Un adieu à notre innocence [PV]

Fredericke cessa de parler pendant un moment. Elle ferma les yeux, blottie contre Vincent, prenant garde à ne pas tirer sur sa perfusion, et elle pleura en silence. Le plus dur était peut-être à venir : des longues heures de solitude à ranger les achats qu'elle avait fait pour le bébé. Ils serviraient sûrement un jour, non ? Elle voulait y croire en tout cas. Le gouffre n'était pas loin, elle ne voulait pas s'y engouffrer. Il fallait qu'elle se motive, qu'elle se retrouve. Quant à en vouloir à Vincent... bah... non, elle n'en était pas là. Elle n'était pas ravie de traverser ça toute seule, elle aurait eu besoin de lui, mais elle avait réellement compris très jeune qu'on n'avait pas toujours ce qu'on voulait dans la vie. Alors elle n'allait pas faire de caprice, ce n'était pas son genre de toute façon.

« Oui, d'accord. Par contre, il faudra la jouer fine, ils vont avoir du mal à me lâcher avec tout ça... » Murmura-t-elle d'une voix ensommeillée tandis qu'elle entrelaçait ses doigts avec ceux de son petit ami. Peu à peu le sommeil l'emportait, elle se disait qu'il n'y avait rien à faire, qu'elle ne pouvait pas faire mieux que ça, elle était tellement perclus de coup, tellement dopée de médicaments et de calmants aussi, qu'elle ne pouvait même pas lutter contre ce sommeil. Elle avait envie de plonger dans ce sommeil et de rester dans ce néant mais à un moment, elle devrait se réveiller et affronter la dure réalité.

« Vivement les vacances... » Murmura-t-elle avant de plonger pour de bon.

[…]

Plusieurs heures plus tard, elle se réveilla et accepta de manger. Elle reprit vaguement des couleurs, bien qu'elle sembla encore très pâle, très fragile. Elle n'avait pas de soucis pour avaler, mais elle ne souriait pas. Il lui manquait simplement ce pétillement qui faisait normalement son caractère, mais pour qui la connaissait, il était évident qu'elle s'en remettrait... avec beaucoup de temps. D'un accord tacite, elle ne reparla pas de l'accident volontaire et de ses projets de vengeance, Vincent n'en fit rien non plus. Il avait une autorisation de sortie d'une semaine pour rester avec elle, ensuite il repartirait jusqu'aux vacances de Noël, autant ne pas complètement plomber l'ambiance, être dans un hôpital était déjà suffisant pour qu'ils ne puissent oublier que leur enfant était perdu, et avec lui tous leurs espoirs.

Il était clair que ça n'allait pas être facile. Du fait qu'il soit arrivé ça, il était clair qu'on allait pas les laisser tranquille et que surtout, les gens feraient tout pour l'empêcher de s'évader, pour pouvoir garder un œil sur elle, encore et toujours. Mais que l'on soit malgré tout bien d'accord sur un point, certes, c'était sans doute ce qu'il y avait de mieux à faire et il n'en doutait pas une seule seconde. Mais elle avait le droit de vivre. Si elle continuait sur cette voie, il était clair qu'elle ne parviendrait jamais à s'y faire et à aller de l'avant. Et de ça, il était parfaitement hors de question, il refusait. Il fallait qu'elle avance et pour ça, ils avaient sincèrement besoin de vacances, de s'éloigner quoi. C'était un besoin vital d'ailleurs. Donc oui, quitte à se faire discret, ils le ferait, il n'y avait aucun doute à avoir à ce propos. Ce n'était pas lui qui en parlerait, de toute manière. Ce n'était pas lui qui ferait en sorte de se faire coincer, c'était même parfaitement impossible, pour tout dire.  « On se fera discret alors. Il est hors de question que l'on se fasse coincer aussi facilement tu vois le truc ? On partira en vacances. Personne n'a le droit de décider pour nous. D'accord ? ». Oui voilà, c'était même une parfaite évidence, si on y réfléchissait plus attentivement. Ils prendraient le large et ne reviendraient que lorsqu'ils le voudraient vraiment. Après tout, ils étaient parfaitement libre de faire ce qu'ils voulaient. Personne n'avait le droit de lui donner la moindre leçon. Oui, voilà. Que cela soit, ou non, évident, ils allaient faire ce qu'ils voudraient. Ca serait aussi simple que ça.

Vivement les vacances en tout cas, elle avait totalement raison. Ils en avaient besoin, histoire de se retrouver. C'était souvent ce qu'il fallait faire lorsqu'un drame pareil venait à nous arriver. On n'avait pas toujours la chance d'agir comme on le voulait. Et quoi que l'on puisse en dire, ou quoi que l'on puisse bien faire, on n'avait pas toujours le choix de notre comportement et ce n'était pas toujours si évident.  « On sera bien, tu verras. ». Tout s'arrangerait ou en tout cas, ils réussiraient à avancer oui, ensemble. Il n'en doutait pas une seule seconde et c'était ça le plus important à n'en pas douter. Dans un sens en tout cas, mais après, rien n'était aussi simple que l'on pouvait bien le vouloir. Jamais rien d'ailleurs. Enfin bref, il n'était pas vraiment utile de continuer à parler de n'importe quoi, même s'il était doué pour ça, par moment. Le mieux, en cet instant, était bien sûr de la laisser se reposer, elle en avait clairement besoin.  « Endors toi donc.. Je reste là ». Il l'embrassa une nouvelle fois sur le front et la laissa sombrer.

Il ne s'endormit pas lui, comme à son habitude. Il la regarda, un instant, puis il partit prendre un bon petit chocolat chaud pour finir par revenir dans la chambre et après l'avoir bu, il finit par quand même s'endormir. Bah oui, il ne fallait pas trop lui en demander. De façon général, lorsqu'il voyait quelqu'un dormir, il ne pouvait pas s'empêcher d'en faire de même donc bon... On n'allait quand même pas lui en vouloir pour ça non ? Ce n'était quand même pas de sa faute ! Dans un sens, en tout cas, parce qu'il aurait été un peu moins flemmard et tout aurait été bien différent, c'était une évidence.

terminé