[Terminé] Sous l'ombre de Mme Pince (PV)

Comme de coutume, Eva-Rose se trouvait à la bibliothèque, déjà pleine de cinquièmes et septièmes années en ce début de la deuxième semaine de cours à Poudlard. Les professeurs n’avaient cessé depuis la rentrée de rappeler à leurs élèves l’échéance qui arrivait au mois de juin, bien plus importante que tous les examens qu’ils avaient pu passer jusqu’à présent. Du coup, aussi, nombreux étaient les jeunes sorciers en état de grand stress, même si tôt avant le grand examen. Cela impliquait des cris de colère ou des crises de larmes qui ne manquaient pas d’énerver Mme Pince, toujours aussi aimable avec les élèves qu’elle appréciait visiblement beaucoup.

Heureusement pour elle, Eva-Rose, présentement en train de travailler la Défense Contre les Forces du Mal – matière où elle se sentait la plus faible du fait de l’irrégularité des cours, même si ça s’améliorait depuis quelque temps – n’était pas sujette au stress : la demoiselle avait confiance en ses capacités et se savait l’une des meilleures élèves de son année. Ce n’était pas qu’elle avait un égo particulièrement grand, mais les notes et résultats aux examens parlaient pour elle. La rouquine était d’ailleurs fière de ce qu’elle faisait, en partie grâce à un gros travail et d’autre part du fait de quelques capacités naturelles. En somme, elle se considérait comme l’opposé d’une de ses amies, Laura, hélas partie loin de Poudlard, qui, elle ne travaillait pas beaucoup en plus de n’être pas bien douée pour la magie.

Eva-Rose repoussa une mèche rousse qui lui passait devant les yeux et approcha sa plume du manuel qu’elle était occupée à lire – pas trop près cependant pour ne pas faire peur à l’hystérique bibliothécaire qui aurait beau jeu de venir l’expulser – et plissa les yeux afin de tenter de comprendre ce que racontait l’auteur sur la meilleure manière de créer un parfait patronus. Autant dire que pour la demoiselle, les explications étaient loin d’être claires. Elle s’était déjà essayée à ce sortilège dit très compliqué l’année précédente, sans que cela ne soit concluant. Cette année, cependant, la jeune Watters avait l’ambition de réussir, au moins en pleine lumière, à défaut de rencontrer un vrai Détraqueur, ce qu’elle ne souhaitait pas le moins du monde. Il était déjà assez dangereux de se croiser dans les couloirs de Poudlard pleins de Serpentard pour ne pas en rajouter à l’extérieur du château. La Poufsouffle savait plus ou moins que les anciens gardiens d’Azkaban avaient été chassés après la défaite de Celui Dont On Ne Devait Toujours Pas Prononcer Le Nom.

Eva-Rose soupira et inscrivit quelques mots sur la fiche qu’elle préparait sur le Patronus, soit la formule, les conditions d’utilisation et tout ce qu’il fallait faire pour le réussir, notamment penser à évènement heureux, ce qui n’était jamais des plus facile, même si sa réconciliation avec sa demi-sœur, Halloween Strue, était sans doute un bon candidat dans l’esprit de la jeune Poufsouffle.

En relevant la tête, Eva-Rose vit à l’entrée de la bibliothèque une fille de quatrième année, également à Poufsouffle, Sophie Kirte, en train de chercher une place dans la salle pleine. Avec un léger sourire sur les lèves, la rouquine lui fit un signe de la main pour l’inviter à s’asseoir à sa table, tout en faisait un peu de place : désirant rester tranquille pour travailler, la demoiselle avait monopolisé tout l’espace disponible avec ses livres et rouleaux de parchemin.

Sophie avait bien commencé la journée. Elle avait passé toute la matinée dans une classe libre où elle s’était essayée à de nouvelles potions pour parfaire son art de guérisseuse. La jeune Poufsouffle savait que son apprentissage était presque aussi important que les cours qu’elle avait à Poudlard. Si elle comptait suivre les traces de sa mère, son apprentissage serait alors beaucoup plus important que ses cours à Poudlard, quoique certains aient des points communs avec son apprentissage, comme les cours de Potions, de Botanique ou de Soins aux Créatures Magiques, par exemple. Mais là, ça n’avait plus rien à voir. Elle allait cet après-midi là à la bibliothèque pour faire son devoir d’Arithmancie, une matière que la jeune fille adorait. Elle était tellement contente qu’elle marchait d’un pas guilleret en riant et en pensant à toutes les bonnes notes qu’elle allait pouvoir ramener dans cette matière qui faisait partie de ses préférées. Sophie était vraiment impatiente que le professeur Vector voie son prochain devoir.

C’est toute guillerette que Sophie entra dans la bibliothèque en espérant pouvoir trouver une table et commencer rapidement son devoir. Mais à-peine fut-elle entrée qu’elle constata que ça n’allait pas être de tout repos de trouver un endroit où s’installer. La bibliothèque était bondée. Sophie se demanda ce qui attirait tellement d’élèves à la bibliothèque en ce début d’année, mais elle haussa les épaules. Au fond, ce n’était pas tellement intéressant de savoir pourquoi. Il allait falloir trouver une solution. Mais la solution vint, en fait, toute seule. Eva-Rose Watters, une jeune Poufsouffle avec qui Sophie avait parlé pour la première fois deux ans auparavant, était installée à une table qu’elle avait entièrement envahie et semblait inviter sa jeune camarade à se joindre à elle. Ravie, Sophie s’avança vers Eva-Rose en lui adressant le plus charmant de tous ses sourires. Après tout, la jeune fille était extrêmement gentille avec elle. C’était très sympathique de l’inviter à sa table pour pouvoir travailler ensemble.

« Bonjour, Eva-Rose, ça va ? Tu travailles sur quoi ? »

Sophie l’avait vue et s’approchait donc de la table, un grand sourire sur les lèvres et sans doute soulagée d’avoir trouvé une place. Pendant ce temps, Eva-Rose continuait à pousser toutes ses affaires afin de laisser au moins la moitié de la table à sa camarade, car elle savait combien il est difficile de travailler sérieusement dans de mauvaises conditions, déjà que ça n’était pas facile dans de bonnes… Finalement, la demoiselle se vit obligée de poser quelques livres et rouleaux de parchemin par terre, à côté de sa chaise, ce qu’elle fit avec toute la prudence dont elle était capable, sûre que Mme Pince risquait de ne pas apprécier ce qu’elle pourrait considérer comme un défi à son encontre. Mais pour l’instant, la harpie de la bibliothèque semblait occupée autre part. Enfin, Sophie put s’asseoir.

- Salut Sophie, répondit-elle avec un autre sourire. Oui, ça va…

La Poufsouffle lui demanda sur quoi elle travaillait. Ah ! Vaste question ! En fait non, ça se résumait assez facilement, mais après…allez-y pour expliquer à un élève plus jeune quelque chose que vous n’avez pas encore compris. Généralement, quand Eva-Rose apprenait un sortilège, elle en étudiait aussi le fonctionnement et l’histoire. Son rêve était de pouvoir, un jour, en créer également. Ce travail l’aidait beaucoup pour lancer ses sorts avec la meilleure efficacité possible, en en apprenant les ressorts elle remarquait les subtilités des gestes et des formules, les cas dans lesquels il valait mieux utiliser tel ou tel maléfice. C’était toujours difficile, toujours éprouvant, mais apportait souvent de grandes satisfactions à la demoiselle, qui décida de faire une réponse toute simple à son amie.

- DCFM, dit-elle, utilisant ainsi l’abréviation généralement utilisée entre les élèves pour désigner la Défense Contre les Forces du Mal, les Patronus plus exactement. Et toi ?

L’avantage d’être de l’année en dessous de Sophie (et d’être par ailleurs une excellente élève), résidait dans le fait qu’Eva-Rose pouvait sans trop de problème aider son amie dans ses devoirs si jamais elle en avait besoin. D’un autre côté, la rouquine savait que sa camarade était également assez douée, puisqu’elle réussissait à allier ses travaux de collégiennes, son apprentissage de Guérisseuse dont Eva-Rose savait juste qu’il découlait d’une longue tradition familiale et même le Quidditch, puisque la demoiselle apparaissait parfois sur un balais sous les couleurs jaunes et noires de Poufsouffle, pour le plus grand plaisir des Blaireaux, à qui elle pouvait apporté un avantage apprécié.

A présent qu’elle n’était plus seule, Eva-Rose devait cependant faire attention à ne pas se laisser distraire, ce qui est toujours facile quand on travaille, même pour une fille aussi sérieuse que la Poufsouffle. Elle reporta donc son regard sur le manuel de Défense Contre les Forces du Mal, tout en gardant une oreille attentive pour Sophie : il ne s’agissait pas que sa camarade croie qu’elle ne l’écoutait pas, puisque ce n’était pas vrai. Seulement, la rouquine était à la bibliothèque pour travailler et non pour discuter. D’ailleurs, Mme Pince, encore elle, se chargeait assez souvent de faire respecter cette règle de bon sens : la bibliothèque n’était pas la salle commune.

Eva-Rose faisait un travail de Défense Contre les Forces du Mal. Elle comptait s'entraîner à produire des Patronus. Mais ça n'allait pas être facile apparemment. Eva Rose avait des difficultés. Ce n'était pas Sophie qui allait pouvoir lui donner un coup de main. C'était bien la seule matière dans laquelle elle ne pourrait jamais avoir d'avance, sauf peut-être l'Histoire de la Magie. Son père aurait bien aimé qu'elle sache faire un Patronus, mais ce n'était pas le cas et ce ne le serait jamais. Ou bien ça le serait un jour, mais dans de très nombreuses années. En tout cas, si jamais elle prenait cette matière aux ASPICS, ce ne serait que parce que son père l'aurait exigé. Si elle pouvait choisir, elle ne prendrait que quatre matières : Potions, Botanique, Soins aux Créatures Magiques et Arithmancie. Enfin, elle verrait bien mais il était probable que ce serait là son choix. Elle se sentirait beaucoup mieux avec des options qu'elle réussissait. Eva-Rose se demandait ce que Sophie était venue travailler.

"Je suis venue pour faire le devoir d'Arithmancie."

- Arithmancie…

Eva-Rose n’ajouta rien tout de suite : elle avait baissé la tête le temps de prendre une anecdote en note. Cela racontait combien il était facile de louper un Patronus sur un petit problème de concentration et dans le cas où la demoiselle se retrouvait en face d’un Détraqueur, elle préférait mettre toutes les chances de son côté. De ce qu’elle avait lu, la rouquine savait qu’il valait mieux ne pas se tromper dans ces cas là : les monstres en question, parce que la Poufsouffle était bien persuadée qu’ils étaient à mettre dans cette catégorie, ne faisaient pas de cadeau à leurs victimes. La jeune Watters n’avait jamais croisé de sorcier ayant subis un baiser du Détraqueur, mais elle en avait lu suffisamment de descriptions pour ne pas avoir envie de subir le même sort. Bon, retour à l’arithmancie. La rouquine fixa son regard dans celui de Sophie :

- Tu trouves ça comment, l’arithmancie ? C’est une matière difficile, hein. Heureusement que le professeur Vector explique bien. Enfin, si t’as besoin d’aide, te gêne pas hein, mais il me semble que tu te débrouilles bien.

Eva-Rose sourit à Sophie, puis se tût. Elle ne rougit pas, bien qu’elle n’avait pas l’habitude de parler autant. Elle était aujourd’hui beaucoup plus à l’aise, notamment avec les filles, et heureusement d’ailleurs, avec l’âge qu’elle avait. Les BUSEs qui approchaient comprenaient une épreuve pratique où il valait mieux pouvoir parler sans trop de gêne aux examinateurs qui étaient, à ce qu’elle avait pu entendre, de vieux et expérimentés sorciers qui n’étaient pas forcément là pour mettre les étudiants à l’aise. Autant dire que la rouquine avait encore beaucoup de travail de ce côté-là avant d’être définitivement prête à passer cet examen si important pour elle. Bien heureusement, elle avait encore beaucoup de temps, même si elle dans ces cas on pense toujours n’en avoir jamais assez.

- C’est quoi ton devoir, au fait…

Eva-Rose s’interrompit brusquement et replongea le nez dans son livre : Mme Pince passait par là, son regard inquisiteur balayant les rangées de tables occupées par les élèves. Pas d’imprudence : la rouquine avait apprit à se méfier de la vieille bibliothécaire acariâtre, et si elle avait jusqu’à présent réussit à éviter de se faire remarquer et punir par la chauve souris, elle n’avait pu échapper à quelques remarques acides. Il ne faut pas non plus trop en demander à la discrète Poufsouffle qui ne parvenait cependant pas toujours à se faire autant oublier qu’elle le désirait. D’ailleurs, elle trouvait qu’elle parlait beaucoup, aujourd’hui, et se demandait ce qu’il lui arrivait, alors qu’elle n’était pas dans le lieu le mieux adapté pour cela. Puis la demoiselle se secoua la tête, remis une mèche en place, peut être la même que précédemment, et écrivit encore quelques lignes. Elle avait la triste impression qu’elle n’arriverait jamais au bout du livre, ou du moins du chapitre sur les Patronus avant la nuit. Or, il fallait vraiment qu’elle le finisse ce jour-ci.

- J’en ai marre murmura-t-elle.

Eva-Rose toruvait que l’arithmancie était une matière difficile mais ce n’était pas le point de vue de Sophie. Pour elle, l’Arithmancie était une matière merveilleuse depuis qu’elle avait commencé à la pratiquer. Elle était persuadée d’être l’une des meilleures élèves du Professeur Vector, rivalisant presque avec la légendaire Hermione Granger, si formidable dans cette matière et que le Professeur Vector adorait. Sophie aimait beaucoup faire ses devoirs d’Arithmancie car elle récoltait tout un tas de bonnes notes et, par conséquent, de points pour sa Maison. Et Sophie adorait rapporter des points à Poufsouffle. Le fait de le faire la rendait fière et heureuse et elle était certaine que les autres appréciaient beaucoup qu’elle se montre aussi obstinée à rapporter des points. Les Poufsouffle étaient assidus et faisaient de leur mieux et ils rapportaient régulièrement la victoire à leur Maison. Bien-sûr, ce n’était jamais rien d’exceptionnel, mais c’était tout de même un début et cela ravissait Sophie.

« C’est un peu philosophique, comme le dernier cours l’était. »

Commenta la jeune fille. Eva-Rose, elle, semblait trouver difficile de produire un Patronus et de l’étudier. Ce n’était pas Sophie qui la contredirait. La jeune sorcière était une calamité en Défense Contre les Forces du Mal. Enfin, il fallait bien avoir une faiblesse quelque part et pour Sophie, c’était dans cette matière là et aussi en Histoire de la Magie. Sophie s’y faisait, décidant que ce n’était pas si grave que ça, quoiqu’en pensait son père qui essayait à toute occasion d’entraîner Sophie au combat. Eva-Rose avait apparemment trouvé un livre sur le sujet et s’efforçait de l’étudier, mais Sophie avait l’impression qu’elle n’y parvenait pas, ou en tout cas pas de manière efficace. Elle se sentit soudain l’envie d’aider sa camarade , même si ses compétences en la matière étaient limitées. Sophie était d’un naturel particulièrement bon et elle adorait aider son entourage, surtout quand il s’agissait de personnes de sa propre Maison. Eva-Rose pouvait être assurée que Sophie ferait de son mieux.

« Je peux te venir en aide ? »

Eva-Rose acquiesça à la réponse de Sophie à sa question, mais n’ajouta rien, se replongeant plutôt dans son propre travail qui était déjà bien assez difficile pour qu’elle évite d’en plus se laisser distraire, y compris par une fille qu’elle appréciait et en qui elle se reconnaissait un peu, avec un an de moins. Et la timidité, aussi. La blonde de quatrième année apparaissait beaucoup plus décontractée et naturelle à son aînée qui avait toujours autant de mal à prendre la parole, mais cela, je l’ai déjà dit plusieurs fois il me semble, alors évitons ce sujet sur lequel je me suis déjà trop étendue, et revenons-en à la bibliothèque de Poudlard, royaume de Mme Pince, qui présentement trônait fièrement sur son bureau où elle était sans doute occupée à vérifier les retours de livre ou que personne ne faisait de bêtise dans la pièce qui était sous sa surveillance. Eva-Rose, qui l’avait fixée un instant, totalement perdue dans ses pensées, se secoua et baissa les yeux : elle avait du travail, ce n’était pas le moment d’être virée de sa table pour une bêtise.

Puis Sophie proposa son aide à Eva-Rose, qui eut un petit sourire, mais là encore, ne répondit rien tout de suite. La demoiselle cherchait ses mots, consciente qu’une phrase construite de travers risquait de vexer sa camarade, que la rouquine savait pas assez qualifiée pour lui permettre de réaliser un Patronus. Ou en tout cas d’en maîtriser la théorie : la pratique elle-même n’était pas au programme des BUSEs, même si la jeune Watters espérait pouvoir en réussir un d’ici la fin de l’année. Enfin, pour le moment c’était plutôt mal parti. Mais tout à coup, l’illumination lui vint : en fait, si, sa cadette pouvait peut être lui apporter un peu d’aide, même si ça ne concernait pas vraiment la magie. Dans un geste qui lui était devenu caractéristique, la cinquième année posa son coude sur la table et son menton dans sa paume pour regarder Sophie.

- Je suppose que tu sais plus ou moins comment on bat un Détraqueur, ils en ont pas mal parlé il y a trois ans. Mais bref. C’est quoi, toi, l’évènement le plus heureux de ta vie ?

Eva-Rose avait parlé à toute vitesse, sans réfléchir. L’école, la magie, le travail : cela lui faisait oublier sa timidité maladive et souvent elle s’emportait bien plus loin qu’elle ne le souhaitait. Rares étaient cependant ceux et celles qui arrivaient à faire éclater cet intérêt en un flot de parole. Frédérique LeeRoy, une fille de Serpentard avec qui elle n’avait pourtant aucune affinité, y était parvenu, sans doute par hasard, comme Sophie ce jour-là, d’ailleurs. Eva-Rose s’était cependant arrêtée net en prenant vraiment conscience de ce qu’elle venait de dire. Comme d’habitude, le rouge lui monta au visage tandis qu’elle murmurait en tentant de se rattraper :

- Désolée…c’était peut être trop personnel. C’est que…j’ai un peu de mal à vraiment me décider, même si je me doute…que ça doit venir comme ça, sur le moment.

Phrase hachée, hésitation. Quittant sa posture, Eva-Rose se passa les mains dans sa crinière rousse, ne sachant plus ou se mettre.

[528 mots]

Eva-Rose semblait réellement déstabilisée par le devoir qu’elle avait à faire sur les Détraqueurs et c’était cette déstabilisation qui donnait encore plus envie à Sophie de l’aider au mieux de ses possibilités même si la Défense Contre les Forces du Mal ne faisait pas partie de ses matières de prédilection et encore moins avec une année d’avance, car Eva-Rose était en Cinquième année, l’année des BUSES. Pour autant, Sophie ne se laissait pas démonter. Elle ne pourrait probablement rien faire puisque le niveau dépassait et de loin ses compétences, mais elle ne voulait pas renoncer si facilement. Cela ressemblait bien aux perdants de renoncer sans essayer d’aller plus loin. Ce n’était pas le plus important. Le plus important était de faire tout son possible pour aider ses amis, et dans ce domaine, Sophie pouvait se vanter d’être la meilleure. Elle n’avait jamais laissé tomber personne et elle n’avait certainement pas l’intention de commencer aujourd’hui. Elle aiderait Eva-Rose à faire son devoir et lui donnerait tout ce qu’elle pouvait pour que ça fonctionne.

Eva était curieuse de savoir quel était le plus grand et le plus beau des souvenirs de la fillette. Sophie se mit à y réfléchir pendant qu’Eva-Rosa avait l’air singulièrement préoccupée par ce qu’elle venait de lui dire. Sophie ne comprenait pas pourquoi mais il n’était pas temps de chercher à comprendre. Elle se préoccupa donc de rechercher le plus beau, le plus heureux de tous ses souvenirs. Celui qu’elle voudrait utiliser face à un Détraqueur. Sophie avait des quantités de souvenirs heureux mais l’un d’eux surpassait tous les autres, il fallait bien le reconnaître. Elle sourit à Eva-Rose qui, elle, avait perdu son sourire pour s’excuser auprès de sa camarade en lui disant qu’elle n’aurait peut-être pas dû lui poser une question aussi personnelle. Sophie ne comprenait pas pourquoi Eva réagissait comme ça et elle décida de la rassurer sur ce point. Elle n’était pas du tout contrariée qu’Eva lui ai demandé ça. En fait, ça lui faisait même plutôt plaisir, en réalité. Au moins, elle pouvait l’aider, même si c’était d’une façon un peu inhabituelle.

« Non, ça ne me dérange pas de répondre. Je crois que… oui… mon plus beau souvenir c’est quand je suis allée à Sainte-Mangouste voir ma petite sœur qui venait de naître… Maman me l’a mise dans les bras… et je lui ai promis que je veillerai sur elle. Oui, c’est ça le plus joli… »

Sophie sourit gentiment à sa camarade qui avait pourtant l’air d’être plutôt mal à l’aise avec elle. Mais il ne fallait pas être mal à l’aise avec Sophie. Elle pouvait parfaitement comprendre la curiosité d’Eva-Rose. Par ailleurs, comme Eva ne semblait pas savoir quel souvenir choisir, les suggestions de Sophie pourraient peut-être lui venir en aide. Sophie était persuadée que tout se passerait bien pour Eva, si elle faisait correctement ce qu’elle avait à faire et qu’elle réfléchissait, elle trouverait tout ce dont elle avait besoin pour son mémoire. C’était obligatoire. On ne pouvait pas faire autrement quand on faisait les choses correctement. Tout se passait bien à ce moment là. C’était obligé.

[518]

Le silence gêné qu’Eva-Rose avait cru venir voir s’installer après sa réplique maladroite fit long feu : Sophie était bien vite repartie dans une longue diatribe qui rassura un peu la rouquine, toujours effrayée d’avoir été trop curieuse, elle qui d’habitude n’aurait jamais posé ce genre de question. Elle aurait déjà eu bien du mal à y répondre. D’abord, parce qu’elle n’aurait pas su quoi dire, mais en plus elle aurait rougit, bafouillé, et terminé dans un charabia incompréhensible pour quiconque n’avait pas trop l’habitude de l’entendre parler, ce qui comprend 99,99% des élèves de Poudlard. Et encore, je compte large. Il n’y avait guère que Sophie, Rory Monroe et…et c’était déjà pas mal. Comme la rouquine ne parlait pas dans son sommeil, ses camarades de dortoir avaient le plaisir de pouvoir dormir sans entendre les sons mélodieux que pouvait faire la demoiselle quand elle consentait à ouvrir la bouche pour en laisser s’échapper quelques paroles.

Après avoir rassurée la cinquième année, Sophie répondit donc à la question qu’avait posée la première. De nouveau, Eva-Rose prit une pose plus agréable pour pouvoir écouter attentivement sa camarade. Elle ne voulait pas en perdre une miette, histoire d’enfin comprendre quel type d’évènement était vraiment celui qu’elle devait choisir afin de pouvoir créer un Patronus. Dans tous les livres qu’elle avait pu dévorer sur le sujet, la rouquine n’avait toujours vu écrit que « évènement heureux » ou « moment où vous vous êtes sentis le plus heureux de votre vie », ce qui n’était évidemment pas facile à décider là, comme ça, et surtout à quinze ans, ou à seize, âge qu’allait bientôt atteindre la Poufsouffle.

L’évènement qui paraissait le plus approprié à Sophie – à savoir le jour où elle avait été voir sa petite sœur nouvelle-née et sa mère à l’hôpital – fit réfléchir Eva-Rose. Evidemment, quelque chose comme ça ne pouvait être qu’inoubliable. Etait-ce également le cas pour ce qui était de sa réconciliation avec Halloween, sa demi-sœur ? La Poufsouffle n’en était pas sûre : ça n’était pas pareil, car toutes deux étaient alors déjà bien âgées et la rouquine n’avait plus cette capacité d’émerveillement que donne l’enfance, surtout devant les bébés. Or, quand elles s’étaient rencontrées, la jeune Watters avait déjà 12 ans et Miss Strue 16. Ca n’était vraiment pas pareil.

Quittant le monde de ses pensées, Eva-Rose revint quelques instants à la réalité histoire de répondre à celle qui venait de l’aider si gentiment.

- Merci. Je comprends que ça soit un évènement plus qu’heureux pour toi. J’crois que je vais avoir du mal à en trouver un de ce niveau. Enfin, ça viendra, je suppose, j’espère.

De nouveau, Eva-Rose dut fermer son clapet trop content de pouvoir s’ouvrir pour une vraie conversation – et encore celle-là portait sur le travail – car Mme Pince repassait près de la table des deux Poufsouffle avec un air mécontent sur le visage, sans doute parce qu’elle n’avait pas pu les prendre sur le fait. Ah là non, ça n’était vraiment pas le bon moment pour se faire jeter hors de la bibliothèque, la rouquine le savait. Au pire, elle résisterait, s’il le fallait vraiment (on y croit tous) !

- Elle commence à me gonfler, celle-là. Pas moyen d’avoir une conversation ici.

Bon, d’accord, c’était une bibliothèque, et Eva-Rose respectait les bibliothèques. Mais il y a un moment où il ne faut pas pousser le bouchon trop loin, hé !

[569 mots]

Sophie était un peu ennuyée qu’Eva-Rose ait tellement de difficultés avec son devoir. Il fallait dire que Sophie était profondément altruiste et en plus, Eva-Rose était une de ses amies. Si elle pouvait l’aider à réussir son devoir, elle ferait l’impossible pour le faire, même si elle était plus jeune, même si elle était nulle en Défense contre les Forces du Mal et même si elle n’avait jamais vu ou étudié de Détraqueur. Rien ne l’arrêterait si Eva lui demandait son aide. Le souvenir que Sophie venait de raconter à Eva était, pour elle, inégalable et il était évident que si Eva n’avait connu aucun moment de cette intensité, ça allait être difficile pour elle. Sophie se souviendrait toujours de ce moment où sa maman lui avait dit que ce petit bout de chou était sa sœur et qu’elle pourrait aider sa maman à s’en occuper si elle voulait. Sophie en avait été tellement ravie qu’elle avait embrassé sa mère et câliné sa sœur pendant au moins une demi-heure.

« Ne te fixe peut-être pas sur l’intensité du souvenir. Contente-toi d’un beau souvenir pour le moment, ce sera un début. »

Sophie sourit en voyant Madame Pince passer. Elle les avait déjà disputées parce qu’elles parlaient trop fort et là, elle semblait mécontente parce qu’elle venait de les entendre à nouveau. Sophie eut un sourire d’excuse avant de se tourner vers Eva qui ne semblait pas contente, mais il était normal que dans une bibliothèque on ne doive pas parler trop fort. Ca n’étonnait pas Sophie outre mesure.

« Nous devrions baisser le ton. Ce n’est pas interdit de parler, mais il ne faut pas déranger les autres. »

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