La honte ! (PV)

Sixième année. Déjà. Les années passaient à une vitesse telle qu'Elena peinait à s'en rendre compte. Il y avait à peine cinq ans de cela, elle entrait à Taliesin afin de perfectionner son pouvoir de Legilimencie. Il y avait deux ans, l'école avait fermée ses portes pour manque de fréquentation scolaire. C'était bête. D'un côté, la Serpentard aurait bien aimé pouvoir continuer à perfectionner ce pouvoir. Mais d'un autre, elle se plaisait mieux à Poudlard qu'à Taliesin. Premièrement parce que le directeur n'était pas systématiquement sur son dos pour chaque faux-pas qu'elle faisait et deuxièmement parce que même pour une fille solitaire comme Elena, elle avait rencontré des gens avec qui elle s'entendait bien. La première étant Avril, une Gryffondor qu'elle avait rencontré parfaitement par hasard en cours de potions. C'était bête comme rencontre mais depuis ce temps, les deux jeunes filles se parlaient souvent. C'était fou ce que toutes deux se ressemblaient. Pour sa part, Elena n'aurait jamais crut trouver son sosie psychologique chez les Gryffondor ... Mais s'il y avait une chose que la jeune fille devait reconnaître, c'était que la vie réservait parfois des surprises. En toute honnêteté, elle n'aurait jamais crut, de départ, qu'une fille comme elle parviendrait à se faire une amie à Poudlard ...

Elena marchait, perdue dans des pensées. Elle avait bientôt un cours de Soins aux Créatures Magiques, raison pour laquelle elle déambulait à l'extérieur du château. Si beaucoup de Serpentard aimaient critiquer ouvertement ce cours, elle pour sa part, le trouvait plutôt amusant. C'était instructif et beaucoup moins ennuyeux que la majorité des cours théoriques qui étaient enseignés à Poudlard. Mais bon ... Tout cela n'était probablement question que de goût et d'opinion. Elle marchait tranquillement lorsqu'elle trébucha sur une roche. Zut. Elle ne l'avait pas vue du tout, celle-là ! En quelques secondes, la Serpentard se retrouva par terre. Dans sa chute, elle s'écorcha un genou. Double zut. Cette fois, elle avait honte. Vraiment honte. Et elle en fut d'autant plus gênée lorsqu'elle s'aperçut qu'une autre élève l'avait vue tomber. Ça, c'était humiliant pour quelqu'un d'orgueilleux comme la Serpentard ...

Le problème de la rentrée, c’était les cours. Oh ! Annagovia n’était pas une cancre : d’une manière générale, ses professeurs n’avaient jamais eu à se plaindre d’autre chose en ce qui la concernait que d’un « enthousiasme immodéré » qui, associé à la manie fâcheuse de faire tomber tout ce qui lui passait entre les mains (si elle avait eu des cours de chimie, Anna aurait été surnommée « la tueuse de tubes à essai »), pouvait très vite s’avérer problématique. On ne comptait plus depuis longtemps le nombre de « oups, désolée ! » mortifiés qui avaient été lancés par la rouquine pendant les heures de classe, notamment en potions, et généralement après que son foie de grenouille eut atterri dans les cheveux d’une pauvre malheureuse assisse deux rangs plus loin (c’est que c’était glissant, ces petites choses là !). Annagovia, donc, n’avait rien de l’élève désagréable aimant à faire comprendre à qui se trouvait en face d’elle que « ouais, c’est bon, d’t’façon, si j’suis là, c’est à cause d’une dictature sociale, j’ai pas besoin d’tout ça et j’arrêterai de venir si je n’avais pas peur de voir mes cadeaux de Noël me passer sous le nez… » ~~ah, ces quatrièmes~~ cependant, elle ne faisait jamais preuve d’une motivation débordante le premier jour d’école : enfin, c’était insensé ! Ne pouvait-on pas laisser les élèves se raconter les derniers potins en date (deux mois de rumeurs abracadabrantesques à rattraper, c’était long !) avant de leur bourrer le crâne de connaissances qu’ils s’empresseraient d’oublier l’été suivant, pour mieux proclamer d’un ton indigné à la rentrée : « Ah non, Professeur, je vous jure qu’on n’a jamais appris ça l’an dernier ! ». C’était, par conséquence, d’un pas franchement nonchalant que la jeune fille se dirigeait vers son cours de Soins aux Créatures Magiques, frustrée de ne pas avoir pu entendre la fin des amourettes estivales de ses camarades de dortoir.

Les Soins aux Créatures magiques étaient l’une des matières favorites d’Annagovia qui, contrairement à certains élèves (des chochottes, ceux-là, franchement !), n’éprouvait jamais la moindre crainte à l’idée de devoir vérifier l’état de la dentition d’une chimère ou le moindre dégoût à prendre à pleine main une grosse quantité de vers de vase pour les donner à une quelconque créature réclamant sa pitance : lui eût-on dit de se fourrer la tête dans la gueule d’un sphinx qu’elle se fût acquitté sans rechigner. D’ailleurs, il était toujours agréable de travailler en plein air quand on passait, d’ordinaire, sa vie visée sur une chaise, enfermée dans une salle de classe ou à la bibliothèque… Du moins, c’était agréable lorsque le temps était clément. Nul doute que les épais murs du château et son toit solide remonteraient dans son estime à l’heure des premières gelées. Pour l’heure, Anna leva le nez au ciel ~~offrant ainsi, l’inconsciente, sa jeune gorge aux attaques avides de la première angine de l’année~~ pour humer l’air automnal : une odeur caractéristique d’humus et d’herbe humide montait jusqu’à elle, lui rappelant que les chaleurs de l’été n’étaient déjà plus qu’un lointain souvenir. Au loin, la canopée avait perdu de son vert éclatant pour prendre des tons or ou ocre : les feuilles les plus basses ne tarderaient pas à suivre la tendance. L’image fugace des beautés de la forêt interdite sous le pâle soleil d’Octobre traversa l’esprit d’Anna qui eut soudain hâte de voir Septembre plier bagages.

*Et puis après, ce sera Halloween… La première neige… Le bal de Noël…* Enuméra-t-elle en son for intérieur, sans se rendre compte qu’elle accélérait le pas à chaque nouvelle raison de se réjouir qui lui venait en tête. La perspective de ne pas tout savoir des mésaventures que ses amis avaient connues durant les vacances lui pesait soudain nettement moins : les fêtes à venir étaient autrement plus intéressantes que les événements passés. Elle en aurait presque fini par oublier que Roman n’était plus là pour l’aider à mettre du poil à gratter dans les pétards surprises de Noël ou des bonbons mordeurs dans les citrouilles d’Halloween quand un bruit de chute vint la tirer brusquement de ses pensées.
Surprise, Anna baissa la tête (car elle avait continué à humer la fraîcheur de l’air tout ce temps. ~~Une chance qu’elle n’eût pas chu elle-même.~~) et avisa l’élève qui venait d’embrasser subitement le plancher des vaches, à quelques mètres d’elle. La Poufsouffle esquissa une grimace horrifiée et se précipita aussitôt vers sa camarade, soucieuse de lui porter secours :

- Holàlà ! J’ai tout vu ! ~~C’est le niffleur qui t’a refusé la priorité à droite !~~ Est-ce que ça va ? Tu as besoin d’aller à l’infirmerie ? S’enquit-elle, en tendant une main charitable à jeune fille… En qui elle reconnut subitement la Serpentard qui avait participé à l’opération « la forêt interdite by night », organisée par Nina Moreau, près d’un an auparavant. Oh… Ne put-elle s’empêcher de lâcher, l’air soudain incertain. Ce n’était pas un fait nouveau, Anna, en digne disciple de Roman (du moins, en digne disciple de Roman avant qu’il ne se laisse embrigader, faible qu’il était !), ne portait pas les Serpentard dans son cœur (et, pour sa défense, ces derniers le lui rendaient bien). Ceci étant, Elisa… Ephesia… Emilia… Enfin, Machine, là, à ses pieds, n’avait pas hésité à braver un bon nombre d’articles du règlement par amour du vol en balai ce qui, aux yeux d’Anna, forçait aussi bien l’admiration que le respect. Elle se retrouvait donc dans la délicate situation suivante : devait-elle, oui ou non, pardonner sa répartition à… Euh… Bidule, sachant que si elle n’avait pas été envoyée… Là-bas, elle l’aurait sans doute appréciée ?

*D’un autre côté*, songea-t-elle, passant allégrement sur un certain nombre d’erreurs flagrantes du Choixpeau, *elle a certainement été placée à Serpentard pour une bonne raison. Peut-être même pour un paquet de bonnes raisons… Un Serpentard sympathique ? Peuh ! Ce serait bien la première fois !* Conclut-elle, en envoyant mentalement des vagues de haine cuisante à l’attention de cette pétasse de Marie, où qu’elle se trouvât en cette minute précise.

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L'autre élève l'avait bien vue tomber, ça, c'était certain. Cette dernière s'approcha d'elle pour lui apporter son aide. Elena reconnut alors la Poufsouffle qui avait participé à leur petite escapade dans la forêt interdite l'an dernier. Annagovia, si elle avait bonne mémoire. Si elle n'avait pas eu une très bonne mémoire des noms, sans doute ne s'en serait-elle pas souvenu puisqu'elle ne se rappelait l'avoir vue qu'une seule fois par le passé. La Serpentard ne sut pas trop comment elle devait interpréter la réaction de sa camarade, qui sembla déçue (était-ce le bon terme ?) en voyant son écusson de Serpentard. La jeune fille soupira. Comme si c'était du nouveau ... Ce n'était pas comme si son interlocutrice était la seule personne au monde à lui avoir fait le coup depuis qu'elle se trouvait à Poudlard ... Malheureusement pour Elena, même si elle appréciait bien sa Maison, les gens avaient tendance à prendre pour acquis que tous ceux qui se trouvaient à Serpentard étaient des déchets. (Bon, certes, il y avait un assez grand nombre d'~~ordures~~ répartis à cette Maison, pour une raison qui avait toujours échappé à Elena, mais celle-ci était convaincue qu'il devait y en avoir également dans les autres Maison. Après tout, ils n'avaient pas l'exclusivité, hein ?) Pourtant, Elena, pour sa part, était bien loin de comprendre cette réaction. Elle avait connu plusieurs (~~bon, d'accord, quelques~~) Serpentard qui étaient gentils (~~même avec les Gryffondor~~). Visiblement, ce préjugé n'avait pas finit d'exister ... Pour sa part, lorsqu'elle rencontrait quelqu'un, elle se contentait de l'observer comme être unique, et pas selon les premières impressions. Mais bon ... Visiblement, ce n'était pas ce que beaucoup de gens faisaient.

Elena accepta l'aide de la Poufsouffle. Elle allait lui prouver, elle, que tous les Serpentard n'étaient pas forcément méchants. S'il y avait bien une chose que l'on pouvait dire de la Serpentard, c'était qu'elle était bien loin d'être selon le stéréotype que l'on attribuait aux Serpentard. La seule vraie amie qu'elle avait était de Gryffondor, ce qui déjà vous donnait un bon indice de sa non-conventionnalité. Si Elena était plutôt du type solitaire, il s'agissait pratiquement de la seule personne qu'elle était capable de sentir à temps plein. La seule qui la comprenait vraiment, puisqu'elles étaient pareilles. De plus, elle se fichait des différences des autres ~~autant qu'elle se fichait des règlements~~ et avait horreur des injustices. La justice étant une valeur très importante pour elle, elle s'empressait de régler ses comptes, et parfois même ceux des autres, au profit de la personne ayant été dévalorisée. En effet, Elena devait bien l'admettre, lorsqu'un Serpentard tapait sur la tête d'un Gryffondor sans raison, rares étaient les Serpentard présents qui allaient intervenir en faveur du Gryffondor ... Pourtant, Elena, elle, se contentait de juger les situations de manière individuelle. Si le Serpentard avait tord, ce serait lui qui écopperait d'un coup de poing à la figure. Si le Gryffondor avait tord, eh bien, ce serait lui qui serait forcé de subir son sale caractère. C'était aussi simple que cela. Non, il fallait bien le reconnaître, la jeune fille n'était pas tout à fait conventionnelle ...

La Serpentard se tourna vers sa collègue.
"Merci," lui dit-elle simplement.
Au bout d'un moment, elle ajouta :
"On ne se serait pas déjà rencontrées ?"
Elle n'osait pas en ajouter plus. Si la Poufsouffle la reconnaissait, elle saurait sans doute où elles s'étaient rencontrées. Dans le cas contraire, la Serpentard ne souhaitait pas en dévoiler davantage sur leur petite escapade de l'année dernière. Si elle avait été seule dans cette histoire, cela l'aurait moins dérangée. Mais puisqu'elle n'était pas seule ... Eh bien, disons simplement qu'elle ne souhaitait pas attirer d'ennuis à d'autres qu'elle-même.

Il fallait dire qu'Elena avait l'habitude des retenues, et cela, depuis sa toute première année d'étude (~~pour ne pas dire sa toute première journée d'école~~). Vu le nombre de fois où elle avait brîmé des règlements, elle avait vite perdu le compte de ses visites chez le directeur, et encore plus celui du nombre de retenues qu'elle avait eut. De plus, sa facheuse tendance à régler ses comptes à coups de poing n'avait guère aidé la cause. Si certains croyaient que c'était surtout les garçons qui avaient pour habitude de régler leurs problèmes ainsi, Elena démentait fortement ce stéréotype. C'était stupide, mais elle n'avait pas encore comprit qu'il y avait d'autres moyens de régler des problèmes. Elle, pour sa part, ne croyait pas en la méthode du pour-parler. C'était idiot car deux ennemis ne réglaient jamais leurs problèmes ainsi. Elle trouvait beaucoup plus simple sa méthode drastique. Vlan ! un bon coup de poing et le problème était réglé : ils pouvaient passer à autre chose. Et en plus, ça faisait un énorme bien lorsque cette personne ne méritait vraiment (car n'allez pas penser qu'elle s'amusait à frapper les innocents, ça, non !).

Vu l'hésitation de la Poufsouffle à son égard, Elena ressentit le besoin d'ajouter quelque chose pour démentir son visible préjugé.
"Ne t'inquiètes pas, dit-elle. Je ne vais pas te mordre. Tous les Serpentard ne sont pas aussi méchants que tu sembles le croire."
Après un moment, elle ajouta à la blague :
"Je sais que certains de mes confrères ne sont pas très faciles à vivre mais certains sont tout de même assez commodes."
Ouh la ... Grande discussion pour l'adolescente. Rares étaient les fois où elle tenait un aussi long discours ... Non, sans blague, Elena n'était une adepte de la discussion. C'était aussi bête que cela mais elle aimait beaucoup le silence et la solitude. Les gens qui l'entouraient lui tapaient parfois sur le système, raison pour laquelle elle préférait être seule la plupart du temps. Mais il lui arrivait parfois de socialiser un peu. Après tout, la solitude complète était parfois un peu difficile à vivre ... Elena le savait bien, cela. Après la mort de sa mère, elle avait passé la majeure partie de son temps seule. Si les gens aimaient souvent s'entourer en période de deuil, elle, avait fait l'exact opposé. Pourtant, c'était bien loin de la réaction à laquelle son entourage s'était attendu de la part d'une fillette de cinq ans ... Pourtant, elle avait préféré ruminer sa colère dans son coin. Sa colère ? Si sa mère était morte d'une maladie ou encore dans un accident, ç'aurait été bien différent. Pourtant ce n'était pas le cas. Assassinée. Voilà d'où venaient la vengeance et la colère qu'Elena gardait toujours à l'intérieur d'elle-même.

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(Edit alek : 1 078)

TOUT COMPTE
CLASSES

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» réveil en retard ou l'art d'avoir la honte (libre)
» Dans l'affreux cahier rose. Ou : Bouh, quelle honte !