Scène de jalousie [Susan et peut-être Filius]

En cette belle journée de printemps, tandis que les oiseaux gazouillaient joyeusement dans les arbres du parc et que de blancs nuages moutonnaient dans le ciel, le tragique destin qui était le sien s'avançait à grands pas en direction de la jeune Susan qui, pour le moment, totalement inconsciente des terribles événements qui ne tarderaient plus à s'abattre sur elle mais Trelawney l'avait prédit, se dirigeait d'un pas allègre vers le bureau de son Maître bien aimé hop 80 points en plus pour Poufsouffle afin de lui remettre les copies que les premières années venaient juste de rédiger. Oui. Lui remettre les copies. Farpaitement. Car, sonnez trompettes et violonez violons, pour la première fois depuis qu'elle était entrée au couvent en "assistanat", la rouquine avait été autorisée à surveiller un devoir toute seule ! La consécration ! Enfin, quand nous disons "autorisée", nous entendons plutôt ceci : "Aaaah, Bonesie, mon enfant, tant que vous z'y êtes - et une fois que vous aurez plié ce tas de chaussettes - vous me surveillerez l'examen des premières années, demain, hein ! Allez, à plus tard Bonesie !" Mais il n'en restait pas moins qu'aux yeux de Susan, c'était Noël en avance. Ou très en retard. Comment cela, elle n'avait obtenu le privilège de la surveillance que parce que Flitwick avait éprouvé le désir de s'envoyer deux ou trois verres derrière la cravate, en compagnie de la charmante MacGonagall Rosmerta ? Même ! Vous croyez sérieusement qu'il serait allé boire l'esprit tranquille s'il n'avait pas eu un minimum confiance en les capacités de Susan ? Non, Madame, non !
Bref. La jeune femme volait littéralement de bonheur à travers les couloirs, d'autant plus heureuse que nul ne lui avait envoyé des boulettes pleines d'encre ou n'avait cherché à tricher impunément devant son nez. Comme quoi, elle savait très bien se faire respecter du moment que Siegfried n'était pas dans les parages. Comment ça, en même temps, surveiller les premières années de Poufsouffle, ce n'est pas très risqué ? Détrompez-vous, les Poufsouffle peuvent être très hargneux !

*Rhâ, en plus, c'est le week-end ! Je vais pouvoir laver les chaussettes de Silius par couleur retrouver Quentin !* songea-t-elle avec un bonheur évident, en bifurquant sur sa droite.

Plus que quelques mètres et le Sort s'abattrait sans pitié sur sa malheureuse existence. Tout à sa fierté d'avoir mené à bien la périlleuse mission que son Maître lui avait confiée, Susan n'aperçut pas immédiatement Irma Pince, qui semblait faire le pied de grue devant le bureau du minuscule petit professeur. En réalité, elle l'aurait même heurtée de plein fouet si elle n'avait pas eu de bons freins pilé à temps. Ouh bon Dieu, obstacle à dix heures, je répète, obstacle à dix heures... Freine, mais freiiine ! Brusquement tirée de ses rêves de gloire ou pas, la rouquine commença par cligner des yeux d'un air surpris avant de se fendre d'un large sourire et de lancer d'une voix flûtée :

- Bonjour Madame Pince ! Excusez-moi..., rajouta-t-elle en lui passant devant pour ouvrir la porte du bureau.

Elle y entra sans plus se préoccuper de la bibliothécaire - elle devait certainement avoir rendez-vous avec Filius, le petit coquinou, ce n'était pas à elle, merci Merlin, de s'occuper des amours du Serdaigle - et constata que Flitwick n'était pas encore revenu de son après-midi de débauche. Ou alors il était agenouillé derrière le bureau et du coup, elle ne pouvait pas le voir. Tant pis ! Bones haussa machinalement les épaules et s'apprêtait à déposer son paquet de copies sur le bureau pas en bordel du tout de Filius, avec un petit mot pour lui dire que tout s'était très bien passé, lorsque la porte s'ouvrit brutalement dans son dos.
Prise au dépourvu, la Poufsouffle sursauta violemment et laissa échapper les parchemins des premières années. Hiiii !Un devoir à la mer ! La rouquine se retourna vivement, les yeux écarquillés de stupeur, et ne put retenir un haussement de sourcils franchement décontenancé à la vue d'une Madame Pince furibarde. Dans un réflexe acquis au cours de ses sept années à Poudlard, elle passa rapidement en revue les ouvrages empruntés dernièrement à la bibliothèque, tentant vainement de se rappeler si elle était en retard sur leur retour... Euh... Ah mais oui mais attendez... Elle n'avait pas emprunté de livres... Alors quoi ?

- Je... Je peux vous aider ? demanda-t-elle, mal assurée.

Tout en surveillant Irma du coin de l'oeil, Susan tira sa baguette de sa poche et l'agita d'une main encore un peu tremblotante en direction des copies éparpillées sur le sol. Dociles, celles-ci s'élevèrent doucement dans les airs et vinrent se placer dans les bras de la jeune femme. C'était bien sa veine, de se trouver nez-à-nez avec une Pince pas commode, pile au moment où elle croyait en avoir fini avec cette journée !

Pile au moment où Susan s'apprêtait à demander à Madame Pince si elle pouvait lui être utile d'une manière ou d'une autre, la bibliothécaire l'agressa sauvagement. La rouquine ne dut sa survie qu'à des réflexes séculaires du genre de ceux que nos ancêtres les hommes des cavernes employaient déjà lorsqu'un tigre à dents de sabre très, très affamé leur bondissait dessus. Ces mêmes réflexes avaient d'ailleurs été énormément mis à contribution au cours de l'année passée, alors que les Carrow sévissaient dans l'école, et Susan, malgré un an de paix, avait encore quelques bons restes. Suffisamment bons, en tout cas, pour échapper au sort fulgurant que la furie lui réservait. Une chance, tout de même, que son genou ait récupéré depuis Avril ! Youhou, Elizabeth ! Sous le choc, le paquet de copies serré contre sa poitrine comme s'il s'agissait de son enfant nouveau-né, Susan se redressa lentement et balbutia un faible :

- Mais... Madame... Qu'est-ce que...

Bam ! Elle n'eut pas le temps de terminer sa phrase, ni même de proposer à Madame Pince d'épancher son coeur - car de toute évidence la pauvre femme avait bien besoin de parler pendant qu'une main amicale lui tapotait le dos - devant une tasse de thé et une assiette de scones : Irma Super Guerrière frappait de nouveau. La fourbe ! Cette fois-ci, Susan ne fut pas assez rapide pour esquiver le coup. Hiiiiiiiiiiiiiiiiiiiii ! Les copiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiies ! Les copiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiies ! Impuissante et catastrophée, la rouquine vit ses chers parchemins s'éparpiller dans les airs en mille et mille petits morceaux. Non ! Noooon ! Flitwick allait la tuer ! Il allait la renvoyer ! Il allait la traîner dans la boue ! Il allait détruire sa vie ! Pire ! Il allait lui interdire de repasser ses chaussettes ! Elle avait failli ! Elle avait abandonné les copies ! Elle n'était pas digne d'enseigner. Elle aurait dû les défendre au péril de sa vie ! Elle aurait dû mourir pour elles ! Et les Poufsouffles, qu'allaient-ils dire ? Flitwick allait certainement leur faire repasser l'examen. Ils allaient la détester !
Pour la première fois depuis longtemps, Susan se surprit à songer qu'elle n'avait plus qu'à fuir Poudlard pour aller se réfugier sous un pont, à Londres, et y mourir, un soir de Noël, alors que la neige tombait et que la bouteille de vin, sa seule amie en ce monde, était vide.

Mais il n'était pas encore temps de s'apitoyer sur son sort ! Dans une roulade assez peu artistique, certes, mais salvatrice, elle se réfugia derrière le bureau, tandis que des confettis de copies lui tombaient dans les cheveux et s'accrochaient à ses vêtements, piteuses reliques d'heures de travail. De derrière sa cachette, Susan tira se nouveau sa baguette de sa poche, quoiqu'il lui répugnât de l'utiliser contre la vieille dame. D'ailleurs très Poufsouffle de nature, la jeune femme ne pouvait se résoudre à lancer une sort sur Madame Pince sans connaître la raison pour laquelle celle-ci lui tirait dessus sans sommation, aussi s'exclama-t-elle d'une voix nerveuse mais néanmoins ferme :

- Madame Pince ! S'il vous plaît ! Arrêtez ! Qu'est-ce que je vous ai fait ? Promis, je n'ai pas touché aux livres de la Bibliothèque et je fais toujours très attention avec les grimoires !

Susan n'en croyait pas ses oreilles. Elle avait attendu des propos sensés. Quelque chose comme : "Aha, je sais que c'est toi qui as mal rangé l'Encyclopédie des Sorts !" ou bien encore : "ça, c'est pour la tache d'encre sur l'abécédaire de Métamorphose, il y a sept ans !" voire, à la rigueur : "Vengeance ! Vengeance pour le grimoire ruiné par ton arrière grand-père !". En tout cas, elle n'avait jamais imaginé que des lapins astronautes pouvaient s'immiscer dans cette histoire. Tout s'expliquait ! Madame Pince était certainement sous l'emprise de substances illicites ! Mon Dieu : Myrielle était de retour ! La pauvre... Tous ces mois de voyage avaient dû la dévergonder plus que de raison. Car Susan, occupée à se carapater derrière le bureau lorsque la Bibliothécaire s'était évanouie, n'avait pas encore compris qu'elle avait pris un méchant coup sur la tête. Notez, ça allait peut-être lui remettre le nez droit...

L'étonnement suscité par cette réponse fut fatal à Susan. Elle en oublia qu'Irma était une furie déchaînée quelques minutes plus tôt et abaissa sa garde. Rien d'étonnant, donc, à ce qu'un vulgaire accio ait raison de sa baguette. Hiiii ! Sa baguette ! Sa préciiiiieuse ! Et en plus elle s'enfuyait ! Le coup des lapins n'était qu'une ruse ! Elle aurait dû s'en douter !
Susan laissa échapper - une fois n'est pas coutume - un juron fort peu élégant. Mais elle sentait confusément que ses nerfs n'allaient pas tarder à la lâcher : d'abord la fiancée officieuse-mais-toute-l'école-le-sait de son Maître l'agressait sauvagement, ensuite elle déchiquetait les copies que Flitwick lui avait confiées pour la toute première fois et maintenant elle lui piquait sa baguette avant de partir en courant ? Mais mince, à la fin ! Qu'avait-elle donc fait pour mériter un tel sort aha ? A quatre pattes, Susan sortit de derrière le bureau et se redressa en pestant tout ce qu'elle pouvait. Voilà, maintenant elle allait devoir courser la chère et tendre de son patron en laissant derrière elle un bureau saccagé et, avec sa veine, Fifi serait certainement de retour avant qu'elle n'ait eu le temps de tout ranger ! Sans compter qu'il allait lui passer un savon monumental pour les copies réduites en miettes ! Parce que bien entendu, sa Dulcinée, elle, ne pouvait être qu'innocente, dans cette affaire ! Rhâ, journée pourrie !

Sans prendre le temps d'ôter les morceaux de parchemins qui la couvraient, Susan déboula à son tour dans le couloir, totalement échevelée et l'air particulièrement furibard. Son apparition parut d'ailleurs stupéfier sur place un troisième année de Serdaigle qui retournait dans sa salle commune. Un livre dans une main, sa baguette dans l'autre, l'élève contemplait Susan, hébété. Cette dernière ne lui laissa pas le temps de réagir. Avisant sa baguette, elle la saisit littéralement en vol et hurla à l'intention du jeune garçon, sans ralentir sa course :

- Assistante ! Je réquisitionne votre baguette ! C'est pour une urgence ! Taxi, suivez cette voiture !

Inspirer. Expirer. Pff, pff, pff ! Rhâ ! Elle avait toujours eu horreur de l'endurance, en plus ! Ignorant toutefois le point de côté qui menaçait déjà de lui couper le souffle, Susan accéléra, dans l'espoir de rattraper la fugitive, qui tournait déjà à l'angle du couloir.

- Madame Piiiiince ! Reveneeeez ! lança-t-elle, sans grand espoir, toutefois.

*Totalement cinglée la pauvre vieille !*