Le point sur le i du verbe aimer [PV]

Charisma ne jugea pas très utile de répondre au sujet des voix et de leurs dents potentielles. Elle savait parfaitement que pour aussi réelles qu’elles puissent être pour elle, les voix étaient des êtres éthérés qui n’avaient aucune possibilité d’interagir avec l’extérieur si ce n’est par son intermédiaire. En fait, elles étaient à elle, c’était ses voix, une expression de son pouvoir, rien d’autre… donc elles n’iraient sûrement jamais mordre Enry, d’autant que ça manquait de classe. Même en admettant que Charisma veuille un jour se venger de lui pour une raison x ou y, elle pensait bien qu’il existait des méthodes nettement plus classe et moins dangereuses pour sa dentition (elle était persuadée qu’il devait avoir la peau dure XD).

« Je crois que vous vous trompez. Au fond, vous êtes un idéaliste, vous voulez croire que l’homme n’est pas foncièrement mauvais, comme cette fois là dans la grande salle… » Rancunière ? Rien qu’un peu. Mais ce n’était même pas là qu’elle voulait en venir, elle pensait juste qu’Enry, sous ses airs misanthrope avait encore envi de croire en l’être humain, en ses bonnes dispositions naturels, alors que de son côté, Charisma avait rendu les armes voilà longtemps. En revanche, elle n’était pas spécialement misanthrope en ce qu’elle avait trop peur de la solitude pour se passer de la compagnie de ses semblables. Elle ne se jugeait d’ailleurs pas mieux qu’un autre, elle se pensait seulement plus lucide.

« Quand j’étais jeune parce que maintenant je suis très vieille ahah, je pensais aussi qu’il pouvait exister des gens bons et innocents, mais il n’est finalement qu’une seule réalité en ce monde… c’est que nous sommes toujours tout seul quoi qu’on fasse. » Sur quoi, elle secoua ses boucles dans un mouvement de dénégation violent et leva sa main libre vers le visage de Enry, posant son regard électrique sur lui comme si elle cherchait à sonder son cœur. Mais le pouvoir de Charisma était celui des prémonitions (et l’aspirine l’en privait en cet instant), pas celui de la télépathie… aussi ne put-elle rien y voir. « Ce qui ne m’empêche pas d’essayer encore remarquez… Parce que j’aimerais vraiment croire que je puisse vous faire confiance. »

Ce qui sous entendait que ce n’était pas tout à fait le cas, mais ce n’était pas un secret. Charisma ne lui avait jamais fait aucune confidence intime malgré les mois qu’ils avaient passé à se tourner autour tout en discutant de sujets aussi divers qu’innocents. Carry ne donnait rien d’elle, même pas un fragment d’âme, c’est pour cela qu’on la surnommait la princesse des glaces. Elle avait gelé son cœur et son âme, tout ce qui construisait sa personnalité rieuse et charmante hérité de sa mère, pour devenir quelqu’un de hautain, de distant… quelqu’un qui se cachait soigneusement derrière une carapace de politesse et de convenance. Enry avait réussi pendant quelques courts instants à passer par-dessus la muraille de son cœur, quand ils s’étaient embrassés tout d’abord et qu’elle s’était brièvement laissé aller contre lui, la seconde fois quand elle avait eut un mouvement de colère après qu’il l’ait envoyé récupéré son livre – et donc droit dans la gueule du loup -, et enfin quand elle tout simplement commencé à éprouver quelque chose pour lui. Mais avait-il seulement conscience de tout ça ? Elle ne le savait pas elle-même… mais qu’il était spécial, ça, il le savait, quand bien même elle ne puisse pas lui accorder facilement sa confiance, il était différent à ses yeux de tous les autres.

« C’est exactement ce que je vous dis monsieur Stanley, vous manquez d’imagination. En public, il n’y a qu’au milieu d’une foule qu’un couple peut se rapprocher. » Ou pas, mais vous savez, Charisma avait un côté très vielle Angleterre. Bien entendu, pour taquiner Enry (un de ses passe-temps préféré ces derniers mois), elle pouvait passer outre les convenances, mais dans son idée, à part se tenir la main et se voler quelques furtifs baisers, en public un couple ne pouvait guère se rapprocher. Hors s’il y avait bien une chose dont Charisma avait envie, c’était de se prouver qu’ils étaient bien un couple, alors se retrouver au milieu d’une foule et se blottir contre son petit ami, elle ne demandait que ça. Après, lui, visiblement pas… mais elle ne lui en voulait pas, après tout, chacun ses démons. Elle, on ne la ferait jamais approcher des flammes, même pas pour un dîner romantique aux chandelles (elle n’était pas romantique de toute façon). Mais finalement, ils furent bien collé l’un à l’autre dans la file d’attente pour la caisse et il semblât moins s’en plaindre qu’il ne l’avait cru, il faut dire que Charisma en rajoutait peut-être un peu en ce qui concernait le fait de se coller à lui, mais personne ne faisait attention à eux, ce qui lui convenait très bien. Très franchement, même Damon, en ce bel après-midi d’été, l’aurait sérieusement dérangé, parce qu’un rendez-vous, ça se passe à deux ! Si, si ! Donc que personne ne les connaisse ou même s’aperçoive de leur existence, c’était presque parfait ! La seule chose qui aurait été encore mieux, c’est qu’ils soient vraiment seuls, mais que voulez-vous, les glaciers sont toujours bondés en cette période de l’année !

« Vous touchez du doigt toute la différence. Avec du goût, c’est bien meilleur. » Elle prit du bout de l’index un peu de glace qui coulait de sa coupe et le porta à ses lèvres avec un sourire qui n’avait rien d’anodin sur les lèvres. Carry souriait rarement en public, mais quand elle était seule avec son entourage, ça ne la dérangeait pas de briser un peu son masque de froideur. De toute manière, elle ne ferait jamais croire à qui la connaissait un minimum qu’elle fût aussi glaciale qu’elle aimait à le laisser penser… après tout, elle était bien en train de faire des avances ouvertes à son petit ami. Plus elle y pensait, plus elle se disait que finalement c’était toujours ainsi entre eux, comme elle manquait de subtilité pour tout ce qui touchait aux rapports avec les autres, elle fonçait dans le tas alors qu’Enry, lui, la regardait faire avant de prendre le rythme.

« Je ne vois pas trop où est l’intérêt d’un baiser indirect. Il m’est arrivé de boire dans le verre de Damon et Merlin sait que je n’ai jamais eu envie de l’embrasser ! » Bon, d’accord, elle s’éloignait un peu de son objectif, mais Carry avait un petit côté très papillon lorsqu’on abordait certains sujets… et les baisers sont une chose sérieuse pour elle ! Oui, oui ! Son expérience se limitait à un seul baiser c’est vrai, mais justement, elle voyait bien que ça représentait quelque chose et qu’un partage de cuillère c’était vraiment rien du tout, elle visait carrément plus haut. Parce que oui, bien sûr, elle avait quelque chose derrière la tête, cela se lisait complètement dans ses yeux… bien plus pétillants que d’ordinaire c’est l’amour !

« Très franchement, j’avais plutôt pensé à un baiser direct. Voyez plutôt. » Comme il s’était penché pour tenter de percer le secret du regard qu’elle lui avait jeté, elle en profita pour s’approcher à son tour et poser furtivement les lèvres sur celles de son petit ami. Au point où elle en était, il ne comprendrait pas sans ça. Oui, parfois elle pense vraiment qu’Enry est idiot (après tout, il lui avait déjà fait toute une histoire de leur premier baiser à l’époque). Cela n’avait pas cependant été un vrai baiser comme celui qu’ils avaient échangés dans la salle commune voilà presque un an… d’une part parce qu’elle manquait d’assurance dans ce domaine et qu’elle ne voulait pas s’y risquer (elle ne pouvait prétendre embrasser bien avec un seul baiser à son actif après tout !), d’autre part parce qu’il y avait trop de monde autour à son goût pour qu’elle se lance. C’était quand même plus facile dans l’intimité de la nuit, rien que tous les deux. Mais en même temps, à l’époque qu’elle embrasse bien ou non ne revêtait aucune importance à ses yeux… alors que maintenant, elle craignait un peu de décevoir Enry. Le côté sentimental d’un baiser lui posait problème, tout était plus simple lorsque ce n’était qu’un jeu… « J’ai oublié la glace. » Remarqua-t-elle finalement alors qu’elle reprenait contenance, comme si elle n’avait rien fait. A l’origine, elle pensait se laisser un peu de glace sur les lèvres avant de l’embrasser… bah peu importe, le résultat était le même après tout !