Une rencontre imprévue (ft Roxana Crewe)

Darius était nerveux. Dans sa chambre de bonne, il observait l’artère magique la plus connue de Londres pour les sorciers. Le Chemin de Traverse fourmillait de gens sortants et entrants dans les différents magasins de cette rue très commerçante. Il se disait qu’il avait de la chance : avec l’aide de son oncle et de l’un de ses rares amis sorciers, ils avaient trouvé une location qui lui ouvrait la porte sur l’indépendance mais aussi sur le monde des sorciers, sur une appartenance qui le faisait vibrer mais qu’il redoutait.

Etant cracmol, c’est l’ami d’oncle Argus qui lui avait ouvert le passage du chemin de Traverse de quelques coups de baguettes, et voilà une semaine qu’il logeait dans un minuscule appendice, sous les toits du magasin Dumalley Fils, la célèbre maison d’édition. Cela convenait bien à Darius, lui qui adorait lire ! Sa vie se résumait d’ailleurs à cela pour le moment : lire. Il n’osait pas sortir, il avait peur qu’on le reconnaisse immédiatement comme cracmol. Pourtant il avait pris sa décision. S’il avait insisté pour venir loger là durant les vacances, c’était pour s’imprégner d’un monde étranger qu’il côtoierait bientôt tous les jours à Poudlard, alors pourquoi hésiter ?!? Qu’aurait dit son père face à tant de gaucherie ?
Lui qui, au départ, voulait même faire un tour dans l’Allée des Embrumes ? C’était mal parti !

Après avoir enfiler puis enlever et remis son manteau noir -Darius hésitait car il y avait un mauvais crachin dehors-, il vissa son borsalino noir en lapin brossé sur sa tête, sortit, et décida de commencer sa visite par l’un des éléments centraux de la grande rue : le Chaudron Baveur.

La tête dans les épaules, le visage sévère, il fit son entrée dans le pub. En réalité, il y était déjà passé à son entrée dans le Chemin de Traverse mais son oncle le lui avait fait traversé en quatrième vitesse et sans un mot.

A son grand étonnement, le Chaudron Baveur n’était pas plein. Certes, il y avait quelques sorciers qui chantaient en tenant bien haut leurs breuvages ou d’autres qui se chamaillaient bruyamment, rependant le contenu de leurs chopes sur les tables mais le bar était vide.

Assis sur l’une des hautes chaises de celui-ci, il commanda la première chose qui lui vint en tête : une bièraubeurre. Quelques mornilles plus tard, il avait devant lui la première boisson alcoolisée qu’il s’apprêtait à boire de sa vie. A la fois excité et songeur, il l’a savoura encore chaude en souriant en coin. *Bienvenue dans ton monde* se dit-il… L'alcool colora un peu ses joues d'habitudes bien blanches et un goût caramélisé se répandit dans sa bouche.
Mais à chaque nouvelle gorgée, son sourire disparaissait et son air sévère reprenait le dessus car une fois encore, son monde se résumait à lui seul…
Jetant quelques regards en coin, il finit par enlever son chapeau et le posa sur le bar en soupirant, passant sa main dans ses cheveux. Quand se déferait il de sa solitude nom d’un dragon ?!?

Darius était vraiment pris de court. Jamais ô grand jamais une personne de son âge -semblait-il- ne lui avait parlé si longuement, si poliment, si agréablement. Alors que ce soit -en plus- une jolie jeune fille tout sourire… Il n’en revenait pas. Le monde des sorciers était-il différent à ce point ?!?
Par politesse, il essaya de ne pas la dévisager. Ce ne fut, il faut bien l’avouer, pas évident. La curiosité prenant le pas sur tout le reste. Il resta donc, un peu froidement -sans le vouloir- les yeux rivés vers sa chope  à moitié vide.

Oui c’est vrai que ce doit être une galère sans nom pour eux. Et quand je pense qu’ils sont bloqués ! Je ne comprendrais jamais qu’on veuille faire supporter cela à quelqu’un. Avec mon oncle on pense à accueillir quelqu’un justement. Enfin lui chez lui et moi chez moi.

Le jeune homme se tut à nouveau. Mais que lui arrivait-il donc ? Il devenait presque bavard.
Il faut dire que l’ambiance chaleureuse du pub, la boisson alcoolisée absorbée et surtout, surtout cette jeune Roxana qui lui parlait comme à son égal… *si seulement elle savait, elle ne me parlerait peut-être même plus !*
Darius fit une grimace avant de se reprendre devant les questions de la jeune fille.

Oui je suis vraiment heureux de venir donner un coup de main à Poudlard. J’aime bien mon oncle même s’il est aussi têtu qu’un cerf-volant jour de vent. Puis il fronça sévèrement les sourcils…
Euh… ben en réalité je ne sais pas trop. Oncle Argus m’a dit « réactivité, propreté, sévérité ». D’après lui ce sont les qualités d’un bon concierge… Le jeune homme leva les yeux au ciel. Ce n’est pas ce que je vais préférer je crois… Il s’anima un peu plus. Rien que d’être à Poudlard ! Je vais m’éclater ! Le monde des sorciers est tellement… Il se tue. Il se laissait emporter par ses émotions.

Darius avait vraiment honte d’être un cracmol. Il aurait voulu manier la baguette, faire des tas de potions, monter sur un balai, bref se sentir l’égal de toutes ces chanceuses personnes qui faisaient la vie du Chemin de Traverse. Oui, il était heureux de pouvoir s’occuper de Poudlard. Parfois, il voulait s’imaginer comme un héros mais l’instant d’après, il était rappelé à la dure réalité : même les elfes de maisons avaient plus de pouvoir que lui.

Enfin bref j’ai hâte. Finit-il par conclure sobrement. Et toi ? Il se retourna enfin vers elle, faisant renaître son sourire. Tu as hâte de retrouver Poudlard ou les vacances sont les bienvenues ?
Pour être honnête, il était terriblement déçu de savoir que la jolie fille qui avait été la première à lui accorder un peu d’attention, avec tant de gentillesse, allait quitter Londres pour les Philippines. Contre mauvaise fortune bon cœur, il enchaîna : Les Philippines ? Tu y retournes en avion ? Euh… en portoloin ? Enfin… Mince ! Darius était un gros maladroit !

Repassant sa main dans ses cheveux, il se râcla la gorge et fut bien content que la boisson de Roxana change le sujet de la conversation et lui évite de trop penser à son départ prochain. Ses yeux se voilant d’amertume. Déjà, il s’attachait.
Jetant un œil rapide  vers le verre de Roxana, il en profitant pour zieuter un peu la jeune fille, il sourit en riant, révélant une fossette : J’adore la magie ! Tu veux goûter ma bieraubeurre ? C’est pas mauvais !

Bizarre ? Je ne me suis jamais posé la question… C’était soit ça, soit vivre avec mon oncle alors bon… Et puis je voulais découvr… profiter de la magie du Chemin de Traverse ! Sans compter que je ne suis pas seul, j’ai un chaton. Darius sourit en pensant à Monsieur Théophile. Il en était vraiment gaga.

Parler lui donnait soif et il se sentait de plus en plus à l’aise. Il commanda donc un jus de citrouille en plus. Tu en veux un ? Je te l’offre. Ou une autre boisson ? Darius était plutôt gourmand mais le sport intensif qu’il pratiquait, à courir dans les bois, sauter par-dessus des troncs abattus, glisser de tout son corps pour éviter un obstacle, grimper… lui permettait de se permettre à peu près tout et n’importe quoi.

J’en ai un peu honte mais pour tout te dire, de mon côté j’admire tellement Poudlard que je n’ai pas pensé aux autres pays. Ça craint. Il fit une nouvelle grimace. Oui c’est pour ça que je veux accueillir quelqu’un pendant les vacances. Je dois me rendre au ministère dans quelques jours.
Il lui sourit, hésita un court instant puis baissa la voix en redevenant sérieux et se rapprocha de Roxana. En réalité Magicis Sacra a tué mon père. Il était auror… Alors si je peux aider, ne serait-ce qu’un peu… Mais c’est vrai que je n’imagine pas comment ça se passe dans les autres endroits… En tout cas, les Philippines ont l’air d’un merveilleux endroit, je comprends que tu y tienne, c’est normal !
Il releva le menton avec une certaine fierté, oubliant complètement son statut de cracmol. Il se sentait décidemment en totale confiance à côté de Roxana. Il n’aurait su dire pourquoi mais il sentait bien que jamais elle ne lui ferait de mal.

Ah ! J’adore ton tour. Enfin ton… sortilège ? Il ne savait comment ça marchait et buvant une gorgée de jus de citrouille, il se dégonfla d’un coup, un vrai moral en dents de scie. Il se sentait lourd de son secret. Et le cacher à la première connaissance amicale qu’il se faisait lui peser de plus en plus. D’autant qu’elle lui plaisait vraiment bien avec sa peau caramel et ses longs cheveux…

Jetant un regard en biais à la jeune fille, de ses yeux verts et profonds, il soupira à nouveau.
En fait… Je… tu garderas ce que je vais te dire pour toi ? Il voulait lui faire confiance et si la demande paraissait bien naïve, c’est parce qu’elle l’était. Il en était conscient. N’importe qui pouvait lui répondre oui mais… Non. Il ne voulait pas imaginer que Roxana soit ainsi : il l’espérait donc sincère. En même temps, même s’il connaissait peu de chose, il savait les Poufsouffle peu enclin aux mensonges.

« Ahah bien sûr, j’en ai toujours une sur moi. » Darius sourit un peu bêtement, les yeux dans le vague en pensant à son chat… Ce n’était sans doute pas très… viril mais il aimait énormément Monsieur Théophile. Il faut dire que le chat ne le jugeait pas, ne le comparait à personne et ronronnait tout le temps. Ils s’étaient adoptés l’un l’autre avec une étonnante facilité. De vrais complices. Reprenant ses esprits quelques secondes plus tard, il tira de son manteau une jolie photo de son chat en train de lui léchouiller l’oreille. Evidemment, la photo ne bougeait pas. Il l’avait prise avec un appareil moldu que sa mère lui avait offert avant son départ « pour qu’il se fasse de bon souvenir ».

Après avoir déposé ladite photographie sur le bar, face à Roxana, il lui commanda un jus de citrouille. En son for intérieur, cela lui fit drôle. C’était la première fois qu’il offrait un verre de quoi que ce soit à une belle étrangère… Il avait un peu l’impression de rêver, comme si, dans celui-ci, il trouvait enfin l’environnement suffisamment à son goût pour que les gens le ressentent et viennent vers lui. C’était un sentiment très agréable !

Conscient d’avoir un peu plombée l’ambiance, il tenta de se rattraper avec un air combatif. « En réalité, ça a été très dur pour ma mère oui mais… mon père, je ne le voyais jamais. Être auror a de sacrés inconvenients. Toutefois, c’était mon père donc je le regrette bien sûr. » Il soupira « Enfin bref. C’est ainsi. Magicis Sacra fait beaucoup de mal. Pas qu’à mon père… Tu le sais bien ». Il lui jeta un regard gentil.

C’est vrai qu’il voulait parler de son secret. La réponse de Roxana le décontenanca un peu.. mais lui plut. Elle était vraiment honnête de lui dire ça, beaucoup aurait acquiescé sans se confier sur cet aspect de leur personnalité. Il hésita malgré tout un peu. D’un côté, si personne ne savait qu’il était cracmol, du moins au début, il n’avait aucun risque de se faire charrier dès la rentrée à Poudlard. D’un autre côté, n’avoir personne à qui se confier mis à part son oncle. Il pouvait parier que celui-ci ronchonnerait avant de lui tendre une serpillère et de l’envoyer nettoyer le grand hall : Merci le soutien !

Comme il avait un excellent feeling avec Roxana, il décida donc de se lancer en la regardant droit dans les yeux. « Tu sais que mon oncle est cracmol ? Oui ? bon. Eh bien notre famille doit être maudite car moi aussi. » Il se remit en place sur son tabouret de bar et détourna le regard « En fait, j’ai été, en quelque sorte, renvoyé de Poudlard à cause de ça et j’ai dû suivre des études dans une école moldue. Oh je n’en veux pas à Poudlard… j’en veux à mes gênes… et je me demande ce qu’aurait dit mon père. Enfin... je n’ai pas vraiment honte, je crains plus que les élèves me chambrent. » Il enchaîna très vite « Je sais bien que je te l’ai dit à toi… Mais j’avais besoin d’en parler en fait et… je ne te connais que depuis quelques minutes mais… euh… enfin… je… je te fais confiance ? Je te fais confiance. » Il fit une grimace en guise de sourire, attendant la réaction de la jeune femme avec anxiété.