Les cuisines… ce lieu sentait diablement bon. Une odeur exquise de fruits frais, de rôti, de chocolat… le tout mélangé aurait pu avoir l’air écœurant, mais il ne l’était guère. April se planta devant le tableau et chatouilla la poire. Elle savait comment accéder aux cuisines grâce aux renseignements précieux que son frère lui avait donné il y avait quatre ans. Tout était noté dans un calepin. Et ce fut avec beaucoup de facilité qu’April Swann entra dans les cuisines bondées d’elfes de maison. La plupart se tournèrent vers elle à son arrivée et la saluèrent avec respect. Ils saluaient tout le monde de la même façon : les Sangs-Purs, Mêlés ou de Bourbe, les riches ou les pauvres… il n’y avait pas de discernement dans le monde des elfes. Pour eux, les humains étaient puissants et il était normal de les servir, point barre.
L’un d’eux, plutôt petit, qui portait une casserole où bouillonnait paresseusement un morceau de viande lui dit même avec une voix polie : « Bonjour Miss ! »
April ne lui répondit pas et resta silencieuse. L’elfe parut déçu –ses grandes oreilles tombèrent légèrement- mais il reprit son travail.
« Swann ? Vous vous appelez Swann ? »
April baissa les yeux. Un elfe rabougri à la peau presque rouge l’observait de ses yeux noirs. La Serpentarde frémit en susurrant d’une voix inquiète :
-Tu me connais ?
« Je connaissais votre frère, Miss. Un sacré luron de Serdaigle ! Vous lui ressemblez un petit peu… »
Sa voix se perdit au milieu des claquements de fourchettes. April resta immobile lorsqu’une elfe lui tira la manche. La fillette sursauta et la foudroya d’un regard noir. Des regards, elle avait des dizaines en réserve. Elle détestait qu’on maltraite ainsi ses vêtements. Ils lui avaient coûté cher, ce n’était pas pour qu’une main enduite de graisse les touche ! La petite elfe parut désolée et lui demanda la raison de sa visite.
La raison ? C’était la nourriture, bien entendu ! Depuis quand les élèves de Poudlard allaient dans les sous-sols jusqu’aux cuisines, avec le risque de se faire prendre par un Poufsouffle ou Rusard, pour la « charmante » compagnie elfique ? La Grande Salle avait été particulièrement bruyante au petit-déjeuner et April, de mauvaise humeur, n’y avait pas participé et n’avait rien avalé. Elle répondit :
-Je voudrais… un petit quelque-chose pour tenir jusqu’à midi…
Un ‘petit quelque-chose’ ne signifiait pas la même chose pour une humaine et un elfe. Les petits êtres lui apportèrent un paquet de viennoiseries, une pile de toast dégoulinant de beurre et de marmelade, une assiette d’œufs brouillés, un œuf à la coque et une dizaine de mouillettes, un bol de corn flakes et un chocolat fumant, elle qui n’attendait qu’une tartine (au Nutella bien entendu.) Gênée, la Serpentarde n’en laissa rien paraître et piocha un pain grillé à la confiture d’oranges. Les miettes tombèrent dans les yeux d’un elfe déjà malvoyant qui glapit en se prenant les pieds dans un torchon. La purée qu’il portait dans les mains s’envola droit sur la figure d’April et y atterrit.
« Oooooooooh! Pardon, Miss! »
Elle n’était pas du genre râleuse, mais là, c’en était trop. Alors qu’elle s’apprêtait à cracher un flot d’injures, la porte s’ouvrit et un élève entra. La fillette sortit sa baguette et la pointa sur son visage en marmonnant une formule. La purée s’écarta de sa jolie frimousse en laissant quelques traces et tomba par terre en deux flocs réguliers et assez répugnants. Mais l’autre élève l’avait vu… April maudit les elfes en reposant avec violence son toast. Elle se tourna ensuite vers l’élève. Malgré les traces de purée, son visage était impassible mais ses yeux farouches semblaient flamber de fureur.
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