- ...et surtout n'oubliez pas que cette lettre doit doit arriver dans les plus brefs délais en Galice et qu'on a signalé des intempéries importants dans cette région-ci du sud de l'Europe, peut-être serait-il bienvenu de choisir un hibou particulièrement résistant et fort, pas un de ces petits maigrichons qui ressemblent à des moineaux...
- N'ayez aucune crainte monsieur, nous feront le nécessaire pour que votre lettre arrive à temps et en bon état chez le destinaire.
-...et il faudrait aussi que vous envoiiez ce colis-là à la même adresse, mais il est moins urgent que la lettre et compte tenu de sa taille, il serait rpéférable d'en charger deux gros hiboux, je pense qu'ils n'iront pas trop vite mais tout de même évitez de le donner à des molassons, je préfèrerais que le colis arrive à bon port avant une semaine...
- Nous connaissons notre métier, monsieur, et je puis vous assurer qu'il n'y aura aucun désagrément.
- Sinon, vous vous engagez à rembourser intégralement ce que contient le colis au cas où il serait défecteux en arrivant, et à dédommager le destinataire si il y a de retard...
- Pour les réclamation de ce genre, monsieur, adressez-vous plutôt au guichet 3. Ce sont eux qui s'occupent de la P.A.T.H.
- La quoi ?
- La Police des Assurances des Transports par Hiboux, monsieur.
- Hm. Très bien. Voyons cela.
- Au revoir, monsieur, passez une bonne journée.
** Encore un, nom de dieu, encore un à qui j'ai réussi à ne pas lui mettre mon poing dans la figure. Là, honnêtement, j'ai du mérite. Et pourquoi je n'ai pas plutôt le poste du Préposé à l'envoi du Courrier ? Les hiboux, au moins, ça parle pas. Ca pince et ça griffe si c'est un peu récalcitrant ce jour-ci, ou bien si c'est la veille de la distribution de Miamhibou, mais au moins, ça parle pas. Je devrais demander une augmentation. Ou, mieux, une promotion. Qu'est-ce que je ne ferait pas pour échapper à ces foutus touristes qui se mettent en tête de t'expliquer ton métier ? Bordel ! C'est eux ou nous, les spécialistes ? **
Morphÿn, épuisée, courbatue à force de faire le héron depuis six heures ce matin, de mauvais poil et affreusement pressée qu'il soit quatre heures et demi, que la relève arrive et qu'elle puisse enfin partir, déposa la précieuse lettre et le colis derrière elle, sur un espèce de plateau tournant incrusté dans la cloison qui l'a sépare du grand local rempli de hiboux et de chouettes destinés à porter le courrier, et pointe sa baguette dessus. La pièce métallique pivota avec fracas, une ouverture s'aménagea dans la cloison pour laisser passer les deux objets à expédier en Galice. Il ne pouvait pas trouver plus loins, évidemment. En Espagne. Qui donc ce bonhomme sec et nerveux avait-il donc à contacter en Espagne ? Je vous demande un peu. Les hiboux étaient déjà surchargés de travail, ils avaient à peine le temps de se reposer qu'il fallait déjà repartir. Morphÿn était fatiguée, c'est vrai, cependant cela ne devait être rien comparé à la fatigue accumulée de ces bestiaux. Enfin, la jeune femme était bien trop de mauvaise humeur pour s'apitoyer sur le sort des hiboux.
Ce bonhomme charmant et patient fut le dernier client de la journée. Quelques vingt minutes plus tard, Morphÿn vit avec joie la gande aiguille de sa montre atteindre le "6". Elle rembala ses affaires, sortit de son guichet, adressa un signe de la main à son collègue vêtu de la robe vert d'eau de la Poste Sorcière, venu prendre la relève de nuit et sortit en direction
de la rue principale de Pré-Au-Lard.
Elle s'arrêta entre temps dans les toilettes des Trois Balais pour se changer : elle troqua sa robe de sorcière de travail contre une chemise blanche et une jupe noire descendant aux genoux. Les pieds chaussés d'agréables escarpins, elle sortit à nouveau dans la rue, tourna sur elle-même, et disparut dans l'obscurité oppressante que produisait un transplanage.
{ Suite Au Chemin de Traverse. }