wicked game ↄ Niels

Après un début de relation plutôt positif, la relation de Niels et de Karen avait pris un tournant plus compliqué à la naissance de la fille de Freja et de Mathias Vignot [un choix de géniteur que Karen n’approuvait pas non plus, mais elle n’avait, après tout, pas à donner son avis] lorsque le transfuge de Durmstrang avait éclaté de colère, alors que Karen ne comprenait pas cet état. Tout comme elle, il avait été élevé en tant que petit prince, en fils unique, traité de manière plus importante encore que les nobles moldus et Karen supposait que cela créait de la jalousie envers d’autres enfants proches de sa mère, telle que Louisette, sa tante plus jeune que lui. L’héritière des Blackthorn n’avait cependant jamais eu à se soucier de l’apparition d’un indésirable dans sa propre famille, son père, même si elle savait bien qu’il fréquentait des femmes, ne s’était jamais remarié après la disparition de sa mère. Et pourquoi l’aurait-il fait ? Il pouvait se satisfaire avec des femmes sans les  épouser, et n’avait pas besoin de concevoir un autre enfant, sa fille unique étant l’héritière et l’espionne parfaite. Il l’avait façonnée de manière à ce qu’elle soit parfaite.

Heureusement, depuis la fin deux mille seize, Karen et Niels s’étaient réconciliés. Bien évidemment, Care ne lui faisait pas tout à fait confiance –cela étant dit, elle ne faisait confiance aveuglément qu’à son père. Au moins pourraient-ils fonctionner de nouveau comme un bon binôme d’alliés à présent. Ils obtiendraient sûrement des nouvelles de Magicis Sacra en rentrant chez eux, ils auraient besoin d’être soudés pour affronter ces missions. Aussi, Karen était contente de percevoir la présence du Danois alors que le Poudlard Express allait bientôt démarrer direction Londres. « Très bien, merci. Et oui, à dire vrai, je suis impatiente de retrouver Folkestone. Un peu de calme va me faire du bien, même si je devrais aussi me rendre à Blackthorn, pour les réunions de famille. Et toi ? Tu te rends tout de suite au Danemark ? » Karen retournait toujours les questions à ses interlocuteurs, c’était la base de la politesse et certains feraient mieux d’en prendre de la graine.

Niels tombait bien, puisque Karen devait lui remettre un message de la part de son père. Le grand Klaus Blackthorn, qui était pourtant bien occupé entre l’entraînement des troupes et son métier de chef d’entreprise, souhaitait le rencontrer pour l’évaluer. Karen se doutait que son père souhaitait également mesurer quel genre de garçon était Niels, et s’il était assez bien pour sa fille, dans le cas où des fiançailles seraient en vue [et Karen voyait les mariages arrangés comme un parfait moyen de pas se préoccuper elle-même de trouver un homme digne de perpétuer la noble lignée des Blackthorn]. Niels accepta de rencontrer son père, ce qui était bienvenu de sa part s’il ne voulait pas ternir sa réputation dans l’organisation. Freja était la leadeuse incontestée, mais Klaus avait de l’influence et il n’hésiterait pas à s’en servir. « Tu devrais me donner tes disponibilités, comme cela, je les transmettrais à Père. » Elle lui proposa ensuite de lui donner un aperçu d’un entraînement, mais le Serpent fut malin et ne saisit pas cette perche qu’elle lui donnait. Ses lèvres formèrent un sourire satisfait alors qu’elle l’observait, les mains croisés sur sa cuisse recouverte d’une longue robe violine. « Bonne réponse. Le premier enseignement de mon père est de ne jamais ouvrir son esprit à quiconque, même en une personne que tu penses de confiance. » Karen avait toujours réponse à tout, comme elle avait toujours un plan imbriqué dans un plan. Si elle ne pouvait lire en lui comme elle pouvait le faire avec les autres sorciers, elle trouverait un autre moyen pour s’infiltrer dans ses pensées. Elle avait de la ressource.

La proposition de Niels ne la surprit pas outre mesure. Elle s’était attendue à ce qu’il lui propose, un jour ou l’autre, de visiter son pays. Elle s’y était préparée [une espionne devait toujours se montrer prête]. « Avec plaisir, [dit-elle en danois] Bien évidemment, il faut que je demande la permission à mon père, mais je ne vois pas pourquoi il refuserait, d’autant que ton père sera là pour nous chaperonner. » Il aurait été inconvenant qu’ils ne se retrouvent que tous les deux pendant deux jours d’affilée. « Comptes-tu proposer ce voyage à ta très chère Eurydice ? », demanda-t-elle d’un ton détaché, air impassible sur le visage. Elle devait bien avouer que la relation de Niels avec la benjamine des Foster l’intriguait. Comme elle ne pouvait percevoir ses sentiments, elle ne savait pas s’il ressentait quelque chose pour la Serdaigle [ce qui aurait été bien décevant, elle pensait Niels bien trop intelligent pour s’enticher, et encore plus d’une gourde naïve comme Foster] ou non.

Souvent, en farfouillant dans l’esprit de ses camarades et en se désespérant de n’y trouver, généralement, que des esprits envahis par les hormones et les considérations sans importance, Karen se demandait si c’était bien la peine de continuer sa mission. Il n’y avait pas grand-chose à tirer de la plupart des étudiants de Poudlard, elle s’en était rendu compte il y a bien longtemps maintenant, et elle était certaine qu’elle serait bien plus utile pour l’organisation à l’extérieur. Maintenant qu’elle avait brillamment réussi ses BUSEs, elle n’avait même pas besoin de recevoir ses notes pour le savoir, elle n’était techniquement plus dans l’obligation de retourner à l’école de sorcellerie à la rentrée prochaine. Elle avait suggéré cette possibilité à son père dans une lettre, mais il n’avait pas semblé convaincu, lui promettant simplement d’en reparler avec elle [et vu à quel point son père pouvait se montrer inflexible d’ordinaire, ce n’était pas si mal]. Karen sentait la migraine la reprendre rien qu’à l’idée de devoir supporter les ris et les atermoiements de Katarzyna Ells encore deux ans, mais elle supposait qu’elle n’avait guère le choix. « Tu ne peux pas savoir à quel point tu as raison. Heureusement, Lucrecia ne compte pas repartir en Argentine de sitôt, elle restera donc dans notre chambre encore un an à jouer au tampon. Tu as de la chance de t’entendre bien avec tes camarades de dortoir. » Care avait même perçu un potentiel chez le Métamorphomage, Léon, le Français serait à surveiller de près.

Concernant l’entrevue avec son père, Niels promit de la tenir au courant rapidement, et Karen n’avait pas de raison de douter de ce qu’il lui disait. Il avait plutôt intérêt à honorer cette demande d’entretien, qui était en réalité plutôt un ordre voilé. De toutes façons, l’héritier de Freja devrait bien se plier à l’exercice de l’entraînement avec son père, toutes les recrues y passaient, même celles qui savaient déjà fermer leur esprit. « En effet. Ses méthodes donnent toujours des résultats, même avec les moins doués. Personne n’oserait les contester », avertit-elle. Niels était-il assez fort pour résister à la torture mentale que son père ne manquerait pas de lui infliger ? Il semblait à Karen que le petit prince avait été protégé bien longtemps, même s’il avait subi l’éloignement de sa mère et la séparation de ses parents assez tôt dans sa vie. Il avait certes étudié la magie noire à Durmstrang mais malgré la qualité de l’enseignement de l’institut nord-européen, Karen était persuadée que les professeurs ne se montraient pas aussi exigeants que son père. Niels réussirait-il cette épreuve ? Elle devait bien avouer être intriguée par la manière dont se passerait cette première rencontre.

« Tu n’es pas le seul à te montrer bon pour les langues », signa-t-elle, l’amusement clairement visible sur les traits de son visage, avant de poser de nouveau ses mains aux ongles soigneusement vernis sur sa cuisse. Elle ne maîtrisait l’Anglais principalement parce qu’elle n’accordait aucun intérêt aux langues de ses interlocuteurs, l’Anglais étant la langue internationale pour une raison. Cela ne voulait pas dire qu’elle ne possédait pas quelques notions dans les autres langues majoritairement utilisés dans le monde. Cela était valable pour la langue des signes également, dont elle avait appris que Niels avait réclamé des cours à Eurydice Foster, probablement dans le but de se rapprocher d’elle. Karen, les rares fois où elle prenait la peine de s’adresser à la Serdaigle, n’utilisait pas cette compétence, trouvant que c’était à elle de s’adapter et non l’inverse. « Oui j’imagine que ce serait le plus pratique. Je pourrais venir avant de partir pour Folkestone », reprit-elle concernant son séjour au Danemark. Cela constituerait une pause bienvenue après des jours qui seraient, comme d’habitude, durs à Blackthorn. La forêt géante de prunelliers qui entourait le domaine de sa famille était l’endroit où son esprit se réfugiait constamment lorsqu’il se sentait submergé, l’endroit restait encore trop marqué par la présence de sa mère pour que Karen y loge en toute tranquillité. Non qu’elle partage ce genre d’inquiétudes avec Niels, il en profiterait pour se moquer d’elle, il lui avait prouvé qu’il savait enfoncer là où ça faisait mal [ce qui l’avait rassurée, en soit, un futur membre important de Magicis Sacra se devait de se montrer cruel].

Un rire incrédule sortit de sa gorge alors que Niels l’accusait de se montrer jalouse [quelle drôle d’idée !] sans qu’elle ne puisse le retenir, mais son visage toujours aussi glacial. « Niels, je t’assure que si je suis assez malavisée pour ressentir de la jalousie un jour, ce qui n’est pas prêt d’arriver, ce ne sera pas envers Eurydice Foster. Cette fille a le charisme d’une cuillère, et encore, je suis gentille », répliqua-t-elle de son ton habituellement froid. Franchement, elle, jalouse ? C’était tellement ridicule ! Son cœur était parfaitement inacessible, merci pour lui. « Je ne vois vraiment pas pourquoi tu perds ton temps avec elle. Elle est trop intègre, trop comme sa traître à son sang de mère pour nous prêter à l’allégeance. Mais si ça t’amuse…je suppose que cela sera rigolo de la voir tomber amoureuse de toi, comme la pathétique naïve qu’elle est, et déchanter par la suite. » Elle eut un sourire sadique. Sans doute pouvait-on la qualifier de psychopathe, elle n’en avait pas grand-chose à faire. Les émotions et les sentiments étaient des armes, des jouets dans leurs mains.