Rosalind était aux anges. Sa boutique d’Apothicaire marchait à merveille, elle avait même eu assez de revenus pour l’agrandir. Un projet de firme s’était même mis en place, mais Rosalind hésitait encore. C’était une grand-mère accomplie, qui savourait la vie, et le temps qui lui restait à passer sur cette tendre Terre. Rosalind n’avait pas peur de mourir. En tant que bonne chrétienne, elle croyait à la rédemption, et, de plus, elle savait que la mort n’était qu’un pont que tout le monde empruntait. Personne ne prendrait jamais un autre chemin. C’était inéluctable. Son rêve serait de partir pendant son sommeil, dans une maison de campagne, près de Paris… en France… Mais elle n’avait pas le droit d’attendre ce moment avec impatience. Elle n’y avait même jamais pensé. Elle avait une belle fille, de très gentils et adorables petits-fils, qu’elle espérait gâter, et une boutique. Le temps la guiderait… et les rivages sauraient se faire attendre. Oh, une seule personne parvenait tout de même à lui faire peur et à la faire douter : ce Vous-Savez-Qui de malheur… Oh, si elle pouvait l’avoir en face de lui une seule seconde, ce garnement… Elle lui apprendrait la politesse et l’éducation à coup de pieds dans le derrière… Il était vrai qu’elle avait peur de lui, mais elle éprouvait surtout de la colère. Si elle se retrouvait face à lui, ou à des Mangemorts, qui voulaient piller sa boutique, elle saurait se défendre. Pas à coup de tours de Magie, non… A coup de fusil.
Elle leur apprendrait alors ce qu’est la politesse, et ils s’en iraient vite de chez elle… Rosalind était heureuse dans sa vie de mamie travailleuse. Le temps n’était pas son ennemi, et Alzheimer et Parkinson n’étaient pas des risques. Les médecins ne comprenaient pas comment Rosalind parvenait à être en forme à son âge. Oh, il était vrai que les potions qu’elle préparait n’étaient pas innocentes dans l’affaire… Mais elle aimait s’entretenir en faisant un peu de sport ou d’exercice. Dernièrement, elle avait participé à un rallie sportif, et était arrivé dans les vingt premiers… sur une bonne centaine de personnes. Elle parvenait à susciter l’admiration dans sa petite ville, où elle vivait lorsqu’elle prenait ses congés, ce qui était le cas actuellement. Il se trouva que, par un beau jour de septembre, Rosalind avait envie de jouer son rôle de mamie en donnant à manger à des pigeons affamés, dans le parc de la ville. Elle s’habilla donc assez bien, prit son chapeau, et sortit de sa maison, sans oublier de fermer la porte à clef.
En chemin, elle croisa sa voisine. Comme à son habitude, elle lui demanda si elle était toujours libre le lundi pour garder ses enfants. Rosalind lui fit un petit sourire et acquiesça. Les gens du quartier l’aimaient beaucoup, dans son rôle de grand-mère en forme. Ils n’hésitaient pas à lui demander des services, sauf que ces services, et ils le savaient pertinemment, étaient plus utiles à Rosalind qu’à eux. En effet, s’il y avait une chose que Rosalind craignait, c’était d’être seule. Et le voisinage l’avait comprit. Par ses manières de mamie sympathique, qui préparait des gâteaux à tout le monde, ou encore ses multiples après-midi où elle conviait toutes les mamans du coin autour d’un épisode des feux de l’amour. Le voisinage avait donc trouvé le moyen de ne pas mettre à l’écart Rosalind : ils lui demandaient nombre de services, parce qu’ils savaient que Rosalind ne se sentait pas seule ainsi. La mamie était donc plus que jamais heureuse, car cette attention de la part de ses voisins montrait bien qu’ils l’appréciaient énormément.
Elle entra dans le parc, du pain rassis dans sa poche. Elle se dirigea près d’un banc, et commença à balancer ses tranches de pain sur le sol, pendant que les oiseaux se précipitaient pour s’emparer les premiers de la nourriture. Elle resta un petit quart d’heure, puis, lorsque son pain commença à se faire désirer, elle se prépara à partir. Mais le sort lui réservait encore une bonne surprise, car une sympathique personne que Rosalind appréciait beaucoup se dirigeait vers elle. Wilhelmina Gobe-Planche était quelqu’un que Rosalind admirait beaucoup. Sa passion pour les créatures magiques, sa force morale, ses valeurs… Tout lui plaisait en elle. De plus, elle était l’une de ses copines avec qui elle pouvait parler de nombre de sujets que seules les grand-mères pouvaient aborder.
« Oh, bonjour Wilhelmina ! Je suis ravie de te voir ! Je vais très bien, merci beaucoup ! Oh, Zack et Cody vont très bien, ils font leur rentrée à Poudlard… Et leur maman va très bien aussi ! Elle gère la boutique pendant que j’ai pris quelques jours de congés… Et toi ? J’ai cru comprendre que tu étais à la retraite ? Je t’envie, tu sais ! Quoique… je n’ai pas trop à me plaindre, ma boutique ne marche pas si mal que ça ! Tu fais quoi de tes journées ? Tu devrais rédiger un livre ! C’est ce que toutes les mamies à la retraite font ! Regard Tourdesac ! Ou encore Rosmerta ! »
Elle lui fit un sourire. Dans quelques minutes, sans doutes, la conversation ferait place à l’un des thèmes favoris de Rosalind : les potins du coin.