ministère américain, c'est qu'elle était bien plus qu'une cliente. Elle s'était lentement penchée vers lui, d'une manière provocatrice. Comment ne pas laisser son regard glisser dans ce décolleté fort généreux ? Un petit sourire étira les lèvres du jeune homme alors qu'il empoignait le combiné pour composer le numéro du patron :

« Désolé de vous déranger Monsieur, mais vous avez reçu un dossier du ministère américain, pouviez-vous venir à l'accueil ? Oui, maintenant, merci. »

Après ces mots, il raccrocha avant de porter un court instant son attention sur le dossier en question. Puis, son regard se tourna de nouveau vers la belle brune.

« Il arrivera dans quelques instants. Puis-je connaître votre identité ? »

Manière très détourner pour apprendre son prénom...

Le temps que le stagiaire prenne contact avec son patron, Chiya s’éventa sans y penser avec le dossier quelques secondes faisant voler ses mèches brunes autour de son visage avant qu’elles ne retombent gracieusement, toujours à leur place. Chiya avait beau avoir le cœur en miette, elle n’avait pas perdu des années d’habitude. Se faire belle était une seconde nature chez elle, elle était bien incapable de s’empêcher de mettre la potion anti-frisotti sur ses cheveux ou de ne plus faire ses exercices d’aréobics. La santé avait toujours été un point important de sa vie car elle s’était fixée comme objectif de ne jamais causer de nouveaux soucis à ses parents comme lors de sa tentative d’enlèvement qui s’était soldé par la mort de sa meilleure amie. Chiya restait donc une belle femme. Elle n’avait rien d’extraordinaire, elle n’aurait jamais pu être mannequin par exemple, mais si on prenait le temps de la regarder, on voyait qu’elle était jolie, jolie parce qu’elle prenait soin de sa féminité et de ses atouts. Avant, elle adorait en jouer, maintenant, elle ne savait plus. Elle repensa à ce que Vickie lui avait dit à propos du petit stagiaire et elle sourit pour elle-même. C’était tentant de s’amuser mais de là à dire que c’était sans risque, Chiya avait des doutes. Surtout qu’elle était là pour son travail ! Bref, elle ne savait pas encore ce qu’elle voulait faire mais plusieurs années d’habitude parlait pour elle tandis qu’elle se penchait un peu plus, comme soudainement lasse, la lourde chevelure glissant presque entièrement sur l’une de ses épaules, dévoilant une partie de sa nuque. Elle observait le petit stagiaire qui ne s’était pas encore présenter mais qui lui demandait de décliner son identité.

« Chiya Lorne, je suis l’assistante du ministre de la coopération magique américaine affectée à Londres. » Enfin ça, il s’en était sûrement douté vu le service qu’elle était venue demander mais passons. De toute façon, dans le jeu de la séduction – car malgré tout ce qu’elle pouvait en penser pour se donner bonne conscience, il s’agissait de ça – enfoncer les portes ouvertes était le plus souvent une idée ingénieuse, elle permettait d’éviter les silences, de rendre les gestes naturels et pour une fille de se faire passer pour plus bête qu’elle n’est. Même si là, Chiya n’en était pas encore là. Tout dépendait en fait – du moins quand elle pratiquait régulièrement – du type de garçon. Certains aimaient les jolies idiotes tandis que d’autres préféraient les intellos sexy, il fallait donc attendre un peu pour voir et choisir le personnage qu’elle interpréterait dans le jeu.

D’une voix douce bien qu’au ton neutre, elle finit par demander après quelques secondes de silence « Et votre identité, quelle est-elle ? » parce que le nommer indéfiniment le petit stagiaire ça allait bien hein !