Explorations

Lentement, Rusard tourna les poignée. Sa perception légendaire avait été cruellement atteinte par la perte de Miss Teigne, sans quoi il aurait compris depuis longtemps que deux intrus se tapaient honteusement l'incruste dans son bureau, seul lieu où il pensait être un tant soit peu à épargné des bêtises perpétuelles de cette bande de jeunes prébubères, aux hormones dérangées.
Alors qu'il s'apprêtait à ouvrir la porte, un bruit parasite se fit entendre à l'autre bout de la pièce. Rusard se retourna aussi sec et plissa ses petits yeux noirs, réduisant ses paupières en une mince fente. La mimique lui donnait un air de famille avec Miss Teigne quand on avait omis de lui donner sa pâté.

Le concierge avança d'un pas lent et prudent jusqu'à son bureau et, courbé en deux par dessus, resta immobile quelques instants, à la recheche de l'intrus.
Un de ces affreux jojos avait-il osé souiller son antre de sa présence ? Ou bien Dumbledore, en manque de bonsbons au citron, essayait-il de le faire tourner chèvre ? Comme si il n'avait pas assez de soucis comme ça... Ou alors...
... Ou alors le criminel, l'odieux individu qui avait pétrifié sa Miss Teigne préférée et unique revenait...

Rusard saisit un chandelier d'une main qui ne tremblait pas et, le brandissant dans plusieurs directions de suite, s'écria d'un ton bourru :

- Sortez de là, si vous êtes un homme... Et même si vous n'en êtes pas un d'ailleurs, rajouta-t-il après quelques secondes de réflexion.

Finalement, Skiìrt allait terminer son existence aussi sûrement que si Miss Teigne était dans la pièce.

La mort marchait vers lui, un instrument terrifiant dans la main. Non que l’instrument en lui-même soit dangereux, (il en avait déjà vu équipé de délicieuses bougies) mais la façon dont il était tenu laisser prévoir l’imminence d’un embrochage ou d’un écrasement.

L’homme proféra un grondement sourd et menaçant dans sa direction puis, après un instant de silence et sans raison apparente, pivota brusquement sur ses talons d’un quart de tour et recommença son manège.

Interloqué, Skiìrt ne put s’empêcher de s’avancer légèrement pour voir ce que l’homme menaçait maintenant. Il ne détectait aucune présence mais la menace invisible avait l’air d’être prise au sérieux par son futur bourreau.

Encore une fois, l’homme procéda à une nouvelle torsion du corps dans un mouvement d’une souplesse surprenante. Une souplesse… féline ! L’homme avait de vrais instincts de prédateur. Où était le concierge claudiquant que même les jeunes rats pouvaient détecter à plusieurs pièces d’intervalle ?

Affolé, Skiìrt contempla un instant le dos immense qui s’interposait entre la porte et lui et, oubliant totalement qu’une galerie de secours l’attendait derrière lui, sauta hors de son trou et fila de toute la vitesse de ses pattes entre les jambes de l’homme pour se précipiter sous la porte.

Il eut peur un instant de ne pas pouvoir passer sous la porte mais, dans un éclair, se rappela que la loge du concierge était légèrement de biais. Il infléchit sa course du côté de la charnière pour trouver un espace plus grand de quelques millimètres. Cet infime écart pouvait faire toute la différence entre un rat courant vers la liberté et une tache gluante de sang sur le sol.

Cela serait-il suffisant ? La réponse lui fut donné par l’air du couloir qu’il se mit à respirer avec une joie intense tandis qu’il filait vers les escaliers.

Flora s'était légèrement dégagée du tas de chiffon pour jeter un regard dans la fente qui apparaissait entre la porte de l'armoire et l'intérieur de l'armoire. Intriguée, la jeune serpentarde entendit en même temps que le concierge un faible cri, puis elle vit nettement, malgré le peu de vision qu'elle avait, un rat courir jusqu'à la porte.

Un rat ? C'était lui qu'elle avait entendu ? Elle avait été idiote de venir ici pour ça ! Se maudissant, elle étouffa un juron, la main sur la bouche.

Il fallait être optimiste... après tout, le rat avait détourné l'attention du concierge, du coup l'espèce d'homme bizarre qui ressemblait vaguement à un pingouin-vache Rusard ne pensait peut-être plus à l'armoire. Du moins Flora l'espérait.

Le petit mammifère courait à une vitesse spectaluraire. Il ne tarda pas à atteindre la porte et Flora songea peut-être pour la deuxième ou troisième fois de sa vie :

*Merci !*

Elle ne voyait plus le rat, bloqua sa respiration et attendit. Le petit animal était sûrement sain et sauf, et sa situation revint à la fillette qui croisa les doigts à tel points qu'ils en blanchirent.

*Ayeeeez pitié d'une gentille petite fille très mignonne, espèce de sale concierge à sa Miss Teignou chérie !*

N'ayant rien vu qui puisse lui permettre d'affirmer qu'une présence hostile se trouvait dans la pièce, Rusard baissa sa garde d'un air méfiant avec un petit "Humph !" de frustration.
Il reposa le chandelier à sa place et se gratta la tête, dubitatif. Tout de même, il avait bien entendu quelque chose, il n'était pas fou, quoiqu'en disent les élèves !
Le concierge s'assit à son bureau et, coudes posés sur la table, plaça son menton sur le dos de ses mains croisées, perplexe. Il sentait que quelque chose lui échappait dans cette histoire, ce qui avait le don de le mettre en rogne, en tout cas, plus en rogne que de coutume.

Finalement, Rusard haussa les épaules avec agacement. L'attentat à l'encontre de Miss Teigne lui pesait sur les nerfs et il devait avoir tendance à inventer des choses qui n'existaient pas. D'ailleurs, le château était vieux et le parquet de son bureau couinait pour un rien, c'était sans doute ce qu'il avait entendu.
A présent convaincu d'avoir été abusé par ses sens, Rusard se releva et lança un coup d'oeil à l'horloge.
A nouveau, il eut un petit "Humph" ennuyé en constatant qu'il n'avait plus le temps de faire son câlin à son ours en peluche.

Vraiment ? Même pas un tout petit ? Il hésita. Après tout, il avait bien besoin d'un peu de réconfort en cette période difficile.
Alors qu'il était sur le point de céder à la tentation du teddy bears, un énorme fracas provenant de l'étage au-dessus le fit sursauter. Oubliant aussi sec ses projets de câlinage, Argus saisit la canne - inutile si ce n'est pour faire trébucher involontairement les élèves - posée près de la porte et, ouvrant celle-ci de manière brusque, sortit en rugissant :

- Peeves !