Jamais vraiment perdu [PV]

Erik avait absolument tenu à accompagner sa mère à Londres au début du mois de février, un samedi, pour acheter des vêtements à sa nouvelle petite sœur qui est aussi la seule Harmony. Le petit garçon était en adoration devant ce bébé qui liait enfin concrètement les deux parties de sa famille. Certes, Asher avait épousé sa mère l’année précédente, c’était même pour ça qu’ils avaient mis en route le projet bébé qui était sur le feu depuis un moment, mais un mariage ça pouvait se dissoudre, alors qu’une petite sœur… Harmony serait pour toujours la preuve concrète que Liam était bel et bien son petit frère. Et en tant qu’aîné de la fratrie, il se devait d’avoir un regard sur tout ce qui les concernait.

Le hic c’est qu’Erik s’était perdu dans la contemplation des jeux vidéos et par la même ne voyait plus Charisma. Il alla voir des adultes pour passer un appel audio, mais au bout de vingt minutes, il se lassa et s’enfuit quand les gérants du magasin eurent le dos tourné. D’un pas tranquille, il se dirigea vers le panneau avec une carte de la capitale qu’il avait repéré un peu plus tôt durant sa promenade. Il remarqua qu’il n’était qu’à quelques centaines de mètres de Sainte Mangouste. Prenant le petit carnet qu’il gardait toujours dans sa poche, il nota la route à prendre et se dirigea, toujours sans aucune trace de panique, vers l’hôpital des sorciers. Arrivé devant la vitrine du vieux bâtiment Purge & Pionce Ltd qui servait de façade à l’institution médicale, il y pénétra sans tergiverser et s’approcha du premier comptoir qu’il trouva : « Bonjour madame, pourriez-vous me conduire au docteur Emma Carter s’il vous plaît ? Je suis son neveu. Elle ne m’attend pas, mais c’est pour une urgence ». Vu qu’il était difficile de ne pas craquer face aux grands yeux bleus de ce petit garçon à l’air si adulte, la femme à l’accueil le conduisit à un autre étage jusqu’au bureau d’Emma. Elle toqua, vérifia qu’il n’y avait pas de patient avec la jeune femme, et laissa le passage à Erik.

« Je suis désolée Madame Carter, mais ce petit garçon vous demandait, il dit être de votre famille. » Techniquement, ce n’était pas exact. Il était cependant beaucoup plus simple pour arriver jusqu’à la meilleure amie de sa mère de se faire passer pour son vrai neveu. « Bonjour tatie Emma, je me suis perdu dans Londres et tu étais la plus proche géographiquement. Pourrais-tu écrire à maman pour qu’elle vienne me retrouver ici je te prie ? » Droit comme un i, mains croisés devant lui, il n’était pas sans rappeler un autre membre des Kostovak. Rien d’illogique à ça, Erik singeait sa mère depuis qu’il était en âge de marcher et de parler. Il aurait difficilement pu imiter son père, absent de sa vie depuis toujours, et il avait eu une relation fusionnelle avec Carry les premières années puisqu’il n’y avait que elle et lui. Cependant, sous des dehors matures, calmes et presque froids, Erik était en réalité bien plus chaleureux que ne le serait jamais Charisma, et Emma le savait bien puisqu’elle le connaissait depuis son plus jeune âge.

« Inquiète ? Non, je ne pense pas. Elle a du me chercher dans le futur et voir que tout irait bien. » Répliqua Erik d’un ton neutre qui cachait mal la fierté qu’il avait quand il voyait sa mère utiliser son don. Il regrettait qu’elle ait bridé le sien, ne lui laissant que celui de son père absent. Voir le futur, c’était cool mais entendre des voix un peu moins. « Nous avons été séparés dans un grand magasin à quelques centaines de mètres d’ici. On cherchait des vêtements pour Harmony mais nous sommes passés dans le rayon des jeux vidéos et je me suis perdue dans la contemplation de ceux-ci. Je me demandais lesquels j’aurais pour mon anniversaire. » Qui serait dans quelques jours, le 17 février, et il espérait bien avoir de nouveaux RPG car  tous ceux de chez lui étaient déjà terminés. Même s’il aimait lire, il s’ennuyait quand il n’avait aucun jeu en cours. Il espérait d’ailleurs que sa tante, ici présente, n’avait pas oublié son anniversaire – au pire tonton Nick y aura pensé pour deux -.

« Oui, merci. » Répondit le petit garçon poliment en s’asseyant sur la chaise probablement destinée aux entretiens avec les patients. Elle était un peu haute pour lui, ses pieds ne touchaient pas tout à fait le sol quand son dos était contre le dossier. « Mais je n’ai pas faim bien qu’il soit très gentil à toi de me le proposer Tatie Emma. » Il balança un peu ses jambes, ce qui était un comportement plus naturel chez un enfant que son impassibilité affichée. Erik n’était pas, au naturel, particulièrement froid. En cela, il se contentait d’imiter sa mère, parce qu’elle avait longtemps été son modèle, son seul point de référence, et qu’il voulait à tout prix éviter de ressembler à la partie « Griffins » honnie dont la réputation lui était parvenue. Visiblement, son père biologique était un sanguin, Erik avait donc décidé d’être tout l’inverse. Et à défaut d’être réellement froid, il était réellement borné…

« Peur ? Pourquoi donc ? Il y avait une carte du quartier à l’entrée du magasin, on n’est jamais vraiment perdu quand on a une carte. » Commença-t-il à expliquer tout en continuant à balancer ses jambes, trouvant le flottement relatif de ses pieds amusant. « J’ai remarqué que la rue de Sainte Mangouste n’était pas très loin, j’ai noté les directions et les noms des rues sur mon calepin, et je suis arrivé à bon port. En l’absence de carte, je serai resté dans le rayon des jeux vidéos, vu que c’est le dernier endroit où j’ai vu maman. » Quand on se perdait, il fallait rester sur place jusqu’à l’arrivée des secours. Seulement, là, il n’était pas perdu puisqu’il savait où trouver Emma ou, à défaut, des adultes sorciers qui sauraient comment joindre sa mère. Ils étaient à Londres après tout, pas dans la jungle amazonienne !

« Et puis je ne risque rien, je ne sais pas encore faire de magie, mais j’ai mon don pour me protéger. » Il plissa les yeux et des flammes apparurent tout autour de lui dans un cercle parfait – la géométrie, c’est important -. Cette démonstration accomplie, il les fit disparaître. Les dons n’entraient pas dans la catégorie des magies interdites aux mineurs puisque certains parmi eux, comme le don de Carry, se manifestait sans contrôle. Erik n’avait pas ce problème, il venait de prouver à l’instant que ses flammes étaient parfaitement obéissantes, mais il passait quand même sous les radars pour cette raison. Il souhaitait donc bien du courage à qui voudrait s’en prendre à lui… ce qu’il ignorait dans cette façon de penser, c’était qu’elle correspondait bien plus à Axel Griffins qu’à Charisma Kostovak, il aurait été très contrarié de l’apprendre d’ailleurs.

Puisqu’ils tombèrent d’accord sur le fait que sa mère n’était pas inquiète, Erik laissa ce sujet de côté, surtout que parler de son anniversaire était beaucoup plus amusant. « J’aimerais bien jouer à la dernière version remastérisée de Final Fantasy X. C’est un grand classique. » Commença-t-il par répondre parce que ses futurs cadeaux étaient réellement un sujet important même s’il ne s’inquiétait pas pour celui que lui ferait Emma : tonton Nick jouait aux mêmes jeux que lui. Concernant Poudlard, il eut un petit sourire fier : « Assez impatient, en effet. Je suis sûr que je vais être un sorcier très qualifié », et il espérait bien que personne dans son entourage n’en doutait. « Ils vont bien, Harmony grandit beaucoup ! Quant à Liam, c’est vraiment bête qu’on soit obligés d’être séparés : tu te rends compte, ça va durer une année entière ! » Il ponctua ces mots d’une grimace : ne pas pouvoir entrer à Poudlard en même temps que son demi-frère était son seul regret. Depuis qu’ils se connaissaient, ils étaient presque inséparables. Ils avaient même été amis avant que Asher et Charisma ne commencent à se fréquenter ! On pouvait même dire que c’était en quelque sorte grâce à leurs fils respectifs qu’ils s’étaient trouvés ! Pourquoi fallait-il que Liam soit plus jeune ?

« Ah oui ? Je n’ai pas trouvé ça très compliqué. Et si je m’étais perdu, j’aurais demandé à un adulte de m’emmener à un poste de police. » Il n’était pas absolument sûr d’avoir réellement le sens de l’orientation (disons plutôt qu’il savait lire une carte), mais il connaissait le B-A-BA de ce qu’il fallait faire quand on perdait son parent dans la foule. Sa mère y avait veillé – elle était même assez stricte sur son autonomie puisque autrefois ils n’étaient que tous les trois Carry, Dorémi et lui -.

« Je sais, pas devant les moldus, sauf en cas de légitime défense. C’est dans le code de la justice magique. » nota-t-il avant d’en revenir au vrai point soulevé par sa tante : « C’est vrai ! Il y avait maman, toi, mon géniteur… ce devait être amusant ! J’espère qu’il y en aura d’autres en même temps que moi, parce que même si je sais parfaitement bien l’utiliser, rien ne vaut l’entraînement. » Il se souleva légèrement comme pour mieux voir Emma : « Tu me montres le tien ? » Il l’avait déjà vu mais il trouvait toujours amusant de voir sa tante disparaître, ou plus exactement devenir invisible. Ça aussi c’était un don cool !

« Maman dit toujours que pour que les autres aient confiance en vous, il faut commencer par avoir confiance en soi. » Non pas qu’Erik ait jamais eu beaucoup besoin de ce genre de conseil, il n’était pas de ces enfants qui tremblaient avant d’aller au tableau, non lui il corrigeait son professeur lorsqu’il faisait la moindre petite erreur avec une assurance qui frôlait l’insolence. La génétique ne pouvait renier au petit garçon ses deux parents : ni Carry, ni Axel n’avaient été connus en leurs temps pour leur manque d’aplomb, bien au contraire, l’un comme l’autre avait l’air de laisser couler sur eux toutes les remarques et critiques – sauf peut-être celles qu’ils se faisaient l’un à l’autre -. Erik était donc confiant concernant sa scolarité même s’il trouvait parfaitement inadmissible d’être séparé de son demi-frère ! Il avait même été à deux doigts de refuser tout net d’aller à Poudlard avant Liam mais ses parents n’avaient pas été très coopératifs tu m’étonnes. Le petit brun devait donc se consoler en se disant qu’il y aurait des belles découvertes à faire dans l’école de sorcellerie. « J’ai hâte de voir la bibliothèque aussi, j’espère que je serai à Serdaigle comme vous. » La majorité de son entourage (en dehors de son beau-père) était passé par cette maison, Emma comprise. Il supposait qu’il avait certains traits de Serpentard aussi mais il rêvait bien trop de se cultiver pour ne pas espérer rejoindre les aigles. D’ailleurs, il sourit quand la meilleure amie de sa mère lui confirma qu’elle pensait qu’il serait un sorcier qualifié : tant qu’à être séparé de Liam, autant être un élève à exemplaire mais à Serdaigle c’est plus remuant que ce que tu crois.

« Oui, j’aurais Tonton Nick avec moi ! Mais ce n’est pas vraiment pareil… Liam est mon frère. Poudlard ne sera pas aussi amusant sans lui... » se renfrogna-t-il bien malgré lui, cassant son masque d’impassibilité au passage. Erik regrettait d’être un peu plus âgé que son demi-frère, il aurait aimé naître un peu plus tard pour qu’ils puissent être répartis en même temps. Restait à espérer qu’à défaut d’être de la même année, Liam serait de la même maison que lui… Erik vouait un amour infini et très exclusif aux membres de sa fratrie… se faire des amis ne serait pas une partie de plaisir le concernant, il n’était pas très social (la faute, en partie, à son manque de souplesse car sinon il n’était pas si désagréable). De l’avis de ses parents, c’était donc plutôt un avantage qu’il n’entre pas à Poudlard en même temps que Liam car il n’aurait pas du tout cherché à se faire d’autres amis alors que si Carry y est parvenu, tout le monde le peut.

Il hocha la tête pour confirmer qu’il était paré : comme il avait été partiellement élevé par sa mère seule (et leur elfe de maison Dorémi), Erik avait de nombreuses bases depuis longtemps. Peu anxieuse par nature, Carry avait quand même tenu à préparer son fils à toutes éventualités malheureuses – une forme d’excès de zèle qu’elle n’était pas certaine de répéter avec sa fille, mais à la décharge de l’auror, elle était très jeune quand elle avait eu Erik -. Le petit garçon avait été très coopératif car il aimait apprendre, y compris des bases comme quoi faire si je me perds !

« C’est le directeur de Gryffondor qui a le même don que moi, c’est ça ? Maman voudrait lui demander de me donner des leçons – alors que je n’en ai pas besoin ! -. » s’offusqua-t-il plus ou moins car comme il venait d’en faire la démonstration à sa marraine, il maîtrisait très bien ses flammes (sauf quand il piquait une crise de colère, ce qui restait rare).

Pour rester dans ce sujet, il demanda à sa tante de lui faire une démonstration de son don. Lorsqu’il n’était qu’un bambin, cela le faisait rire aux éclats. Désormais, alors qu’il voyait Emma disparaître pour mieux réapparaître à un autre endroit quelques secondes plus tard, il se contenta d’un petit rire renforcé par des yeux brillants d’une lueur amusée. « Ton don est vraiment cool ! » dit-il tout en s’apprêtant à lui demander de recommencer. Il fut cependant interrompu par des coups à la porte. Sa mère fit alors son entrée, un air impénétrablement habituel plaqué sur le visage : Carry n’était pas réputée pour sa froideur pour rien. Elle accorda néanmoins un sourire à sa meilleure amie : « Bonjour Emma, merci de t’être occupée d’Erik, j’espère qu’il ne t’a pas trop dérangé. » L’auror s’approcha de son amie, lui présentant la petite bouille d’Harmony dans ses bras pour qu’Emma la voit. Le bébé était réveillé mais paraissait fatigué, ce qui n’avait rien d’anormal après une séance shopping. « J’ai vu qu’Erik était avec toi alors j’ai terminé mes achats avant de venir. Mais cette demoiselle commence à montrer des signes de mauvaise humeur : pourtant, je viens de dévaliser le rayon bébé pour elle. » s’amusa la jeune femme en faisant un petit signe à Erik pour qu’il se lève. Il allait être temps de partir pour la famille Kostovak-Peterson : « N’hésite pas à passer par chez nous si tu as du temps après ton travail. » Et cette phrase fut en quelque sorte le signe du départ.