Au-delà de l'oubli, l'amertume [PV]

Au-delà de l’oubli, l’amertume.

Au-delà de l’oubli, la souffrance de ne pas être comprise et l’amertume d’être seule même au milieu de la foule.
by Wiise

Payton avait été attaquée par on ne savait trop qui, un groupe de sorciers aux intentions malhonnêtes lui avait-on dit. Il avait alors fallu lui expliquer la différence entre un sorcier et un moldu. Elle comprenait le sens de ces deux mots sans parvenir à leur associer une image concrète. Sa vie de tous les jours était compliquée, et pourtant, elle avait passé la dernière semaine entière dans l’infirmerie, puis deux jours chez ses parents – en tout cas on lui avait dit que c’étaient ses parents -. Il semblait que son frère était encore un peu jeune pour appréhender le concept d’amnésie, il se vexa d’avoir été oublié par sa grande sœur et lui battit froid pendant tout le temps qu’elle passa là-bas. Quelque part, ça avait arrangé la brunette : une personne de moins pour la regarder d’un air inquiet dès qu’ils prononçaient un mot. Elle avait vu des tas de spécialistes, de grands sorciers de plusieurs pays qui avaient bien voulu venir car elle avait sûrement vu son agresseur avant de perdre la mémoire et cette information aurait pu être capitale. Bien sûr, rien ne fonctionna. Le diagnostique était formel : elle ne retrouverait jamais la mémoire. Elle devait tout réapprendre. Y compris qui elle était. Or sur les photos où elle souriait en secouant vigoureusement la main, elle était bien loin de se reconnaître. Ce n’était pas elle. C’était une inconnue qui avait juste le même visage qu’elle. Tousles tests tendant à prouver que seule sa mémoire active avait été endommagée, les sorciers conseillèrent d’un commun accord (mais en plusieurs langues) de la laisser retourner à Poudlard car elle savait encore lire et écrire, elle repartait seulement de zéro scolairement, mais ces mêmes gens bizarres avaient l’air de penser qu’une partie de ce qu’elle avait appris à Poudlard était stockée au même endroit que sa faculté à lire ou à compter : quelque chose d’enseigner si souvent que ce n’était pas un simple souvenir mais un savoir faire à part entière. Elles devraient cependant renoncer aux ASPICS. Elle s’en fichait, elle ne savait pas ce que c’était. Une fois sur deux, elle oubliait de prendre sa baguette avec elle quand elle se changeait.

Elle revint donc à Poudlard où elle vit ses camarades l’observer comme une bête curieuse. Elle les ignorait : c’était facile, eux la connaissait peut-être avant, mais ils ne savaient rien de ce qu’elle ressentait maintenant. Or, la Payton de maintenant n’aspirait qu’à un peu de calme et moins d’examens minutieux de sa petite personne. Son estomac étant une partie d’elle qui se portait bien, elle passa la soirée dans son lit avec une boîte de gâteau et un gros manuel de sortilège pour première année qu’elle lut de bout en bout sans pour autant essayer aucun sort. Elle n’avait pas très envie de faire exploser quelque chose par inadvertance…

Le lendemain matin, elle se réveilla en retard… ou plus exactement, elle fut réveillée par une camarade de maison (mais pas de chambrée) visiblement missionnée pour cette tâche. « Hein ? Quoi ? Mais qu’elle heure est-il ? » Balbutia-t-elle en posant les yeux sur la jeune fille qui l’avait gentiment secouée (bien que les bruits de pas précipités dans le couloir l’aient en réalité préalablement mise en alerte). « C’est déjà l’heure des cours ? Ou bien c’est le petit déjeuner ? » Elle tendit le bras vers sa table de chevet et y récupéra son emploi du temps. Elle n’allait pas en classe avec les autres et avait uniquement des cours particuliers. « J’ai cours avec le professeur Clarks. C’est le prof de quoi celui-ci ? » Elle supposait que la fille allait lui répondre, même si en fait la réponse intéressait peu Payton qui suivait tous ces cours plus pour qu’on lui fiche la paix que par réelle envie. La magie, ça ne l’émerveillait pas du tout. Peut-être que les spécialistes avaient raison, une grande partie de sa tête avait oublié, mais pas tout, et pas son corps. C’était sûrement pour ça qu’elle ne ressentait aucun frisson d’excitation à apprendre : une infime partie d’elle savait qu’elle l’avait su. Mais ça, c’était avant. Un avant qui ne reviendrait pas.

« Tu es qui au fait ? Je suis sensée te connaître ? Parce que j’ai eu un debrief sur les élèves et tout… mais ça allait trop vite, je n’ai pas tout retenu. » Il faut dire qu’on lui avait raconté seize ans de vie en, quoi ? Une heure ? Alors elle n’était pas encore vraiment au point sur noms et prénoms, surtout de ses camarades de classe ou, pire, de maison. Il arrivait même qu’elle dise « ploufbouffe » au lieu de « poufsouffle », bien qu’elle essaie de faire un effort à ce niveau car elle avait bien compris qu’elle était sensée être importante au sein de la maison. Une sorte de gardienne de moutons version scolaire. Mais pour ça comme pour les cours, on l’avait relevée de ses fonctions, tout en lui laissant son insigne, au cas où ça l’aiderait à se souvenir de quelque chose… ce qui n’avait rien donné de plus que le reste.

Elle sortit du lit et chercha ses vêtements dans son coffre… encore qu’elle était bien dans/sur son lit, peut-être qu’elle pourrait sécher en expliquant qu’elle avait quand même du lire une partie de la nuit ? Ce n’était pas humain tout ça ! Même si elle n’arrivait plus à se souvenir ce qui était humain de ce qui ne l’était pas alors qu’il y avait des licornes dans la forêt d’à côté et qu’il paraîtrait qu’elles étaient plus intelligente qu’eux. En même temps, vu qu’elles n’étaient pas amnésiques, elles n’auraient pas de mal à paraître plus brillante qu’elle, même sans parler. « En tout cas, te fatigue pas pour moi, je crois que je vais pas aller à mon premier cours. » Voilà, c’était décidé. Eh ! Peut-être qu’elle était une rebelle avant son amnésie ? Bonne question, il faudrait qu’elle demande. Un jour. Peut-être. Si elle n’oubliait pas…

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La nouvelle de l'attaque de Payton avait rapidement fait le tour de l'école. La préfète avait été retrouvée dans un couloir quelques instants seulement après avoir été touchée par le sortilège ayant eu raison de sa mémoire, puis elle avait quitté Poudlard pendant quelques jours, et était revenue. Du moins, elle était revenue physiquement. Elle avait tout oublié. Le monde sorcier, son propre nom, sa famille... Tempérance avait senti les larmes lui monter aux yeux tandis qu'elle et les autres élèves réalisaient l'ampleur de la situation. Elle n'avait jamais été proche de Payton, pas comme elle l'était d'Erin, mais elles étaient amies. Elle discutait volontiers avec son aînée lorsqu'elle la croisait au détour de la salle commune, et elle l'appréciait aussi en tant que préfète. Savoir que quelqu'un s'en était pris à elle, et que cette personne courait toujours la rendait à la fois effrayée et furieuse. Comment une chose pareille avait-elle pu se produire dans l'enceinte même du château ?

A défaut de pouvoir accomplir quoi que ce soit d'utile, Tempérance semblait avoir développé un don pour trouver ou retrouver ce qui semblait perdu. Après le symbole de Viska, c'était ainsi Payton qu'on l'avait chargée de localiser. Pas que ça soit un exercice très difficile: si l'ancienne préfète n'était pas là pour son cours, il n'y avait pas quarantaine endroits où elle pouvait se trouver un matin de bonne heure. Bien sûr, la perspective qu'elle ait pu se perdre ou pire, se faire attaquer à nouveau avait traversé l'esprit de la blonde, mais avant d'appeler la cavalerie, mieux valait commencer par les évidences. Après avoir interrogé l'une de ses camarades de dortoir, elle apprit rapidement que son amie était simplement encore endormie et se pressa à l'étage, ne se souciant pas vraiment du bruit causé mais prenant tout de même garde à ne rien renverser sur son passage. Payton n'avait certainement pas besoin de finir ensevelie sous une étagère pour couronner le tout. Breaking news: Jason Harris assassine une élève vraiment pas dégourdie.

« Payton ! » appela-t-elle, le soulagement transparaissant dans sa voix alors qu'elle apercevait enfin son aînée. Elle secoua doucement son amie pour la réveiller, son regard passant rapidement sur le livre de sortilège posé sur sa table de nuit. Première année. Le cœur serré, elle esquissa un sourire devant la question que lui adressa Payton. « Les deux, en fait. Je t'ai ramené des toasts. » précisa-t-elle en désignant les aliments précautionneusement emballés dans des serviettes. Elle les posa sur la table de chevet, poussant délicatement le manuel de cours. « Vol. » répondit-elle ensuite en grimaçant - ça n'avait certainement pas été sa matière de prédilection en première année -, avant de s'asseoir sur le lit le plus proche de celui de Payton. « Tu n'es pas mauvaise d'ailleurs. Tu avais joué pour Poufsouffle. » Elle s'interrompit, visiblement hésitante. « Au Quidditch. Tu vois ce que c'est ? » La situation lui paraissait surréaliste. Elle ne savait pas ce que Payton connaissait ou ne connaissait plus, mais elle se doutait qu'elle avait probablement reçu un trop-plein d'information. C'était pourtant la jeune préfète qui lui avait expliqué certaines particularités du monde sorcier et de Poudlard lorsqu'elle était arrivée au château, élevée par une mère et un (affreux) beau-père moldus.

Grande optimiste dans l'âme, Tempérance continuait d'espérer que Payton finirait par retrouver la mémoire - quoi qu'en disent les médecins. En attendant, même si elle avait l'impression d'avoir perdu une partie de son amie, ça ne l'empêchait nullement d'être présente pour la jeune fille - qui l'avait pourtant oubliée. « Tempérance. Je suis dans la promo en-dessous de la tienne. Et oui on se connaît, on est amies. » Elle supposait que cette information ne valait pas grand-chose pour son aînée: n'importe qui pouvait prétendre être n'importe quoi. Si elle ne se souvenait de rien, impossible de faire la part des choses. « Tu m'étonnes. » acquiesça-t-elle quand elle dit qu'elle n'avait pas tout retenu. Pour sa part, elle avait déjà du mal à retenir une malheureuse page de cours, alors seize ans d'existence en l'espace de quelques heures voire quelques jours... « Tu ne te souviens vraiment de personne, alors ? » se permit-elle de demander, incapable de taire sa curiosité. Même pas ses parents ? Même pas Stephen ?

Tandis que Payton se levait pour prendre des vêtements, Tempérance attrapa le manuel de sortilèges et le feuilleta distraitement, se tournant vers la jeune fille quand elle déclara soudain qu'elle n'irait pas en cours. Tempérance n'était pas exactement la police des cours - elle était trop inégale dans ses performances et son assiduité scolaire pour ça -, mais elle avait tout de même été envoyée là pour faire en sorte que Payton se rende effectivement en classe - même si elle avait du mal à voir l'intérêt d'envoyer une personne amnésique survoler le parc perchée sur un balai. « Quoi ? Pourquoi ? » interrogea-t-elle avec surprise. Payton n'était peut-être pas la première de sa promo, mais elle lui avait toujours paru être une élève sérieuse, après tout, on ne devenait pas préfet en faisant n'importe quoi. Si elle ne voulait pas y aller, elle n'allait pas l'y obliger - elle faisait ce qu'elle voulait dans le fond, surtout qu'au vu de l'état actuel des choses, on n'allait certainement pas la réprimander. Mais il faudrait tout de même qu'elle en informe leurs professeurs.

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« Merci. » Marmonna Payton en attrapant un toast, elle n’avait pas vraiment faim mais elle était reconnaissante à sa camarade, qui qu’elle fut, de lui épargner un passage par la Grande Salle. Elle n’en pouvait plus d’être observée comme une bête curieuse depuis qu’elle avait perdu la mémoire. Elle avait bien compris que ce n’était pas vraiment la norme, voire même qu’elle était la seule à avoir subi un tel sort, mais tout de même, c’étaient pesant tous ces yeux sur elle. Surtout qu’ils savaient plus de choses sur elle qu’elle-même !

Elle mordit dans le pain, le mâchouillant en réfléchissant. Maintenant que Tempérance le lui disait, elle avait déjà eu un cours avec ce prof un peu plus tôt dans la semaine, elle avait fait en sorte que son balai (un « balai », vous vous rendez compte?!) arrive du sol jusqu’à sa main. Ça avait été assez facile, en revanche, elle n’avait pas volé sur son engin parce que sa santé ne lui permettait pour l’instant que de la théorie. Tant mieux, elle n’avait pas envie de se cogner la tête et d’encore tout oublier, une fois ça suffisait ! « C’est un sport, non ? Je crois qu’on m’en a un peu parlé, et on m’a déjà dit que j’y jouais. Mais je faisais pas mal de trucs, non ? Enfin, avant je veux dire, j’étais assez active dans cette école, c’est ça ? » Elle avait été préfète, ce qui était un genre de délégué de classe couplé à un surveillant de dortoir mineur pas très net tout ça, et on lui avait aussi parlé du club de danse dont elle avait momentanément oublié le nom. Son cerveau ployait sous les informations, ce n’était pas si facile d’apprendre 15 ans de vie en une semaine. Mais la danse ça lui avait un peu parlé parce qu’elle voyait ce que c’était concrètement, comme si elle avait toujours connu la danse, ce qui était sûrement vrai, apparemment elle en faisait aussi quand elle était plus jeune, avant Poudlard. Et c’était un sport qui existait dans les deux mondes. Ça aidait.

A sa demande, Tempérance se présenta. Payton essaya d’imprimer le visage de la jeune fille et de l’associer à son prénom, toutefois, elle ne savait pas si cela fonctionnerait. La question, fréquente, tomba. Et comme à tous les autres, Payton répondit en ponctuant sa phrase d’un hochement négatif, un peu triste, de la tête : « Non, personne. Et quand on me parle de moi, j’ai l’impression qu’on me parle de quelqu’un d’autre. » Elle prit la photo sur son chevet avec sa meilleure amie Klara dessus et mit la photo face à elle devant le miroir. Elle souriait sur le cliché et faisait des petits signes de la main. Le soleil brillait. Elle avait quelques années de moins que maintenant mais elle se reconnaissait… comme elle reconnaissait maintenant le professeur McGonagall pour l’avoir vu tous les jours depuis l’accident. « Je vois bien que la fille de la photo, c’est moi. Mais je suis incapable de dire quand cette photo a été prise, et je crois bien que j’ai encore oublié le prénom de la fille dessus… c’est une préfète non ? » Elle fronça les sourcils, l’air soucieux, et haussa finalement les épaules. Elle avait appris le bouquin de sortilège et c’était déjà pas mal !

« J’ai appris ce livre de sortilège jusque tard dans la nuit, je n’ai aucune envie d’aller encore à un de ces cours particuliers débiles où le prof’ me regarde essayer de faire des choses que je suis supposée savoir faire depuis des années avec des airs de carpe. » Elle posa un index sur ses lèvres avant de le pointer devant Tempérance avec un petit sourire mi-amusé, mi-amer : « Je me souviens qu’une carpe est un poisson et que les poissons ouvrent et ferment la bouche pour faire passer l’eau dans leur branchie. Ce qui veut aussi dire que je sais ce que sont des branchies. Je me demande où j’ai appris ça. Peut-être avec les non-sorciers, comment vous dites déjà ? Des morues ? Non, ça aussi c’est un poisson... » Elle se pinça l’arête du nez, inspirant profondément. Faire travailler sa mémoire, même celle qui fonctionnait, avait tendance à lui filer la migraine. Elle aurait volontiers parier son balai devenu inutile qu’elle ne devait pas être une grande fan du par cœur avant l’accident vu comme le mal de tête pointait vite...

Tempérance retourna un "Pas de problème" tout en légèreté avant de se laisser tomber sur le lit le plus proche (avec bien moins de légèreté), tandis que Payton se servait. Elles étaient à Poufsouffle, alors les Cuisines n'étaient jamais bien loin, même si elles venaient à louper un repas, mais quitte à partir à la recherche de son amie, elle s'était dit qu'elle serait toujours mieux accueillie avec de la nourriture la devise Poufsouffle.

Oscillant entre le désir - et le réflexe - de traiter Payton comme elle l'avait toujours fait et la notion que la jeune fille n'avait plus toutes ses connaissances et n'était donc plus la même, Tempérance marqua un temps d'hésitation avant d'évoquer le Quidditch. Elle voyait bien dans le regard vide que lui renvoyait parfois Payton que celle-ci ne savait absolument pas de quoi elle parlait, ou qu'elle identifiait les mots sans vraiment saisir ce qui se cachait derrière. Le Quidditch était le sport de prédilection des sorciers, ce que le soccer, le cricket ou le rugby représentaient pour les moldus. Même les gens qui n'aimaient pas le sport le connaissaient. C'était quelque chose de profondément sorcier, comme le fait d'avoir une baguette magique ou encore d'avoir été à Poudlard non, les autres écoles n'existent pas. « Oui c'est ça ! Un sport d'équipe, qui se joue sur balais volants du coup. » précisa-t-elle en grimaçant légèrement, consciente de la façon dont ça sonnait pour quelqu'un qui n'était pas (ou plus) familier avec le monde sorcier. Tenir ce genre de propos devant des moldus reviendrait à n'en pas douter à s'engager pour un aller simple vers l'asile. « Tu participais à beaucoup d'activités extra-scolaires, oui ! Le Quidditch, la danse... Hm, d'ailleurs pour info le club de danse s'appelle Sterne. J'imagine qu'on a déjà dû te le dire et ce n'est peut-être pas l'information la plus primordiale, mais au cas où... » Elle haussa les épaules, ne sachant pas si elle devait continuer, ou si c'était déjà trop d'informations éparses. « Moi je suis nulle en danse. J'ai deux pieds gauches. » ajouta-t-elle dans une tentative visant à détendre l'atmosphère, et pour ne pas laisser le silence s'installer. Payton semblait plus... directe depuis l'attaque, Tempérance osait supposer que son aînée lui dirait de limiter le débit de paroles si elle en avait assez.

Malgré ses réserves et la peur de poser une question qui fâche, les mots échappèrent à Tempérance avant qu'elle n'ait pu les retenir, et elle se retrouva à attendre d'un air mêlant curiosité et anxiété que Payton lui dise si elle se souvenait de qui que ce soit. Ce n'était pas le cas, mais ce n'était pas surprenant - après tout, l'Irlandaise le savait déjà, mais elle continuait à espérer. Elle acquiesça d'un hochement de tête compréhensif aux paroles de son amie, se mordillant la lèvre inférieure tout en réfléchissant. « Ah, oui, c'est Klara ! » confirma-t-elle après s'être redressée pour avoir une meilleure vision de la photo tenue par Payton. « C'est ta meilleure amie, et c'est la préfète de Gryffondor, oui, comme toi celle de Poufsouffle. » Enfin, elle était la préfète de Poufsouffle, mais Tempérance ne voyait pas d'intérêt à insister sur le sujet. Elle n'osa pas s'avancer au point de lui demander comment étaient les choses avec ses parents et son frère, ou encore Stephen, craignant de se montrer trop indiscrète. Et puis, elle se doutait que quelle que soit la situation, elle ne pouvait pas être bonne. Elle voyait bien l'air qu'arborait le professeur Harris lors des cours de Potions, même s'il tâchait de faire bonne figure.

La blonde esquissa un sourire surpris suite aux paroles de Payton concernant ses cours particuliers, peu habituée à lire tant d'amertume dans sa voix. « Je- » comprends, s'apprêtait-elle à dire, avant de réaliser que non, elle ne comprenait définitivement pas: elle ne pouvait qu'imaginer. Elle se reprit: « Ça donne quoi pour les sortilèges ? C'est l'un des seuls cours où je me débrouille vraiment bien, si jamais t'as des questions... Le mieux pour cette matière de toute façon, c'est souvent la pratique. J'avais lu qu'on développait pas mal d'automatismes d'ailleurs au niveau des gestes. » Elle attrapa le bouquin qui traînait sur la table de chevet de Payton pour s'occuper les mains, et l'ouvrit à une page au hasard. Maléfice du Saucisson. « Les moldus, oui ! » corrigea-t-elle machinalement, levant la tête vers une Payton à l'air fatigué. « Au moins tu te souviens du reste, effectivement ! Je ne te connaissais pas une passion pour les poissons ! » Elle adressa un petite sourire amusé à son amie, consciente qu'elle devait crouler sous le poids des informations. « Tes deux parents sont des sorciers cela dit, je ne sais pas trop à quel point tu étais en contact avec les moldus. Nous aussi on connaît les carpes en tout cas ! » Même si ça ne faisait pas partie du genre de choses qu'on enseignait à Poudlard. Peut-être qu'il y avait un chapitre consacré à la pêche au cours d'Etude des Moldus ? Tempérance n'en avait pas la moindre idée pour sa part, car elle n'avait pas vu l'utilité de cette matière pour quelqu'un ayant grandi parmi eux.

Payton resta silencieuse un moment. Elle ne voyait pas quoi dire de plus au sujet de ses activités extra-scolaires qu'elle avait oublié. Peut-être qu'elle en reprendrait certaines quand elle irait mieux... Elle ne pourrait pas passer tout son temps enfermée, là, à attendre que les choses se tassent. Il faudrait qu'elle retrouve des amis, de nouveaux ou bien les mêmes, ça n'avait pas réellement d'importance... Pour elle du moins, car elle se doutait bien que pour eux c'était plus dur, un peu comme si elle était morte quelque part, car il fallait qu'ils fassent le deuil de l'ancienne Payton pour accepter la nouvelle. L'accepter, elle, telle qu'elle était maintenant sans essayer de faire revenir une fille désormais disparue qu'elle n'était pas. L’ancienne Payton était morte. Elle deviendrait une autre personne, ni moins bonne, ni meilleure, mais autre.

« Peut-être que je referai du sport, un sport, n'importe lequel... Je verrai ça à la prochaine rentrée, pour le moment, je dois surtout me concentrer sur les cours. » lâcha-t-elle enfin pour clore ce sujet avant de passer à la suite, peu engageante car elle portait sur son incapacité à se souvenir de qui ou de quoi que ce soit, y compris de la fille sur la photographie sur sa table de chevet. « Je ne crois pas que je puisse encore avoir de meilleure amie. Pas si je ne me souviens pas d'elle. Et puis, je ne l'ai pas vu encore depuis mon retour, peut-être parce que je ne suis plus une préfète. » Même la notion de meilleure amie lui semblait étrange : si elle parvenait déjà à se refaire simplement des amis ce serait bien. Retenir les noms de ses camarades de dortoir et de maison serait un bon début lui semblait-il. Même si un nom ne lui donnerait jamais accès à tout ce qu’elle aurait du connaître de tous ces gens. Leur regard inquiet – le même qu’avait Tempérance par instant – lui pesait, car elle n’allait pas mal physiquement, ce qui était dur, c’était de devoir sans cesse rappeler qui elle n’était plus.

Tempérance choisit – avec sagesse – un sujet de conversation plus neutre, à savoir ses cours de rattrapage. Plus précisément les sortilèges puisque c’était ce qu’elle avait passé un bon moment à réviser dans la nuit. « En fait ça va plutôt bien, au niveau des sortilèges et du reste des cours. Comme ce n’est pas cette partie de ma mémoire qui a été touchée, je ré-apprends plutôt vite. Pas assez pour être en cours avec les autres, mais assez pour tenter d’avoir quelques matières aux examens. J’aurai le droit de passer un rattrapage en septembre si je ne suis pas prête en juin, mais je crois que ça devrait le faire, surtout que d’après mes parents j’étais une élève correcte mais pas spécialement brillante donc je n’ai pas besoin d’avoir la note maximum – des optimal c’est ça ? - partout. » Expliqua-t-elle calmement, elle était étrangement sereine sur cette question, si sa vie sociale la rendait tendue rien que par sa simple évocation, les cours n’étaient pas une source de stress… pas quand elle pouvait tout rattraper toute seule dans son lit en tout cas. Elle n’était pas particulièrement fan des moments passés avec juste un des profs. Surtout quand c’était son père. Il essayait de ne pas le montrer, mais c’était aussi dur pour lui que pour sa mère. Normal à priori. Même si ça laissait plus froide qu’elle n’aurait du… tout bonnement parce qu’elle ne les connaissait pas. Rectification : pas encore.

Elle ne releva pas pour les moldus, quant aux poissons… elle se contenta de hausser les épaules : elle ne savait pas pourquoi elle en savait autant non plus. Peut-être qu’elle avait été pêchée quand elle était petite pour quelque chose comme ça. A moins qu’elle ait lu plusieurs livres sur le sujet. A défaut d’être une très bonne élève, elle était assez bonne lectrice. On lui avait aussi vanté ses talents pour la cuisine. Comme elle s’était vitre redécouverte un goût pour la bonne chaire, c’était un loisir dans lequel elle replongerait vite, peut-être cet été, ça lui ferait une occasion de passer du temps avec sa mère sans qu’il y ait trop de blanc.

« J’étais dans une école primaire moldu, j’y étais avec la fille sur la photo, Klara... » Expliqua-t-elle en fronçant les sourcils, fouillant dans sa mémoire pour trouver des bribes d’informations sur ce qu’on lui avait dit être sa vie. « J’aimais peut-être les poissons. Ou j’aimais peut-être les manger. Il paraît que je mange de tout. Je n’ai pas testé, mais c’est sûr que j’aime encore les gâteaux et le chocolat ! » N’était-ce pas une bonne nouvelle dans tout ce bazar ?

Tempérance fut désolée d'apprendre que Payton ne pouvait plus considérer Klara comme sa meilleure amie. C'était un lien qui lui avait pourtant paru si fort ! Néanmoins, après avoir oublié ses parents, son frère, ou Stephen, l'Irlandaise supposait que ça n'avait rien de surprenant - ou de bien pire. « Peut-être avec le temps... » se contenta-t-elle de répondre avec précaution, ne sachant pas trop sur quel pied danser. Comment se faisait-il que Payton n'ait pas encore vu la préfète de Gryffondor depuis son retour ? Tempérance n'en avait pas la moindre idée. Elle ne connaissait Klara que par le biais de la jeune Poufsouffle se trouvant en face d'elle en cet instant. Peut-être était-elle trop occupée par ses fonctions de préfète, et les exigences de la cinquième année. Peut-être n'arrivait-elle pas à affronter cette nouvelle situation. Bien des hypothèses, et pas la moindre explication définitive.

Plutôt que de s'apitoyer sur le sort de son amie - ce qu'elle avait été encline à faire, ne serait-ce que par pur réflexe -, Tempérance opta pour le sujet plus facile que constituaient les études. Payton ne suivait en effet plus les mêmes cours qu'elle, figure familière dans un océan d'élèves en tout genre. Il lui fallait rattraper plus de quatre longues années de sortilèges, mouvements de baguette et dates historiques. Repérant le manuel de sortilège sur sa table de chevet, Tempérance lui proposa naturellement ses services - ne serait-ce que parce qu'il s'agissait de l'une des seules matières où elle posséda la moindre qualité pouvant servir à son amie. A sa surprise, Payton lui apprit cependant qu'elle se débrouillait assez bien, au vu des circonstances.

« Oh, tant mieux alors ! C'est déjà ça. En plus, si tu réussis certaines matières, tu n'auras plus tant de retard que ça. » commenta la blonde, un sourire sincère aux lèvres. « Oui, c'est ça, l'Optimal est la meilleure note. Après il y a Effort Exceptionnel, et Acceptable. Et je crois que tu ne t'en sortais pas trop mal en classe effectivement. » A ses yeux, Payton avait de toute façon toujours été une élève modèle. Elle n'était peut-être pas la première de son année, mais elle était appliquée, et puis elle était également préfète de leur maison, et une personne globalement très appréciée. Ce qui rendait ce qui lui était arrivé d'autant plus déchirant. Pas que quiconque mérite un sort pareil. Mais là il s'agissait carrément de Payton.

Même si elle considérait Payton comme son amie, les deux filles n'avaient jamais été proches au point de connaître des détails réellement personnels de leur vie respective. Certainement pas comme l'avaient été Payton et Klara. Bien que constamment entourée, Tempérance ne possédait pas tant d'amis proches que cela. Dernièrement, ce groupe avait commencé à s'étendre un peu, au vu de l'évolution de sa relation avec son amie Erin, et également avec Julian, mais ce sentiment était encore nouveau à ses yeux. « Oh, je ne savais pas ! Je suis aussi allée à l'école moldue. » offrit-elle en retour, accueillant avec intérêt ces petites bribes de la vie de Payton qu'elle semblait presque découvrir en même temps que la jeune fille. « Ah, ah, en effet, ton amour de la pâtisserie est un fait bien connu chez les Poufsouffles qui seraient mal placés pour te juger ! » Elle fronça les sourcils, pensive, en quête d'un élément supplémentaire à apporter à son amie. « Tu en préparais même toi-même, ils étaient sacrément bons ! Tu disais que tu t'entraînais avec la mère de Stephen, d'ailleurs sa pâtisserie est très connue ! » Comme il était bizarre de parler de Payton au passé, alors que celle-ci se tenait juste en face d'elle ! Si elle s'était trouvée à la place de son amie, elle ne savait pas ce qu'elle aurait préféré. Laisser le passé dont elle ne se souvenait de toute façon plus de côté, pour tenter un nouveau départ ? Ou se raccrocher aux bribes rapportées de-ci de-là pour tenter de reconstituer un peu de celle qu'elle avait été ? Les deux options paraissaient trop déprimantes aux yeux de la jeune Irlandaise, qui préférait se cantonner à l'idée - naïve, certes - que l'ancienne préfète finirait par retrouver la mémoire.

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Payton ne répondit rien au sujet de Klara. Elle sentait chez Tempérance le désir d’encore y croire, quelque chose qu’elle avait remarqué chez plusieurs personnes autour d’elle. Mais elle n’avait pas l’impression que le processus soit réversible. Ce qui ne signifiait pas qu’elle s’imaginait vivre sa vie sans ami, non, elle se disait juste qu’elle allait devoir tout recommencer, de zéro. Elle était une nouvelle Payton et ils allaient devoir vivre avec ça. Ses parents commençaient tout juste à vraiment bien saisir cet aspect de la situation, pour ses camarades, c’était plus long, mais ils n’avaient pas eu de discussion avec les médicomages et les spécialistes des sortilèges d’oubli.

« Oui, je travaille sérieusement pour pouvoir revenir en classe avec les autres au mois de septembre. En prenant des cours cet été, c’est sûrement réalisable. » Et son père était professeur donc il en connaissait un rayon en la matière (sans mauvais jeu de mots). Être comme les autres et se fondre dans la masse était un objectif comme un autre, en tout cas c’était le sien. Il lui avait semblé comprendre qu’elle faisait partie de ces gens qui parlaient à tout le monde et était plutôt connue (avec un père prof, là encore, ce n’était pas très surprenant, même pour une amnésique). Elle ne pensait pas pouvoir retrouver cette vie, mais si déjà elle reparlait aux gens de sa maison et de son âge, ce serait un beau pas en avant, et elle se disait qu’une fois le retard scolaire rattrapé, ce serait faisable. Pour l’instant, elle avait encore l’impression de crouler sous les informations qu’elles soient personnelles ou qu’elles concernent les cours. Il était clairement trop tôt pour revendiquer ne serait-ce qu’un semblant de normalité.

Laissant de côté les histoires d’école moldue (elle ne pouvait pas parler de la sienne, elle ne s’en rappelait pas et ça n’avait pas été un sujet très important quand on lui avait parlé d’elle), elle se concentra sur la pâtisserie. « Ah oui… je vois qui c’est. C’est une belle dame brune. Stephen lui ressemble un peu je crois. On m’a dit que j’étais proche de lui, mais il m’a peu parlé depuis que je suis revenue. Je crois qu’il ne vit pas très bien mon accident, ce n’est pas comme Klara, elle, je n’arrive juste pas à la voir donc j’ai du mal à me souvenir d’elle même maintenant, avec les photos, lui, je vois bien qui il est et il est venu à mon chevet plusieurs fois au début. Mais c’est comme si… il ne me disait pas tout. Enfin… je n’en sais rien, je me fais peut-être des idées. De toute façon, ce qui compte c’est qu’à chaque fois que sa mère vient me voir, elle me ramène plein de bonnes choses à manger ! » de la part de Payton, il était étonnant qu’elle balaye aussi facilement le sujet de la froideur de Stephen. Mais elle n’était plus vraiment Payton et elle était encore moins celle de Stephen avec qui elle avait grandi, évoluée. Leur lien avait disparu en même temps que sa mémoire, et vu le caractère difficile du jeune homme, il ne tiendrait qu’à lui de le renouer, car la Poufsouffle ne l’avait vraiment placé dans l’ordre de ses priorités. Après tout, il allait quitter Poudlard l’an prochain !

Le regard de la brunette passa sur son réveil, elle jeta alors un regard inquiet vers Tempérance : « Tu ne devrais pas être en cours ? Tu vas être en retard non ? » Et s’inquiéter pour les autres, ça, par contre, c’était très Payton !

Tempérance afficha un sourire enjoué lorsque Payton lui apprit qu'elle retrouverait sûrement les cours avec leurs camarades d'ici la prochaine rentrée. C'était une très bonne nouvelle: après tout, elle n'allait pas rester ostracisée ainsi pour toujours. Les cours particuliers, c'était très sympa, mais passer une à deux heures à regarder le vieux Slughorn dans le blanc des yeux devait s'avérer un brin éreintant. « Oh, super ! Je n'en doute pas en tout cas, surtout si tu dis que tu retrouves quand même de vieux réflexes. Et puis, avec les cours particuliers, ça va le faire ! » commenta-t-elle, éternelle cheerleader.

Dans l'espoir (futil) de raviver quelques souvenirs chez Payton, ou au moins de compléter les blancs qui devaient rester, Tempérance se permit d'évoquer le sujet "Stephen" et surtout sa mère, qui était la propriétaire d'une célèbre pâtisserie londonienne. La blonde fut peinée d'apprendre que Stephen se montrait distant envers l'ancienne préfète, dont il avait pourtant été très proche. Ce n'était pas pour rien que certaines rumeurs circulaient à leur sujet après tout ! En tout cas, elle trouvait ça très nul de sa part, mais se voyait mal aller faire des reproches au jeune homme. D'un, ce serait refouler toutes les pulsions qui la poussaient à se montrer toujours politiquement correcte et amicale envers autrui, et de deux, elle trouvait Stephen plutôt impressionnant. Il arborait souvent un air grave qui n'invitait pas franchement Tempérance à aller lui claquer une généreuse tape dans le dos en lui racontant les derniers potins. « C'est vrai ? C'est naze de sa part alors, vous étiez proches oui... En plus, il quitte Poudlard à la fin de l'année. Mais bon, peut-être qu'il est encore sous le choc, ou quelque chose comme ça ? » offrit-elle avec hésitation, peu désireuse de laisser sa phrase se terminer sur des tonalités négatives. « T'as bien de la chance, elle est réputée pour faire d'excellentes pâtisseries ! » Tempérance n'avait par ailleurs jamais eu l'occasion de les goûter, mais elle y comptait bien.

A la remarque de Payton, Tempérance leva un regard vaguement alarmé vers le réveil de la jeune fille: « Oulala ! » Elle ne s'agita pas tout de suite pour autant, se permettant de reposer tranquillement le livre de sortilèges sur la table de chevet. « Je crains que ça soit loin d'être mon premier retard en cours d'Histoire... » Elle poussa un soupir à fendre l'âme, mais se leva bon gré mal gré. « C'est ton dernier mot alors ? Pas de cours de Vol ? Sur le passage je dirai aux profs que tu ne te sentais pas très bien dans ce cas. » décréta-t-elle. Ce n'était pas très Poufsouffle de mentir, mais ça l'était de protéger ses amis. Faute de mieux, elle se contenterait donc d'aider Payton à sa façon. « On se voit plus tard si je survis au professeur Binns...! » Elle lança un regard éloquent à son amie, avant de tourner les talons avec nonchalance, bien décidée à prendre son temps pour se rendre dans la salle de classe honnie.