Une demande particulière

Minerva n’avait pas passé des heures à se préparer pour l’événement qui clôturait l’année. Habituée par une longue pratique à ce genre de festivités, elle s’était contentée de quelques sortilèges adaptés pour transformer sa tenue de cérémonie en quelque chose de… plus seyant. Cette année, il fallait se montrer à la hauteur des délégations étrangères, n’est-ce pas ? Il ferait chaud dans la salle, le brocard perlé serait trop lourd à porter. Une petite métamorphose et de la soie chatoyante de tons violets et verts remplaça le modèle suspendu sur un cintre. Des petites touches de baguette coupèrent le col au carré qu’elle orna d’une dentelle arachnéenne remontant jusqu’au col. Les manchette disparurent également pour se garnir du même fil argenté. Le chapeau – accessoire qu’elle délaissait rarement – subit une transformation identique. Seule la cape serait épargnée car elle ne comptait pas la garder longtemps sur les épaules.

La toilette revêtue, la chevelure tournée en un chignon moins sévère, la sous-directrice accorda un sourire au miroir dont le reflet s’anima indépendamment de la personne mirée.

Tu devrais utiliser du « lisemplis » sur ta peau, Minerva, dit-il.

Et puis quoi encore ? J’aime les rides de mon visage. Elles signent mon âge réel dont je n’ai pas à rougir. Si ça ne te plaît pas, retourne-toi !

Le reflet s’empressa d’obéir. Ainsi Minerva put juger de l’effet que son corps élancé donnait de dos.

* Pas si mal ! Encore bien droite, c’est tout ce qui compte*

Elle en était là de ses réflexions lorsque des coups vigoureux frappèrent sa porte.
* Même ici, je n’ai pas la paix !* s’indigna-t-elle.
Trop tard pour se changer, elle s’enquit sur l’intervenant par un « Qui est-ce ? » assez mal luné.
La réponse la surprit : Ron Weasley.
Que voulait donc ce jeune homme ? S’excuser de son manque d’activités en cours de métamorphose ? Autre chose ? Harry aurait-il un souci pour la seconde tâche ?
Intriguée, Minerva accorda l’entrevue. Elle déverrouilla la porte en disant un simple « Entrez »
Son étonnement s’accrut lorsqu’elle vit le grand rouquin, gauche et emprunté se dandiner un pied sur l’autre sur le seuil. Que portait-il sous son bras ? L’œuf d’or ? Non, c’était autre chose.

Eh bien, Mr Weasley ? Que me vaut l’honneur de cette visite tardive? J’espère que cela mérite la chandelle ?

Pour une requête, ce n’était pas banal. Minerva entendit la supplique du garçon, le vit piteusement déballer son paquet et… compatit.

Vous désirez que je vous aide à transformer ce… cette… chose ?

Si elle était scandalisée qu’une mère puisse envoyer une telle robe à son fils, Minerva se garda bien de laisser transparaître ses sentiments.

*Ce n’est pas de la faute de Molly. Elle fait… avec les moyens du bord, ce n’est pas à moi de juger. Mais ce pauvre garçon ne mérite pas ça. *

Tout haut, elle tint un autre genre de discours :
Très bien, Ronald. Cela va vous permettre un entraînement… particulier. Vous vous rappelez certainement vos cours de seconde sur les formes, dimensions et textures ? Voici le moment de réviser ces notions. Placez votre… tenue sur ce cintre. Je vous écoute.

La sous-directrice lui avait accordé l’entrée. Ron n’avait pas été sans percevoir comme un soupçon d’irritation dans la voix de son professeur de métamorphoses, mais sa résolution était prise .
Quand il la vit, dans cette tournure absolument inédite, il faillit en laisser choir son paquet. Mrs McGo ? Était-ce vraiment elle dans cette robe de fin tissu avec un chignon… différent ? Le lionceau béa d’incrédulité avant de se reprendre sous le feu des questions de la directrice de sa Maison. Sa tête lorsqu’il déballa sa robe et exposa sa requête. Au moins, elle n’éclata pas de rire. De sa part, rien d’étonnant. Elle ne se moquait pas, c’était déjà ça. Pourtant…

* La vache ! Me faire travailler à une heure pareille.*

Dans le fond…. Ron l’avait cherché. Il obéit donc à son professeur et plaça sa tenue violette sur le cintre désigné.

* Ron, c’est le moment de faire appel à ta mémoire. Tu as déjà étudié ce sujet. Formes – dimensions – textures. C’était au programme en 1ère et deuxième année. Fais un effort !*

Le benjamin Weasley se concentra du mieux qu’il put. Des énoncés s’imposèrent à son esprit, il réfléchit à haute voix :

« Pour modifier la forme de ce machin, j’essayerais bien un Vera transforma smoking »

Mrs McGonagall émit un de ses si rares sourires. Etait-ce un assentiment ? Ron hésita. Il était persuadé qu’il manquait quelque chose mais était incapable de savoir quoi.
Tant pis ! Le résultat ne pouvait être pire que ce qu’il avait sous les yeux. Il prit une inspiration, pointa sa baguette et dessina un rectangle en prononçant : VeRRa tRRransfoRRma Smoking

Poufff ! Ron ouvrit des yeux incrédules. Qu’est-ce qui se passait ? Pourquoi sa robe fumait-elle de partout ?
D’un petit geste de sa baguette, Mrs McGonagall mit fin à cette mini catastrophe.
Elle lança un regard interrogateur au jeune homme qui se gratta la tête.

« J’ai… J’ai oublié de dire costume. C’est Vera transforma costume smoking que j’aurais dû dire. »

Rapidement, Ron exécuta geste et paroles. L’effet fut saisissant : un étrange smoking apparut sur le cintre. Si la forme était plus seyante, la couleur et le tissu n’étaient pas adaptés. De plus, les manches étaient beaucoup trop longues : il aurait l’air d’un nain perdu dans un costume de géant s'il mettait ça.

Cette fois le professeur hocha la tête de satisfaction. Elle ne l’aida pas plus, lui indiquant de poursuivre.

Ne désirant plus commettre d’erreur, Ron s’informa :

« Ensuite un Vera Transforma lungus, suivi d’un coloris noir et pour finir un Vera Transforma Euh… ? Excusez-moi, je n’y connais rien en tissu. »

Il soupira en se demandant quelle mouche l'avait piqué de venir se faire ridiculiser de la sorte.

Le professeur de métamorphose s’amusait beaucoup des efforts déployés par le jeune homme à ses côtés. Elle se garda bien de corriger ses erreurs, trouvant qu’en les résolvant soi-même la leçon était souvent mieux retenue. Lorsqu’il avait proposé le sort Vera Transforma smoking, elle avait dû faire appel à sa volonté afin de ne pas pouffer de rire sachant parfaitement ce qui allait advenir. Un « Finite incantatem » informulé avait d’ailleurs tout remis en place.

* Ah, il réfléchit ! C’est bon signe* pensa-t-elle, satisfaite.

Les formules seraient bonnes ; il ne restait que la question du tissu. Dans le fond, elle ne pouvait pas en vouloir à ce garçon de ne pas s’y connaître en chiffon. Elle décida donc de quitter sa réserve :

« C’est très bien, Ronald. Pour la matière, il me semble que la batiste serait du plus bel effet. C’est fin et fluide, sans raideur. A moins que vous ne préfériez une bonne toile de tergal ou encore de la soie. »

L’air ahuri du jeune Weasley la convainquit de trancher à sa place.

« Je vous conseille la soie. Concentrez-vous sur ma robe. Pas sa forme mais sa matière. Vous appliquerez les retouches ensuite. »

Attentive aux gestes et paroles, elle attendit que le garçon s’exécute.