Un visiteur à nageoires chez les Lovegood [priorité Skirt]

Luna entra dans son étrange maison en forme de tour ; à l’intérieur tout y était circulaire et encombré. Luna tapota une encoche de sa baguette et les murs se mirent à diffuser une lumière douce qui mettait en valeur, du moins le croyait-elle, les peintures vives qu’elle avait peintes un peu partout. Puis Luna, s’étant assurée qu’aucune ouverture ne donnait sur l’extérieur, libéra l’animal étrange en le déposant avec douceur sur une sorte de canapé bancal déglingué. Luna s’accroupit, les yeux à hauteur de ceux de l’animal pour mieux lui parler. « Voilà, tu es chez toi », lui dit-elle avec bienveillance, espérant qu’il sentirait qu’il n’avait rien à craindre. « Tu peux te promener dans toute la maison si tu veux et y prendre tes petites habitudes. »

Pour le mettre à l’aise, Luna le laissa un peu tranquille, rangeant ses affaires et mettant en route d’un coup de baguette le dîner. Ayant perdu sa mère très jeune, elle avait l’habitude de se débrouiller toute seule, d’autant que son père était souvent en voyage. Pour l’heure, il avait mis sur pied une nouvelle expédition sur la foi d’un témoignage qui permettrait peut-être enfin une fois pour toute de clore le bec à ceux qui croyaient que le Ronflak Cornu n’existait pas. Mr Llovegood était bien décidé à rapporter des preuves tangibles et ne serait pas de retour avant au moins une semaine ou deux.

Tandis qu’une fourchette remuait toute seule une sorte d’omelette marron dans un récipient, Luna reporta son attention sur l’animal. Il était vraiment intéressant. Elle s’installa dans un autre fauteuil, rouge vif en forme de ressort psychédélique, et entreprit d’écrire une lettre à son père pour le mettre au courant de sa découverte. Elle alla la donner à la chouette familiale, qui ressemblait davantage à une perruche qu’à un véritable hibou, et revint voir le Lunator : pour le moment il n’avait pas vraiment bougé. Luna s’intalla à table, faisant se déverser la mixture marron dans une assiette, et commença à manger, sans quitter des yeux l’animal, attendant de voir ce qu’il allait faire.

Le château de la petite sorcière était étrangement silencieux.

Quand ils avaient pénétré à l’intérieur, Skiìrt avait d’abord cru qu’il s’agissait d’une autre école de sorcellerie car il avait entendu que son Poudlard natal n’était pas la seule et que d’autres de moindre envergure parsemaient le pays. Mais, outre la taille, l’atmosphère était bien différente ici. Aucun frou-frou de professeurs enrobés (dans le sens vestimentaire du terme), aucun chuchotis d’élève ne résonnaient dans la bâtisse, pas de gardien, ni d’odeur d’elfe de cuisine, rien. Quelques senteurs piquantes lui firent croire un instant à un laboratoire de maître de potion mais ça ne prouvait rien.

Sur le chemin qui l’emmenait vers son destin, il entrevit rapidement le portrait de sa ravisseuse. Celui-ci, accroché au mur, était entouré d’articles de journaux découpés et mis sous verre ainsi que d’une improbable plante aux feuilles multicolores qui laissait couler sur le sol une profusion de lianes qui finissaient en escalant le pilastre de l’escalier tout proche. La fillette grimpa à toute vitesse ce dernier tout en maintenant des deux mains sa proie. Elle était indubitablement en train de regagner son repaire.

Désespéré, il réalisa que sa meilleure chance de survie était que la fillette voit en lui un animal familier, un compagnon comme en ramenaient avec eux tous les ans les élèves de Poudlard.

Malheureusement, il manquait cette approche charmeuse, ce rite de séduction humain/animal qu’il avait toujours constaté chez les jeunes humains tentant d’amadouer leurs bestioles au début de chaque année scolaire. Il avait toujours trouvé ça ridicule, seulement pour une fois, il aurait mieux aimé y participer car cette absence lui faisait craindre d’avoir à être traité en sujet d’expérience, ce qui, dans le monde de la sorcellerie, représentait un des plus courts chemins vers le trépas.

D’un tour de baguette, l’obscurité rassurante de la pièce dans lequel ils venaient d’entrer s’évanouit pour laisser apparaître une chambre dont la décoration lui fit regretter ce don unique chez les rats, celui de percevoir les couleurs. Ce n’était pas moche, non. C’était … comment dire… décalé. Certaines peintures accrochées aux murs utilisaient des couleurs perçues de façon différente pour chaque œil. La superposition des deux visions donnait franchement le tournis.

En lui rendant sa liberté sur une vieille banquette poussiéreuse, elle se mit à lui parler.
« Voilà, tu es chez toi . Tu peux te promener dans toute la maison si tu veux et y prendre tes petites habitudes. »

Des tas de pensées se mirent à bouillonner dans le cerveau du rongeur tout surpris de ne pas être encagé.
** Elle me parle ? Elle sait que je peux comprendre le langage des hommes ? Je croyais pourtant que c’était un secret bien gardé ** Voilà qui ne va pas plaire à Dumbledore ** Mais c’est peut-être pour m’amadouer ** Oui, après tout, c’est classique de parler à un animal, bien qu’il manque l’attitude adéquate **
Il revoyait les élèves, penchés, l’index devant leur visage pointant largement au dessus de la tête de l’animal, l’autre main derrière le dos, et prononçant d’une voix forcée dans les aigüs des variations autour d’une phrase – Il va être gentil le mimi ? – Oh oui, il est gentil le mimi – c’est un gentil mimi, ça –
** Bon, on va dire que ce n’est pas son genre et puis c’est tout ** En tout cas elle ne paraît pas avoir envie de m’occire tout de suite ** Son invitation à aller me promener est quand même louche ** Elle veut peut-être me faire attraper par son chat ** Même s’il n’y a pas d’odeur de chat ici ** Ou alors c’est peut-être un serpent ** Houlà ! Danger ! ** Pas question de quitter ce canapé tant que je n’en sais pas plus sur les environs ** Comme dit le Grand Rongeur : – si tu ne sais pas où tu mets les pattes, t’auras de la chance si le chat te rate - ** Le clan aux longues moustaches dispensait au travers de ces maximes moult et moult conseils de prudence qu’on enseignait aux jeunes dès leurs premiers jours. Et jamais, aux travers de ses aventures, il n’avait pris en faute aucune de ces sentences toutes attribuées au Grand Rongeur, ce personnage de légende. Finalement elles étaient devenues pour lui de véritables règles d’or même s’il se doutait que le Grand Rongeur pouvait très bien n’être qu’une figure allégorique.

Pendant que le rongeur réfléchissait à tout cela, la fillette s’était détournée de lui, lançant des coups de baguette à gauche et à droite, comme le chef d’un orchestre muet, et prononçant des formules qu’il n’avait encore jamais entendu. Les objets autour d’elle prenaient vie, les affaires volaient vers les placards. C’était absolument comme dans cette histoire de « Mary Poppins » qu’il avait entendu raconter un soir dans le dortoir des Pouffsouffles.

Il vit à un moment passer un uniforme qu’il cru reconnaître. C’était celui de la maison de Serdaigle. Enfin peut-être. La penderie s’était fermée si rapidement. Il tenta de humer les odeurs échappées de celle-ci pour reconnaître l’odeur de Poudlard. Moui… Peut-être… Mais il y avait trop d’interférences pour être sûr de quoi que ce soit.

Dans l’immédiat, ce qui l’intéressait le plus, c’était cette potion dont elle avait démarré l’élaboration. Elle avait du s’apercevoir que sa nageoire caudale commençait à s’assécher, les écailles ayant perdu tout le brillant qu’elles avaient au début. Il n’osait pas gratter les écailles de peur de les faire tomber. Il ne savait pas trop quoi faire et avait plus ou moins décidé de prendre un bain pour voir ce que ça donnerait. En tout cas, ça lui aurait fait aucun mal.

Mais la jeune sorcière semblait savoir ce qu’il convenait de faire. Après tout, il existait bien des cours de soins aux animaux, non ? Et puis, elle avait peut-être compris que tout cela c’était qu’un accident et cette potion allait lui rendre son état normal ? Il décida donc que s’enfuir maintenant serait une très mauvaise idée et que Dumbledore n’était plus la meilleure option de guérison.

Pendant que la mixture cuisait, dégageant des odeurs curieusement alléchantes pour une médecine, la demoiselle s’était attaqué à des travaux d’écritures qu’elle termina rapidement.

Revenant vers lui, elle renifla la potion puis coupa le feu. La phase de cuisson devait être terminée ! Portant le tout sur la petite table au milieu de la pièce, elle s’assit et… commença à manger !

Dépité, il constata que la réalité était bien différente de ses espoirs. La médication qu’il espérait n’était rien d’autre que le repas de la jeune fille. Ce qui lui rappela qu’il avait faim, lui aussi. ** Une seconde ! Qu’est-ce que ça mange, un poisson ? ** J’espère que je ne vais pas m’empoisonner en mangeant ma nourriture habituelle **

En attendant de trouver de quoi manger, il allait partir en quête de liquide pour y tremper sa nouvelle queue avant qu'elle ne craquèle. Il avait repéré quelques minutes auparavant un léger bruit d’eau courante qui semblait provenir de derrière la cloison.

Le repas allait durer encore quelques minutes et l’attention de la mangeuse semblait maintenant fixé au fond du récipient. Il profita de ce répit pour sauter légèrement sur le sol et trottiner rapidement vers le couloir. Un léger coup d’œil pour s’assurer que celui-ci était désert et il commença à longer le mur dans la direction générale d’où venait le bruit. La porte était fermée mais l’interstice avec le plancher était suffisamment large pour qu’il arrive à passer dessous en comprimant ses côtes mobiles. ** - Si tu passes la tête, plus rien ne t’arrête - comme dit le Grand Rongeur ** Sa queue écailleuse râpa le bas du panneau, augmentant l’irritation. Une fois derrière, une déception l’attendait. Le bruit de source venait d’une gouttière fixée à l’extérieur du bâtiment et qui évacuait banalement la petite pluie qui s’était mise à tomber sur le toit de la maison.

Il regarda autour de lui.

Le sol de la pièce était jonchée de papiers, de piles de livres d’où émergeaient des tas de fils de couleurs les reliant entre eux. Examinant de plus près ces fils, il se rendit rapidement compte qu’il s’agissait de rayons de lumière. S’approchant d’un des fils qui courait au ras du sol en reliant deux volumes posés au sol, il avança dans l’intention de le couper. Aucune sensation ne le traversa lorsque le rayon passa au travers son corps comme s’il était transparent. Trouvait l’idée d’être traversé déplaisante, même par quelque chose d’immatériel, Skiìrt recula de quelques pas, le rayon intact traçant toujours imperturbablement le même trait. Avisant une feuille de papier d’où partait deux rayons, il s’approcha. Le rayon rouge partait d’un groupe de lettres qui semblaient éclairées de rouge. Le rayon bleu faisait de même à partir d’un autre groupe baigné de bleu. Toutes les autres lettres de la feuilles conservaient leurs couleurs traditionnelles. Il tira la feuille vers lui. Les rayons suivirent le mouvement, illuminant toujours les mêmes groupes de lettres. Etrange.

Un coup d’œil circulaire lui fit remarquer d’autres fils qui relaient les volumes laissés sur les étagères. Au total des centaines de rayons luminescents remplissaient la pièce. Quel rôle pouvaient avoir ces liens ?

Cherchant vainement une réponse, il n’entendit pas la porte s’ouvrir doucement dans son dos.