[DEFI - 3] - KEIRA WILLIAMS -

Les filles hurlaient leur admiration, accoudées aux barrières, elles ne quittaient pas du regard le jeune homme en plein enchaînement. Certaines avaient des T-Shirt à son effigie, d’autres des bannières, et toutes (ou presque) hurlaient son prénom, telles des chattes en chaleur. C’était à celle qui attirerait le plus son attention. Adossée aux gradins, une autre jeune femme demeurait à distance, ses mains enfoncées dans ses poches, des lunettes de soleil cachant son regard. Une capuche tombait sur son visage. Seul un léger sourire, presque imperceptible, perçait ses traits. Lors de la dernière figure, elle se redressa légèrement, ne quittant pas du regard le jeune prodige. Puis l’enchaînement prit fin sous les applaudissements de la foule. Tournant les talons, la femme quitta les tribunes, s’avançant vers une porte verrouillée. Sa baguette en main, elle chuchota une formule et la porte s’ouvrit devant elle. Passant son seuil, elle la verrouilla une fois passée de l’autre côté et traversa les vestiaires sans accorder un regard aux skateurs qui les occupait. Les hommes, pris au dépourvu, ne pensèrent même pas à râler. Arrivée au bout de la pièce, elle s’arrêta devant un garçon de quinze ans environ et lui tendis un bout de parchemin soigneusement plié :

« Tu donneras ça à Kaïn Hanner de ma part, ok ? »

Elle lui adressa un petit sourire tandis qu’il l’observait, bouche bée, répondant à l’affirmative d’un simple mouvement de tête. La jeune femme fit alors demi-tour et quitta les vestiaires par la porte qu’elle avait empruntée dans son premier trajet. Les cris des groupies s’étaient rapprochés, Kaïn devait être vers les vestiaires à présent. La jeune fille posa un regard sur sa montre, elle n’avait plus que quelques minutes devant elles et ensuite, il lui faudrait transplaner… Son concert commençait dans trois heures, le temps de tout mettre en place…

Ses pas la menèrent vers les tribunes. Passant sous ces dernières, d’un pas décidé, elle n’entendit qu’au dernier instant, un souffle au moment même où il caressait sa gorge. Une main se glissa à sa taille et elle fut plaquée contre le mur, sa capuche tomba, libérant alors une cascade de cheveux en feux. Ses prunelles rencontrèrent celles de Kaïn Hanner, si bleues, si pures… Sa main caressa doucement la joue du skateur qui vint déposer ses lèvres sur celles de la jeune femme, le désir faisant battre leurs cœurs. Un léger sourire accroché à ses lippes, le jeune homme souffla doucement :

« Tu ne croyais quand même pas t’en sortir comme ça ? »
« Je ne pensais surtout pas que tu aurais le temps… »
« J’ai toujours le temps pour toi. »

Elle baissa les yeux, gênée et soupira :

« Mais je vais devoir y aller, sinon Raph va m’assassiner… »

Relevant le menton de la sorcière, Kaïn encra son regard dans celui de la rouquine et souffla :

« Alors je passerais te voir quand la compet’ sera terminée… »
« Porte huit. »
« C’est noté. »

Ils échangèrent un dernier baiser et se séparèrent. Le cœur battant toujours la chamade.

Lena était connue dans tout le lycée. Non seulement elle était belle, sexy, séduisante et désirée, mais elle était aussi la leader des Cheerleader. Belle mais acide, la brunette n’était pas le genre de fille qui se laissait marcher sur les pieds sans rien dire. Charmeuse, elle avait fait tomber bon nombre de garçons dans ses filets. Courtisée par tous et détestée par beaucoup, elle restait admirée et jalousée. Elle avait son groupe, constitué de pompom girls et de sportifs pour la plupart. Si on tenait à la vie, mieux valait ne pas aller se frotter à ses épines… mais ça, personne n’avait jugé bon de m’en informer…

Premier jour de cours pour moi dans cette nouvelle ville. Nouveau lycée, nouveaux camarades, nouvelles règles… j’avais décidé de jouer la carte de l’innocence. Je préférais éviter de me frotter aux fortes têtes, aux miss et mister popularité. Je préférais passer ma dernière année de lycée tranquille, plutôt qu’être la tête de turc de l’établissement… Mais pour ça, j’aurais sans doute mieux fait de ne pas me lever ce matin là.

Michael était encore en train de dormir, Raphaël et Roze, quant à eux, étaient installés dans la cuisine. Je les rejoignais, me frottant les yeux de fatigue. Cette année promettait d’être longue et fatigante, mais d’ici un an, je pourrais me concentrer sur la musique uniquement. En attendant, je devais finir le lycée (c’étaient Roze et Raphaël qui avaient insisté). J’avalais mon petit déjeuner, à moitié dans le brouillard et levait des yeux rouges vers Roze qui me proposait de m’accompagner en cours. Je grimaçais et refusais d’un signe de tête… Etant donné les véhicules des membres du groupe, je préférais être à pied, sinon on allait me remarquer directement !

Une fois lavée et habillée je sortais, mon sac de cours sur le dos. A peine arrivée, j’eus la douce illusion que j’avais tout exagéré et que cette année s’annonçait assez bien finalement… En cours de sport, j’eues la bêtise de me trouver sur le chemin d’une jolie brune qui glissa et chuta sur les fesses, me fusillant alors du regard. Embarrassée je me baissais, lui tendant une main qu’elle ignora. Debout, elle m’observa en silence, les lèvres pincées et ce fut le début de la fin…

Trois jours plus tard, je reçus un seau d’eau au visage. Cinq jours plus tard, ce furent ma table et ma chaise qui se trouvèrent aux ordures… Au bout d’une semaine j’avais peur d’aller en cours. Roze, assise face à moi (et l’unique personne à laquelle j’avais accepté de parler de mes soucis) se pinça les lèvres, agacée :

« C’est stupide, Keira. Depuis quand tu es une larve dis moi ? »
« Je… mais qu’est ce que je peux y faire ? »
« Mais réveilles-toi bon sang ! Tu as toujours eu une pèche formidable et t’as du caractère alors montre leur de quel bois tu te chauffes enfin ! »

Je soupirais, guère convaincue…

Deux mois étaient passés. Je continuais à me faire bousculer et insulter dans les couloirs. J’avais fini par savoir que Lena (la brune que j’avais fait chuter par inadvertance en cours de sport, mon premier jour) en plus de notre ‘accident’ m’en voulait parce qu’elle avait des vues sur Nathanael, mon voisin en cours de Mathématiques et binôme en cours de biologie… de toute évidence, j’aurais mieux fait d’être à côté d’une fille… ce jour là, nous devions finir notre travail sur la division cellulaire. Nos pas nous menèrent vers la bibliothèque qui se trouva être verrouillée… Grimaçant, je me tournais vers mon binôme qui haussait les épaules :

« Bon et bien, demain ? »
« Eu, demain je ne peux pas… »
« Mais c’est le week-end ! »
« Je suis au courrant, mais je suis occupée… »
« Une sortie ça s’annule pour ce genre de travail ! Le coeff est super élevé ! »
« Je te dis que je ne peux pas ! »

Nous nous affrontâmes un instant encore, nous fusillant mutuellement du regard, et finalement, je soupirais :

« Ok, tu viens chez moi ? »

Je n’aimais pas cette idée mais c’était la seule solution… Il accepta et nous nous retrouvâmes dans l’appartement (spacieux) que je partageais avec les trois autres membres du groupe. Roze observa mon camarade, souriante tandis que je fusillais Michael du regard… le connaissant il allait avoir une remarque déplacée :

« Salut, on vient finir notre devoir de bio, merci de ne pas nous déranger, et oui, Raph, on aura fini à temps. »

Je fermais à clé la porte de ma chambre et soupirais. Les partitions étaient étalées un peu partout, trois basses et une guitare semblaient être au garde à vous contre les murs. Je m’empressais de faire un peu de place sur le bureau (couvert lui aussi de partition) et invitai mon camarade à s’y installer. Au lieu de quoi, il observait mes guitares avec intérêt :

« Ouaou, t’as du bon matos… j’ignorais que tu jouais… »
« Je croyais que le coeff était élevé ? »

Il se tourna vers moi, visiblement agacé :

« C’est quoi ton problème au juste ? Au début je croyais que Lena t’avais prise pour tête de turc juste parce qu’elle était jalouse, mais finalement c’est juste parce que t’es trop conne, non ? »
« Vas te faire foutre, Nathanael ! Sérieux, t’es vraiment trop con ! Tu comprends rien ??? Moi je veux juste finir le lycée, ma moyenne j’en ai juste rien à cirer, je passe tranquille et après je pourrais enfin arrêter les études ! Si je voulais finir ce putain de devoir c’était pour toi ! Maintenant si t’es pas content, tu te casses, parce que les devoirs c’est loin d’être ma préoccupation principale, tu saisies ? »

Il me jeta un regard noir, prit son sac et quitta ma chambre sous mon regard exaspéré. Michael me rejoignit à peine trente secondes plus tard.

« Qu’est ce qui s’est passé ? »
« Rien, on va répéter. »

Les jours passèrent et Nathanael ne vint plus m’adresser la parole une seule fois. Ce fut source à la fois d’agacement et de douleur… Je fronçais les sourcils, alors qu’il passait à côté de moi, m’observant comme si je n’étais qu’une bête curieuse, sans rien me dire pour autant… Il m’agaçait ! Je dus attendre trois semaines pour qu’il m’adresse à nouveau la parole. Ce jour là, une épaisse couche de neige recouvrait la cours du lycée. J’étais assise, seule, dans les gradins, observant les joueurs de foot, l’air distrait, quand une main se posa sur mon épaule. Etonnée (et sur mes gardes) je levais les yeux vers ce visage que je commençais à connaître un peu trop (à mon goût) :

« Nathanael… »
« Tu as vu le concours ? »
« Oui. »
« Et ? »
« Et quoi ? »
« Ben tu devrais t’inscrire ! »
« T’es pas bien, mon pauvre… Que veux-tu que j’y fasse, ce n’est pas pour les gens comme moi, tout ça… »

Il m’observa en silence, avant de poursuivre, visiblement las (mais pas prêt à abandonner la partie pour autant…) !

« Mais Lena le gagne tous les ans… »
« J’en ai rien à cirer. »
« N’importe quoi ! »
« Non, je dis la vérité… »
« Dans ce cas t’es SM, ma pauvre ! Faut être vraiment grave pour encaisser tout ce que tu as pris sans rien dire, et sans même chercher à se venger ! »
« Ouai, c’est ça, j’adore me faire em*erder et insulter, t’as tout compris, t’es vraiment trop fort, toi alors… je ne peux rien te cacher, tu lis en moi comme dans un livre ouvert ! »
« T’es vraiment co*ne, toi… Tu as l’occasion de te venger ce jour là, Keira. Tu peux lui montrer et montrer à tout le monde ce que tu vaux ! »
« Et comment ? »
« Joues... »

J’encrais mon regard dans celui de mon camarade, silencieuse. C’était tentant… mais ridicule. Je ne voulais pas être populaire, je voulais finir mes études, point barre ! Le soir même, je changeais d’avis. Cette fois, c’était mes cheveux qui avaient reçu une belle omelette en guise de soin hydratant… Enervée, je rentrais en claquant la porte et me jetais dans la salle de bain. Une fois lavée, j’appelais Nathanael qui, visiblement ravi, se proposa de passer chez moi. J’acceptais, lui demandant seulement de venir après la répétition du groupe…



Un mois plus tard, j’étais fin prête. Nate (alias Nathanael avec lequel j’étais devenue amie *oui je crois bien qu’on peut le dire…*) s’était entraîné avec moi. Nous faisions un duo, finalement… Puisqu’il s’avérait être plutôt doué comme chanteur… ravie, j’oubliais les brimades et avançais, tête haute. Le soir du fameux concours, j’observais Nate avec inquiétude. Mes longs cheveux roux, habituellement relevés en chignon, tombaient en boucles souples et lisse ssur mes épaules. Je retrouvais mon style habituel, laissant le look ‘discret’ au placard, arborant une tenue flashy et plutôt courte. Je n’avais jamais été complexée par mon corps, bien au contraire, et à présent, passer inaperçu me semblait ridicule… Nate m’adressa un sourire, emplit de tendresse et d’assurance. Nos noms étaient prononcés, c’était à nous… Je passais sur scène, le micro en main, et entamais notre duo, jouant de la basse. Nate était à mes côtés, répondant à mes accords, plaçant sa voix sur mon instrumental sans le moindre problème. J’avais le sentiment de flotter. Comme si plus rien n’existait à présent. Nous chantâmes notre duo, mon cœur battait la chamade, tandis que je sentais les regards d’abord durs, devenir plus intenses, réellement intéressés.

La fin du concours sonnant, nous apprîmes que nous étions les premiers du classement général. Le visage de Lena se décomposait, tandis que Nate me serrait dans ses bras, avant de déposer un baiser léger et passionné sur mes lippes :

« Tu l’as fait… Tu as réussi… »
« C’est uniquement grâce à toi… »
« Non… je n’ai rien à voir là-dedans… Ce qui compte, c’est la musique. Ta musique »

« Haaaaaaaaa »

Les pleins phares allumés, les deux amies venaient de passer à côté d’un près dans lequel dormait un cheval à la robe blanche. Le hurlement (si sensuellement poussé, si si !) provenait de Keira Williams qui observait, les yeux écarquillés, la silhouette blanche s’éloigner, tandis que Rowen reprenait de la vitesse, fronçant les sourcils :

« Non mais t’es pas bien ? »

La rouquine se redressa fusillant sa compagne du regard :

« Ben moi ça va, mais pauvre fantôme de cheval… »
« Fantôme de… Quoi ? »

Posant ses prunelles azur sur sa compagne, la jeune fille soupira, agacée :

« Me dis pas que tu l’as pas vu… »
« Vu quoi bon sang ? »
« Mais le fantôme !!!! »
« C’était juste un cheval, Keira… »
« Un cheval fantôme ! T’as pas vu comme il brillait dans le noir ??? »
« Ce sont les phares qui ont fait cet effet… »
« Pfff. Tu n’as vraiment aucune imagination. Ne te plains pas, si tu te fais tuer par un loup garou prochainement ! »

Rowen éclata de rire, et continua sa route. Les deux amies se rendaient à un grand bal qui se déroulait dans un village à quelques milles de là… Tapant du pied en rythme, la rouquine écoutait la musique, tout en chantonnant, tandis que son amie conduisait, chantonnant aussi parfois… Tout à coup, Rowen ralenti brusquement. Keira rouvrit alors les yeux qu’elle avait fermé peu avant.

« Le loup garou ? »
« Non, un sanglier… ! »
« QUOI ?? »

Rowen désigna une ombre au bord de la route, Keira plissa les yeux avant de hurler :

« HAAAA NON C’EST UN CADAVRE !!!! »

Les yeux toujous plissés, inquiète, elle continua :

« Si ça se trouve, le meurtrier est encore dans le coin… Accélère ; viiiite !!!! »

Arrivées à la hauteur du sanglier-cadavre (au choix) les deux jeunes filles purent constater qu’il ne s’agissait que d’une souche d’arbre… ce qui fit ricaner la rouquine et soupirer sa compagne :

« Tu sais que c’est grave de voir des morts partout, Keira ? »
« Hé, oh ! Tu peux parler, avec tes sangliers… »

Rigolant toutes les deux, les jeune femmes poursuivirent leur route, le cœur battant malgré tout contre leur poitrine, une pointe d’anxiété les habitant…

« C’est encore loin ? »
« J’en sais rien, je n’y suis jamais allée… »

Keira reposa son regard sur le paysage nocturne (comme si à 1h du mat en pleine cambrousse on voyait grand-chose ^^’) et finalement, Rowen s’exclama :

« Haaa ! Regarde, on y est presque ! »

Effectivement, le nom du village s’affichait sous le regard intéressé (et rassuré) des deux amies. Souriante, Rowen s’engagea sur le chemin… Et rapidement se trouva face à un micro rond point. Fronçant les sourcils, la jeune fille gromela :

« On n’a vraiment pas idée de fouttre des rond points dans des endroits pareils ! On va où ? »
« Eu… »
« Bon aller, droite. »

A peine s’était-elle engagée, qu’elle pu admirer un magnifique panneau ‘propriété privée’. Soupirant derechef, la demoiselle poursuivit sa route (puisque les champs s’étendaient à perte de vue devant elle, elle finirait bien par trouver de quoi faire demi-tour sans risquer de tomber dans le fossé !) Pendant ce temps Keira fabulait dans son coin :

« Ouaou, ça fait trop film d’horreur là… T’as vérifié dans ton rétro intérieur qu’il n’y a pas de cadavre à l’arrière au moins ? Enfin, je dis cadavre, mais les morts vivants sont plus effrayant, même si, en soit, j’ai pas du tout envie de me retrouver face à un cadavre… »
« Ho arrêtes… »

Ceci étant, Rowen ne pu s’empêcher de jeter un coup d’œil anxieux dans son rétroviseur intérieur… Tandis que Keira poursuivait :

« En plus, là ça fait toujours bien le bon scénario classique du film d’horreur… les deux nanas, perdues en pleine campagne. Un rond point sans pancarte… Ce doit être le tueur qui les a enlevé, il savait qu’on allait passer par là ! Moi je pense que ça sera le tueur à la hache… On change de place, Rowy ? C’est toujours le passager qui meurt en premier… »
« Ha, c’est bon on peut faire demi-tour… »

N’écoutant plus les fabulations de son amie (qui commençait à lui foutre les jetons, l’air de rien !) la brunette s’engagea dans un petit chemin et fit demi tour sur la route pour retourner au rond point et prendre la sortie à droite (une fois encore). Rapidement, les panneaux indiquant le village réapparurent et les deux amies ne tardèrent pas à se garer sur la place du village où les attendaient leurs copains respectifs. Descendant de la voiture, la rouquine embrassa son petit ami avec joie, tandis que Rowen se dirigeait vers Michael.

« Vous avez fait bonne route ? »
« Oui, oui ! On a croisé un cheval fantôme, un cadavre –mais Rowen t’affirmera que c’était un sanglier, si tu l’interroges…- et on a évité de justesse le piège tendu par l’homme à la hache… »
« Rien que ça ? »
« Hum, je crois, oui… »

Souriant, Kaïn embrassa son exéburente de petite amie une nouvelle fois avant de passer son bras autour de sa taille, tandis que la rouquine tirait la langue au brun qui les observait, amusé :

« Hého, Corner… Je ne veux rien entendre ! »
« J’ai rien di ! »
« Ouai, mais tu penses trop fort ! »

Le soleil de juin qui s’était levé six heures plus tôt, caressait les mèches de feu de Keira Williams, qui, sûre d’elle, traversait le parc, se dirigeant vers l’enceinte de Taliesin. Elle avait son examen de maîtrise physique à passer sous peu, le tout sous le regard de son professeur, et directeur : Apophis Sykes. La rouquine était d’excellente humeur. Elle se sentait capable de soulever des montagnes ce jour là. Et elle était fermement décidée à faire ses preuves face à son aîné. Le professeur Sykes ne pourrait qu’être fier des progrès qu’elle avait réalisé… keira Williams, plutôt connue sous le nom de ‘bombe à retardement’ était, en effet, un ‘boulet’ pour tout ce qui touchait de près ou de loin à la magique. Il n’y avait qu’avec son don (alias le charisme surhumain) qu’elle ne faisait pas trop de dégâts… Encore qu’elle n’était pas forcément la meilleure personne à approcher lorsqu’elle utilisait son pouvoir… Son charisme, était en effet, assez puissant et elle avait parfois tendance à le laisser s’échapper… Elle ne faisait aucun mal, en soit, mais ce n’était pas forcément plaisant pour les autres de se sentir oppressés par la belle rousse…

Tout sourire, la jeune sorcière frappa à la porte du bureau de son enseignant. Rapidement, cette dernière s’ouvrit, laissant passer l’élève avant de se refermer dans son dos. Apophis était installé à son bureau. Un léger sourire accroché à ses lippes, il observait la jeune fille le rejoindre d’un pas sûr. Lui accordant un sourire chaleureux, la rouquine s’installa face à son aîné, sans perdre un gramme d’assurance :

« Bonjour Professeur ! »

Apophis esquissa un sourire, amusé par l’attitude de sa jeune élève. Cette dernière ne perdait aucunement son attitude (qui était certainement, pour beaucoup de personne, passablement détestable…).

« Bonjour, Keira… Es-tu prête ?
-A vous de me le dire, monsieur… répliqua la rouquine, sans perdre son sourire goguenard, tout en se penchant très légèrement en avant pour plonger ses prunelles azur dans celles de son aîné. »

Apophis eut un sourire amusé :

« Je voie que tu ne perds pas de temps… C’est discret, pour quelqu’un qui ignore que tu possèdes ce don… Pas mal pour un début…
-Pour un début ? répliqua la rouquine, agacée.
-L’épreuve durera la journée. Je veux que tu t’arranges pour avoir la personne de ton choix sous ton emprise… Et j’ajoute une difficulté. Ce doit être un membre du corps enseignant. Tu es libre d’agir comme bon te semble pour le posséder. »

Les yeux brillants, la rouquine répondit avec joie :

« D’accord. »

Se levant, elle adressa un sourire radieux à son professeur :

« Bonne journée alors, monsieur !
-Bon courage, Keira. »

La rouquine referma la porte derrière. Son plan s’échafaudant rapidement. Tout se dessinait dans sa tête. Elle savait parfaitement ce qu’elle allait faire. A midi, elle était assise aux côtés de Jason Harris, sous le regard amusé de son directeur. Keira, au fond d’elle était sans doute bien plus amusée que son enseignant. Elle aimait son plan… personne ne pouvait le connaître à l’avance, excepté, bien sûr, Raphaël Gibson, professeur de maîtrise mentale. La journée passa, Keira passant le plus clair de son temps avec Jason. Le professeur recevait, bien sûr, le charme de la rouquine… Arrivés dans un couloir, alors qu’ils semblaient être seuls, la jeune femme s’approcha de son aîné, lui tirant doucement, la manche, elle l’obligea à la fixer dans les yeux :

« Jason… »

Le professeur et le nom s’en était allé sans que le jeune homme ne semble s’en rendre compte. Sous le charme, il lui adressa un léger sourire. Elle s’approcha doucement de lui, prête à déposer ses lippes sur celles de son enseignant, quand son pouvoir eu une baisse de régime. Ecarquillant les yeux, l’enseignant repoussa la jeune sorcière, visiblement agacé :

« Tu… Il est interdit d’user de son pouvoir sur tes professeurs Keira Williams ! »

La rouquine réactiva son pouvoir, avant d’être pénalisée par l’enseignant. Plongeant ses yeux dans ceux du jeune homme, elle l’obligea à la regarder et, en quelques secondes, il retomba sous le charme. Soulagée, la rouquine lui adressa un petit sourire, accompagné d’un signe de la main :

« Je dois vous laisser, monsieur… Bonne soirée !
-Bonne soirée à toi aussi, Keira. »

La jeune fille lui adressa un dernier sourire et quitta le professeur, en soupirant. Non loin de là, elle se fit interceptée par Apophis Sykes. L’homme souriait doucement :

« Tu viens dans mon bureau ? Que l’on fasse un compte rendu de cette journée… »

L’air résignée, la rouquine le suivit jusqu’à son bureau et resta debout, face à son enseignant, qui commentait l’évolution qu’il avait constaté dans la journée.

« Tu as bien fait de prendre Jason, plus simple à atteindre que Raphaël. Chiya n’était pas, elle non plus, une bonne option pour toi… de ce point de vue là, tu t’es fort bien débrouillée. Il est regrettable que ton pouvoir ait eu ce vilain petit raté sur la fin… Tu aurais pu avoir une excellente note…
-Je vais être beaucoup pénalisée ? »

La sorcière l’observait avec inquiétude. Toujours debout, faisant face à son enseignant. Apophis sortit une feuille de parchemin, sa plume à la main, il commença à écrire sous l’œil attentif de sa cadette. Sans qu’il ne s’en aperçoive, l’atmosphère changea soudainement, alors qu’il continuait à écrire. La plume en l’air, il fronça les sourcils, et se mit à rire :

« Tu essaies de faire changer ta note ?
-Qui sait, soupira la rouquine qui s’était rapprochée, plongeant son regard dans celui du directeur. »

Un instant, ils s’affrontèrent du regard. Keira s’était assise sur le bureau de l’enseignant, l’air de rien. Leurs regards restaient fermement encrés l’un dans l’autre. Keira sentait son pouvoir croître. Sur ce coup là, elle devait vraiment mettre le paquet. Elle s’était préparée toute la journée pour cette épreuve. Levant doucement sa main, elle la posa sur celle de son enseignant, sans dévier les yeux. Apophis esquissa un sourire, sans déplacer sa main. La rouquine se rapprocha lentement, exerçant toujours l’attraction vis-à-vis de son aîné. Le directeur était enfin entré sous son emprise. Il était puissant, elle le savait… Et elle atteignait ses limites. Elle n’allait pas pouvoir le garder sous son emprise très longtemps. Se rapprochant de l’homme, elle posa son autre main sur la joue du directeur et chuchota :

« Inutile de lutter… Tu sais très bien ce que tu veux… »

Apophis ne pu que sourire. Rompant la distance qui le séparait de la sorcière, il s’avança vers elle, et elle se chargea de déposer ses lèvres sur celles du directeur. Ravie. Lorsque la porte s’ouvrit sur Raphaël Gibson, l’enseignant de maîtrise mentale demeura immobile, comme stupéfixé, face au spectacle qui s’offrait à son regard. Keira se reculé, rompant alors le charme lancé à son supérieur. Clignant des yeux, Apophis observa son collègue et l’élève assise sur son bureau. Il demeura silencieux une seconde avant d’éclater de rire :

« Oh, formidable miss Williams !!! Très bonne idée… je vous ai peut-être sous-estimer un instant… Très bien joué.
-Vous allez donc revoir ma note ?
-Je le crains… répliqua le directeur, amusé.
-Formidable ! je vais donc vous laisser avec Rafiki monsieur Gibson… répondit la rouquine, radieuse. »

« Arrête d’être défaitiste, Peterson ! C’est trop facile de pleurnicher dans son coin. Faut que tu avances, elle ne va pas te bouffer, tu sais ? »

Keira Williams venait de jeter un énorme coussin au visage du jeune homme qui était allongé sur le divan de la Salle Commune de Gryffondor. Damon se redressait, tenant l’arme du crime (si si rien que ça !) dans ses bras, fusillant la rouquine du regard :

« Je ne t’ai pas demandé ton avis, que je sache !
-Ben si tu ne veux pas qu’on intervienne, faut aller pleurer ailleurs mon ptit gars ! répliqua la jeune fille en levant les yeux au ciel. »

Les deux jeunes gens s’affrontèrent du regard un court instant, puisque rapidement, le brun détourna les yeux, rougissant d’embarras (comme d’ordinaire). Keira soupira et le rejoignit sur le divan, posant ses prunelles azur dans celles de son camarade de trois ans son cadet. Esquissant un sourire elle se rapprocha du jeune homme, l’obligeant à la regarder dans les yeux :

« Tu ne crois quand même pas qu’elle va te bouffer si tu l’approches, hein ? »

Le silence qu’elle reçut en guise de réponse semblait être si éloquent qu’elle ne put qu’en rire. Levant les yeux au plafond, elle riposta :

« Sérieux, Damon, faut que tu te bouges, sinon tu vas te la faire piquer, je te le garantis !
-Quoi ??? »

Tiens, ça avait eu le mérite de le faire bouger, ça… Poursuivant sur sa lancée, la rouquine haussa les épaules, avec nonchalance :

« C’est plutôt logique, non ? Elle est super canon, et puis grave gentille… T’es certainement pas le seul à l’avoir remarquée, tu le sais ça ou tu n’en prends conscience que maintenant ? »

Damon fronça les sourcils et répondit d’une petite voix :

« Mais j’ai pas vu de garçons qui la regardaient… avec intérêt…
-Ben elle est peut-être là ton erreur, tu voies ? Si tu ne vas pas la voir, yen a qui iront avant toi, crois moi ! »

Se levant, la rouquine délaissa son cadet sur son divan et rejoignit son propre dortoir, tout sourire. Une semaine plus tard, Damon était dans le hall d’entrée, alors bondé. Keira passa à côté de lui, lui adressant un sourire presque carnassier :

« C’est trop tard ! Je t’avais prévenu… Fallait attirer son attention avant, mon gars !
-Comment ? »

Keira traversa le hall d’un pas léger, presque ‘rebondissant’ comme si elle était montée sur des ressorts. Arrivée à hauteur de Faith of Curty, celle que Damon n’osait aborder, la rouquine lui décocha un sourire éclatant :

« Salut Faiiith !!! »

La jeune fille glissa sans aucune gène sa main à la taille de la brunette et déposa un baiser sur les lippes de la belle brune avant de poursuivre :

« Ca c’est de la part de Damon, le grand dadet derrière qui a pas les co*illes d’aller te voir… A ta pace je lui accorderais un peu d’intérêt, il est tout gentillet… un peu bête, mais bon, on ne peut pas avoir toutes les qualités de la terre non plus, hein ? Sur ce, bonne journée !!! »

Le soleil se couchait sur Poudlard, laissant une traînée ocre sur son passage, couvrant les derniers nuages d’une ombre dorée. Drago, du haut de la tour d’astronomie, observait les dernières lueurs de l’astre du jour, pensif. Une ombre le rejoignit, silencieuse. La silhouette, grande et filiforme, se plaça à ses côtés, discrète. Tout naturellement, leurs mains se glissèrent l’une dans l’autre, tandis que leurs regards se perdaient dans l’horizon. Le vent nocturne se levait, soulevant les longues boucles rousses de la sorcière qui se tenait, droite, aux côtés du célèbre Sang Pur de Serpentard. Keira Williams, réputée pour sa beauté et son charisme, était la compagne de Drago Malfoy. Fiancés depuis plusieurs années déjà, ils étaient un couple aussi connu que craint dans tout le château. L’un était froideur, calcul et ruse, l’autre était charme, manipulation et mensonge. Il était plus qu’évident que l’un comme l’autre représentait un certain danger, si on les considérait séparément… Alors, forcément, liés l’un à l’autre… Ils devenaient plus que dangereux. Esquissant un sourire, la rousse resserra doucement l’étreinte qu’exerçait sa main dans celle de son compagnon :

« Pansy n’a toujours pas compris que tu étais pris, je crois…
-Ah oui ? répliqua le blondinet, un sourire charmeur accroché aux lèvres.
-Oui. Elle n’arrête pas de te tourner autour… Et ça m’agace, répliqua la rouquine, les sourcils froncés de mécontentement.
-Tu sais bien que tu es la seule et unique pour moi… Non ?
-Oui. Mais elle semble encore l’ignorer. Si tu ne la remets pas à sa place, je m’en occuperais personnellement, Drago. »

La rousse croisa les bras, lâchant parallèlement la main de son compagnon, lui lançant un regard de défi. Le jeune homme resta impassible, bien que profondément amusé, en son fort intérieur. Passant ses mains à la taille de la rouquine, il la fit tourner pour qu’elle lui fasse face. Toujours renfrognée, la sorcière l’affrontait du regard, visiblement furieuse :

« Allons, ma belle… »

Doucement, il l’embrassa sur la joue, sur le nez, et, finalement, sur les lèvres. Ses doigts caressèrent la peau de la sorcière avant de lui chuchoter au creux de l’oreille :

« Tu sais que es unique, Keira, non ?
-Je sais très bien qu’elle n’est rien à côté de moi… Mais elle semble avoir besoin d’un rappel…
-Soit… finit par chuchoter le jeune homme, qui n’était pas aussi fourbe que sa compagne (pour ce genre de choses en tout cas ^^’) »

La jeune femme esquissa un sourire, ravie. Au fond, elle se moquait bien de l’avis du blondinet, mais il était quand même préférable, pour elle, et accessoirement, pour leur couple, qu’ils œuvrent d’un commun d’accord… Son plan en tête, elle resta un moment encore, en compagnie de son fiancé, à observait le ciel étoilé. Puis, lorsque vingt trois heures sonnèrent, ils descendirent les escaliers, ne craignant rien, puisqu’ils étaient, tous deux, préfets de leur maison.

Arrivés au dortoir, le blond embrassa une dernière fois sa compagne, avant de lui souhaiter une bonne nuit, non pas sans sourire avec sarcasme. Drago se doutait bien que sa belle comptait d’hors et déjà se charger du cas ‘Pansy’… pauvre fille, il avait presque pitié d’elle, pour ce coup-ci… la rousse répondit à son baiser avant de rejoindre son dortoir. Pansy était sortie, sans doute occupait-elle la salle de bain, aussi la jeune femme en profita-t-elle pour parler avec ses amies de toujours : Daphné, Dawn et Myrielle. Elle avait un petit plan pour que cette nuit soit aussi bonne que le lui avait souhaité son fiancé…

C’était une voix brisée qui s’élevait. Ce regard cassé et douloureux ne m’avait jamais quitté. Dix années s’étaient passées et pourtant, j’avais le sentiment que nous ne nous étions quittés que la veille. Je connaissais toujours par cœur chaque courbe de son corps. Ses longs cheveux roux étaient devenus blonds et ses yeux jadis rieurs semblaient à présent pleurer mille souffrances. Pourtant, c’était bel et bien elle. Je le savais. Je ne pouvais me tromper. Dès que je l’avais entendue, mon cœur s’était serré douloureusement dans ma poitrine. Puis lorsque nos regards s’étaient croisés, dans ce si miteux café, j’avais bien vu ce signe (pourtant presque imperceptible). Une mine triste, déchirée… Lorsqu’elle eut fini de chanter, je la laissais quitter la scène sous les applaudissements. Soudainement je me mettais à tous les haïr. Ces gens qui, bêtement, encourageaient cette souffrance. Elle avait beau être une très bonne comédienne, je savais qu’elle était désespérée. Vraiment, désespérée. Je baissais alors les yeux, ravalant ma colère, suivant la belle poupée brisée de loin, telle une ombre prudente.

Je la retrouvais dans sa loge (elle portait le numéro 07). Elle était debout, me faisant face, silencieuse. Je m’approchais, d’abord hésitant, puis rompait finalement la distance qui nous séparait. Je savais qu’elle savait… Je savais qu’elle avait bien compris la situation, mais je devais lui dire… je devais parler avec elle… Et la soutenir, autant que possible… Elle ne cillait pas, droite, elle m’observait presque avec indifférence (si ce n’est son regard rempli de larmes).

« Keira… »

Dire son prénom était étrange. J’y étais… peu habitué. Nous avions été camarades de classe à une époque qui me semblait déjà fort lointaine. Nous ne nous parlions que rarement. Elle avait déménagé à quinze ans et je ne l’avais alors plus revue en chair et en os. Etant ami avec son fiancé, Kaïn, j’avais, néanmoins vu des photos d’elle, alors que mon ami repassait me voir parfois. Elle ne l’avait jamais suivi, car elle était de consistance fragile. Elle était sa princesse, une sorte de divinité à laquelle il vouait une sorte de culte que je n’avais compris que bien trop tard. Initialement, j’avais trouvé son comportement à l’égard de cette pseudo princesse, particulièrement ridicule. Puis, j’avais vu ce qui les unissait… C’était plus que de l’amour, c’était un lien si solide que rien ne semblait pouvoir les séparer… Ils étaient faits l’un pour l’autre, si ce n’est plus encore. Ils ne fonctionnaient pas similairement mais parallèlement. Le moindre de leurs faits et gestes était fait par rapport à l’autre, et ce sans le moindre accord. C’était comme une sorte… d’état naturel chez eux. Ce n’est que lorsque je me suis retrouvé lancé en pleine guerre avec Kaïn que je l’ai vraiment remarqué… Et ce soir, encore, ce lien venait me frapper avec force.

« Tu veux boire quelque chose ? »

Sa voix m’avait fait sursauter, alors que j’étais perdu dans mes pensées. Je balbutiais un semblant de réponse (qui dans son sens plus général était un ‘non’). Je respirais un coup et reprenais la parole :

« Je suis désolé…
-Je sais, avait-elle tristement répondu. Je le suis aussi. »

Je tendais une main tremblante vers elle. Sa peine me lacérait le cœur, me pulvérisait les sens. Jamais encore, je n’avais eu autant mal pour autrui… Hésitant un instant, je finissais par poser ma main sur son bras, m’approchant doucement d’elle, et la serrant dans mes bras. Sa voix étranglée par des sanglots douloureux, reprenait, à mon oreille :

« A-t-il souffert ?
-Non… Ce fut… soudain, répondis-je, hésitant.
-Tant mieux… sa voix s’éteignait mais je l’entendis malgré tout répétait avec douleur : tant mieux… »

Je la serais contre moi avec force, comme si je craignais qu’elle ne s’envole. Je ne voulais plus voir les larmes faire briller ses magnifiques prunelles océan. Je ne voulais plus entendre sa voix étranglée par les sanglots, et, surtout, je voulais chasser ce rictus de douleur qui déformait son si beau visage. Elle pleurait, sa tête appuyée sur mon épaule, tandis que ma main caressait ses boucles blondes avec douceur. Elle ne s’apaisa qu’une fois qu’elle eut absorbée la potion de sommeil que j’avais acheté pour elle. Je l’allongeais dans son lit, posant une couverture sur elle, afin qu’elle ne prenne pas froid (Kaïn ne me l’aurait sans doute jamais pardonné…). Puis, observant son visage abimé par les (trop nombreuses) larmes versées, je soupirais. Mon cœur était lourd de remords. J’aurais préféré partir à sa place sur ce fichu champ de bataille… j’aurais préféré être à sa place… Je caressais une dernière fois les cheveux fatigués de ma petite protégée et déposais un très léger baiser sur les lippes pâles et salées de la jeune femme. J’avais promis à Kaïn que je serais là pour elle, et je tiendrais ma promesse. Je ferais en sorte qu’elle lui survive et je tenterais de lui offrir un minimum de bonheur… Quand bien même cela soit possible… Je ne faiblirais pas. Je t’en fais la promesse, Kaïn. Ta chère et tendre sera en sécurité, tu peux me faire confiance. Repose en paix.

Elle était là. Belle comme le jour, ses longs cheveux embrassant un visage aussi délicat que sauvage. Elle respirait l’assurance. Une assurance que je tenais à lui faire perdre. Elle avait ce petit sourire aussi charmant qu’agaçant. Cette façon de regarder tout le monde, de me regarder avec mépris… Comme si elle valait mieux que moi… Cette simple idée me faisait rire. Elle n’était rien, ne valait rien. Elle pouvait être mienne, sans que je ne bouge ne serait-ce qu’un doigt. Elle pouvait tomber sous mon charme comme n’importe qui d’autre. Je pouvais lui faire perdre son sourire, sa nonchalance. Et je comptais, d’ailleurs, m’exécuter dès à présent. Elle verrait bien…

Je me levais, quittant mon compartiment, laissant une ombre souriante derrière moi. Sans même accorder un seul regard à cette silhouette, je refermais la porte et rejoignais ma future conquête. Elle n’en n’avait pas conscience, pas encore… mais j’allais faire d’elle ce que bon me semblait. Je pouvais jouer avec elle autant que je le souhaitais, parce qu’au fond, elle n’était qu’une simple femme. Une marionnette qu’on utilise et qu’on jette, lorsqu’on en a assez d’elle. Je suis allé m’assoir à une table, ni trop proche, ni trop loin d’elle. Je savais que, de toute façon, elle allait finir par venir me voir d’elle-même. Je n’avais peur de rien, je me savais plus fort qu’elle. C’était presque trop facile.


Il me regardait… ca faisait un moment que je l’avais remarqué. Son petit manège était tellement pathétique, que je préférais l’ignorer plutôt que lui accorder plus d’importance qu’il ne le méritait. Lorsqu’il quitta son compartiment (et donc, optionnellement la fenêtre depuis laquelle il me matait –genre, il croyait vraiment qu’il était discret ?-) il vint prendre place à une table, plus ou moins proche de celle que j’occupais. Je me contentais de lui accorder un regard à la fois amusé et las. Il me fatiguait. Il ne m’avait pas encore parlé, que déjà, il me gonflait. Et ce n’était que le début... je n’étais pas sortie de l’auberge. Mais ça, évidemment, je l’ignorais.


Elle s’appelait Natacha. Ses cheveux étaient d’un magnifique blond vénitien. Ses yeux semblaient vous pulvériser dès qu’elle les posait sur vous. Son visage était aussi doux qu’impitoyable. Elle avait cet étrange pouvoir de cumuler deux fonctions à la fois. Deux aptitudes bien distinctes… froide et chaleureuse, belle et sauvage… Elle semblait être indomptable, répondant à un seul maître : sa propre personne. Elle n’écoutait personne, elle ne faisait confiance qu’à sa petite personne. A la fois proche et lointaine, elle était ce que l’on pouvait appeler : une fille intouchable. Elle m’avait ensorcelé comme elle en avait sans nul doute ensorcelé tant d’autres… Nous voyagions ensemble. Elle était assise à notre table pendant que j’étais parti chercher mon sac, dans notre compartiment. Lorsque j’en revins, elle n’était plus seule. Un pauvre type (comment ça je manque certainement d’objectivité ?) était en train de lui faire la cours. Je restais plus loin, silencieux. Je ne sais pas pourquoi… mais j’hésitais à avancer… A la rejoindre… Et c’était sans doute à juste titre, puisque je vis ce sale mec lui tenir le poignet, plus ou moins violemment… Fronçant les sourcils, énervé je rejoignais la jolie blonde (oui oui Natacha, quoi…) mais pas assez vite. Ce sal*pard venait de lui voler un baiser et sous mon nez qui plus est ! Je sentais la rage monter tandis qu’elle se dégageait (non pas sans difficulté) de l’emprise de ce c*nnard sur son poignet et qu’elle lui envoyait une bonne gifle (plus que méritée, à mon humble avis) en pleine poire… Il se recula alors, la contemplant avec stupeur. Puis il me vit. Mon visage devait être assez peu ‘aimable’ car il s’empressa de se lever et disparu (trop ?) rapidement. Je m’enquerrais de l’état de ma belle avant de le poursuivre, furieux.


Il courrait, tandis que je souriais. C’est avec hâte qu’il ouvrit la porte de notre compartiment, il m’adressa un regard agacé :

« Tu savais qu’elle avait un mec, hein ? me reprocha-t-il, agacé.
-Oh, c’est vrai ? »

Je savais que je l’énervais, et c’était le but. Sans perdre mon sourire, je poursuivais :

« Tiens, ça m’y fait penser… Je crois bien que j’ai quelque chose à te dire… »

Je descendis alors de mon perchoir, me plaçais face à mon compagnon, souriante, et poursuivis :

« A ta place, je passerais par la fenêtre, il arrive et il est furieux. »

Je vis Leo jeter un regard inquiet par la fenêtre de notre compartiment, je savourais cet instant avec plaisir :

« Tu t’avoues vaincu cette fois ?
-Jamais ! répliqua-t-il avec amusement. »


Je l’avais vu entrer dans le compartiment numéro vingt deux. Je poussais la porte, trop énervé pour me permettre de penser (ne serait-ce qu’une seconde) aux mesures dîtes ‘de politesse’ qui s’impose d’ordinaire (à savoir : frapper à la porte). Il ne me fallut pas trois heures pour réaliser que c’était une erreur, puisque le compartiment était occupé par un couple, visiblement… très affairé… je refermais vivement la porte, à la fois gêné, perdu et… énervé. Où était passé ce mec ?


Il ouvrit la porte et la referma aussitôt. Je soulevais la robe de Keira, l’embrassant avec fougue, tandis qu’elle-même m’avait déjà retiré pratiquement la globalité de mes vêtements. Elle était toujours aussi efficace, rien à dire à ce sujet. Lorsque la porte s’était refermée, je me penchais vers elle, amusé :

« Moi aussi j’ai quelque chose à te dire… »

Elle se relevait, commençant à se recoiffer, et je glissais mes mains à ses hanches, l’obligeant à s’allonger de nouveau :

« Je ne crois pas qu’on va s’arrêter là.
-Toi alors, souffla-t-elle, se contentant de sourire, amusée. »

Elle et moi avions les mêmes jeux, la même façon de penser, de voir les choses… Ce n’était pas pour rien que nous vivions ensemble, sans être un véritable couple pour autant. Nous complotions plus qu’autre chose, tous deux… Et nous étions une équipe plutôt… efficace. Oui, c’était le mot.

La fenêtre située dans l’aile est du manoir venait de s’éteindre. Je savais que je pouvais enfin y aller… pourtant, j’attendis quelques secondes de plus (peut-être que ces fameuses secondes étaient plutôt des minutes au final, je n’en savais rien… le fait était qu’elles me semblèrent durer une éternité. Ce pourquoi, je me décidais enfin à me déplacer dans l’obscurité…). Je n’eus pas le temps de faire plus de dix mètres, que déjà il était là, à mes côtés. Le ‘plop’ de son transplanage était des plus discret. Rien à voir avec mes grossiers déplacements… A chaque fois que je me déplaçais de manière ‘sorcière’ on pouvait aisément croire qu’un séisme faisait vibrer la terre et, au bruit, on venait à se demander si un avion ne venait pas de passer le mur du son. Le pire dans cette histoire, c’est que je n’exagérais pas le moins du monde…

Sa main se glissait naturellement dans le creux de mes reins et c’est un sourire rassuré et radieux que je lui adressais en réponse au baiser qu’il m’offrait, silencieusement. Edward se tenait devant moi, plus beau que jamais. Ses prunelles étaient si douces, ses gestes si tendres que je ne pouvais que fondre face à lui. Je me redressais pour prolonger notre étreinte, tandis que je le sentais s’éloigner. Il me retint alors contre lui, tendis que je portais ma tête contre son torse, écoutant son cœur battre rapidement contre mon oreille. Sa main saisit ensuite la mienne et nous parcourûmes l’artère principale traversant le par cet menant directement aux bâtiments principaux, avant de rejoindre des veines plus discrètes. Nous entrâmes dans le manoir de sa famille en passant par un passage secret. Doucement, nous évoluâmes dans le bâtiment, tout en prenant garde à ne pas faire trop de bruit.

J’avais connu Edward grâce à son frère, à la base… Erwan et moi étions dans la même classe. Il était mon voisin de table. Là où j’échouais à chaque fois, lui, réussissait parfaitement tous les exercices. Je ne le jalousais pas pour autant. Je me contentais de l’admirer. Il était doué… Quand je le lui avais avoué, un jour, alors qu’il venait d’exécuter un exercice de métamorphose particulièrement complexe, il avait haussé les épaules :

« J’ai surtout un excellent professeur…
-J’ai le même professeur que toi… répondis-je sans vraiment comprendre ce qu’il essayait de me dire.
-En fait, je pensais surtout à mon frère… s’était-il reprit, souriant.
-Ha oui ? Il t’aide ?
-Oui. Je te présenterais si tu veux… »

Erwan était gentil. Tellement gentil… mais il ne pouvait pas comprendre… Edward et moi avions commencé à nous fréquenter dans l’école. Il m’aider pour faire mes devoirs, et je l’écoutais avec beaucoup d’attention. Il avait toujours raison. Il était vraiment intelligent… Et il était de sang pur. C’était bien pour cette raison, que je ne m’intéressais pas à lui. Il avait tout pour lui. Beau, intelligent, séduisant, charismatique… Et sorcier de sang pur. Il était fait pour une femme bien plus forte et bien plus belle que moi… Une sorcière de sang pur. Et pourtant, un jour… Il m’a invité au bal. Je ne l’avais pas pris au sérieux. Je pensais qu’il plaisantait… je ne comprenais pas et, honnêtement, je ne le comprends toujours pas. Il m’avait regardé avec sérieux, et avait répété sa question. Il m’avait soulevé les cheveux avec beaucoup de douceur et, tout aussi doucement, il m’avait embrassé. J’en étais tellement surprise, que je restais pétrifiée… je n’en croyais pas mes yeux, ni même mes lèvres… Tremblant, je l’avais repoussé, une fois que j’avais pleinement pris conscience de ce qui venait de se produire… Il avait alors eu l’air blessé, peiné… Je ne comprenais pas pourquoi il réagissait ainsi… Puis il m’avait chuchoté des mots tendres, des mots que je ne pensais jamais recevoir… Encore moins de sa part à lui… Il était tout et je n’étais rien… Pourtant, il avait l’air d’être persuadé que je valais mieux qu’il n’en était en réalité… Et je m’étais laissé allé… Quand j’aurais pu faire demi-tour, j’étais allée tout droit. Et maintenant, il était trop tard pour faire marche arrière. Je l’aimais. Envers et contre tout, je l’aimais passionnément. Nous vivions notre amour en secret. Cachés, à l’abri de tout regard indiscret, nous nous aimions, et ce malgré les lois implicites qui régissaient notre univers…