[Chez les Jones] Des devoirs, quels devoirs ?

Nicolas Jones était, de l’avis de tous, un garçon plein d’entrain. Il était le plus souvent d’humeur joyeuse et on ne connaissait pas plus volubile que lui dans tout Poudlard (ou peut-être que si, mais pas dans son cercle à lui en tout cas), pourtant, dans sa famille, on était toujours surpris d’apprendre qu’en réalité il n’avait pas toujours été comme ça. Non, en fait, quand il était un peu plus jeune, il était même plutôt un garçon renfermé, triste, vraiment pas amusant du tout. En ceci, il ressemblait alors à son plus grand frère Daniel qui avait lui-même un caractère sombre, sans pour autant tomber dans des aspects dépressifs, ce n’était pas un fêtard c’est tout, puis Nicolas avait changé… et maintenant, il fallait croire qu’il rattrapait les dix premières années de sa vie où il ne parlait presque jamais en se mettant à raconter tout (et principalement n’importe quoi) à tout va.

Ce jour là, il avait invité Emma à venir chez lui. Emma c’était la grande copine de Nick’, pas parce qu’ils se ressemblaient, ça non, mais simplement parce qu’on les mettait souvent ensemble pour faire leurs devoirs alors au bout d’un moment (trois ans passés à Poudlard quand même), ça finissait par créer des liens d’amitiés – ou de haine, mais pas dans leur cas -. DING DONG on sonnait à la porte, c’était forcément elle. Les parents de Nicolas étaient sortis mais Jennifer et Daniel étaient dans leurs chambres respectives. Daniel était un cracmol, comme le papa de Nick’, en revanche Jenny avait été autrefois à Poudlard elle aussi, à Poufsouffle, comme la majorité des Jones.

« Salut Emma ! Entre, viens, on va aller dans le salon, tu as trouvé facilement ? Parce que bon, je sais que je vis un peu dans un coin paumé. J’espère que tu t’es fait accompagner comme je te l’avais conseillé, parce que tu vois c’est assez mal fréquenté dans le coin. » Les Jones étaient loin de rouler sur l’or, d’ailleurs la plupart des vêtements de Nicolas étaient autrefois à Daniel ou à Roman, il avait bien quelques trucs neufs, mais pas beaucoup parce qu’il était le petit dernier et qu’ici on ne laissait rien se perdre ! Mais Nicolas avait toujours vécu dans cette ambiance très communautaire, dans le loft des Jones, très spacieux mais très dégradé aussi, il ne s’en formalisait pas. Les jeans un peu fripés des ses frères lui allait bien de toute façon trouvait-il.

Ce que Nicolas appelait le salon était en réalité l’unique pièce à vivre de l’appartement parce que les chambres des enfants avaient rongés tout ce qui avait pu autrefois être des bureaux pour ses parents (artistes plus ou moins ratés). « Tu veux quelque chose à boire ? Au fait, on est censé faire les devoirs de potions mais franchement, j’ai lu le sujet, ça a l’air ennuyeux comme la pluie. » Sans attendre de réponse, il se dirigea vers la cuisine à l’américaine et plus précisément vers le frigo pour en ouvrir la porte et sortir du coca et du jus de fruit qu’il posa sur le bar. Il se baissa ensuite pour prendre des verres. Enfin calmé de sa bougeotte (pour l’instant du moins), il sembla enfin voir vraiment Emma – ou du moins enfin arrêté son regard dessus – et pencha légèrement la tête sûr le côté, comme perplexe. « Décidément, t’es toujours aussi plate. » A ne pas prendre mal hein, c’est juste Nicolas dans toute sa splendeur !

Aujourd'hui, Emma était de sortie. L'été était enfin arrivé, et la fillette l'avait accueilli avec soulagement, pour une fois. Elle avait été au bord de la crise de nerfs cette année, en particulier lorsque celle-ci touchait à sa fin. Elle avait du mal à tout concilier, et ce en dépit de ses efforts. A un moment, il arrivait que ce soit juste trop pour sa petite personne. Et ce d'autant plus lorsque des demi-portions de Gryffondor s'amusaient à mettre la pagaille dans le Grand Hall. L'évocation de ce souvenir peu agréable lui fit froncer les sourcils, tandis qu'elle sortait du métro pour se retrouver dans un quartier qu'elle ne connaissait presque pas.

En posant le pied dehors, elle sut tout de suite qu'elle aurait mieux fait d'écouter les conseils de Nick, et de venir accompagnée. Seulement voilà, comment venir accompagnée, lorsqu'on n'a personne pour l'accompagner, justement ? Sa mère travaillait, et de toute façon il était hors de question qu'elle lui demande quoi que ce soit. C'était bien simple, elle ne lui adressait presque plus la parole. Leur relation déjà bien tendue avait encore empiré pendant les vacances. Et le fait que son père ait été hospitalisé pour recevoir des soins plus conséquents jouait sans doute là-dedans. Quoiqu'il en soit, elle était seule, et les lieux avaient un côté glauque qu'elle décida de mettre sur le compte du fait qu'elle était encore près de la bouche de métro, et donc pas forcément dans le meilleur coin du quartier.

Soupirant, la petite Serdaigle repoussa loin d'elle tous les vieux souvenirs, promptes à remonter à la surface. Par réflexe, elle posa la main sur sa baguette magique, glissée dans sa poche, bien qu'elle n'eut aucunement le droit d'utiliser celle-ci en dehors de Poudlard. Evitant de prêter garde aux passants qu'elle pouvait rencontrer, elle se mit en quête de l'adresse que lui avait indiqué son ami. Nick. Ou Nicolas Jones, pour les non initiés. Il était d'abord et avant tout son binôme agité dans la majorité des matières. C'était le destin, qu'y pouvait-elle. Bien qu'hyperactif, il restait néanmoins un ami précieux. Ceci dit, elle savait bien qu'il allait lui falloir fournir un effort éléphantesque pour parvenir à le faire bosser. Mais qu'importe, lorsqu'Emma Carter venait pour travailler, elle travaillait, parce qu'elle était une petite fille très sérieuse, oui oui et même Nicolas Jones n'y pourrait rien !

Enfin, elle repéra le loft et sonna à la porte, se mordillant la lèvre distraitement en attendant qu'on lui ouvre. Comme à son habitude, Nick ne se contenta pas d'un simple "Bonjour" poli et discret, mais d'un monologue assez conséquent, qu'elle suivit en souriant tandis qu'il la faisait entrer. « Salut Nick ! Oh oui ça va, je n'ai pas eu trop de mal à trouver. Mais j'ai dû venir seule finalement, et je dois avouer que le trajet jusqu'ici n'a pas été des plus rassurants... » parvînt-elle à caser, profitant d'un moment d'accalmie. Le tout prononcé à toute vitesse, histoire de ne pas se faire interrompre avant d'avoir fini, non mais ! C'est qu'il n'était pas aisé de discuter avec le petiot, il fallait être armé ! Et avec le temps, elle avait fini par trouver la technique. Après tout, n'est pas à Serdaigle n'importe quel illuminé. *Kof kof*

L'appartement ne semblait pas gigantesque, mais Emma lui trouva tout de suite un certain charme, un aspect convivial. Certes, elle avait l'habitude de quelque chose de plus grand avec les revenus qu'assurait sa mère, mais elle n'avait pas pour autant beaucoup d'attrait pour le luxe et le superflu. Elle posa doucement son sac sur une table à proximité avant de se tourner vers son ami, qui venait de disparaître derrière la porte du réfrigérateur. « Non ça va, merci... » Mais elle leva les yeux au ciel en entendant la fin de sa phrase, geste qui n'avait pas nécessairement échappé au garçon. « C'est peut-être ennuyeux, mais c'est bien pour ça que je suis là, non ? Et puis au moins ce sera fait... » soupira-t-elle. Elle n'était pas forcément super motivée pour faire des devoirs de Potions en plein pendant les grandes vacances, mais elle était du genre pragmatique. Alors avoir ça de moins, ça l'arrangeait, et ensuite elle se sentirait plus libre.

Elle afficha une moue dubitative au dernier commentaire que lui fit le garçon concernant son apparence physique. « Merci de cette remarque pleine de tact et de sensibilité Nicolas, je m'en souviendrai à l'occasion, si jamais je me mets naïvement à songer que ma poitrine est devenue fort opulente. » répondit-elle d'un air à peine pincé. Vexée ? Si peu. Ce n'est pas comme si le garçon appuyait sur un point sensible, elle n'était pas de ces filles à être obsédées par leur tour de poitrine. Elle n'avait pas envie de pencher en avant sous le poids de celle-ci, merci bien ! Alors elle laissait la nature faire son travail et voilà tout. Mais qu'on soit bien clair, ce n'est pas en la comparant à une planche à pain que Nicolas parviendrait à la détourner des études, non non ! Une stratégie en tête ?

L’idée qu’Emma ait fait le trajet du métro jusqu’à chez lui seule lui fila quelques secondes la chair de poule. Quand il disait que c’était dangereux, il savait de quoi il parlait, il l’avait vécu… et ensuite il avait changé, irrémédiablement. Il n’osait imaginer ce qui se serait passé si Emma avait été attaqué, même pour un simple racket. Il serait sûrement devenu dingue ! Passant de son teint de pêche habituel à un beaucoup plus pâle à cette nouvelle, il prit – pour une fois – au moins deux secondes entières pour réfléchir avant de parler. « Ne fais plus jamais ça. » Lança-t-il d’un ton qui ne souffrait pas de réplique. « La prochaine fois appelle moi, je viendrais te chercher au métro. Et bien entendu, je t’y raccompagnerais. » Nicolas ne savait rien de la situation familiale de la jeune fille et il supposait que les parents de celle-ci avait de bonnes raisons de l’avoir laisser faire un trajet dans le quartier le plus pauvre de Londres toute seule, il ne leur jetait pas la pierre, néanmoins, il aurait préféré qu’elle le prévienne plutôt que de prendre ce risque inutile. Heureusement, tout s’était finalement bien passé et après cet éclair d’un Nicolas aujourd’hui disparu, il redevint celui qu’Emma connaissait, bavard et bon enfant.

« Je sais bien que tu es venue pour ça, mais bon… et si on en finissait vite ? Comme ça on pourrait jouer à la console ! Mon frère m’a offert un super jeu pour me récompenser de mes bonnes notes aux exams ! Tu ne l’as jamais rencontré d’ailleurs, mon grand frère, contrairement à Roman, Megan, Jenny et moi, il n’est pas sorcier, mais il est top, et il est super balèze en jeu vidéo, et en tout en fait, il aurait fait un super serdaigle ! Parce que je me sens un peu seul avec tous ces Poufsouffles dans la famille, c’est un peu comme si j’étais le vilain petit canard tu vois, même si j’suis sûr que j’aurais fait un bon poufsouffle aussi, mais j’aurais fait de l’ombre à Roman c’est sûr ! » Et, enfin, il s’arrêta pour reprendre son souffle, avouez que vous n’y croyez plus à la fin ? Résigné à devoir faire ses devoirs à un moment ou un autre, il temporisa en sirotant le plus lentement possible son verre… pendant ce temps, Emma s’offusquait de sa remarque sur sa poitrine. Bah quoi ? Il était un mec hein, c’était normal qu’il regarde ces choses là, moins qu’il les commente, mais au moins il était franc, c’était une qualité, si, si !

« Le prends pas mal Emma, c’est juste que t’es plutôt mignonne, avec un peu plus de poitrine, tu serais carrément canon. Enfin, après peut-être que les autres garçons essaieraient de devenir ton binôme et de me piquer ma place… bon, d’accord, reste plate alors, je te pardonne. » Nicolas n’était pas aussi stupide qu’il voulait bien le faire croire, il ne parlait pas comme ça avec n’importe quelle fille (si jamais vous en doutiez) mais avec Emma, c’était plus fort que lui, il adorait la taquiner, peut-être parce qu’elle réagissait toujours au quart de tour alors qu’elle était d’habitude si… sérieuse ! « Et sinon, puisque physiquement y’a pas eu de changement, dans ta vie y’en a ? Un copain, une nouvelle amie… quelque chose ? Moi non, mais je suis vachement resté en famille, et puis je me suis occupé de mes activités artistiques. Maman trouve que je me laisse aller de ce côté-là. Elle ne se rend pas compte que l’art, à Poudlard, ce n’est pas vraiment une priorité. » Si vous cherchez le bouton off, je vous arrête tout de suite, il n’existe pas !

Le brusque changement de ton de Nick fit sursauter la jeune fille oui c'est une jeune fille maintenant ! A quatorze ans on ne peut plus vraiment parler de fillette. Bon dieu ce qu'ils grandissent vite... !, qui ne s'était nullement attendue à une telle réaction. Oui, certes, ce n'était pas le quartier le plus huppé d'Angleterre, mais elle n'était pas une gamine, et elle n'était pas non plus une Gryffondor oui vous savez, cette maison de têtes brûlées là, si elle était venue seule, c'est qu'elle savait quand même un minimum ce qu'elle faisait. Du moins le croyait-elle. Certes, en arrivant sur place, elle avait un peu dû réviser son jugement, mais en soi, elle ne considérait pas avoir risqué sa peau en venant jusque là seule. « Je ne suis pas une petite fille Nick, je peux venir par mes propres moyens tu sais ? J'ai l'habitude... » répliqua-t-elle d'un ton lasse bien que précautionneux. Précautionneux parce que le blondinet lui semblait bizarrement tendu, et qu'elle n'avait nullement envie de mettre le feu aux poudres, bien qu'aussi loin qu'elle se souvienne, elle ne l'avait jamais vu s'énerver contre elle. Mais bon, comme il y a une première fois à tout...

Emma commença à sortir ses affaires de son sac, en scrutant les tréfonds pour repérer son livre de potions, qu'elle avait justement du mal à localiser, tandis que Nicolas monologuait au loin. C'est ce que c'est profond un sac, qu'on n'en doute pas ! Le débit de ses paroles était tellement élevé qu'elle ne sut même pas par quoi commencer. Enfin, en vérité, ce qui attira surtout son attention, ce fut ce qui concernait leurs devoirs, comme par hasard. « Quand tu dis 'finir vite', tu sous entends bâcler j'imagine. Je ne veux pas que la première impression que je donnerai au prof de Potions en début d'année soit celle d'une élève flemmarde et à côté de la plaque qui n'est même pas fichue de faire ses devoirs d-...Oh NON ! » Sa plainte se perdit tandis qu'elle fourrait pratiquement la tête dans son sac, y farfouillant désespérément à la recherche de son manuel. Le reste des paroles de Nick ? Impossible de se concentrer dessus. « J'ai oublié mon manuel ! Comment ai-je pu faire une chose pareille ? Il faut vraiment être empotée... » gémit-elle en s'agitant encore un peu. Mais au final, un manuel pour deux, ça suffisait très bien, réalisa-t-elle tout à coup. D'un œil perçant, elle repéra le livre du Serdaigle, dont elle se saisit prestement, laissant un sourire soulagé se dessiner sur ses lèvres. « C'est parfait ! Hm, tu disais ? » reprit-elle d'un ton absent, tournant les pages du livre à la recherche de celle concernée.

Tel un robot, la jeune fille leva malgré tout la tête lorsqu'il fut question de sa poitrine. « C'est très charitable de ta part, de me pardonner j'entends. Et toi, peut-être que si tu parlais moins en continu, d'autres gens tenteraient l'expérience de partager ta table. T'imagines ? Je pourrais tomber sur un binôme silencieux » commenta-t-elle d'un ton qui laissait entendre qu'une telle situation avait quelque chose de presque offensant. C'est qu'il n'était pas forcément évident d'être la voisine de Nicolas Jones. Le garçon parlait sans arrêt, de tout et n'importe quoi, et ce en toute occasion. Avec ça c'est clair qu'il n'était pas toujours évident de se concentrer ! Mais Emma n'était pas plus dérangée par ses bavardages que ça. Il avait le mérite de la divertir pendant les cours les plus rasoirs, et puis il était amusant aussi, et ça, ça compensait tout !

Une ombre passa sur le visage pourtant jovial de la Bleue et Bronze lorsque le blondinet l'interrogea concernant ses vacances. Oh oui, il y avait bien des choses qui s'étaient passées, mais pas forcément des plus agréables. « Mon père a été hospitalisé la semaine dernière... Pour recevoir plus de soins tu comprends. Et parce que ma mère ne veut plus s'en charger, aussi. Du coup on s'est disputées et depuis je ne lui adresse plus vraiment la parole. Je n'ai absolument rien à lui dire de toute façon. Je la déteste... » marmonna-t-elle d'une voix teintée de tristesse. Mais elle n'avait pas envie qu'on s'apitoie sur son sort, ou qu'on la plaigne. Nicolas l'interrogeait, elle lui répondait. C'était aussi simple que ça, mais elle ne ressentait pas le besoin de développer davantage. Elle n'en avait pas la force. « Autrement, pas grand chose, non. Je peine toujours à maîtriser mon don, et c'est tout... Je suis un peu triste de ne pas avoir beaucoup vu Tobias cette année. Il faut dire que j'ai aussi été pas mal occupée de mon côté. » reconnut-elle avant de rabaisser la tête pour lire les consignes du livre. La détacher de ses devoirs ? Aucune chance !

Nicolas pesta intérieurement, une colère froide irradiant de tout son être tandis que le film de l’accident repassait dans sa tête contre son gré. Cependant, les images auraient beau tournés et retournés dans son esprit, il connaissait déjà le scénario par cœur et, pire, sa fin, c’est donc avec facilité qu’il interrompit le cour de ses propres pensées, ce fut moins simple de forcer ses sentiments sombres tout droit issus de son ancienne personnalité à rentrer se cacher là où il les mettait habituellement… Plusieurs répliques acides lui venait comme « Le jour où tu te feras agressé par une bande complète faudra pas venir te plaindre. » ou « C’est sûr que tu sais de quoi tu parles toi qui n’avais sûrement jamais mis les pieds dans les bas quartiers ! » mais à la place il siffla entre ses dents agacé et s’en retourna à son jus d’orange pour se dominer. Emma avait de la chance que Nicolas tienne plus à sa promesse qu’à la sécurité de ses amis (maintenant, est-ce vraiment une chance ?). Trois gorgées plus tard, son regard était devenu moins dur, il préférait se laisser porter par la conversation et, l’habitude aidant, il oublia vite sa contrariété.

« Moi ? Bâcler ? Voyons, tu oublies que je suis l’un des meilleurs élèves de la classe ! Et puis, dis toi qu’au moins, moi, j’ai mon livre hein. Si tu m’embêtes je te le confisque ! » Il allait ajouter quelque chose (vous le connaissez) mais à priori elle ne l’écoutait pas. Nicolas n’était pas de ces garçons qui se vexent parce que les filles ne sont pas pendues à ses lèvres, pour tout dire, il se savait soûlant puisqu’il y a quatre ans de ça, il se serait énervé lui-même, toutefois, il se permit une petite remarque cette fois ci, juste histoire d’accrocher l’attention d’Emma, et puis après la colère qu’elle avait provoqué chez lui, elle méritait bien qu’il l’embête un peu, non ? « Tu ne m’écoutes même pas, c’est pas à une fille comme toi que je pourrais confier mon secret… » Etait-ce vraiment un secret d’ailleurs ? Megan savait ce qui s’était passé, Daniel aussi, ses parents bien sûr aussi évidemment. Il se souvint (non sans faire une légère grimace) de sa mère déboulant dans le commissariat complètement paniqué alors que lui était amorphe. Anastasia Jones était une femme très belle mais elle n’avait pas inventé l’eau chaude, Nicolas était parfois agacé par le manque de jugement terrible de sa mère, mais cette fois là, elle avait peut-être compris plus vite que tout le monde que Nicolas ne serait plus jamais le même après ce qu’il avait vécu. Toutefois, Nicolas n’avait jamais dit à personne ce qui s’était passé vraiment ce jour là, même pas à la police, alors sûrement que son changement radical de personnalité avait paru un peu brusque et sorti de nulle part. Enfin, ils pouvaient s’estimer heureux, au moins il n’était pas devenu aigri !

« C’est vrai mais tu t’ennuierais horriblement avec un binôme silencieux, puis, il ne serait pas aussi beau gosse que moi, ni aussi efficace. Parce que tu peux dire ce que tu veux mais je suis super comme partenaire. Tu aurais pu tomber sur pire… Samuelson par exemple ! Là ça aurait été terrible ! » Bah ouai, c’était un serpentard quoi. Nicolas suivait la ligne de conduite familiale qui visait à détester viscéralement les serpentards à l’exception toutefois de Myrielle et Christian qui étaient des amis de Megan et qui restaient à peu près potable dans leur genre. Bon, l’ambition les boufferaient sûrement un jour, mais au moins ils n’étaient pas méchants, encore que Myrielle la Perfect Slytherin était resté dans l’histoire de Poudlard comme étant une vraie psychopate qui avait fait couler le sang de plusieurs élèves à son époque… mais c’était une Symphonie, donc c’était pas étonnant. Si Nicolas n’était pas passionné par les potions, en revanche il aimait bien l’histoire (pas forcément l’histoire de la magie et la révolte des gobelins mais l’histoire avec un grand H), il avait lu énormément de livres sur les vieilles familles sorcières… dont la sienne faisait pas parti ceci dit.

« Je vois, tu ne crois pas que tu devrais essayer de faire la paix avec elle ? La famille c’est important. Je sais que c’est facile à dire pour moi parce que même si on galère pour trouver comment payer le loyer, on est tous très proches, mais justement, moi j’ai une maman formidable alors je trouve triste que tu ne t’entendes pas avec la tienne. Enfin… si ça ne se passe pas bien chez toi, tu peux venir quand tu veux ici – en me téléphonant pour que je vienne te chercher évidemment -. » Bah quoi ? Il n’était pas têtu par nature mais là, il savait qu’il avait raison, au moins pour la toute fin, pour le reste bah… il donnait juste son avis, après tout, il ne pouvait pas rester silencieux face à ça, eh, c’est Nick !

« Tobias Sandeau ? Ralala, j’te jure, t’as de ces fréquentations ! Tu sais qu’il sort avec cette peste de Marie quand même non ? Oui, tu le sais forcément vu qu’elle est préfète… Il a forcément un grain pour sortir avec cette petite bourge. » Dommage pour toi Nick mais ma boule de cristal me laisse dire que tu devras supporter d’ici peu la bourge en question dans ton univers !

A son grand soulagement, Nick finit par arrêter de la sermonner. Elle sentait bien qu'il était toujours agacé, mais il n'y avait pas vraiment d'intérêt à poursuivre dans cette voie. En soi, elle était touchée qu'il s'inquiète pour elle, mais de son côté, elle ne trouvait pas qu'il y ait de quoi fouetter un hippogriffe. Elle allait bien, totalement bien, et dans le cas contraire, elle aurait quand même su se défendre, dusse cela la mener tout droit au Département de la Justice magique. Jamais plus elle ne laisserait un moldu lui faire de mal, c'était hors de question. Une lueur douloureuse traversa son regard, mais elle disparut bien vite derrière le livre de Potions de Nick.

Elle était complètement absorbée par sa lecture, c'était peu de le dire. C'est aussi que son cerveau s'était déjà mis en mode "travail" et qu'elle commençait à réfléchir aux réponses aux questions qu'on leur avait donné à faire. Ce comportement se manifestait fréquemment lorsqu'on la laissait face à des devoirs. Elle n'était pas le genre de fille à se déconcentrer facilement, ou à commencer à se taper la discut' lorsqu'elle était censée bosser. Non, Emma était plutôt du genre imperturbable. Mais ça, Nick le savait, bien sûr. Pourtant, elle continuait à l'écouter, si, si ! A moitié, oui, mais elle l'écoutait quand même. Du coup, lorsqu'il parla de lui confisquer le bouquin, elle leva la tête vers lui, un air indescriptible sur le visage. En gros, il faudrait qu'il lui passe sur le corps pour lui reprendre le manuel des mains. Comment ça, elle exagérait ? Oui, c'est vrai, c'était elle qui avait oublié son livre, et elle s'en voulait énormément, mais puisque Nick avait le sien, tout allait bien !

Elle eut un bref rire sarcastique, un brin inquiétant, une lueur démente brillant dans ses yeux. « Me le confisquer ? Sérieusement ? Il faudra que tu me tues pour récupérer ce livre Nicolas Jones. Je viens de trouver la réponse à la première question. » Et ce disant elle replongea dans sa lecture, sortant, tout en lisant une plume de son sac. Il fallait qu'elle note ce qu'elle venait de trouver avant d'oublier. Elle n'en avait que faire si on la prenait pour une intello ou une cinglée et non, pas de mi mesure ! se consacrer à ses études avait toujours été ce qu'elle avait trouvé de mieux pour se détourner de ses problèmes. Et avec le temps, c'était devenu un besoin plus qu'une habitude. Il fallait qu'elle soit brillante, pas d'autre alternative. Mais comment être brillante lorsque votre meilleur ami n'a de cesse de vous détourner du droit chemin ? Pour la énième fois, elle leva la tête du bouquin, qu'elle posa de côté cette fois, pour mieux pouvoir contempler Nick, sceptique. Est-ce qu'il disait ça pour attirer son attention, ou était-il sérieux ? Choisissant la deuxième option, tant qu'à faire, elle lui adressa un regard plus qu'attentif. « Si tu ne me racontes pas tes secrets à moi, à qui veux-tu les raconter ? Tu sais bien que je suis toujours à ton écoute, hein... Tu veux me parler de quelque chose ? »

Elle était peut-être un poil obsédée par ses études *kof kof* il n'empêche que ce n'était pas une raison pour délaisser ses amis. Et surtout pas Nick. Il passait avant tout, et largement avant les potions, ça c'était clair. Il n'était pas question qu'il ait le moindre doute à ce sujet ! A l'évocation de Samuelson, Emma grimaça, levant les yeux au ciel d'un air atterré. « Là je dois dire que tu as raison mon cher ami. Et dire que j'ai option Taliesin en même temps que lui... Heureusement qu'on n'est pas dans la même maîtrise, là ce serait vraiment le drame ! Mais remarque, je ne pense pas qu'il soit beaucoup plus silencieux que toi. Il est vraiment insupportable dans son genre... » Pas que Nicolas le soit, mais elle se comprenait. A chaque fois qu'elle le croisait, le Serpentard parlait quasiment plus qu'elle, et à la rigueur, elle aurait peut-être préféré qu'il se taise, parce qu'il n'y avait pas que de gentilles paroles qui sortaient de sa bouche. C'était comme ça depuis leur première année à Poudlard, et elle doutait franchement que ça change un jour.

Le teint d'Emma s'assombrit lorsqu'il fut question de sa mère. C'était le sujet dérangeant par excellence. Si Nicolas avait été agacé par l'imprudence de la Serdaigle, celle-ci n'était guère enchantée par les paroles de celui-ci concernant ses rapports avec sa mère. Paroles trop naïves à son goût. Trop faciles. "Réconcilie-toi avec elle et la vie sera belle". A d'autres. Elles étaient irréconciliables. Il ne comprenait pas, et ça avait le don de l'irriter. Elle fronça les sourcils. « Non. » répondit-elle plus sèchement qu'elle ne l'aurait voulu. Elle soupira. « C'est que... C'est plus compliqué que ça. Je suis ravie que ta famille soit unie et heureuse, mais ce n'est pas le cas de la mienne. Nous notre truc c'est plutôt chaos et tensions. Ce n'est pas que je ne peux pas, c'est que je ne veux pas me réconcilier avec elle. » Elle avait fait trop de mal, trop de choses qu'Emma ne pouvait lui pardonner. C'était comme ça, c'était trop tard à ses yeux. Peut-être qu'elle était trop pessimiste, ou qu'elle abandonnait trop vite, mais son avis ne changerait pas. « Merci Nick, c'est gentil. » se radoucit-elle, lui adressant un léger sourire. Au moins elle avait quelqu'un sur qui compter, et c'était ça le plus important.

Haha, la réaction de Nick à l'évocation de Tobias ne put que faire sourire Emma. "T’as de ces fréquentations." Comme lui, par exemple ? Ne faisait-il pas lui-même partie de ces dites fréquentations ? « Oui, je sais, il me l'avait dit, et puis Marie est une de mes collègues alors il faudrait que je sois aveugle pour ne pas m'en être aperçue. Je ne vois pas vraiment ce que tu lui reproches ceci dit, elle n'a pas l'air si méchante. A mon avis c'est surtout des histoires de réputations pas toujours fondées ça, et je ne me base pas sur les racontars, personnellement... » Et ce même si la blondinette n'avait pas forcément l'air d'être des plus chaleureuses ou des plus agréables. Ne jamais juger un livre par sa couverture, c'est bien ce qu'on dit, non ?

L’avantage dans tout ça c’est qu’avec Emma, il n’avait pas grand-chose à faire, elle était tellement à fond dans le bouquin qu’elle ne se rendait même pas compte que ce faisant, il ne pouvait pas travailler. Bah, il s’en moquait, il lui faisait confiance pour trouver les bonnes réponses de toute façon, ils étaient un bon duo après tout, des élèves exemplaires… même si Nicolas avait une vie très rempli et prenait moins d’avance (nettement moins même !) que la jeune préfète.

C’est non sans une certaine satisfaction qu’il constata qu’il avait enfin capté son attention. Les filles… toutes des vraies commères ! Mais comme il y avait songé juste avant, ce n’était pas exactement un vrai secret, c’était plutôt quelque chose que les personnes extérieurs à la famille (ou qui n’avaient pas compris la relation de cause à effet) ne savaient pas, simplement parce que Nicolas n’en parlait jamais. Ce jour là, son univers tout entier avait basculé, même si lui était devenu en apparence quelqu’un de bien plus ouvert et joyeux, le monde était devenu gris, sans nuance de couleur. Il essayait pourtant de s’en sortir et il ne serait plus jamais comme avant maintenant qu’il avait compris que c’était en parlant beaucoup qu’on noyait le mieux le poisson !

« Hum… Je ne le veux pas vraiment mais ça pourrait être utile que tu le saches. » Le regard pétillant de Nicolas était devenu terne et il posait un visage sérieux et fermé sur son amie. Comme leur relation était peut-être encore superficielle jusqu’ici, elle n’avait jamais vu Nicolas sous son vrai jour. Il ne montrait de lui que ce qu’il voulait bien – comme la plupart des gens – et il supposait qu’il avait fini par vraiment devenir cette personne joyeuse et bavarde, mais l’ancien Nicolas était les fondements et songer à ce jour provoquait en lui comme un retour de ses côtés les plus sérieux. Il n’avait pas oublié, il n’oublierait jamais…


« Tu crois que je suis trop parano au sujet de mon quartier, mais ce n’est pas vrai. Je l’ai vécu autrefois, un peu avant que j’entre à Poudlard. Des jeunes du quartier ont essayé de me racketter et ma voisine de l’époque s’est interposée. Elle est morte. » C’était le résumé le plus succins de cette histoire, celui que ses parents connaissaient (les détails morbides en plus) en revanche tout le monde ignorait – et Nicolas n’était pas encore prêt à en parler – que la jeune fille lui avait fait faire une promesse avant de mourir. Il l’avait tenu depuis lors, même si quand il en parlait c’était plus difficile que quand il pensait à autre chose, comme le témoignait ses phalanges pâlis par la pression qu’il exerçait sur le verre.


« C’est mon secret. » Dit-il finalement tout en avalant une grande gorgée de jus d’orange pour se resservir, reprenant son expression habituelle et enchaînant comme si de rien n’était sur la suite. « C’est un Serpentard. » Dit-il donc à propos de Samuelson, le pire crétin que l’univers n’est jamais porté… Pas que Nicolas y prête réellement attention, mais il ne fallait pas être devin pour constater que ce type était vraiment stupide, dans le plus pur jus des vipères en plus de ça. Mais bon, après tout, Emma ne pouvait s’en prendre qu’à elle-même, elle n’avait qu’à l’éviter !

« C’est triste. » Dit-il tout simplement, sûrement encore secoué de l’aveu qu’il avait fait pour se contenter de réponses si courtes. En même temps, il ne voyait pas trop quoi dire de plus, même en cherchant bien, parce que les histoires de famille, ça concernait par définition la famille, et lui n’était pas dans le truc alors… mais il était bien content d’être né dans une famille unie. Il préférait être pauvre tant qu’à faire, surtout qu’ils ne l’étaient que parce qu’ils étaient très nombreux. Et que ses parents étaient des artistes ratés aussi, c’est vrai, mais c’était amusant la plupart du temps. Maintenant que les aînés étaient plus vieux et avaient un travail, ils ne le faisaient plus trop, mais avant l’été ils allaient dans le parc tous ensemble et ils faisaient des représentations improvisés, parfois des extraits de pièces qu’ils connaissaient tous – la culture artistique était un point fort des Jones - mais c’était fini ça maintenant. Dommage.

« J’aime pas les nunuches superficielles. Et puis, elle est toujours si péteuse ! Alors qu’elle n’est pas beaucoup plus belle qu’une autre si tu lui enlèves ses fringues de marque et tous ses bijoux. Pour ce que ça vaut, je te trouve bien plus jolie qu’elle de visage, même si j’admets qu’elle est bien fichu. Mais ça ne fait pas tout, et ça ne permet pas non plus de traiter les autres comme s’ils étaient des subalternes. » Il haussa les épaules et jeta un coup d’œil à son livre de potion, regardant la prochaine question, juste pour se tenir informé. C’est ce qu’ils étaient supposés faire après tout, non ?

Emma finit par quitter le livre de Potions de Nicolas pour accorder davantage d'attention à son ami. Lorsqu'elle se mettait à bosser elle n'était même plus consciente de ce qui se passait aux alentours, c'est pour dire à quel point elle était absorbée par ses réflexions ! Mais le garçon avait parlé de secret, et il paraissait bien trop sérieux pour que ce soit anodin à présent. Un peu comme lorsqu'il lui avait reproché d'être venue seule chez lui. Il arborait un air qu'elle ne lui connaissait pas, aussi avait-elle décidé d'être 100% attentive, et d'oublier les potions pour au moins quelques minutes. Elle lui devait bien ça, non ? Ce n'était pas si difficile que ça d'ailleurs. Maintenant qu'elle avait lu toutes les questions elle était en mesure de dire qu'il n'y en aurait pas pour trop longtemps.

Il était facile de lire sur son visage qu'elle était déconcertée devant l'attitude de Nick, attendant qu'il lui explique de quoi il s'agissait. En fait, il commençait même à l'inquiéter. Au point qu'elle aurait presque été rassurée et soulagée si brusquement, il s'avérait que tout ça n'était qu'un subterfuge pour la déconcentrer et mieux lui arracher le livre de potions des mains pour s'attirer ses foudres. Mais non, ce n'était pas ça. Elle lui jeta un regard interrogatif, silencieuse, et enfin il s'exprima. Et quand il eut fini son récit, le visage d'Emma avait sensiblement pâli, tandis qu'elle observait son ami, le cœur serré. C'était donc ce qui se cachait derrière ces sourires angéliques et ces taquineries. Elle souffla doucement avant de se lever du siège où elle s'était installée, se dirigeant vers Nick sans trop savoir ce qu'elle faisait. Qu'y avait-il à dire ? « Nick... » murmura-t-elle d'une voix peinée. Mais elle se reprit, effaçant toute trace de pitié de son regard. La pitié était inutile, et bien plus irritante que tout le reste. « Je sais ce que c'est. Être attaqué, et ne rien pouvoir faire pour se défendre, se sentir impuissant. J'ai vécu ça... Et je sais ce que c'est que de devoir vivre avec ces images imprimées dans ton esprit à chaque seconde de ton existence. » avoua-t-elle d'une petite voix, lentement, douloureusement. Doucement, elle posa sa main sur celle du blond, la serrant. Son père était peut-être toujours en vie, lui, mais ça ne changeait rien, il ne serait plus jamais le même, et elle le savait. Et c'était son secret à elle. « Je suis désolée de ne pas t'avoir écouté, d'accord ? C'est juste que je ne pouvais pas faire autrement. » ajouta-t-elle franchement, comprenant mieux l'attitude du garçon à présent.

Mais puisque Nick ne voulait visiblement pas s'attarder davantage sur le sujet, Emma en fit de même. Il était plus aisé de laisser tout ça de côté, et de continuer à faire comme si tout allait bien dans le meilleur des mondes. C'était peut-être la seule solution pour continuer à avancer. Elle lui sourit faiblement, avant de s'adosser contre un mur à proximité, l'écoutant prononcer le mot "Serpentard" comme si c'était une des pires insultes existant au monde. « Ils ne sont pas tous comme ça Nick. » soupira-t-elle avec lassitude. Toujours la même discussion, mais chacun continuait à camper sur ses positions, alors ils n'en sortiraient jamais vraiment, n'est-ce pas ? Tolérante, elle était contre tous ces préjugés concernant les Vipères, qui d'après elle avaient même joué dans leur attitude durant la guerre. Isolés, détestés, discriminés, ils ne pouvaient que se ranger dans l'autre camp, non ?

Oui, c'était triste. Le mot était peut-être un peu faible pour bien représenter l'étendue du chaos, mais Emma ne s'en offusqua nullement. Il n'y avait pas grand chose à dire de toute façon. Ce n'était pas comme si Nick pouvait miraculeusement tout arranger après tout. Au moins aucune fausse compassion ne pointait dans les trois mots qu'il avait prononcé, et ça lui suffisait. Il ne savait pas tout, mais il était conscient de l'essentiel désormais. Il fallait bien qu'au moins une personne sache, non ? Elle n'aimait pas en parler, mais elle avait le sentiment qu'il fallait qu'elle l'ait dit une fois. Sa situation familiale était compliquée, mais elle n'avait pas besoin qu'on s'apitoie sur son sort, tout comme Nick n'avait pas besoin qu'on s'apitoie sur le sien. En quoi ça pouvait les aider ?

Elle sourit plus sincèrement cette fois, ses joues rosissant légèrement et sans raison apparente lorsque Nick lui dit qu'il la trouvait jolie. C'était stupide, bien sûr. C'était un commentaire comme un autre, glissé dans sa tirade haineuse envers Marie De Liechtenstein, mais ses joues échappaient visiblement à son contrôle. Tant pis. « D'accord, je l'admets, tu n'as pas tort, elle n'a vraiment pas une attitude des plus... agréables. Mais je suis curieuse de connaître ton avis dans ce cas. D'après toi, qui seraient les plus belles filles de Poudlard ? » Le livre de potions était toujours ouvert, à côté d'elle, mais elle ne lui prêtait plus vraiment attention à présent, essayant de prédire la réponse que lui donnerait Nicolas.

Il prit la main d’Emma dans celle qu’elle serrait et la pressa à son tour, lui souriant comme il le faisait toujours mais d’un air étrangement douloureux, sûrement à cause de son regard, bizarrement éteint. Il se reprit néanmoins rapidement, ils n’allaient pas passer l’après-midi là-dessus hein ? Bien sûr, il avait noté ce qu’Emma avait dit que la similitude de leur histoire, sans toutefois en comprendre toutes les références, mais en se doutant que cela avait à voir avec ses parents. Mais il n’aimait pas qu’on lui pose des questions sur les détails de son affaire alors il n’en posait pas non plus. Pour se comprendre, on n’avait pas forcément besoin de tout se dire.

« Je sais, mais la prochaine fois appelle-moi, on est d’accord sur ça aussi ? » Notez, il ne savait même pas si elle avait le téléphone, mais dans les gares il y avait des cabines et il savait qu’elle avait son numéro, il donnait toujours ses coordonnés complètes parce qu’il n’était pas dans le bottin (sa mère avait peur de se faire harceler par des fans, ahah !).

Heureusement, le sujet dévia bientôt sur l’un des débats préféré de Nick, à savoir les Serpentards. Personne ne savait plus à combien de génération ça remontait mais chez les Jones, les Serpentards avaient toujours eu une mauvaise réputation presque indestructible. Megan, la plus Poufsouffle des Poufsouffle, l’était moins que le reste de la famille mais tout le monde n’était pas aussi bonne poire que la jeune femme. Nick pensait sincèrement que les vipères mordaient à la moindre occasion et même s’il n’hésitait jamais à lorgner sur les jolies filles de cette maison, il n’en évitait pas moins les personnes qui la remplissaient.

« Tu te laisses amadouer par un serpent hypnotiseur. Tu sais comme celui du Livre de la Jungle de Disney ? Mais ils sont bien tous comme ça. Souviens-toi de la chanson du Choixpeau, les serpentards sont rusés et ambitieux, prêt à tout pour réussir. La réussite n’est pas une fin en soi, surtout quand on sait qu’ils sont prêts à y sacrifier n’importe quoi et surtout n’importe qui. En plus de ça, je sais de quoi je parle, la patronne de ma sœur était à Serpentard, et figure-toi que c’était une véritable psychopathe. » Bon, avec ça, au moins, Myrielle allait pouvoir se tailler une veste pour l’hiver. Nick’ était extrêmement méfiant à l’égard des serpentard et peut-être que c’était un tord (si Myrielle avait bien été celle qu’on décrivait, elle ne l’était plus désormais) mais il avait été très jeune endoctriné par ses grands parents, puis par sa grande sœur Jenny, et enfin par Roman qui causait beaucoup mais on sait tous comment ça va finir. Chez les Jones, on avait de tout temps été soit à Serdaigle, soit à Poufsouffle, les deux autres maisons n’étaient pas terribles à leurs yeux même si être un brave Gryffondor gentil chienchien n’aurait pas été considéré comme une honte, tout au contraire de ce qu’inspirait Serpentard. Son grand-père aurait fait une syncope si Nick, Roman, Megan ou Jenny avaient été dans cette maison, alors qu’il s’était vite remis du fait que son fils unique soit cracmol ainsi que l’aîné de ses petits fils. Les préjugés ont la vie dure et il en existe de toute sorte, tout dépend de l’endroit où l’on né.

« Tu es bien rouge. » Remarqua-t-il brusquement lorsqu’il eut terminé de décrier vertement Marie. « Si tu as trop chaud, j’peux mettre le climatiseur. » L’innocent !

Les plus belles filles de Poudlard… en voilà une question qui demandait réflexion. « Hum… il y en a beaucoup. Alix et Tosca de Gryffondor sont pas mal mais bien en dessous de Fredericke et Elyna, Anabelle est superbe aussi, mais elle a un look particulier, Ophélia est juste mignonne à mon goût mais elle a du charme… et puis il y a toi et notre princesse des glaces la Kostovak. A serpentard, je ne sais pas, j’ai l’impression qu’on ne les y nourrit pas. Globalement, je dirais que je n’aime pas les filles trop maigres et que j’ai un faible pour les cheveux longs, un peu ondulés c’est encore mieux. » Il tendit le bras vers Emma et lui attrapa une mèche qu’il roula autour de son index avec un sourire provoquant. « Les cheveux ondulés sont souvent le signe d’une fille qui les attache pour faire du sport ou travailler, je trouve ça sexy. » Bien que tout compte fait, Alix qu’il avait cité en premier eût les cheveux très raides, mais elle n’était pas affamée, ni très grande, et elle avait un joli visage. Même s’il était à un âge où le tour de poitrine compte, il aimait aussi un visage gracieux, et c’était ce qu’avait, globalement, en commun toutes les filles qu’il avait cité.

Emma acquiesça d'un hochement de tête lorsque Nick lui demanda de l'appeler, la prochaine qu'elle viendrait. Il n'y avait plus grand chose à dire en vérité. Si elle avait pris la situation à la légère au départ, à présent les choses lui apparaissaient sous un jour bien différent et elle n'avait pas le cœur de répondre non à ce que lui demandait le Serdaigle. Il avait vécu un traumatisme, et il n'était ainsi pas bien surprenant que sa réaction, quelques instants plus tôt, ait pu être aussi exagérée. Et vu ce qui était arrivé dans ce quartier par le passé, la jeune préfète songeait qu'effectivement, il ne valait mieux pas tenter le diable et simplement accepter d'avoir auprès d'elle la présence rassurante de son ami.

Le petit discours de Nick concernant les Serpentard n'impressionna nullement la jeune fille. Elle savait au fond d'elle qu'il avait tort. Il était aveuglé par son aversion pour les serpents. Toute une maison ne pouvait pas être mauvaise. Bien sûr, elle avait lu l'Histoire de Poudlard et hop on se la pète un coup et elle savait tout ce qu'on disait sur Salazar Serpentard, et puisque c'était écrit dans les bouquins, c'était nécessairement vrai. Mais, malgré tout, elle ne pensait pas que tout cela ait une très grande signification. Tobias était son ami, elle appréciait la compagnie d'Alexey, et Samuelson, aussi irritant fut-il était loin d'être Satan, elle le savait pertinemment. Au fond, mais vraiment vraiment tout au fond, elle était à peu près sûre qu'il avait une âme. Mais à peu près seulement hein, parce qu'il faut pas pousser ! Elle secoua la tête en signe de dénégation. « Un exemple ne suffit pas à définir toute une maison Nick. Et être ambitieux n'a jamais été un défaut, tant que ce n'est pas poussé à l'extrême. Ils ne sont pas tous mauvais. Et si tu te bases sur ce genre de préjugés sur les maisons, ça veut dire quoi, que tous les Serdaigle débordent de sagesse et d'intelligence ? Quand on voit certains élèves il est clair que non... » Elle avait fini la phrase en marmonnant, de telle sorte que ses derniers mots étaient presque inaudibles. En tant que préfète de Serdaigle, elle en voyait des cas sociaux, et elle était mesure de dire que non, tous n'étaient pas des lumières. Loin de là.

« Quoi ? Ah bon ? Non, non non c'est bon t'inquiètes ça va ! » répliqua-t-elle un peu trop précipitamment pour que ça soit normal, ramenant une mèche de cheveux en avant pour mieux cacher ses joues. La poisse, voilà que son propre visage lui jouait des tours. Pourtant il n'y avait vraiment pas de quoi en faire des caisses. Il lui avait simplement dit qu'elle avait un joli visage, justement, il ne s'en était probablement même pas rendu compte. Quelle affaire ! Elle se sentait profondément stupide en cet instant. Ce n'était tellement pas son genre de rougir pour rien ! Et en même temps, ses joues avaient tendance à échapper à son contrôle dans les moments les plus inopportuns. Heureusement qu'elle avait des cheveux pour les camoufler !

Elle embraya sans attendre sur une question adressée au blond, même si le devoir de Potions restait toujours une priorité inscrite en lettres d'or dans sa petite tête. Elle ne l'oubliait pas, mais une petite pause avant de commencer à travailler, ce n'était pas non plus interdit. Elle travaillait tellement... Oui, cinq minutes, ça ne la tuerait pas. Et ensuite elle obligerait Nick à se bouger, qu'il le veuille ou non ! Ou sinon c'était lui qu'elle tuerait. Elle écouta le Serdaigle lui faire sa liste, visualisant à chaque fois le visage de ses camarades dans sa tête. Que de concurrentes ! Bien, laquelle éliminer en première ? =D Dans l'ensemble, elle devait reconnaître qu'il avait plutôt bon goût normal il l'a citée, même si Emma n'était pas forcément la mieux placée pour en juger. Elle ouvrit la bouche pour commenter, mais Nick tendit brusquement la main vers elle, ou plus exactement ses cheveux, avant de reprendre la parole. Ne s'étant pas attendue à un tel geste, son expression passa de la franche surprise à un mince sourire, ses joues ayant à nouveau pris une délicate teinte rose. Elle avait effectivement les cheveux plutôt ondulés, même s'il lui arrivait de les lisser, à l'occasion. Cela dit c'était plutôt longtemps, et soyons réalistes, Emma était flemmarde. Elle s'éclaircit la gorge avant de reprendre la parole. « C'est noté. Je ne m'attendais pas à ce que tu aies une réponse aussi complète en tête ! » reconnut-elle avec amusement. Un peu gênée, son regard se reporta sur le livre fermé à côté d'elle. « Bon, c'est pas tout ça mais... On devrait peut-être s'y remettre, non ? » Enfin pour Nick ce serait s'y mettre tout court, parce qu'il n'y avait qu'elle qui s'était vraiment concentrée là-dessus pour le moment !

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RENTREE