Les malheurs d'un concierge [priorité Suzan]

[HJ: suite d'"il suffit d'un rien pour être heureux", dans le bureau de Rusard]

Rusard avait donc été dérangé en pleine nuit par une morveuse préfète parce que Mimi avait encore fait exploser les canalisations. Il pataugeait maintenant tant bien que mal à côté de la gamine, de l'eau jusqu'au genoux, à travers la pièce. L'eau continuait de se déverser à grands flots.

"D'abord, il faut couper l'eau!", grogna-t'il en montrant le robinet qui commandait l'arrivée de l'eau jusqu'à la pièce. Ce robinet avait été installé en hauteur, sur un mur, à environ deux mètres cinquante. Comme Rusard était cracmol, ça n'était pas très accessible pour lui, et s'il demandait à la gamine d'agiter son bout de bois, elle risquait de faire pire que bien. Pas question de prendre le risque de faire exploser ça aussi!

L'eau montait encore, ils en avaient jusqu'à mi-cuisse. "J'vous fais la courte échelle!", ordonna Rusard d'un air méchant à Susan qui avait intérêt à obéir vite. L'était pas question qu'il mécontente l'administration juste au moment où il avait l'intention de demander une petite augmentation. Il fallait donc stopper cette catastrophe rapidement.

Il accrocha ses mains ensemble pour faire une marche à Susan qui allait devoir escalader le concierge et, en équilibre précaire, arrêter cette maudite eau. Ensuite, il leur resterait encore à écoper cette piscine et remettre la pièce en état... Quelque part, tout près, on entendait ricaner ou sangloter Mimi.

De toute évidence, Rusard avait pris au moins autant de plaisir à apprendre la nouvelle de l'inondation qu'elle n'en avait eu à lui annoncer. Lorsque le vieillard impotent lui était passé devant pour ouvrir la marche, Susan n'avait pu s'empêcher de le gratifier d'une grimace assez éloquente. Une chance que le concierge ne se soit pas retourné à cet instant, car elle aurait était bien en peine de la transformer en sourire innocent !
Puis, préférant ne pas se faire de nouveau réprimander pour manque de réaction ("Bones ! Suivez-moi nom d'un elfe de maison ! Qu'est-ce que vous foutez, à rester plantée là ? A croire que vous vous réjouissez de cette inondation ! Vous n'en seriez pas complice, des fois que ?"), la Poufsouffle avait - bien à contrecoeur - emboîté le pas à Rusard. Elle espérait au moins qu'aucun élève dissimulé au détour d'un couloir d'en profiterait pour aller chiper quelque chose dans le bureau du concierge. Sans quoi, c'était certain, Alexander et elle seraient accusés de complicité de vol. Le sens de la justice de Rusard avait toujours été très... Hé bien personnel. Susan se souvenait encore du jour où il avait accusé Hannah Abbot de tenter de noyer un figuier desséché, dans un couloir, figuier qu'il avait placé là lui-même et derrière lequel il s'était caché pour mieux surprendre les élèves en flagrant délit de course dans les couloirs. Chourave avait eu bien du mal à tirer la pauvre Poufsouffle de ce mauvais pas ! D'une manière générale, Rusard était la mauvaise foi incarnée.

De retour sur les lieux du crime aux toilettes, Susan ne put que constater avec horreur à quel point l'ampleur du désastre : le niveau d'eau avait bien doublé depuis qu'elle était partie chercher Rusard et si elle continuait à ce rythme, Poudlard serait bientôt en mesure - félicitations - d'ouvrir sa propre piscine olympique.
La rouquine fronça les sourcils et ne trouva rien de mieux à faire qu'à ôter ses chaussures pour les lancer à l'autre bout du couloir. Elle voulait bien être trempée mais elle n'avait pas l'intention pour autant de fusiller ses chaussures d'uniforme toutes neuves. Sa mère la tuerait si jamais elle s'y risquait ! A moins que Rusard ne s'en soit chargé avant elle, bien entendu...
Elle pataugea ensuite à la suite du concierge. Et si lui avait de l'eau jusqu'aux genoux, Susan, elle, en avait quasiment jusqu'en haut des cuisses. Autrement dit, sa progression était plus que difficile ("Hiii ! Elle est froiiiide !"). Mince ! Et en plus, elle n'avait pas attendu trois heures après le dîner avant la baignade !

La jeune fille lança un coup d'oeil à Rusard, qui paraissait évaluer la situation, et leva le nez en direction du robinet qu'il lui désignait. Ah ouais... Il était quand même vachement haut... Mais peut-être qu'en allait chercher une échelle...
Elle s'apprêtait à suggérer cette idée au concierge lorsque celui-ci la coupa dans son élan en prenant le taureau par les cornes de manière plutôt... Radicale. Pardon ? La courte échelle ? Dans toute cette eau ? Mais c'était une blague, enfin ! Jamais elle n'y parviendrait ! D'ailleurs, elle avait toujours été très mauvaise ne gymnastique !
La rouquine ouvrit la bouche pour protester mais le regard que lui adressa Rusard la convainquit de fermer son clapet. Elle se contenta donc d'hocher la tête d'un air à la fois amer et résigné, avant de nager d'avancer jusqu'au concierge.

*Dans trois minutes je suis les quatre fers en l'air et lui, il s'est cassé le col du fémur...* songea-t-elle avec désespoir tout en s'efforçant de prendre appui sur les épaules de Rusard. Beuh ! En plus, à tous les coups, il était très sale !

Elle se hissa tant bien que mal sur les deux mains en coupe du vieil homme, Le petit saligaud, il allait voir sous sa jupe ! et se mit sur la pointe des pieds pour tenter d'atteindre le robinet ouvert.
Elle y serait peut-être parvenue, si, à cet instant précis, Mimi Geignarde, qui n'était pas décidée à se montrer conciliante, n'avait pas surgi à travers le mur pour pleurnicher plus qu'elle ne hurlait, juste sous le nez de Susan :

- Bouuuuuuuuhouhouhouhouuuuuh !

La Poufsouffle étouffa un cri de surprise et, dans un mouvement relevant du pur réflexe, esquissa un mouvement de recul, qui suffit à la déséquilibrer. En un éclair, elle compris qu'elle allait tomber.

*Oh non !* supplia-t-elle en fermant les yeux.

Oh si. Dans un superbe jet d'eau, Susan atterrit violemment au sol. Aïeuh !
Un peu étourdie par sa chute, et le souffle coupée par la froideur de l'eau, la rouquine se releva péniblement et gratifia Rusard d'un coup d'oeil apeuré avant de proposer d'une petite voix tremblotante :

- Vous... Vous ne voulez pas que j'aille chercher le professeur Flitwick, Monsieur ?

(809 mots, à une vingtaine près)

785 BILL

Trempé de la tête aux verrues des pieds (la chute de Susan l'avait éclaboussé), Rusard la regardait d'un air méchant, se demandant s'il tuait Mimi ou Susan en premier.

-"Flitwick, nan mais ça va pas?! On va se débrouiller!", brailla-t'il, énervé. Le vieux concierge savait parfaitement que le prof nain, serviable, aurait couru sur ses petites pattes jambes et aurait tout arrangé dans la seconde en agitant son machin. Mais pour quoi qu'il serait passé, Rusard, encore? Pour un qui sait rien faire. Ah, ça non! *Et mon augmentation, nom d'un chat?*

Amer, Rusard regarda l'horrible morveuse qui l'avait trempé et se résigna à dire, à contre coeur:

"Agitez vot' bout de bois vers le robinet". Outre le risque d'explosion, il était mortifié de devoir quémander à une mouflette de la magie. C'était reconnaître que lui ne savait pas en faire, ce que tout le monde avait compris depuis longtemps, mais il vivait dans l'illusion que personne n'avait rien remarqué.

Mais quand le destin est contraire...
Mimi, par jeu ou par énervement, se jeta sur la baguette de Susan et s'envola avec au plafond. Pas d'autre solution que de parlementer avec elle si on voulait récupérer cette baguette. L'eau pendant ce temps montait.

Rusard passa au plan B. Ni une, ni deux, il sortit de sous son gilet crasseux une... baguette. Rusard l'avait eu comme cadeau gratuit dans un paquet de lessive de la mère Grattesec, et comme il prenait secrètement des cours de magie par correspondance, peut-être que cette fois ça allait marcher? On allait voir ce qu'on allait voir, nom de nom d'un chat. Plein d'espoir, presque fier, Rusard agita sa baguette comme un parkinsonien.
Rien ne se passa. C'était bon à savoir, ça ne valait rien, une baguette en plastique.

Amer, il se tourna vers Susan et grogna: "bon, ben; parlez entre filles; débrouillez-vous pour qu'elle vous rende vot' bout de bois." Avec sa mauvaise foi coutumière, il avait exprimé ça sur un ton qui laissait entendre que c'était tout simple de faire rendre quelque chose à Mimi; et que ça ne le regardait pas. A Susan de se débrouiller! Et l'eau montait, montait... Susan en avait maintenant jusqu'à la taille. Argus s'était désintéressé du problème et méditait, en pleine déprime concernant son absence de magie.