Je Survis < Adrien >

Billie Ziegler n'était plus la même. Perdre son frère avait réellement été quelque chose de dur et elle avait encore énormément de mal à réaliser... A réaliser que c'était fini, qu'elle l'avait perdu. Qu'il n'était plus. Et dans un sens, comment aurait-elle pu s'en rendre compte hein ? Comment aurait-elle pu ne serait-ce que penser qu'elle allait le perdre aussi vite ? Il n'avait que dix-sept ans. Dix-sept malheureuses années et voilà qu'il partait déjà... Tout ça à cause d'une idée stupide de défi. Si elle avait mal ? Le mot était faible. Elle ne souffrait plus parce qu'elle était tout le temps déconnecté. Comme si elle n'était plus là.

Pourtant bien sûr, elle était bien présente. Mais invisible. Alors qu'en temps normal, elle préférait montrer à tous qu'elle était là. Du moins, elle se moquait bien du regard des autres, ça ne l'intéressait pas et maintenatn, maintenant, elle ne parlait plus, ne s'amusait plus. Et d'ailleurs, les jours où elle sortait de son dortoir et de son lit d'ailleurs, était vraiment rares. Elle ne mangeait plus et ne dormait pas. Elle restait là, allongée sans bouger, le regard fixé vers le ciel. Elle n'était jamais fatiguée parce qu'elle était déconnecté alors au final, on pouvait dire que c'était comme si elle dormait tout le temps. Alors que ce n'était pas le cas.

Pourquoi est-ce qu'elle se rendait souvent à la Tour d'Astronomie ? Pour tout dire, elle n'en savait rien. Ce n'était pas comme si c'était quelque chose qu'elle pouvait faire souvent avec les cours mais c'était vraiment bizarre tout ça... Mais bon, que dire après tout. Elle avait maigri, elle était pâle, on lisait la fatigue sur son visage et alors que d'ordinaire, elle courrait dasn tous les sens, ce n'était plus le cas aujourd'hui. D'ailleurs beaucoup le disait, depuis qu'elle était revenue de chez elle, Billie n'était plut elle, comme si une autre personne était venue à Poudlard et avait pris sa place... Se levant difficilement de son lit, Billie enfila un T-shirt et un pantalon au hasard, plus par mécanisme que pour autre chose. Mais quand elle voulut s'emparer d'une veste et qu'elle toucha la veste que Kayne lui avait acheté, Billie marqua un temps d'arrêt, une pause et des larmes se mirent à couler sur ses joues. Encore... Elle n'avait jamais autant pleuré que dernièrement alors qu'aujourd'hui, elle ne faisait plus que ça.

Une fois calmée et une fois sa veste sur le dos, elle soupira et sortit du dortoir. Elle ne fit pas attention à qui elle croisait, prenant uniquement un grand soin pour éviter de rentrer en collision avec des gens. Elle n'avait pas envie de parler. D'ailleurs, elle ne parlait plus. Jamais. Comme si c'était un effort sûrhumain venant d'elle. Dur n'est-ce pas ? Mais pourtant...

Ses pas la guidèrent vers la Tour d'Astronomie. C'était un lieu vraiment très peu visité. Alors elle ne se prenait pas vraiment la tête avec des gens au moins. Elle était tranquille et en ce moment, elle préférait être seule. D'ailleurs, pour tout dire, même avec Josh ça paraissait quelque peu tendu. Elle n'osait pas lui faire face et lui montrait qu'elle n'allait pas bien. Parce qu'elle savait que ça la toucherait grandement. Une fois arrivée, elle se mit assise dans un coin, les bras entourant ses jambes. L'air ailleurs. Elle était entourée, oui, mais elle se sentait si seule. Elle avait si mal.

Adrien était naturellement quelqu’un d’assez calme. Ni joyeux, ni triste, il était toujours d’humeur égale, comme si sa vie était réglé sur un métronome. La passion il avait connu et maintenant, très peu pour lui merci… L’amour plus simple, il y aspirait mais ne se pressait pas. Il n’était pas bien vieux après tout… Aucune onde ne venait troubler la mer de la sérénité qui habitait le cœur d’Adrien. Il arrivait bien que par moment certains petits faits l’agacent… Par exemple, le fait que Heaven le fuit ou bien que Fredericke soit une telle empotée mais l’agacement restait enfermé dans ses prunelles sombres à un éclat aussi subtil qu’éphémère.

Pris d’une envie subite d’aller se balader dans l’école, il se rendit à la Tour d’Astronomie et vit que quelqu’un était déjà sur le promontoire d’observation. Il la reconnut pour être Billie Ziegler. Elle était assez connue dans Poudlard pour ses nombreuses aventures compliqués et lui la connaissait d’autant mieux qu’elle était amie avec Helena et qu’elle était dans le dortoir de Fredericke. Cette dernière lui avait d’ailleurs dit qu’elle s’inquiétait un peu pour sa camarade parce qu’elle faisait plus penser à un zombie qu’à un être humain ces derniers temps… Fred’ et la délicatesse… Bref, voyant qu’il allait sûrement déranger la jeune fille dans ses pensées moroses, il hésita longuement à aller quand même la rejoindre mais finalement sa Poufsouffle attitude le fit s’approcher et se mettre en silence à côté de la jeune fille. Dans un premier temps, il ne dit rien, regardant le ciel.

« Tu sais que si tu restes assez longtemps ici, tu pourras voir apparaître l’étoile du berger avant que la nuit tombe ? Elle arrive en même temps que la lune, en soirée. En réalité, la lune et cette étoile – qui n’en est pas une d’ailleurs – sont indissociables dans l’astrologie. » Il aurait pu la saluer, tenter de la consoler puisqu’elle avait les yeux rouges, mais il ne la connaissait pas alors elle ne voulait peut-être pas qu’il se mêle de ce qui ne le regardait pas. Assis tranquillement, les genoux un peu remonté, il regardait le ciel plutôt qu’elle et parlait avec son fameux calme Olympien, comme s’il n’avait pas vu qu’elle était triste et qu’il voulait juste lui parler de l’étoile du nord et de la lune.

Il semblait à Adrien que quand on venait s’exiler dans un tel endroit avec ce genre de mine sombre c’est qu’on avait perdu quelque chose, une envie, des repères… quelque chose d’important. Mais il ne fallait jamais perdre espoir, jamais. C’était un peu la symbolique de l’étoile du nord, non ? Parce qu’elle guidait les voyageurs perdus depuis la nuit des temps, leur indiquant la bonne direction…

Et n’oublions pas, au milieu de ces considérations, que Sterne signifie étoile…

Billie faisait partie des gens qui s'attachaient facilement aux autres. Le problème lorsque l'on s'attache vite et fort, c'est que lorsque l'on vient à perdre une personne, la douleur est vraiment forte. Et pour ce qui était de Billie, là, on ne pouvait même pas, ne serait-ce qu'imaginer ce qu'elle pouvait actuellement ressentir. Sauf si ce qui lui était arrivé, lui était arrivé aussi. Elle venait de perdre son frère. La personne qui comptait le plus à ses yeux parce qu'ils en avaient vécu des choses. Et là, voilà qu'on lui demander de faire comme si ne rien n'était et de ne plus le voir. Kayne était mort et aux yeux des autres, elle devait faire comme s'il ne s'était rien passé et comme s'il était toujours là ! Et bien non, pour elle, les choses ne fonctionnaient pas de cette façon et ne fonctionneraient jamais de cette façon d'ailleurs !

Si elle se trouvait dans la Tour d'Astronomie, à la base, c'était pour rester toute seule. Lorsqu'elle avait vu le jeune garçon débarqué, la jeune Gryffondor l'aurait presque envoyé voir ailleurs. Mais bon, on ne pouvait pas vraiment dire que ça se disait... Bordel, les choses étaient du genre bien compliqué. Nan mais c'était vrai quoi, les choses étaient difficile, on ne comprenait pas tout. Surtout si l'on n'était pas à sa place. Si Billie agissait d'une manière bien difficile, ce n'était pas spécialement volontaire. Mais dans sa tête, les choses étaient bien clair, elle avait perdu son âme lorsqu'il était parti... Lorsqu'il avait disparu...

Mais au final, Billie n'avait pas renvoyé le garçon voir ailleurs. Pourquoi ? Elle ne le savait pas très bien en faite. Mais quand il s'était mi à parler, dans un sens, elle avait comme compris pourquoi. Il ne la questionnait pas, ne lui demandait pas pourquoi elle n'allait pas bien rien. Il se contenta de lui parler des étoiles, d'astrologie. Des choses fantastiques non ? Quand on sait que dans son état, les gens se seraient plutôt inquiéter, qu'ils lui auraient posé tout un tas de questions en racontant n'importe quoi. Et lui, au moins, lui, il ne lui en posait pas.

Bien sûr, elle n'était pas encore au stade de rire et à courir dans tous les sens hein ! Mais bon, il était là, et il ne la dérangeait pas tant que ça alors non, elle ne dirait rien. De toute façon, à quoi bon dire quoi que se soit, ça ne servait à rien. Absolument rien.

- Etoile comme Sterne, t'es Adrien Sallers c'est ça ?

Son ton était froid. Mais elle ne parvenait plus à lui donner de la couleur... Elle ne parvenait plus à dire quoi que se soit. Et elle ne parlait jamais de sujet important ou intéressant. Elle ne parlait plus que de futilité, d'un ton froid et las. Comme si parler était un supplice... Elle ne savait plus quoi faire, où elle en était. Et tout ce qu'elle savait, c'était que de toute façon, quoi qu'elle fasse, les choses ne changeraient pas. Elle n'avait plus le goût de rien de toute façon...

Adrien tourna légèrement la tête et sourit chaleureusement à la jeune fille. Il était le genre de personne à faire ça, à aider les gens l’air de rien, à se poser à côté pour discuter, juste histoire de leur changer les idées. Que pouvait-il faire de plus au fond ? Il n’était pas intime avec la jeune fille, il ne la connaissait que de vu, comme ça en passant… Mais être seule ici, en haut de cette Tour, ça devait être encore plus déprimant. Quand elle lui dit son nom, il acquiesça de la tête. Il savait qu’elle connaissait un peu Sterne. La majorité de la troupe venait de Gryffondor (il n’y avait que trois Poufsouffles en fait O_o pas très sportifs ces blaireaux !) et elle était venue à leur représentation de l’an passé.

« C’est ça. Etoile comme Sterne et Adrien Sallers, le chorégraphes de ces étoiles. » Levant de nouveau le nez vers le ciel, il vit un nuage qui commençait à se dégager. La lune ne tarderait pas à apparaître. « Toi tu es Billie Ziegler, non ? » Voilà, ça y est, on commençait à voir la lune se découper dans le ciel bleu azur de ce printemps. L’étoile du berger allait bientôt suivre. Il observa la lune, elle ne serait pas pleine ce soir. Beaucoup de gens avaient l’impression de mal dormir ou avaient des problèmes les nuits de pleine lune, lui, il trouvait ça plutôt jolie et puis, c’était très romantique aussi les nuits de pleine lune. Enfin quand on avait quelqu’un dans sa vie, ce qui n’était pas son cas… sauf si les amies comptaient, dans ce cas il en avait un paquet mais il doutait que ça lui fasse l’effet escompté.

« L’apparition de l’étoile du berger est pour bientôt… » dit-il en frôlant légèrement le coude de sa camarade pour lui faire lever le nez en l’air. En vérité, il n’était pas si fan d’astrologie que ça mais que ne ferait-il pas pour aider une demoiselle en détresse ? Et puis, il avait une certaine affinité avec les étoiles. Comme si ce symbole le poursuivait depuis qu’il était tout petit mais d’une manière assez bénéfique.

Enfin, l’étoile apparut ce qui fit sourire Adrien parce qu’on ne la voyait presque pas, mais elle était bien là quelque par dans le ciel et elle pointait discrètement le bout de son nez malgré le jour qui durait plus longtemps avec le beau temps revenu. Il quitta enfin sa contemplation pour regarder sa camarade quelques secondes et pour lui demander de but en blanc « Tu aimes la poésie ? » Parce qu’il fallait trouver quelque chose à dire et qu’il avait son recueil de poésie préféré dans sa poche… Ady n’était pas un grand littéraire dans l’âme mais il trouvait que la poésie c’était comme la danse, ça avait un certain rythme qu’il suffisait de suivre des yeux pour saisir le sens. Prenant le petit livre, il le sortit et le montra à Billie, toujours sans se départir de son sourire.

L’espoir tenait à peu de chose. Il était comme l’étoile du nord, on ne la voyait pas forcément dans la tempête, mais il était toujours, à poindre par beau jour, toujours au dessus de leur tête… parce que perdre espoir – quoi qu’on en dise, quoi qu’on en pense – c’était impossible… n’était-ce pas la seule chose qui restât aux hommes quand Pandore libéra le malheur sur le monde ? Oui, il ne restait que l’espoir, et peut-être que pour cette fois, il serait incarné dans un gentil Poufsouffle ou dans un beau poème… Nul ne le sait et si ce n’est pas pour cette fois, ce sera pour la prochaine car il est là, quelque part au dessus de la tête de Billie, ce fragment de lumière qu’elle ne voyait plus… Il fallait juste le retrouver.

Encore aujourd'hui, Billie se souvenait du jour où Helena avait voulu s'inscrire à Sterne. Elle avait commencé par demander à Billie si elle aussi, elle ne voulait pas s'y inscrire. En même temps, il fallait un peu comprendre la petite blonde, ce n'était pas toujours très plaisant de se retrouver toute seule pour faire du sport. Mais bon, avait-elle le choix ? Pas vraiment parce que demander à Billie de danser, c'était comme de demander à un aveugle de perdre un autre sens hein ! Non, il avait été tout bonnement impossible à Billie d'accepter l'offre et c'était pour ça d'ailleurs qu'elle avait dit non. Mais elle avait très bien vu pourquoi est-ce que la jeune blonde lui posait cette question. Ben oui, en refusant, Billie laissait Helena livrait à elle-même à cet instant. Mais par la suite, elle avait fini par découvrir que son jumeau était inscrit aussi et depuis ça allait mieux. Oui, tout allait bien pour Helena.

Et Billie n'avait pas cette chance. Mais elle était reconnaissante envers Adrien de ne lui poser aucune question reconnaissante vraiment. Ca la touchait parce qu'il était fort possible que si elle s'était retrouvée dans sa situation, elle lui aurait posé des questions. Mais à quoi bon hein ? Elle savait également que ça ne servait strictement à rien. Et surtout que s'il s'était mis à lui poser quelques questions, elle aurait tout fait pour le chasser, pour l'envoyer au diable et ça n'aurait fait que le faire partir... Or, même si elle était tout le temps en train de rejeter la présence des gens, les choses n'étaient pas aussi simple.

Il lui demanda alors confirmation de son nom à elle. Il avait deviné. En même temps, les choses ne devaient pas être bien difficile vu toutes les rumeurs qui tournaient à son sujet et aussi par rapport au fait qu'elle était une amie de Helena quoi.

Les rumeurs... Des petites bêtes blessantes qui se propagaient à la vitesse de la lumière... C'en était affligeant et c'était fou le mal que ça pouvait parfois engendrer. Par exemple, Billie était attaquée par bon nombre de rumeurs la touchant sur le pourquoi de son changement. Les gens ne comprenaient pas alors ils prenaient un malin plaisir à tenter de trouver une réponse et ce, quelqu'elle soit. Là, on la disait revenue d'un avortement. Oui parce qu'on l'avait cru enceinte aussi. Du fait qu'elle avait eu un certain nombre de petit amis, voilà qu'on la prenait maintenant pour une fille facile mais à la rigueur, ce n'était pas ça qui allait la rendre triste. Il y avait bien pire, disons que ça, ça n'aidait tout bonnement pas du tout. Mais bon... Disons tout simplement qu'il suffisait qu'une chose nous tombe dessus pour que d'autre encore s'accumule et au final, on se retrouvait dans la situation de Billie, à préférer la solitude à tout le reste...

- Oui, je suis bien Billie.

Du moins, elle était une moitié de Billie. Elle n'était plus elle à part entière parce que si ça avait réellement été le cas, jamais elle ne serait restée là, toute seule, jamais elle n'aurait perdu l'appétit, une chose qui pourtant était assez incroyable à croire chez une personne aussi gourmande qu'elle d'ordinaire. Non elle n'était plus elle et c'était ça qui inquiétait tant les autres. Elle ne se ressemblait plus.

Il lui toucha alors le coude pour qu'elle lève les yeux en lui disant que l'étoile du berger allait bientôt apparaître. Dans une autre situation, oui, Billie l'aurait probablement déjà envoyé voir ailleurs mais pas là, non elle ne voulait bizarrement pas qu'il ne parte parce qu'il était là, à lui parler de chose plus futiles les unes que les autres et ça la touchait vraiment. Après, faisait-il exprès ou non, elle s'en moquait bien, l'important était qu'il ne lui pose aucune question sur son état qu'il ne s'inquiète pas ou en tout cas, qu'il ne le montre pas.

Il lui demanda alors si elle aimait la poésie et sortit de sa poche un petit livre qu'il lui montra. Un recueil de poème, problablement ses préférés. Son sourire était plaisant à regarder, il lui faisait du bien. Il tentait de lui faire passer une certaine chaleur et ça la touchait beaucoup parce que d'ordinaire, c'était ses sentiments à elle qui remplaçaient ceux de ses amis. Depuis quand ne les avait-elle plus vu sourire en sa présence ? Elle ne le savait même pas. Tendant la main, elle lui demanda :

- Je peux ?

Ben oui, elle n'était pas une rustre non plus. La poésie, elle ne s'y était jamais réellement intéressée pour tout dire mais peut être qu'il y avait un début à tout voilà. Et dans le fond, tant mieux non ? Et puis, si ça parvenait à lui changer, ne serait-ce qu'un peu les idées... Tant mieux.

Profitant de l’ouverture que lui laissait le sujet des poèmes, et il lui tendit le recueil avant de lui demander toujours avec ce même sourire chaleureux. « Je peux t’en réciter un ? » Ce qu’il manquait à cette jeune fille c’était un peu de chaleur et d’espoir, c’était justement ce qu’un Poufsouffle comme Adrien savait le mieux donner. Il était un habitué du chagrin et du malheur, il en avait eu son lot et l’avait côtoyé souvent chez les autres. Encore maintenant, il se sentait parfois inutile lorsqu’il voyait ses amies souffrir. Il avait appris à vivre avec ce sentiment d’être de trop, d’être un boulet, et quand ça le prenait, quand il sentait qu’il était trop négatif, il pensait simplement que demain serait un autre jour. Il avait un poème pour ça… Il n’attendit pas de réponse pour le réponse de sa voix grave et vibrante comme un soleil d’été.

« Il y a toujours / puisque je le dis / puisque je l'affirme / au bout du chagrin / une fenêtre ouverte/ une fenêtre éclairée. » C’était sa manière à lui de la consoler sans pour autant lui poser de questions. Garder espoir était un conseil valable en toute situation pas vrai ? Il continua sur sa lancée pour terminer le poème. « Il y a toujours / un rêve qui veille / désir à combler / faim à satisfaire / un coeur généreux / une main tendue / une main ouverte/ des yeux attentifs / une vie / la vie à se partager. » Il ne la regardait pas d’un air compatissant, il n’avait pas l’attitude de celui qui dédie ce poème à la personne à qui il le lit, et pourtant, il espérait que ces mots toucheraient le cœur abîmé de la jeune Gryffondor mais pour respecter sa pudeur, il n’en montrait rien.

« C’est joli n’est-ce pas ? C’est de Paul Eluard. Mon frère se moque de moi parce que je lis ce genre de choses mais il se moque aussi de Sterne donc je ne sais pas s’il est une référence fiable. » Sans doute pas… Adam était un serpentard dans le plus pur style du genre et il était méchant avec tout le monde à commencer par son jeune frère… à croire que sa deuxième passion était de le martyriser. Sauf que ça ne faisait plus vraiment effet maintenant, tout ce qu’il pouvait dire passait au-dessus d’Adrien… Il avait mûrit. Il n’était plus ce petit garçon craintif et timide, au contraire, il avait maintenant une certaine présence même s’il restait discret.

Le calme alentour lui était agréable. Du haut de la Tour, il n’y avait pas un son en dehors de celui du vent et il regardait toujours la lune qui commençait à apparaître. Le ciel se teintait de gris en cette journée de printemps signe que le soir tombait. Un sentiment de nostalgie envahit le jeune homme qui pourtant ne cessa pas sa contemplation. Tout n’était, ma foi, qu’une question d’équilibre…

Quand Adrien lui demanda s'il pouvait lui en reciter un, Billie eut envie de lui dire non. Pourquoi ? En réalité, elle ne le savait même pas elle-même. Peut être parce qu'elle estimait que la présence d'Adrien n'était pas raisonnable, peut être parce qu'elle voulait qu'il parle. Allez savoir. Mais une chose était sûre, même très sûre. C'était tout simplement le fait qu'elle ne dit rien et q'uelle le laissa donc réciter son poème. Lâche ? Non pas tant que ça, en réalité, disons plutôt que même si Billie se moquait bien de ce poème, au final maintenant, elle voulait l'entendre. Oui voilà, elle voulait attendre que le jeune Pouffsouffle lui récite ce poème. Et après ? Elle l'enverrait voir ailleurs ? Non, bien sûr que non. Ce n'était pas du tout dans ses habitudes ce genre de chose mais tout de même, ça restait tout de même assez bizarre dans sa tête. Tout se mélangeait et au final, elle ne semblait plus savoir quoi penser. Et rien qu'un oui ou un non semblait difficile pour elle. C'était un des autres facteurs de son mal être probablement ça... M'enfin...

Son poème était magnifique. Elle ne savait pas s'il l'avait choisi par rapport à elle mais en tout cas, une chose était sûre, il était très beau. Il parlait d'espoir. Une chose qu'elle ne semblait plus connaître depuis quelque temps? Non, pour elle rien n'allait vraiment ces derniers temps. Mais bon, que faire d'autre hein ? Elle n'avait plus le goût à rien et pourtant, elle savait très bien que ses amis tentaient tout pour pouvoir les aider, ça voulait bien dire que pour elle, il n'y avait plus aucun espoir d'une certaine manière non ? M'enfin, c'était ce qu'elle imaginait après tout... L'espoir était mort lorsque... Non, elle n'avait plus la force. Plus le courage, ni de prononcer son nom, ni de dire qu'il n'était plus. Ca lui faisait bien trop de mal. Beaucoup trop de mal.

- C'est un bien beau poème. Merci

Paul Eluard ? A vrai dire, ce nom ne lui disait absolument rien. Dans le sens où au niveau poème, elle n'avait jamais été douée pour mettre des noms aus poèmes des personnes célèbres. Mais bon, dans un sens, ce n'était pas là le plus important. Le plus important dans tout ça, c'était que l'on connaisse son poème, qu'il soit récité de la même manière qu'Adrien venait de lui réciter. C'était tout bonnement fantastique non ? M'enfin...

- Je ne connaissais pas non. En tout cas, merci de me l'avoir fait découvrir il est très beau...

Lorsqu'il parla de son frère, Billie eut un blocage. Elle savait que ce n'était pas voulu, elle savait qu'il n'avait pas fait exprès mais c'était fait. Il parlait de son frère. Et ça faisait ressurgir des choses, bien trop de choses. La jeune Gryffondor avait mal. Elle avait vraiment très mal et il s'agissait même d'une douleur qu'elle n'avait jamais connu avant. Même lorsque Josh n'allait pas très bien, elle n'avait pas connu de douleur aussi forte que celle qu'elle ressentait maintenant. Une douleur affreuse, qui la détruisait vraiment de l'intérieure mais qu'aurait-elle pu faire contre ça hein ? Tout était impossible. Qu'elle ait mal ou non, les choses restaient les mêmes après tout... Il n'était plut là. Il ne reviendrait plus. Et si Billie ne s'en remettait pas, elle finirait par succomber à son tour. Elle n'avait que quatorze ans bordel ! Il fallait qu'elle se ressaisisse, il fallait vraiment qu'elle reprenne le dessus mais c'était impossible. Elle n'y arrivait pas. Et quand elle sentit que sa joue s'humidifiait, elle comprit que malgré les forces déployaient, elle était de nouveau en train de pleurer. Elle n'avait plus son frère. Et il avait été son plus grand appui. Tentant d'essuyer ses joues, elle comprit que ce n'était pas la peine parce qu'elles se mouillaient à nouveau. Adrien pouvait bien se moquer d'elle, de tout façon, qu'aurait-elle pu dire. Elle était faible. Sa partie la plus forte n'était plus là. Oui elle avait mal. Mais c'était une douleur inimaginable. Elle n'en pouvait plut non. Mais son corps la portait. Ses jambes la soutenaient encore malgré leurs maigreur. Elle vivait encore, c'était ce qui importait le plus non ? Quoique...

Adrien commençait à se demander ce qu’il avait fait à Merlin pour mériter son sort. Heaven qui le fuit, Anabelle qui l’ignore – ou peu s’en faut -, Fredericke qui prend le parti de son imbécile de meilleur ami contre lui (franchement, il ne la comprendrait jamais) et enfin Billie qui se met à pleurer… Ah les filles ! Adrien allait se mettre à traîner avec des mecs si ça continuait à ce rythme ! Se maudissant lui-même d’avoir fait pleurer une fille – il ne savait pas pourquoi mais ça devait forcément être sa faute – il prit une respiration et se permit d’approcher sa main du visage de Billie. Il était loin d’avoir envie de se moquer d’elle lui qui était sûrement le plus faible de tous, lui qui oubliait le monde jusqu’à s’oublier lui-même lorsqu’il était confronté à un problème… mais il ne fuirait plus, c’était sa décision, et il espérait que Billie trouverait sa voie elle aussi car le Poufsouffle avait un cœur d’or et il ne voulait que répandre le bien autour de lui (même s’il pouvait songer à faire une exception pour certains Serpentards).

« Pleure si ça te fait du bien. » Il n’y avait aucun jugement dans sa voix, peut-être juste de la compassion… Sortant du chocolat de son sac décidément bien fourni, il le tendit à la jeune fille bientôt suivit d’une bouteille d’eau. Quand on est atteint de mutisme, on a toujours le minimum vital sur soit car si on se réveille dans un couloir désert, il faut pouvoir reprendre des forces pour ne pas avoir à ramper jusqu’à sa salle commune. Ce serait d’assez mauvais genre quand même.

« Bois un peu, il ne faut pas que tu te déshydrates… » Dit-il après de longues minutes où il resta silencieux à la regarder pleurer. S’ils avaient été plus proches, il l’aurait pris dans ses bras mais ce n’était pas le cas alors il restait seulement à côté d’elle d’un côté pour la surveiller, de l’autre pour qu’elle sache qu’il était là si besoin. « Et quand tu en auras la force, prend un peu de chocolat… c’est un remède magique contre le chagrin. » Il hésita et continua finalement un ton plus bas. « Je ne sais pas vraiment ce qui te fait tant pleurer mais puisque la fuite n’est pas une solution, il vaut mieux vivre avec le souvenir de son chagrin. » On sentait à sa voix qu’il savait de quoi il parlait. Il n’avait vécu aucun deuil mais il avait été violemment rejeté par sa famille au point que son père nie son existence. Il connaissait la souffrance et il savait qu’apprendre à vivre avec était dur mais nécessaire. « Quand tu seras prête, on va aller à l’infirmerie. Tu as besoin de calme et de repos. » Voilà qui mettrait sans doute fin à cette entrevue courte mais riche en évènements…

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