{ tiens, je boirais bien du thé ! }

Le brouhaha de la salle commune de Poufsouffle avait quelque chose de profondément rassurant. Mais lorsqu'on aspirait à un peu de tranquillité, les fauteuils défoncés qui entouraient la cheminée n'étaient pas exactement un lieu propice à la méditation alors qu'un bon promontoire rocheux au-dessus d'un lac, si !. Or, Susan avait précisément besoin de réfléchir calmement à tout ce qui lui tombait dessus depuis le début de l'année, projet qui excluait tout avion en parchemin voletant dans la pièce ou chahut inopportun.
La rouquine s'était donc discrétement éclipsée en faisant silencieusement coulisser le panneau qui dissimulait l'entrée secrète de Poufsouffle. Précaution bien inutile par ailleurs puisque le bruit était tel qu'il y avait peu de chance pour que quelqu'un prête attention à celui de la porte.

D'un pas vif, la petite Poufsouffle s'était dirigée vers les cuisines, à quelques couloirs de là. Car quoi de mieux, pour y voir plus clair qu'un bon cours de divination thé à la bergamotte ? Toute revigorée rien qu'à l'idée du breuvage brûlant, Susan stoppa devant une nature morte représentant une coup de fruits et lança un coup d'oeil rapide aux alentours, pour s'assurer que personne ne se trouvait dans les parages. Elle n'était pas encore parvenue à déterminer si fréquenter les élèves était autorisé aux élèves aussi préférait-elle se montrer prudente. Après tout, on pouvait légitimement considérer qu'elle s'apprêtait à voler le thé de Poudlard (ouh, c'est mal !).

Penchant la tête sur le côté, elle chatouilla d'un index concentré la grosse poire qui se trouvait au centre du tableau. Le fruit se gondola un instant, secoué par un fou rire silencieux, avant de dévoiler l'ouverture béante qui menait aux cuisines.
Susan s'y engouffra rapidement et manqua de trébucher tant il faisait sombre à l'intérieur, par rapport à la lumière, déjà chiche, du couloir.

*Houlà ! L'administration fait des économies de bougies ou quoi ? Poudlard est ruiné ? Même les cheminées sont éteintes ! Il y a grève des elfes ?* constata-t-elle avec surprise.

Elle tâtonna un moment dans l'obscurité jusqu'à trouver sa baguette, rangée dans la poche de sa cape. Encore heureux qu'elle ait pensé à la prendre ! Susan s'en saisit et prononça à mi-voix, machinalement :

- Lumos !

Le rayon de lumière dorée qui jaillit de la pointe de sa baguette éclaira la pièce, mais pas suffisamment toutefois pour permettre à la jeune fille de voir clairement toute la pièce. C'est qu'il en fallait, de l'espace, pour préparer à manger aux chères têtes blondes poudlardiennes !
Sa baguette pointée devant elle à la manière d'une lampe torche moldue, Susan se fraya précautionneusement un chemin à travers les plans de travail pour atteindre les étagères à épices où, pensait-elle, elle trouverait du thé en vrac.

Trop occupée à ne pas trébucher, elle ne s'aperçut pas immédiatement que quelqu'un d'autre se trouvait dans la pièce et faillit littéralement rentrer dans Flora tant elle piquait du nez en direction de ses souliers (des fois que les elfes auraient semé des pièges au sol !).
Elle redressa la tête juste à temps et sursauta de stupéfaction en découvrant la Serpentard. Bouh ! Elle avait eu peur.

Le coeur battant la chamade, Susan cligna des yeux d'un air hébété passablement ridicule. Il lui fallut quelques secondes pour reconnaître Flora. Mais quand ce fut chose faite, un franc sourire vint éclairer sa pâle figure de brave petite anglaise. Flora était de ces Serpentard franchement sympathiques qui n'avaient rien à voir avec les Drago, Pansy et autres Millicent. Ils étaient rares et la rouquine s'étonnait toujours de ce que le Choixpeau n'ait pas jugé bon de les placer dans une autre maison :

- Oh ! Salut Flora, dit-elle d'une voix flûtée, tu sais où sont passés les elfes ?

Car après tout, il était plutôt surprenant de ne trouver aucun elfe dans les cuisines, leur sanctuaire attitré, surtout à quelques heures seulement du repas.

*Ombrage les séquestre ou quoi ?*

Le cœur battant et la mine effrayée, Flora parvint enfin à percevoir, par le son de sa voix, qui était la personne qui se dressait devant elle. Elle s’arrêta net, à l’écoute de son prénom. Cette voix, si chaleureuse, si solennelle, c’était celle de Susan. Impossible de la confondre avec celle d’une autre. Certes, elle et Flora n’étaient pas de la même maison, ni de la même année, toutes deux s’appréciaient énormément. Leurs discussions était habituellement très calmes, détendues, et propices à la bonne entente, voilà pourquoi Flo’ avait cette voix en tête.

La jeune blonde fut réellement soulagée, qui sait ce qu’aurait fait un elfe de maison qui l’aurait surprise ici. Elle ne préférait pas savoir, de toute manière, ce n’était pas le cas *fiou*.

Montrant alors un sourire amical, Flora salua elle aussi Susan. Elle rigola même de la manière dont celle-ci lui demanda ce qui était advenu des elfes. C’était une très bonne question. Il n’avait jamais été mentionné dans un livre sur la grande école que les elfes de maisons avaient droit à des pauses. Mais bon, après tout, c’était peut être normal les pauvres, avec Ombrage comme surveillante, il devaient se montrer le moins possible.

Remarque, en y pensant, si jamais les cuisines n’étaient pas autorisées aux élèves, il valait mieux que les elfes ne soient pas là, non ? Quoique, vu que maintenant Flo’ était accompagnée de la préfète de Poufsouffle, elle ne risquait plus grand-chose. (Ô grand Merlin, faites que Susan sache ce qu’elle risque en venant ici, ô grand… *sbaff*). D’un regard mystérieux, et se penchant vers son amie Flo répondit.

« Et bien écoute, je n’en n’ai aucune idée. Ombrage doit être derrière tout ça, mais chuuuut, les mûrs ont des oreilles »

La Serpentard se releva et fit cligner son œil. Maintenant qu’elle n’était plus seule, Flo’ se sentait un peu moins effarouchée. Elle se retourna, et se plaça côte à côté à Susy. Hors de question de faire dos à la belle poufsouffle (et puis d’abors, Flo’, elle, ne savait pas où elle allait, et puis, comme ça, si elle s’y faisait attraper, elle n’aurait pas été la seule responsable) *bouh, la lâche, bouh !*. Na, je rigole bien sûr. Susan était trop mignonne pour qu’on ne veuille pas l’épouser la regarde (et avec admiration en plus !).

« Moi qui venais pour du thé, c’est bien ma veine ! » déclara-t-elle, en posant à nouveau ses yeux sur les grands pots qui se dressaient en face.

Elle n’eut d’abord pas le cran de demander à Susan ce qui était la raison de son désir voyage nocturne dans les cuisines. De toute manière, une excuse aussi désolante qu’aller chercher du thé en début de soirée, y’avait pas. (et voilà que Flo’ recommençait avec son autodérision, oubliant presque qu’elle n’était désormais plus seule). Elle réussit tout de même à ne pas laisser un silence trop long et pensant s’installer.

« Euhm, tu ne saurais pas où se trouve le thé par hasard ? Les inscriptions sur ces pots son illisibles…

Si seulement le thé se trouve dans un de ces pots. »

Oui, c’est vrai ça ! Chercher du thé dans cette cuisine, pour Flo’, c’était comme chercher une aiguille dans une botte de foin. Il n’y avait plus qu’à espérer que Susan connaisse mieux la cuisine qu’elle, ou alors, l’usage de la magie serait nécessaire. Gare à Ombrage si elle a aussi séquestré le thé (eho, y’a pas que elle qui en boit !).

Soyons logiques : Susan et Flora n'avait aucune chance d'être punie par qui que ce soit sauf peut-être Rusard si elles venaient à se faire prendre dans les cuisines. Car à supposer que la Brigade Inquisitoriale leur tombe dessus, Flora la Serpentard on se demande encore pourquoi d'ailleurs, le choixpeau devait avoir bu serait certainement en mesure de les tirer de ce mauvais pas. Si, au contraire, elles étaient attrapées par un préfet ou un membre du personnel intègre (adjectif signifiant ici "Encore capable de faire la différence entre Ombrage et une statue de la femme de Boudha à vénérer absolument"), Susan la Préfète n'aurait probablement pas trop de difficulté (nonobstant les rougissements intempestifs) à trouver une excuse plausible leur permettant de s'en sortir sans dommage.
Et hop, voilà ! Alors que des générations d'élèves s'étaient succédés en cherchant désespérément un moyen sûr d'éviter les punitions, Susan et Flora, elles, avaient trouvé sans même y penser. Il suffisait juste de se promener en binôme Serpentard-pas-préfet/préfet-pas-Serpentard joli chiasme, au passage.

Mais la très sage et très naïve petite Susan n'avait, bien entendu, absolument pas vu les choses sous cet angle aussi sa joie de retrouver Flora en cet endroit incongru n'avait-elle rien à voir avec un quelconque intérêt de bas étage.
Elle n'avait pas revu la jeune fille depuis un petit moment maintenant mais n'en gardait toutefois pas moins une confiance absolue dans son bon sens : il ne lui vint pas une seule seconde à l'esprit, tandis qu'elle contemplait Flora d'un oeil réjoui, que la Serpentard ait pu passer dans le camp ennemi (parce que oui, attention être à Serpentard ne signifie pas nécessairement être chez les ennemis. Susan commençait à en savoir quelque chose et si elle continuait son petit bonhomme de chemin, elle finirait même certainement par trouver les Serpentard aussi sympathiques que les Poufsouffle... Quoique...).

D'ailleurs, même si une pensée aussi ignominieuse lui avait traversé l'esprit, elle en aurait été bien vite chassée. Il suffisait d'écouter Flora parler pour deviner qu'elle ne portait pas encore Ombrage dans son coeur. Susan esquissa un sourire - à défaut de sauter au cou de Flora dans un élan de gratitude enthousiaste, elle était bien trop timide pour s'autoriser ce genre de débordement d'affection - et hocha la tête en signe d'approbation avant de répondre en chuchotant (pour que les murs n'entendent pas), l'air malicieux :

- Oui, je te parie combien qu'elle les a tous réquisitionnés pour sa cuisine personnelle ? Avec ce qu'elle doit manger...

Le bruit des pattes d'une petite souris trottinant sur le carrelage la coupa dans son élan anti-Ombrage. Elle lança un coup d'oeil anxieux autour d'elle avant de raffermir sa prise sur sa baguette : elle voulait bien critiquer Ombrage, mais à choisir, elle préférait que l'intéressée n'en sache rien. Ce qui n'était pas très Poufsouffle. Après tout, la franchise était censée être un de leur point fort. Mais en même temps, vous la voyez, vous, se planter devant Ombrage pour laisser tomber d'un air innocent "Madame, vous êtes vraiment une grosse truie. Et en plus, vous en avez le caractère. Bonne journée !" Ou devant Rogue : "Professeur, si vous voulez, j'ai des bouteilles de shampooings pour cheveux ultra-gras... Parce que là..." Et de laisser planer un silence entendu. Non, impensable. Etre honnête, d'accord, être suicidaire, non merci !

La rouquine se mordit donc la lèvre nerveusement avant de reporter son attention sur Flora (visiblement, la souris n'était pas une sale délatrice embauchée par Miss Teigne pour tuyauter la Brigade Inquisitoriale).
Hé ! Leurs cerveaux, ils faisaient la "communion spirituelle" (dixit Potté). Bon, peut-être que c'était aussi un petit peu parce qu'elles étaient deux bonnes petites anglaises élevées au thé depuis qu'elles étaient en âge d'apprécier toutes les subtilités du breuvage sans pour autant passer une nuit blanche (et faire passer une nuit blanche à leurs parents - ravis - par la même occasion. Faites des enfants, qu'ils disaient !).
Toujours est-il que Susan fut plus que contente à l'idée de pouvoir siroter un thé avec Flora ("Alors chère amie... Slupslup... Comment va votre salle commune ? Slupslup..." "Oooooh, ma chériiiiiie ! Si vous saviez c'est absolument fa-bu-leux... Slupslup..."). Enfin, si elles parvenaient à mettre la main sur le thé.

Susan lanca un coup d'oeil à sa baguette... Hé ! Sa baguette. Mais quelle petite idiote elle faisait, de laisser Flora sans thé (santé, warfwarf !) alors que la solution était sous son nez. Elle était une sorcière, non d'un chien !
Le visage de la petite Poufsouffle s'éclaira d'un sourire soulagé et, levant les yeux vers les étagères, elle demanda à Flora d'un ton ragaillardi :

- A quoi voulais-tu ton thé ?

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