Une nouvelle rencontre [PV Claes Mézangier]

Sophie sourit en voyant Claes la toiser d'un air dubitatif.
*Il ne doit pas être du genre à se servir de ce que les autres lui apprennent de lui-même. En fait, je pense qu'il ne doit même pas les écouter.*
Ce que lui dit Claes confirma cette pensée. Il se situait comme totalement indépendant des autres. Mais au moins il n'exigeait rien des autres qu'il n'exigeât de lui-même. Il se mit alors à parler des livres de Pratchett. Il avait apparemment tous les ouvrages de cet auteur et ils le passionnaient. Il se proposa de lui prêter les livres de Pratchett afin qu'elle puisse les lire.
"C'est vraiment gentil de ta part !"
Ses yeux s'étaient illuminés de plaisir.
"Je serai ravie que tu me les prêtes si vraiment ça ne te dérange pas !"
Le jeune homme lui demanda alors qu'est-ce qu'étais la Croisée des Mondes.
"A l'origine, ça se passe sur une terre où chaque personne possède un daemon. C'est un peu comme un animal de compagnie, mais il est lié à l'être humain qui lui correspond. Il ne peut pas s'éloigner trop de la personne à qui il est lié. Dans l'histoire, la petite fille et son daemon vont vivre une aventure qui vont les mener à visiter des mondes parallèles où personne n'a de daemon. Et il va alors se produire un combat inter dimensionnel passionnant et complexe."
Sophie reprit doucement son souffle. Elle sourit quand il lui demanda quel genre d'auteur était Molière.
"Molière écrit des satires de ses contemporains. Il se moque de l'aristocratie, des nobles, des bourgeois. Il écrit des pièces de théâtre vraiment très amusantes. Il base tout sur l'humour en fait. Il fait passer beaucoup de messages par l'humour."
Elle éclata de rire lorsqu'il parla de son goût pour les romans d'amour.
"Je suis romantique, je n'y peut rien."

Claes haussa les épaules (oui encore), il n'était pas du genre à proposer quelque chose qui l'aurait ennuyé. Il n'était pas assez altruiste pour ça. D'accord, il n'était pas altruiste du tout. Éventuellement il était maladroit avec ses amis en essayant de bien faire mais altruiste, il ne fallait pas rêver. Il ajouta avec amusement histoire de taquiner gentiment la fillette :

"Mais seulement si tu me prêtes les tiens en échange"

Après tout il n'y avait pas que Pratchett dans la vie hein. D'accord Pratchett était un dieu, mais il fallait aussi savoir s'intéresser aux pauvres mortels qui sillonnaient la terre. Pas de discrimination tant que c'était moldu ! (les Mangemorts partageaient finalement un peu cette philosophie) Les deux auteurs dont elle venait de lui parler avaient tous deux l'air très intéressants. La dérision d'une société par Molière devait être des plus instructifs. Après tout, sous couvert de raconter tout et n'importe quoi, c'était aussi ce que faisait Pratchett. Car oui, ainsi il découvrait que la société moldue avait elle aussi ses travers (hahaha c'est beau la naïveté)

L'éclat de rire de la fillette le prit un peu de court. Elle était romantique, la bonne affaire. Ca le perturbait tout de même, et maintenant qu'il avait sous la main une romantique qui n'était pas en train de glousser bêtement, il se dit que c'était l'occasion de s'instruire. Aussi son agacement su mua-t-il en une expression un peu moqueuse où l'on distinguait très clairement un vif intérêt pour la réponse !

"Qu'est-ce que tu en attends de l'amour ? Et de ces romans ?"

Il en avait vu pleurer pour l'amour d'un véritable crétin, il en avait entendu bavasser sur l'homme idéal (qui vu leur discrimination devait être au moins pour moitié une fille s'il voulait remplir le tiers des conditions), il en avait entendu, il en avait vu, et il n'avait toujours pas compris l'intérêt de l'amour. Mais aux yeux des filles, cela semblait être la valeur la plus sûr, l'avenir rêvé, ce qui donnerait un sens à toute leur existence.

C'était dur et probablement sans espoir mais bon, rien ne l'empêcher de s'atteler à la dure tâche d'essayer de comprendre les filles.

Sophie était ravie à l'idée d'échanger des livres avec Claes. Elle eut néanmoins un sourire malicieux.
"J'espère que tu comprends le Français parce que mes livres de Molière sont en version originale."
*Je suis sûre que ça ne l'arrêtera pas. Il a l'air intelligent, Claes. Je suis certaine qu'il en connaît un rayon en français.*
Elle le vit surpris de sa réaction. Evidemment, elle savait qu'elle ne réagissait pas comme la majorité des filles. Mais elle se plaisait telle qu'elle était. Et tout ce qui comptait c'était qu'elle garde ses valeurs comme un trésor au fond de son cœur.
"Eh bien, pour être honnête, je n'attends pas grand-chose des romans, à part de bien m'amuser et même quelquefois de rire. Mais de l'amour, j'attends beaucoup de choses. Tout d'abord, je pense que l'amour est une force qui peut nous aider à affronter les épreuves de la vie. Et puis, quelque part, j'attends de l'amour qu'il me fasse rêver et qu'il me donne quelque chose de solide pour mon avenir. Pour moi, celui que j'aimerai sera un compagnon, un lien de tous les instants, ami, amant, complice et partenaire. Je veux qu'il puisse m'épauler et que moi-même je puisse l'épauler dans tous les moments de notre vie. En bref, je veux que nous nous soutenions à tout moment de notre vie avec l'amour tel un ciment de notre relation et de notre union."

Claes haussa un sourcil surpris. Ce n'était pas courant de croiser des élèves de première année lire le français couramment. A moins qu'ils ne soient français ou franco-britannique évidemment. Il avait grandi dans un cercle privilégié de petits bourgeois à l'éducation parfaite, mais peu d'entre eux pouvaient se vanter de maîtriser parfaitement une autre langue que la leur. Lui-même, en tant que fils d'une grande amatrice de voyage (qui n'avait en réalité guère eu l'occasion de faire plus que le tour du monde qu'elle s'était accordé à la fin de sa scolarité et s'était terminé lors de son voyage de noces), avait été initié à de nombreuses langues, notamment l'italien, le hongrois et le français, les trois favorites de Césarine Mézangier. Claes n'étant pas un travailleur assidu dans tous les domaines qui ne le passionnaient pas et les langues entraient clairement dans cette catégorie. Il lui maîtrisait à peu près l'italien, avait quelques vagues notions de français, mais la langue lui déplaisait par sa complexité grammaticale et on le comprend, quant au hongrois il avait abandonné dès le premier cours, hallucinant complètement devant ce que sa mère attendait de lui. Aussi ne put-il qu'apprécier la performance de la fillette, bien que considérant l'effort en soi complètement inutile.

"Tu parles français ? tu as des origines françaises ?"

Il se trouvait face à une impasse et n'aimait pas cela. Il n'avait jamais vu dans l'apprentissage que lui avait dispensé sa mère l'intention de le destiner à un poste haut placé nécessitant une bonne connaissance en langue. Ne se destinant pas lui-même à un poste de ce genre (actuellement il hésitait entre dresseur d'hippogriffe et danseur de claquettes professionnel), il n'avait jamais eu l'intention de travailler avec ardeur. Mais soudain, il venait d'entrevoir tout ce à côté de quoi il risquait de passer.

"Je n'ai pas un niveau excellent mais je veux bien que tu me les passes quand même"

Il bosserait s'il le fallait mais une barrière aussi ridicule qu'une langue étrangère l'empêcher de lire un livre moldu. Et puis après tout il maîtrisait les bases il devrait pouvoir s'en tirer honorablement. Il éviterait juste de s'y atteler après une longue et fastidieuse dissertation de potions parce que... voilà quoi.

Fier de sa bonne résolution, il fut pris de court par la réponse d'une ferveur inattendue de Sophie. A sa grande surprise, tous deux n'avaient absolument pas la même vision de l'amour. Lui ne voyait là qu'une rêverie niaise et bon, dans ce que disait Sophie il y avait un peu de ça. Mais il y avait autre chose aussi, l'idée qu'un petit ami était plus que ça, à la fois un ami et un amant. C'était intéressant. Peut-être lui-même finirait-il par accepter l'amour s'il s'agissait de rester avec une de ses amies. Mais il lui semblait impossible de pouvoir concilier les deux. Et puis, il était sûr que la meilleure des amies deviendrait insupportable dès lors qu'elle tomberait amoureuse de lui. Les filles amoureuses étaient insupportables par nature.

Aussi, laissant sa nature moqueuse reprendre le dessus, il dit malicieusement :

"Ca fait beaucoup d'exigence pour un seul homme"

Sophie vit que Claes était surpris par ce qu'elle lui avait dit. Il n'était effectivement pas courant d'être bilingue. Et il l'était encore moins de lire des livres dans une langue qui n'était pas la votre au préalable. Mais la jeune fille adorait lire, et elle n'aimait pas la prise de position d'une traduction. Elle se demanda si Claes saurait, lui, lire ses livres français. Elle attendit avec impatience une réponse qui ne vint pas. Le jeune homme se contenta de lui demander si elle avait des origines françaises.
"Non, mais j'ai eu une préceptrice moldue qui m'a appris à lire, écrire et compter avant de venir à Poudlard. J'ai commencé à étudier à cinq ans et j'étais bonne élève. Or, ma préceptrice était d'origine française. Comme elle considérait que j'étais douée, elle m'a appris sa langue maternelle. J'ai commencé à sept ans et j'ai travaillé intensément pendant trois ans. Mais l'an dernier, je suis allé passer une partie de mes vacances en France avec mes parents alors j'ai pu travailler et faire d'énormes progrès. Je ne suis pas bilingue, mais je me débrouille face à un Français. Par contre, niveau écrit, je comprends parfaitement la langue."
Il lui avoua qu'il n'avait pas le meilleur des niveaux mais qu'il souhaiterait tout de même essayer de lire ses livres. Sophie acquiesça.
"Je te les passera et j'ai aussi emmener mon dictionnaire traducteur si tu veux."
Il sembla surpris de sa réaction par rapport à l'amour, mais il lui fit remarquer d'un air malicieux qu'elle allait avoir des difficultés à trouver un homme qui pourrait lui convenir.
"Je suis sûre qu'il existe… quelque part."
Son air se fit rêveur.

Claes Mézangier haussa un sourcil qui forma un arc de cercle si parfait qu'Emma Watson sentit qu'elle risquait de perdre sous peu son titre de Reine du jeu de sourcils. Si elle avait eu deux ou trois neurones au service de tout autre priorité que son jeu de sourcil (certes primordial dans son jeu d'actrice, mais bon il fallait aussi penser à crier "Harry ! Harry !" au bon moment sinon tout l'équilibre de la scène était brisé) elle aurait su que Claes était un garçon et que par conséquent elle ne risquait rien, contrairement à Orlando Bloom, son homologue masculin. Il n'en revenait pas de ce que lui racontait Sophie. Lui aussi avait eu un précepteur, mais en dehors de tout ce qui concernait la lecture il était loin de s'être montré un élève passionné. Elle avait l'air... de la gentille petite fille qui fait tout ce qu'on attend d'elle. Qui bosse. Trop. Et qui pensait aussi (ce qui jusque-là présentait une sincère amélioration par rapport à toutes les femmes qu'il avait fréquenté au cours de sa vie, mais ce n'était pas une raison pour pousser le vice trop loin), mais trop.

"Et s'il est mort né ? Qu'il vit à l'autre bout du monde et que vous ne vous croisez jamais ? En plus un garçon aussi formidâaaaable (il appuya sur cette syllabe avec un ton enamourée, qu'il imita si bien qu'on voyait presque les petits coeurs dans ses yeux) doit avoir beaucoup de succès (il repris son ton habituel) comment comptes-tu te débarrasser de la ribambelle de rivales ?"

C'était l'avantage quand, comme Claes, on envisageait de ne jamais avoir la moindre compagne. On n'avait aucune énergie à perdre dans un interminable et fatiguant "je t'aime ; oui mais moi j'hésite avec Albert tu comprends il est plus grand que toi mais tu as de plus beaux cheveux". Mais bon visiblement Sophie semblait une amatrice de ce genre de rebondissement.

Sophie sourit en voyant à nouveau l'air dubitatif de Claes. La discussion à propos de l'amour semblait le préoccuper. Il n'était pas du même avis que la jeune fille et ses propos lui faisaient hausser les sourcils. Ce comportement peu convaincu amusait Sophie. Elle était persuadé que certaines choses échappaient à Claes et qu'elle allait devoir lui apprendre ce qu'était le véritable amour, mais il s'agissait savoir s'il accepterait de l'écouter. Jusqu'à présent, il avait été très compréhensif, mais combien de temps cela durerait-il, il avait l'air d'être contre ce qu'elle pensait. Il le lui prouva en répondant à ses paroles en lui demandant ce qu'elle ferait si l'homme qu'elle lui correspondait était mort-né ou si elle ne le rencontrait jamais. Il se demandait aussi comment elle ferait face à ses rivales. La jeune fille sourit face à cette remarque.
"Je suis certaine qu'il existera un homme fait pour moi, un homme bien vivant et que je le rencontrerai un jour. Je fais confiance à ma vie. Si je ne peux pas rester avec un homme, c'est que ce n'est pas le bon, voilà tout."

Claes haussa les épaules. Il y avait des gens avec lesquels rien ne servait d'argumenter, on ne faisait que perdre son temps. Il trouvait ses arguments plats et niais. Il n'avait jamais éprouvé le besoin de gaspiller son énergie à faire comprendre son point de vue à autrui, et encore moins à comprendre celui des autres. Le jour où la question se poserait vraiment, alors il aviserait.

D'ici là, il se contenterait de lire ses Terry Pratchett et tout autre livre moldu qui lui tomberait sous la main. Il ne s'épuiserait pas à tenter une réponse à une question forcément insoluble et qui trouverait son dénouement toute seule en temps voulu. Il ne comprenait même pas qu'il ait pu l'interroger ainsi... Comment avait-il pu douter qu'une fille, sous prétexte qu'elle aimait lire et ne se laissait pas impressionner par son regard (mais à la réflexion, il devait apprendre à se souvenir que les femmes ne se laissait pas impressionner mais au contraire interprétait cette indifférence comme le summum du choupi) penserait différemment ?

"Bonne chance alors. Mais ça va être l'heure d'aller en cours, on remonte ?"

Sophie était vraiment très amusée par les réactions de Claes. Il passait son temps à hausser les sourcils et à la regarder d'un air ahuri, comme si ce qu'elle disait n'était que de grosses énormités. Sophie ne savait pas que Claes était quelqu'un qui avait de nombreuses difficultés pour comprendre ce que pouvait être l'intérêt aux autres. Pour le moment, elle avait juste l'impression d'être une petite idiote qui ne comprenait rien et qui ennuyait un camarade avec des idées qu'il n'aimait pas. Elle ne voyait pas l'intérêt de discuter davantage avec lui. Et puis, si ça se trouve, ils auraient encore l'occasion d'échanger des idées. Comme s'il lisait dans ses pensées, Claes lui parla alors des cours en affirmant que ceux-ci n'allaient pas tarder à commencer. Sophie se rendit compte que c'était effectivement vrai et commença à s'affoler. Elle ne pouvait absolument pas se permettre d'arriver en retard à un cours. Ce serait indigne de Sophie Kirte, qui faisait tout ce qu'elle pouvait pour réussir.

"Tu as raison, il faut que je me dépêche. On se reverra en cours, à plus."

Et elle partit en courant, inquiète de son retard.