Devoir ou sanction ? [ Jay ]

♛ Devoir ou sanction ?

I'm up against the speaker, tryin' to take on the music. It's like a competition, me against the beat I wanna get in a zone... I wanna get in a zone. If you really wanna battle saddle up and get your rhythm trying to hit it.

Poursuivre les cours de sortilèges après ses BUSEs avait été un choix. Une décision mûrement réfléchie et irrévocable. D'aucuns diraient même un acte un peu maso, après avoir passé cinq longues années dans une lutte constante pour se maintenir à flot et ne pas finir avec un Troll (la note, pas l'être) dans cette matière honnie. Mais les échanges de bons procédés avec Graham (assistance en théorie contre explications sur la pratique) et le tutorat de Joséphine ("bien sûr que non je n'ai pas fait exprès de t'enfoncer ma baguette dans l’œil Joséphine, dans l'espoir de t'emmener à l'infirmerie plutôt que de finir notre cours. Quel genre de détraquée ferait ça ?") avaient porté leurs fruits. Elle s'en était sortie. Et puis, poussée par la folie (grisée par le succès ? Emportée par l'orgueil ?), elle s'était dit : "on rempile pour deux ans". Et là, l'effet papillon. Une décision qui semblait infime, et inoffensive, qui, par effet boule de neige, l'avait entraînée jusqu'à ce sordide jour de décembre.

Etait-ce trop demander que d'être mise en binôme avec son meilleur ami ? Apparemment, oui. Elle avait cru pouvoir faire céder Tempérance Biel, devenue l'assistante du professeur Bones depuis la rentrée, mais cette dernière avait mis fin à toute éventualité de négociation en clamant les noms des duos haut et fort, d'un ton qui n'admettait aucune réplique. On avait connu les Poufsouffle plus conciliants. Quincy et... Faure, donc, Serpentard qu'elle côtoyait - forcément - depuis sa première année à l'école, et qui se caractérisait par un dédain certain pour la musique des dieux qui lui tenait à cœur. Ça et une capacité à être assez enquiquinant, ce que Fiona lui rendait bien. Question de principes. Elle était une élève discrète, certes, mais elle ne se laissait pas faire pour autant.

Elle avait bon espoir que Faure soit conciliant, quand bien même lui et son grand copain Foster n'étaient pas réputés pour leur assiduité en cours. Elle n'avait pas toujours brillé en sortilèges, mais elle aimait avoir de bonnes notes - vieux réflexes d'une première de la classe malmenée par la vie sorcière. Le sortilège de désillusion était complexe d'après leur manuel de cours, et elle n'avait pas hâte de devoir s'entraîner face au Serpentard. Surtout qu'il ne paraissait pas évident de visualiser Joséphine à sa place : pas tout à fait la même carrure, ou le même brushing visage bienveillant, n'en déplaise à José Faure.

Installée à la bibliothèque en l'attendant, elle consultait ses notes sur le sujet et les complétait avec un livre trouvé sur l'étagère dédiée aux sortilèges. La partie théorique était facile : rédiger un petit laïus sur le sortilège de désillusion, décrire ses effets, aborder ses usages dans la vie courante... Tranquille. Elle se dit que pour une fois, ça pourrait même lui être utile dans la vie de tous les jours, pour disparaître lors de situations gênantes, par exemple. Une qui lui venait immédiatement à l'esprit : celle générée par le fait d'être rejointe par Jay Faure, l'air aussi nonchalant qu'à son habitude.

« Salut, j'ai juste récupéré quelques livres pour faire la partie théorique. Il y a une salle libre à côté quand on voudra s'entraîner. » déclara-t-elle avec bonne volonté, écartant ses affaires pour faire de la place au Serpentard. Sa tablette magique se trouvait aussi sur la table : elle s'en était servie pour écouter de la musique jusqu'à ce qu'elle voie apparaître Jay. Elle avait toujours trouvé que la musique l'aidait à se concentrer, même quand il s'agissait de chansons rythmées, comme ça avait été le cas en l'occurrence. Au moins n'avait-elle pas à endurer les onomatopées grinçantes produites par Irma Pince à chaque fois qu'elle passait entre les tables pour s'assurer - au hasard - que personne n'avait décidé de malmener l'un de ses précieux ouvrages. En outre, elle travaillait en ce moment sur le futur morceau qu'elle comptait poster sur Magic Insta lors de la prochaine sortie à Pré-au-Lard. Les sorts c'était sympa, elle ne disait pas le contraire, mais il y avait aussi - et surtout - la musique dans sa vie.

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Jay Faure était passé maître dans la désinvolture : c'était, de son point de vue, un fait incontestable. Mains dans les poches, sourire en coin, posture affalée avec une aise qui donnait l'impression qu'il se trouvait chez lui, et non pas dans la bibliothèque poussiéreuse de l'école. Pendant ce temps, elle était assise comme une petite première de la classe, livres face à elle, stylo - à bille, parce que les plumes ça allait cinq minutes, merci bien ! - en main. Seule ombre à ce tableau d'assiduité : les écouteurs qui se trouvaient dans ses oreilles, et qu'elle retira diligemment à l'arrivée de Jay.

Sa question (bien que dégoulinante de sarcasme) semblait au moins indiquer qu'il s'intéressait un minimum au devoir (ça et sa présence). Pas particulièrement réputée pour son optimisme, Fiona décida pourtant de classer cela comme un bon signe, celui qu'ils allaient réussir à venir à bout de cette tâche à deux (et qu'elle n'allait pas se coltiner ça toute seule, ou en devant traîner Jay à corps et à cris). « Trente centimètres de parchemin à remplir. » répondit-elle sans se garder de lever les yeux au ciel, car franchement, on n'avait pas idée de mesurer ça en centimètres. Le concept de page aurait tout aussi bien convenu, quoiqu'il posait lui aussi la même problématique de la taille d'écriture de l'élève - des considérations que Fiona se garda d'exposer à Jay, que ça ne devait pas grandement intéresser. « Ça va être rapide, ça ne fait pas beaucoup. » ajouta-t-elle en lui montrant la quantité représentée sur un parchemin vierge se trouvant sur la table et qu'elle déroula rapidement.

Surfant sur la vague de semi motivation du Serpentard - ou au moins de participation -, elle compléta ses paroles : « Effectivement, ne rend pas invisible mais permet de se confondre avec son environnement, un peu comme un caméléon. Usages classiques : sur les hippogriffes ou les chevaux ailés, pour les cacher aux moldus, et également sur certaines capes d'invisibilité. » Elle fronça le nez en observant ses notes. « On va devoir meubler un peu. On peut broder sur le ressenti au moment où on se jette le sort j'imagine, certains disent que c'est comme se faire casser un œuf sur la tête. » poursuivit-elle en levant finalement les yeux vers le visage blasé de Jay. Elle se demanda à quoi il pensait. A voir sa tête, elle aurait dit qu'il voulait être à peu près partout sauf là - mais dans le fond, elle n'y pouvait rien, elle. Ce n'était pas comme si elle assignait les devoirs, ou établissait les binômes. Ils étaient tous les deux les victimes du système éducatif : c'est la vie. « Tu as d'autres choses en tête ? J'ai un livre sur les sorts de la vie courante, on peut juste trouver d'autres applications pratiques sinon, et ça devrait aller. » suggéra-t-elle, jugeant qu'il ne s'agissait pas non plus de la dissertation de l'année, a priori. De toute façon, ça n'était pas la partie théorique qui l'inquiétait.

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Fiona écarquilla les sourcils quand Jay la salua inopinément, et légèrement après la bataille, songeant "mieux vaut tard que jamais" mais ne l'exprimant pas à haute voix. Elle souhaitait que ce devoir commence sous de bons auspices : elle voulait avoir une bonne note. Elle ne comptait pas faire la partie de Jay à sa place pour autant - elle n'était pas une petite fourmi ouvrière, prête à faire le sacrifice de sa personne au nom de la communauté. En plus, le Serpentard avait l'air relativement coopératif, alors elle se disait qu'arriver à ses objectifs était peut-être jouable sans avoir à se plier en quatre.

Elle sourit à son tour, ne s'étant pas attendue à la proposition de Jay. « Non ça va, je crois que je suis à peu près capable de me représenter ça sans avoir à le vivre. On t'a déjà cassé un œuf sur la tête, toi ? » se renseigna-t-elle sur le ton de la conversation, même si elle se anticipait que la réponse soit non. Jay n'avait pas l'air toujours facile à vivre, mais elle doutait qu'il pousse le bouchon assez loin pour que quelqu'un vienne faire une chose pareille en guise de représailles. Et puis, c'était du gâchis d’œuf.

« Au pire si c'est un peu plus court ça n'est pas très grave je pense, il vaut mieux que ça soit bien rédigé et clair qu'un truc avec des phrases à rallonge et des fioritures inutiles juste pour atteindre le compte. » Son regard se fit pensif. « Et puis, on peut toujours juste écrire un peu gros. Fais voir ton écriture ? » Elle se pencha en avant pour mieux observer le parchemin du Serpentard, sur lequel il avait - à sa satisfaction - pris des notes depuis quelques minutes. Ce n'était pas une technique qu'elle aimait employer, et elle ne comptait pas pousser pour qu'ils écrivent un mot par ligne comment on fait pour caser subtilement le mot anticonstitutionnellement à ton avis ?, mais il fallait parfois savoir se montrer pragmatique : s'ils avaient le choix, autant prendre l'écriture la plus large.

Elle observa Jay lancer son crayon en l'air, jugeant qu'une chute leur garantirait l'excommunication par Madame Pince. Elle pencha la tête à sa remarque, sentant ses joues chauffer en ayant un flash de la situation qu'il évoquait. Elle baissa la tête vers sa feuille pour repasser un mot mal écrit, et surtout pour se donner contenance. « Oui clairement ça marche aussi sur les fringues. Peut-être que ça agit sur tout ce que tu touches ? » suggéra-t-elle, légèrement dubitative. Jay fit écho à ses paroles en proposant que le sort fonctionne sur tout ce que la cible portait sur elle. « On pourra faire le test et compléter ce qu'on a écrit je suppose. Pour les balais, tu veux dire, si on se jette le sort alors qu'on est sur un balai ? Parce que sinon, un balai seul, je pense que ça fonctionne comme sur les capes d'invisibilité. Le sort peut tenir un certain temps selon sa puissance, mais pas indéfiniment. » Elle avait été trop obnubilée par ses pensées pour s'émouvoir du ton employé par le Serpentard. Il faisait toujours preuve d'une indifférence sans bornes, et pourtant, il avait pris le temps de formuler une remarque tout à fait légitime. Elle se disait que le fond comptait davantage que la forme, dans leur situation.

« Je n'ai rien dit. » répondit-elle en levant brièvement les mains en signe de paix. Elle jeta un coup d’œil à ses notes, puis ramena les yeux vers le Serpentard. « Bon, je pense qu'on peut passer à la partie pratique, non ? Et on pourra rajouter des éléments après au besoin. Tu viens ? » Elle ramassa son sac posé sur le siège adjacent, et garda son cahier en main, stylo intercalé entre deux pages. Laissant Jay gérer sa vie, elle se dirigea vers la bibliothécaire, pour lui indiquer qu'elle voulait emprunter le livre qu'elle avait précédemment évoqué auprès de son binôme. Elle ouvrit ensuite la voie vers la salle qu'elle avait repérée au préalable. Elle aurait aimé pouvoir jouer les anguilles comme elle le faisait à l'époque de ses cours de tutorat avec Joséphine, mais elle n'avait pas particulièrement envie de s'humilier devant Jay non plus. Entre l'échec et l'esquive, elle ne savait pas ce qu'elle préférait. Pénétrant dans la salle, elle posa ses affaires sur le bureau, relisant discrètement les caractéristiques du sort dans ses notes. « Tu veux commencer ? » proposa-t-elle en relevant les yeux vers le Serpentard. Elle avait choisi le compromis : attaquer la pratique, mais repousser le problème malgré tout.

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Fiona était clairement d'humeur diplomatique : elle voulait une bonne note à son devoir, et elle voulait éviter toute altercation verbale avec Jay. Ce n'était pas comme s'ils avaient un passif particulièrement lourd non plus, même si elle connaissait la réputation du Serpentard lorsque les cours étaient concernés. A croire qu'ils se passaient le mot dans leur maison ! Qu'à cela ne tienne, Fiona savait se montrer tenace - autrement ne se serait-elle certainement pas trouvée dans cette situation.

Les politesses d'usage - plus ou moins à retardement - passées sans trop d'encombres, ils purent passer à la partie théorique de leur devoir. Elle adressa un regard mi-amusé mi-incrédule au brun alors qu'il lui annonçait qu'il n'était qu'une question de temps avant qu'il ne se fasse écraser un œuf sur la tête. « Tu as des ennemis à tes trousses ? » interrogea-t-elle sur le ton de la plaisanterie et se penchant à son tour vers lui, car Jay ne paraissait pas spécialement inquiet à cette perspective. Plutôt, il affichait sa désinvolture habituelle - celle qu'elle lui connaissait depuis bientôt sept ans.

Elle vit bien que le garçon était exaspéré à l'idée de meubler - il n'était peut-être pas bavard, mais il était expressif -, mais il ne contesta pas et elle décida de partir du principe que "qui ne dit mot consent" : ça leur ferait gagner du temps. Jetant un œil à son parchemin, elle jugea son écriture standard, et se contenta donc de hausser les épaules d'un air circonspect. Ils verraient le moment venu s'il y avait vraiment besoin de ce genre d'astuce moyennement réglementaire.

Remarquant l'expression de Jay, Fiona regretta immédiatement de s'être laissée déstabiliser par son commentaire précédent. Bien sûr que oui, Montgomery-Bones avait des projets purement académiques pour eux - et pas des exercices ubuesques où ils seraient en binôme à se jeter des sorts en tenue d'Adam. C'était une école de sorcellerie, pas un clup de strip-tease, n'en déplaise à certains. « Je suis sûre de moi ! » protesta-t-elle vivement, car piquée au vif : la littérature était formelle ! « Mais si tu veux jouer les chevaliers servants, libre à toi. » ajouta-t-elle d'un ton qu'elle voulait indifférent - elle ne savait pas à quel point ce scénario l'arrangeait, car il signifiait qu'elle devrait être celle lançant les hostilités. Or, elle n'était toujours pas convaincue de ce qui allait se produire quand elle allait essayer de lancer le sort. « Ah oui pas mal, bonne idée. » Elle nota les propositions de Jay en bas de sa feuille. « Après, un sortilège d'attraction marcherait quand même dessus, non ? Il faut juste éviter que ça soit un truc trop gros qui te tombe dessus ensuite quoi. » songea-t-elle, pensive.

Comme Jay se montrait plutôt constructif (ce qui n'était pas une évidence, au timbre de sa voix !), il avancèrent rapidement, et très vite, Fiona considéra qu'ils avaient assez d'éléments pour pouvoir passer à la partie pratique. Et ce même si c'était elle qui risquait de déchanter. Prenant le chemin de la sortie, elle ouvrit la voie jusqu'à une salle libre pour s'entraîner. Une fois ses affaires posées, elle se tourna vers le Serpentard, à qui elle proposa tout de même de commencer - question de politesse / couardise (rayez la mention inutile). Analysant sa réponse, elle la trouva raisonnable - bien qu'embêtante, et acquiesça doucement, sortant sa baguette de la poche de son uniforme.

« J'espère que tu ne tenais pas trop à tes sourcils. » avertit-elle, faussement sérieuse, choisissant comme souvent l'humour pour déguiser son stress. Elle savait qu'elle s'était nettement améliorée au cours des dernières années, et qu'elle n'avait plus (trop) à rougir de ses performances en sorts. Et Jay était relativement conciliant, pour quelqu'un qui aurait pu se montrer bien, bien plus enquiquinant. La formule, le geste, l'effet escompté. Pointant sa baguette sur Jay, elle lança le sortilège informulé.

[Je vais jouer ça au dé -> si fait plus de 50, le sort réussit ]