Paul tenait fermement la main d'Ethele alors qu'ils marchaient ensemble dans la rue principale du chemin de traverse. Si l'homme semblait ouvert au monde qui l'entourait -il ouvrait ses grands yeux étonnés de moldu devant l'ensemble des stands présents- la petite s'était collée à lui, enfouissant sa tête dans la veste impeccablement repassée de l'anglais. Ainsi enfouie dans les vêtements de l'homme il ne lui arrivait aux oreilles que des bruits étouffés de foule mais surtout elle avançait à l'aveuglette, cramponnée au majordome qui la serrait presque contre lui. Car il le savait... la gamine était terrorisée.
Nous voilà quelques jours seulement avant la rentrée sur un chemin de traverse bondé de monde. Des hommes, des femmes, des gamins bruyants en tout genre. Une foule compact où personne ne prête à attention à l'autre. En bref un cauchemar vivant pour la petite Val, agoraphobe. C'était comme si tout Londres sorciers c'était passé le mot pour venir faire ses courses de l'année le jour même. Comme s'ils avaient soudain tous décidé de venir l'entourer, l'empêcher de respirer, elle petite qui se sentait écraser pour leur simple présence. L'odeur de Paul emplissait les narines de l'enfant qui respirait par saccade -une fois de plus elle risquait l'hyperventilation-, elle se serra un peu plus contre l'Adulte quand elle entendit quelqu'un crier le nom d'une autre personne.
La peur des foules n'était pas nouveau pour la petite. Elle y était sujette depuis son plus jeune âge. Lorsqu'elle se retrouvait entourée de plus de quatre personnes -le nombre d'occupants du manoir- la panique s'insinuait en elle. Comme un serpent, comme un poison, comme un être vicieux. Et cet être lui disait toute sorte de choses horribles. Il lui disait déjà que la foule allait l'avaler, toute entière, qu'elle allait tomber et se faire piétiner. Car les gens s'en moquent bien de savoir qu'une petite fille se trouve sous leurs pieds. Il ricanait aussi en lui annonçant que dans le flot incessant de personnes se trouvaient des gens mauvais. Ils allaient lui faire du mal, la voler, l'enlever. Les gens. Elle était prise d'une peur incontrôlable quand ils étaient tous là, sans la voir, ou la lorgnant de cet oeil qui ne disait rien de bon. C'est pour cela qu'elle se coupait de tout, sous la veste de Paul. Le vieil homme n'était pas prêt de la lâcher.
Bientôt le duo allait atteindre le point de mire du voyage: Le magasin Fleury et Bott, la petite avait besoin de nouveaux livres pour sa nouvelle année dans la prestigieuse école. Une fois entourée de livres la petite retrouverait sa vigueur car pour le moment elle avait l'impression de fondre. Et d'ailleurs elle allait bientôt fondre en larmes... Car voilà qu'un homme gros et gras décidait de ne pas contourner le duo pour continuer son chemin. Il se planta devant eux, décidé à ne pas changer de direction et d'un geste de l'épaule bien placé vint percuter la petite demoiselle qui, en poussant un cri de panique pure, se retrouva propulsée à quelques centimètres seulement de l'Adulte. Elle tendit la main vers lui, tenta de lutter contre les gens mais déjà sa petite taille lui jouait des tours. Elle vit Paul disparaître, l'homme jouant des coudes pour essayer de la rattraper.
"Emportés par la foule qui nous traîne
Nous entraîne
Nous éloigne l'un de l'autre
Je lutte et je me débats
Mais le son de sa voix
S'étouffe dans les rires des autres
Et je crie de douleur, de fureur et de rage
Et je pleure..."
La petite demoiselle sentit soudain qu'elle manquait d'air, les larmes coulant en torrent sur ses joues. Elle se mit à courir sans réfléchir au milieu des gens, le cœur battant à tout rompre. D'un geste brusque elle bouscula un homme qui l'incendia sans qu'elle ne l'entende. Ses narines ne respiraient que l'odeur horrible de la transpiration, que les relents puants des gens autour d'elle. Elle tomba en se prenant les pieds dans une pierre mal fixée, s'écorchant les mains. Mains qu'elle retira à temps avant qu'une femme au nez pointu ne lui marche dessus. Elle resta un moment à genoux, renifla bruyamment, appela Paul d'une petit voix avant de se relever et d'avancer lentement. Elle fini sa marche contre un mur au pied duquel elle se laissa glisser. Elle ramena contre elle ses genoux, au bord du malaise, incapable de parler... Elle était maintenant entrée dans un état de choc assez prononcé. Assise par terre, sous forme d'une petite boule compact se balançant d'avant en arrière Ethele Val espérait que Paul revienne.
Ho oui... elle espérait tellement.
722 (sans compter les paroles de la chanson La foule)