Sous un ciel ombrageux [LIBRE]

Une fine pluie s'abattait en cette fin de journée, abreuvant et assombrissant les éternelles pierres qui, une à une, élevaient l'élégante silhouette de Poudlard. Rien, pas même les sinistres teintes des nuages n'altéraient la beauté du château. Et June Whitemoon qui accomplissait la méticuleuse montée des marches de la Tour Ouest sentait que le profond lien qui l'attacherait désormais à ce lieu ne cesserait de se creuser. C'était euphorisant de constater que tous ces imbéciles aux chemises repassés qui se pavanaient avec leurs chewing-gums bruyants ne faisaient pas partie du décor. Ceux là étaient restés bien à leur place, dans le monde moldu, là où elle avait souffert et suffoquée toute son enfance.
En pénétrant dans l'air glacé de la Volière elle repensa brièvement à sa journée. Elle s'était inscrite à plusieurs cours et avait fait le tour du château, croisant quelques visages attrayants avec lesquels elle envisageait de se familiariser. Puis elle était descendue pour le souper, sans empressement, comme à son habitude. Et tandis qu'elle goûtait aux délices que les elfes de maison préparaient très humblement dans les cuisines cachées, une idée lui avait traversée la tête, imprévisible et étrange. Et cette idée un peu saugrenu, pareille à une mauvaise herbe un peu encombrante avait germé peu à peu, jusqu'à devenir omniprésente. Ainsi donc, après avoir griffonné de sa main nerveuse le papier à lettre qu'elle destinait à son très cher père, Mr. Bertram Grayson Whitemoon, elle s'était renseignée sur l'emplacement de la Volière et s'y était patiemment rendu, non sans s'être égarée, par moment, dans les recoins les plus deserts du château. A présent, alors que vent humide qui s'engouffrait à travers les fenêtres nues lui caressait le visage, elle se sentait appaisée, vidée d'un poids qu'elle venait de décharger sur le papier qu'elle serrait entre ses doigts joints. Les volatiles sur lesquels elle comptait somnolaient légèrement, baignés dans une odeur de fiente chaude et désagréable que l'air frais chassé fort heureusement.

"Si le destin des courriers est entre les pattes de ces tas de plumes, c'est bien la preuve que le monde est loin d'être bien fait."

La salle était déserte. Enfin, du moins, dénuée de présence humaine. Elle s'avança à contre coeur vers une chouette dont le pelage blanc tacheté de gris était harmonieux et lui glissa le papier entre les serres, grimaçant lorsque l'animal poussa son hululement strident qui semblait être une faible protestation.

"C'est ton bouleau, ma vieille"

La chouette lui jeta un regard perçant et s'envola à travers l'ouverture la plus proche et June Whitemoon regarda ses mots furieux planer dans le ciel gris, à la recherche du destinataire. Elle resta contemplative plusieurs secondes avant de songer à redescendre dans le confort appréciable de la salle commune. Mais la rumeur d'un pas lui parvenait et elle devina qu'on gravissait les marches de la Volière. Une once de curiosité la poussa à rester sur place, pour ne serait-ce que découvrir le visage du nouvel arrivant. S'efforçant d'adopter une pose naturelle, elle tourna la tête vers la grisaille des cieux plombés.

Elle leur avait promis, mais l’excitation de la première journée lui avait fait oublié sa promesse. Elle n’avait pas non plus eu franchement le temps : elle ne connaissait pas encore le château et s’était déjà perdue plusieurs fois entre deux cours. Et puis il y avait les cachots, froids, humides, qui la faisaient frissonner. Heureusement, le cours de potion qui s’y tenait avait l’air vraiment intéressant. L’un compensait l’autre.

Mais à présent, la journée était terminée et Laura allait enfin pouvoir envoyer cette fichue lettre à ses parents. Elle y avait pensé pendant le dîner en se disant que le repas ne différait pas trop de ce qu’elle mangeait chez elle. La jeune sorcière s’était alors dépêchée de terminer son repas et avait couru dans la salle commune afin de rédiger le courrier tant attendu en Ecosse.

Elle avait mis un peu de temps pour trouver la volière, mais montait à présent les marches de la haute tour. Elle allait aussi revoir sa chouette, Fleren, qui lui manquait déjà. Enfin, Laura arriva en haut. Elle poussa la porte et eut un petit cris d’émerveillement en voyant tous les animaux qui se trouvaient ici, en liberté. Elle n’avait jamais vu autant de rapaces nocturnes, même lors de ses promenades dans la forêt avec son père.

Elle allait chercher Fleren, lorsqu’elle remarqua qu’elle n’était pas seule. Une fille aux longs cheveux châtains se trouvait là, elle regardait apparemment le ciel.

- Salut, dit Laura pour capter l’attention de la jeune fille.

[hj : Hum..hum. Désolé pour ce contre-temps ... Problèmes de connexion, absences prolongées ...]

La curiosité de June était parfois offensante. Elle pouvait se manifester avec tant de verve qu'elle faisait étal d'un comportement méprisable. Non pas que la jeune sorcière fût dénuée de courtoisie, au contraire. Mais ce trait de caractère, lorsqu'il n'était pas rigoureusement tenue en bride la rendait de trop apathique. Aussi, quand le salut amical retentit dans son dos, elle ne se pressa absolument pas de réponde, trop occupée à jauger la nouvelle venue. C'était une jeune fille à la silhouette mince et aux yeux pleins d'une subtilité intrigante qui devait suivre sa première année tout comme June.
Ce n'était pas agréable de se faire détailler ainsi et elle y consentit un peu plus tard, mais, il fallait le dire, miss Whitemoon était bien peu capable d'accorder son sourire à n'importe qui : le récepteur devait en être digne. Elle s'attarda longuement sur le regard très sombre de la jeune sorcière qui venait d'apparaître et y décela le reflet d'un caractère bien trempé. Puis elle observa la façon dont ses mains se mouvaient et crut deviner un aspect actif voir impulsif chez elle. Elle ne faisait que de vagues suppositions alignées qui lui permettait de se faire un portrait approximatif et quand elle tenta de sonder plus précisément l'inconnue, elle se retrouva très peu perspicace. C'était certes déroutant pour June de butter ainsi dans son analyse mais ce mystère cultivé éveillait encore plus sa curiosité. Elle réalisa soudain qu'elle avait bien envie de connaître cette fille et se trouva heureuse de parer la solitude de cette fin de journée. Elle n'était peut-être pas vêtue de son humeur la plus légère, embarrassée par le contenue encore frais de la lettre qu'elle venait d'envoyer mais elle aspirait à rencontrer et à discuter. Et l'occasion était trop belle.

"Salut !"

Elle avait un pas en avant, avec entrain. Elle ne craignait pas de paraître trop chaleureuse aux yeux de l'inconnue. La franchise lui commandait de se montrer telle qu'elle l'était et elle avait en horreur les masques de comédie, dépeignant des sentiments faux et ambigus. June jeta un coup d'oeil rapide sur la cravate rouge et or, recouverte par la robe de sorcier de la jeune sorcière. Le fait qu'elle appartienne à Gryffondor décupla son enthousiasme. Elle put dégainer toute la sympathie qu'elle refoulait jusqu'à présent, par méfiance et faire prime d'un sourire franc.

"Je m'appelle June. June Whitemoon"

Oui. June Whitemoon. Et elle releva imperceptiblement le menton à ces mots. Les volatiles aux yeux perçants - bien que, pour l'heure, dormants - auraient pu saisir une bribe de ce mouvement et l'interpréter comme un marque d'orgueil et de fierté parfaitement désopilante mais il en allait tout autrement. Car durant toutes ses années en territoire moldu, criblée par l'idiotie suppurante de ses parents, elle avait haït son nom avec une force surprenante. Elle en était venue à le maudire de façon ardente, intense, à rêver d'autres horizons où on ne lui collerait plus l'étiquette lourde de "Whitemoon" qui colportait les manières écoeurantes de ses géniteurs. Toute assimilation avec eux l'horrifiait et s'entendre interpellée par le même nom qu'eux la troublait fortement. Mais à présent que la maturité commençait à déferler en elle, le titre de Whitemoon l'irritait de moindre façon. Il avait même trouvé un statut de fief. Elle le portait avec plus de fierté et était décidée à lui faire honneur. En arrivant à Poudlard, elle s'était rendue compte que sa grande soeur l'avait déjà peint à sa couleur et qu'il ne tenait qu'à elle-même d'en faire autant. Ainsi elle apprenait peu à peu à s'accepter et ce discret relevé de menton était presque empreint de défi face à cette ancienne haine de ses propres racines. C'était si plaisant de reconstituer son moral et sa force, loin de tous les vieux troubles, dans la rumeur paisible de Poudlard. Elle songea combien il était important qu'elle ne se laisse pas sombrer dans la solitude écrasante et combien il lui était essentiel de nouer des amitiés tout autour d'elle.