Ringo avait vu arriver la semaine où elle entamait son affectation au service des accidents matériels avec appréhension. La dernière fois qu’elle avait assuré une garde dans ce service, un type qui frémissait d’électricité statique après avoir connu un épisode de tension avec sa baguette qui s’était apparemment mis à lui lancer des sorts sans qu’il n’ait rien demandé (cette version était remise en cause, mais ce n’était pas vraiment la question) l’avait touchée alors qu’elle s’approchait pour le soigner et résultat, elle avait été électrifiée, ses cheveux et sa blouse fumant pour le reste de la journée. Bien sûr, les accidents n’étaient pas rares à Sainte Mangouste, que cela soit les patients ou les soignants et ce n’était pas la première fois que Ringo subissait de plein fouet le sort des personnes qu’elle aidait, mais cela faisait partie du travail. Cependant, ce jour-là, elle avait été d’une humeur massacrante, l’odeur de fumée imprégnant tout son corps et n’ayant pas la possibilité de se laver –et même en rentrant chez elle et en prenant deux douches, l’odeur n’était pas partie complètement. En plus, ses collègues s’étaient donné à cœur joie de la chambrer, lui faisant chacun leur tour l’étalage de leurs blagues sur la fumée –et
aucune, même les taquineries de Jules, ne l’avait fait rire
zéro humour la Rinrin.
Les premiers jours de travail s’étaient déroulés dans une relative tranquillité (si tant est qu’on pouvait réellement être
tranquille lorsqu’on était apprenti Médicomage) et au lieu de la rassurer, d’apaiser ses craintes, cela avait plutôt tendance à la rendre encore plus nerveuse. Elle savait –parce qu’elle avait désormais un peu d’expérience derrière elle- que le plus difficile restait encore à venir. Mais le temps continua à passer, sans accident majeur, et Ringo aborda le dernier jour dans le service avec une grande tasse de café bien noir et la détermination de faire de son mieux –somme toute comme tous les jours. Il était encore trop tôt pour se sentir soulagée : il lui restait encore quelques heures avant qu’elle ne soit libérée de ses obligations.
Lorsque l’une des infirmières du service, Jennifer, vint la chercher pour une chute de balais –ce qui était beaucoup plus courant que ce que le côté spectaculaire de l’accident pouvait laisser penser- Ringo soupira. Réparer une blessure, arranger une fracture, corriger la cassure d’un os, ça semblait compliqué lorsque l’on ne s’y connaissait pas en médicomagie, mais au final, c’était des sortilèges qu’on maîtrisait assez facilement –la preuve, Rin savait le faire correctement alors qu’elle n’était encore qu’en deuxième année. Rien d’inquiétant, de dangereux ou de risqué, donc
croit-elle. Elle termina en une gorgée son troisième café de la journée, passa le tableau d’Evelyn Creswell, qui avait tenté tellement de traitements sur elle qu’elle avait elle-même fini à Sainte-Mangouste, et entra dans la salle d’examen où l’attendait le patient –apparemment un joueur de Quidditch qui était tombé lors d’un entraînement. Reconnaissant immédiatement le sportif très doué qui n’avait pas résisté à un pauvre Cognard, elle eut aussitôt envie de faire demi-tour. Voilà. Elle le savait. Elle l’avait
prédit. Ce service ne lui apportait décidément que des complications, et elle restait
polie. D’autant que même si Hartley semblait encore à moitié assommé, il l'a
reconnue. C’était sa veine ! Et puis, elle ne pouvait le laisser tomber, c’était contraire à tout ce qu’elle s’était juré en embrassant son métier, et personne d’autre n’était disponible pour s’occuper de lui.
« Oui Hartley, je viens jouer au docteur avec toi pour te remettre sur pieds », plaisanta-t-il en s’approchant de son lit, comprenant qu’il était tellement dans le gaz qu’il devait avoir du mal à distinguer la réalité du rêve.
« T’es batteur et tu sais pas esquiver un simple Cognard ? Ça te réussit pas d’être devenu professionnel », le chambra-t-elle en inspectant sa cheville gonflée –il ne s’était vraiment pas loupé.