Allistair avait passé une nuit assez courte. Trop courte, en fait ; il s'était plongé dans la lecture de la biographie de Dai "le Dangereux" Llewellyn,
Il volait comme un fou ; s'il avait compté n'en lire que quelques chapitres à l'origine, il avait dévoré l'ensemble, et n'avait éteint sa baguette qu'une fois la postface lue, sur le coup de quatre heures du matin. Par chance, il n'avait pas besoin de beaucoup de sommeil pour être opérationnel, et un bon petit déjeuner avait achevé de le mettre en forme. En consultant son emploi du temps, il avait réalisé que son premier cours de la journée serait un cours de potions. Il était curieux de voir comment les cours se dérouleraient avec leur nouveau professeur. Une chose était sûre, passer après le professeur Harris n'allait pas être une mince affaire ; celui-ci avait été très populaire aux yeux de ses élèves, et plus encore pour les Poufsouffles comme Al'. Le jeune homme n'avait toujours pas compris ce qui avait poussé l'ancien Maître des Potions à quitter l'école. Il n'avait certes rien contre sa nouvelle directrice de Maison, ni d'a priori à l'égard de la nouvelle enseignante de potions ; mais après cinq ans à être suivi par la même personne, le changement allait lui faire pour le moins bizarre.
Arrivé parmi les premiers dans les cachots, il constata que l'enseignante avait décidé de prendre très clairement ses distances avec ses prédécesseurs, en modifiant complètement les salles de cours. Il avait toujours pensé que la faible luminosité et la fraîcheur ambiante servaient à conserver les ingrédients dans les meilleures conditions possibles, apparemment à tort. Cela étant, il n'avait rien contre le changement, et restait avant tout curieux de découvrir la nouvelle enseignante. Après tout, c'était synonyme d'une nouvelle façon d'aborder l'apprentissage et la matière en elle-même.
Quelques élèves étaient déjà installés dans la pièce. Allistair s'approcha dans un premier temps du bureau de l'enseignante, qui trônait au milieu de la salle.
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Bonjour, professeur. Je suis Allistair O'Mara, ravi de vous rencontrer.S'il se doutait que l'administration avait remis un trombinoscope à l'ensemble du corps professoral, il préférait venir se présenter de lui-même, quitte à faire doublon ; en plus d'être poli, selon lui, cela permettrait au Maître des Potions en poste de mettre plus facilement un nom sur son visage.
Cela fait, il alla s'installer à une table encore inoccupée. Peu d'élèves de sa connaissance avaient obtenu les notes suffisantes aux BUSES pour poursuivre ce cours, mais il espère que Ringo, sa meilleure rivale, sera de la partie.
Une fois tous les élèves installés, le professeur dévoile une potion qui n'est pas complètement étrangère au jaune et noir. Sa couleur nacrée, ainsi que la fumée qui s'en dégage en formant des spirales caractéristiques, le mettent sur la piste ; c'est néanmoins la dernière question posée par le professeur qui confirme sa pensée. Cette potion, il l'a déjà vue à plusieurs reprises chez
Weasley, Farces & Attrapes pour Sorciers Facétieux : c'est l'une de leurs meilleures ventes, et probablement l'une des plus gênantes dans l'enceinte de Poudlard.
Sans attendre plus, il s'approche à pas mesurés du chaudron, attendant son tour pour en sentir l'odeur. Cela achève de le conforter dans son idée, et relevant la tête, il croise le regard de son professur et lève doucement la main.
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Je crois qu'il s'agit d'Amortentia, professeur Gibson. En ce qui me concerne, je sens l'odeur de la terre après la pluie, le bois huilé, et les draps propres.Tout en énonçant la deuxième partie de sa réponse, le garçon eut le sentiment d'être un peu stupide ; d'un autre côté, ces trois odeurs résumaient remarquablement bien sa vie : la nature, le Quidditch, et la sieste. Il y avait quelque chose de presque caricatural là-dedans, pour autant, il ne pouvait pas s'empêcher de se demander ce que ses amis sentaient, eux, lorsqu'on leur tendait une fiole d'Amortentia. Il aurait mis sa main à couper que le bois huilé d'un manche de balai bien entretenu faisait partie des odeurs favorites d'Alan, et par extension de sa mère ; il n'était pas bien sûr du reste, mais il avait au moins cette conviction.
La véritable inconnue qui occupait l'esprit du garçon était l'odeur de l'Amortentia pour Joséphine. Les deux jeunes s'entendaient bien, si bien que le garçon avait parfois l'impression de la connaître depuis des années. C'était pourtant loin d'être le cas et à la réflexion, il réalisait qu'il ne savait que trop peu de choses à son sujet -juste assez, en fait, pour deviner que l'odeur des balais volants ne lui dirait certainement rien qui vaille. L'espace d'un instant, il songea qu'il pourrait toujours lui poser la question ; mais il ne savait pas tellement comment amener le sujet sans que cela ne soit mal vu. Après tout, supposer l'odeur de son Amortentia était une tâche ardue, et la seule façon d'obtenir un résultat probant impliquerait de présenter à la demoiselle un flacon de ladite potion ; or même dans le cas où Jo' ne reconnaîtrait pas la potion, elle aurait vite fait de se renseigner et, rien qu'avec le nom de la mixture, il était évident d'en deviner les effets.
Le fil de cette réflexion fit d'ailleurs remarquer à Allistair qu'il n'avait pas pris le temps de développer les effets en question ; peut-être avait-il inconsciemment considéré ceux-ci comme acquis à la simple mention du nom d'Amortentia. Pourtant, si le professeur Harris lui avait enseigné quelque chose, c'était bien que l'art des potions requérait détails et précision et ce, en toutes circonstances. Il s'empressa donc d'ajouter :
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Comme son nom et son odeur plaisante peuvent le laisser penser à raison, l'Amortentia appartient à la famille des philtres d'amour. Bien qu'il soit l'un des plus puissants au monde, il reste incapable de créer un véritable amour ; il provoque en revanche une puissante obsession chez celui qui le boit à l'égard de la personne qui lui administre le philtre. Les effets sont -heureusement- temporaires.Ce résumé lui sembla suffisamment complet ; de plus, s'il se souvenait avoir lu quelque chose sur la principale créatrice de philtres d'amour, il ne se rappelait plus vraiment du détail, et préférait de toute manière laisser un peu de place aux autres. Il retourna donc à sa table, essayant de s'imaginer la réaction de Jo' s'il venait un jour à lui présenter ouvertement cette potion -et autant dire que le résultat serait vraisemblablement volcanique.
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