Witches and stitches ♦ Sean & Myrielle

Même si, depuis deux ans, Myrielle était un peu sur les nerfs. Elle veillait à accomplir son travail de styliste avec rigueur. Pour tout dire, et comme c’était le cas depuis son enfance, créer et coudre étaient d’excellent anti-stress – qui avaient aussi l’avantage de ne faire de mal à personne. Aussi avait-elle accueilli l’idée d’un partenariat avec l’autre grosse boîte de stylisme du Royaume-Uni, celle de Sean Murphy, avec un certain enthousiasme. Bien qu’ils fussent concurrents, Myrielle appréciait Sean professionnellement parlant. Il était doué et la volcanique rousse aimait les gens talentueux. De plus, en dépit du mauvais caractère que pas mal de gens lui connaissaient, l’ancienne Serpentard n’était pas quelqu’un d’envieux : quand la concurrence l’emportait sur elle, elle ne lui en voulait pas, jugeant que c’était son propre travail qui n’avait pas été assez bon.

Pour toutes ces raisons, son humeur en arrivant sur les lieux était bien meilleure qu’elle ne l’était en temps ordinaire ces derniers mois. Peut-être était-ce aussi l’arrivée des beaux jours qui la mettaient dans des dispositions plus sereines : qui disait été approchant disait qu’elle récupérerait ses enfants et pourrait à loisir jouer les mères poules – ou tante poule, dans le cas de Viska.

Myrielle s’était vêtue pour l’occasion dans le plus pur style de sa marque, quand bien même elle fisse souvent d’autres types de vêtements pour plaire à une clientèle plus large : bustier rouge et noir sur une longue robe noire au tissu épais. Des bottines à lacets aux pieds, des mitaines en dentelles aux mains, un décolleté beaucoup moins plongeant que dans sa jeunesse mais qui permettait à sa tenue de ne pas paraître trop étouffante en dévoilant un morceau de peau pâle. Cet ensemble était rehaussé par ses cheveux, d’un roux vif, qui tombaient librement autour de ses épaules. Si Myrielle avait appris au fil du temps à s’habiller autrement, elle y revenait toujours car c’étaient dans ces vêtements qu’elle se sentait la plus à l’aise – nous en étions plus à une bizarrerie près la concernant, quoi qu’on puisse penser du confort relatif d’une telle tenue.

On la guida jusqu’à une salle où se trouvait Sean qu’elle salua aussitôt : « Bonjour Monsieur Murphy, comment vous portez-vous ? » interrogea la rousse en s’installant à la place indiquée. Ils n’eurent guère l’occasion de bavarder longtemps car une employée arriva que Myrielle reconnut pour être la sœur aînée d’Eurydice, meilleure amie de son fils Alexandre. « Mademoiselle Foster » adressa-t-elle à la jeune femme avec un petit signe respectueux du menton avant d’en revenir à leur mouton, ou plutôt à leurs créations. Esther posa une question assez rapidement, Myrielle jugea donc inutile de surenchérir et attendit la réponse de Sean, plus légitime à répondre à son employée qu’elle.

Myrielle n’était guère plus attirée que Sean par les conventions sociales. Toutefois, sa grand-mère l’avait bien élevée mieux que son frère Nathan en tout cas et elle s’y pliait par habitude. Le carcan social était aussi un bon moyen pour elle de tenir en respect son caractère volcanique, si peu en adéquation avec l’image qu’on se faisait d’une femme de la haute société sorcière. Son conjoint, Alexis, avait lui aussi cette double facette mais à l’opposée d’elle : son instinct de danseur classique le rendait trop délicat pour une société traditionnelle encore bien machiste – malgré une première ministre femme. « Bien aussi, merci » répondit-elle avec un mince sourire en s’installant.

Lorsque la proposition de Sean était arrivée, Myrielle avait justement discuté avec Alexis de l’à propos d’une telle collaboration. Non qu’ils doutent de son bien-fondé car les deux maisons étaient reconnues dans le monde du stylisme et parfaitement légitime, il avait plutôt été question de savoir si cela rentrerait dans l’emploi du temps déjà bien chargé de Myrielle qui, outre son travail, donnait aussi depuis deux ans des cours sur les arts martiaux sorciers aux adultes désireux d’en apprendre les arcanes. Et il y avait leurs enfants, aussi : Alexandre était assez grand maintenant mais Ayélet n’était encore qu’en primaire et son amie la plus proche partie pour Poudlard car plus âgée. Toutefois, la passion pour son métier l’avait emporté grâce à l’assurance renouvelée d’Alexis qu’il gérerait le quotidien si la charge de travail devait s’intensifier. Parfois, il était heureux qu’il puisse rester à la maison…

Myrielle attendit que les explications de Sean à la jeune Foster soient terminées, tout en prenant note des propositions la concernant. Puis, elle leur répondit à tous les deux : « Je suis favorable à l’idée d’un défilé commun, j’aurais toutefois une réserve sur la London Fashion Week, non en raison du lieu mais je me disais qu’un défilé privé aurait peut-être plus d’impact. Toutefois, si vous tenez à la Fashion Week, nous pouvons partir sur cette idée. Pour une collection automne-hiver, cela nous emmènerait à mars de l’année prochaine » Soit largement assez de temps pour trouver un thème commun et tout mettre en place. Après tout, on ne faisait jamais rien de bon dans la précipitation.

« Comme vous le savez sûrement, ma ligne pour femme a ses pièces les plus connues dans les robes de soirée, avec une prédominance des corsets souples. Mais avant de savoir comment marier ce style au vôtre, peut-être faudrait-il savoir en premier lieu quel public nous viserons entre la mode masculine, féminine ou mixte ? » Il y avait la mode pour enfant aussi, mais celle-ci faisait rarement fureur lors des défilés, au grand regret de Myrielle qui adorait créer des vêtements pour petites filles (sans corset, évidemment : elle était bien placée pour savoir que c’était inconfortable à cet âge!).