- Rencontre hasardeuse - PV

Dmitri Vodianovki était sur Londres ce jour-ci. Le jeune homme était, de toute façon, très souvent en déplacements. Entre ses deux boulots, il n’avait pas spécialement l’occasion de rester assis quelque part sans en bouger ! Bien au contraire. Mais ayant toujours été un homme d’action, se déplacer sans arrêt ne le dérangeait guère. Il n’était pas forcément pour la ‘stabilité’ (en tout cas dans son mode de vie…). Après, il était évident que vis-à-vis de sa fille (donc de sa vie de famille) il s’était pas mal calmé avec l’âge.

Bref, aujourd’hui, il était à Londres pour quelques emplettes, rien de très ‘sorcier’ en soit. Il avait eu une réunion avec des industriels le matin même, tout s’était fort bien déroulait, et il était donc de bonne humeur. Ce soir, il retrouvait Corann, tout était donc parfait. Se concentrant sur ses courses du jour (professionnelles, à la base, mais il se connaissait, il allait forcément acheter un petit quelque chose pour sa chère et tendre !). Se promenant d’un pas souple, silencieux et plutôt rapide, malgré les apparences, sur le Chemin de Traverse, il cessa de marcher quand ses prunelles tombèrent sur une fille pas si inconnue que ça… Esquissant alors un sourire, qui avait le don incroyable de le rajeunir de quelques années, il s’exclama, à l’attention de la jolie brune qu’il venait de reconnaître :

« Miss Lorne ! Ca alors, pour une surprise ! Ca faisait un petit moment que nous ne nous étions pas croisé, dîtes moi. Ca fait quoi ? Six mois ? Un an ? Le temps passe beaucoup trop vite si vous voulez mon avis. »

Il était chaleureux, souriant, aimable. Le jeune homme d’origine Bulgare était connu pour être un chef d’entreprise extrêmement humain. Il était proche de son entreprise, savait ce qu’il s’y passait et suivait toutes ses affaires de très près. Il avait rencontré Chiya Lorne il y a plusieurs années déjà, en temps qu’employé pour le ministère. Les réunions n’étant pas ce qui manquait dans leurs milieux respectifs, les soirées ‘haut placées’ étaient aussi assez récurrentes, et c’était là qu’ils s’étaient croisé à plusieurs reprises. Il ne s’attendait vraiment pas à la croiser de nouveau, surtout ‘hors contexte’. Comme quoi la vie pouvait réserver bon nombre de surprises !

« Vous travaillez toujours au ministère ? Pour l’ambassade ? »

Ce qui serait logique, en général quand on avait une bonne place, on ne ka quittait pas comme ça ! Et il était clair que cette jeune femme avait su grimper les échelons avec une habilité si déconcertante que l’imaginer changer de cap, dans la vie, était… et bien inimaginable, en fait ! Voilà tout…

Chiya se promenait, plus ou moins sans but réel. Elle avait simplement eu envie de sortir un peu et le reste avait suivi. Elle aimait sa nouvelle carrière mais elle ne s'y sentait pas toujours très libre. Elle qui aimait les grands espaces et les voyages, en étant tout le temps à Poudlard, elle se sentait parfois devenir claustrophobe. Elle était donc sortie à Londres pour s'aérer un peu. Elle aurait apprécié une présence amie à ses côtés ce qui aurait sûrement été possible si elle avait été capable d'avoir une vie sociale plus remplie. Pénélope, son ancienne colocataire, et Jason, son collègue et ami, étaient tous les deux occupés à leur vie de famille, Victoria travaillait, ses cousins ne pouvaient pas sortir si facilement de l'école... Et avec tout ce petit monde, on avait déjà quasiment fait le tour de ses fréquentations. N'allez pas croire, cependant, qu'elle s'en faisait du mauvais sang, Chiya était une solitaire par caractère, cela lui pesait occasionnellement, mais dans sa vie de tous les jours, cela ne la dérangeait pas. Elle avait déjà tellement de mal ) s'occuper d'elle qu'elle ne se voyait pas s'occuper des autres. Sa situation de femme se promenant seule fit néanmoins qu'elle fût bien surprise lorsqu'on l'interpella. Elle mit même quelques secondes à remettre un nom sur le visage. Elle avait quitté le corps diplomatique voilà plus de quatre ans, elle avait donc un peu laissé de côté les gens qu'elle y avait côtoyé. Elle avait bonne mémoire, cela revint au bout de quelques secondes. Automatiquement, elle afficha son petit sourire commercial, comme une mauvaise habitude qu'on ne pouvait jamais complètement effacé. Elle avait pourtant choisi de changer de métier pour ne plus être forcée à sourire sans cesse.

« Monsieur Vodianovski ! Vous devriez compter tout ceci en année, mais le temps passe vite, il est vrai, c'est difficile de se rendre compte à quel point il passe. » Chiya n'était pas forcément la fille la plus aimable, gentille et chaleureuse du monde, mais en société, elle avait toujours su faire illusion, et c'était la Chiya diplomate américaine que l'homme en fasse d'elle avait connu, elle se comportait donc comme tel.

« Non, j'ai quitté l'ambassade il y a quatre ans. Une autre voie s'offrait à moi, j'ai choisi de la suivre. » Elle sourit, sincèrement cette fois, car la suite allait encore plus étonné son interlocuteur ! « Je suis professeur à Poudlard maintenant. Professeur de botanique cette année, mais l'an dernier j'enseignais les runes. C'est un autre métier, mais j'étais fatiguée de faire le travail pour un autre sans forcément en retirer tout le mérite. » La vraie raison n'était certes pas celle-ci, même s'il était vrai que l'ancien patron de Chiya, l'ambassadeur américain dont elle avait été longtemps la jeune assistante efficace, était un monsieur des plus indélicats. Un incapable en plus, Chiya devait toujours tout faire à sa place... elle se demandait même s'il avait réussi à tenir le rang une fois qu'elle n'était plus là. Elle gagnait moins et rencontrait moins de monde depuis qu'elle avait changé de métier. Elle en avait eu besoin, la foule, le bruit, elle n'en pouvait plus. Finalement, son ambition avait fini par s'effilocher de manière trop radical pour qu'elle continue à s'obstiner. Originellement, elle voulait devenir ambassadeur à son tour, maintenant, elle se disait que c'était un métier qui n'était pas fait pour elle. Sans compter, en plus, qu'avec son don, elle n'aurait jamais vraiment su jusqu'à quel point elle faussait la donne...

Chiya réfléchit rapidement à si elle connaissait la fille de Dmitri et réalisa que c'était une élève de Poudlard. Le monde est si petit ! Surtout celui des sorciers, nettement plus étriqué que celui des moldus.

« Je n'aime pas trop non plus voir le temps me filer entre les doigts. » Commenta-t-elle d'un ton neutre qui cachait en réalité sa profonde déception de la vie. Elle avait eu des rêves autrefois. Elle avait voulu vivre une histoire d'amour, avoir un travail qui la ferait voyager et, pourquoi pas, tenter d'obtenir cette vie sociale si chère à la plupart de ses connaissances. Malheureusement, elle n'avait rien de ces trois choses. Elle aimait son métier mais il l'obligeait à être à Poudlard la plupart du temps, au temps pour ses rêves de découverte, cela dit, à l'époque où elle était diplomate, elle était en poste à l'ambassade américaine de Londres, alors pour ce que ça changeait... Le seul homme qu'elle ait aimé l'avait fui après avoir engrossé une de ses amies (et colocataire, tant qu'à faire, autant le faire bien!)... Quant à sa vie sociale... elle avait bien quelques amis (Victoria, Pénélope, Jason...), mais on ne pouvait pas prétendre que c'était folichon quand même. Elle savait que ça venait en parti de sa personnalité, mais elle se disait parfois aussi que le reste du monde n'était pas très sympa avec elle, on lui laissait rarement une chance de se montrer comme elle était vraiment. Enfin, à défaut, elle avait sa famille. C'était toujours ça.

« Oui, Joy, je n'avais pas fait le rapprochement avant de vous revoir mais maintenant c'est évident. Et elle ne pose aucun problème de discipline même si certains de ses amis sont eux, par contre, plutôt remuants. » Chiya visualisait bien la petite Joy et elle la voyait avec des jeunes gens comme Bradley (le garçon évidemment) qui passait son temps à faire des bêtises, la rouquine des jumelles Hummingbird qui n'était pas réputée non plus pour sa constance ou son sens de l'à propos, ou bien encore la petite Connelly qui ne cessait jamais de gesticuler lorsque, pour le moins, elle cessait de bavarder.

« Avec plaisir. » Répondit-elle lorsqu'il lui proposa un verre. Il était vrai que discuter dans la rue n'était pas très pratique. Tout en se dirigeant vers un lieu où se poser, elle questionna à son tour cette ancienne connaissance de travail. « Vos affaires fonctionnent toujours bien de ce que j'ai entendu ? » Le sujet était banal, mais elle en maîtrisait parfaitement l'art. Cette question n'en était pas complètement une, elle permettait donc à son interlocuteur de rebondir comme cela lui chantait. Si elle avait été moins habituée à se comporter comme une ambassadrice étrangère, elle lui aurait peut-être demandé si ça ne faisait pas trop bizarre à seulement un peu plus de trente ans d'avoir une fille qui quitterait le collège dans quelques années à peine, mais bon, ce n'étaient pas vraiment ses oignons.