Bien planqué derrière une plante verte.

Rusard avait des projets pour cette nouvelle année, et parmi ceux-ci, débusquer un maximum de jeunes délinquants en plein délit. La chose ne devait pas se révéler trop compliquée, le château était empli de petits délurés ne rêvant que de faire un sort au pauvre réglement.
Mais Argus veillait, et puisque Dumbledore ne semblait pas vouloir prendre les choses en main, il allait y mettre bon ordre lui-même.

Le concierge avait donc envoyé Miss Teigne surveiller les couloirs du troisième étage tandis que lui-même s'en allait baguenauder du côté du second. Il trimballait avec lui une plante verte luxuriante au moins aussi grande que sa personne et s'était enduite le visage et les mains de maquillage vert ce qui lui donnait l'air d'avoir mangé des huîtres pas fraîches ou encore la mine d'un petit martien tombé là par hasard.

A cette heure, tous les élèves étaient en cours (du moins officiellement car les jeunes, de nos jours, sèchent tellement...) et il avait un peu de temps pour installer sa "planque".
Il déposa la plante verte à quelques centimètres d'un mur, au détour d'un couloir, et se glissa derrière.
Totalement dissimulé par les feuilles, il était invisible pour quiconque arriverait dans le couloir... Et il espérait bien que quiconque se pointrait tôt ou tard.

Quant à la question de la culpabilité de quiconque, il ne se faisait pas trop de souci, tout le monde était coupable de quelque chose (sauf lui), le tout était de faire cracher le morceau, mais avec un peu de torture... Ah non, il n'avait plus le droit à la torture ! Quelle bêtise, vraiment, on perdait un temps précieux avec les méthodes douces. Qu'importe ! Il saurait lui faire avouer !

Depuis son poste d'observation, la vue était imprenable. Rusard ricana de manière inaudible et consulta sa montre-gousset d'un oeil impatient. La cloche allait retentir d'un instant à l'autre et les couloirs se remplir d'une bande d'élèves nécessairement suspects... Enfin de la chair fraîche ! Gnignigni.

La cloche retentit enfin, cette cloche libératrice qui signifiait que le cours de Défense Contre les Forces du Mal était enfin terminé. Le professeur n’avait d’yeux que pour lui-même et Potter semblant ignorer tout à fait le reste du monde. C’était à se demander comment il avait réalisé de telles prouesses ? Bien sûr il y avait certainement beaucoup de broderie mais bon… Peut-être avait-il déjà fait mourir d’ennui un monstre en lui parlant de sa « couleur préférée », depuis quand Lilas était une couleur aussi ? Vraiment n’importe quoi !!!

Bref le cours était fini et la foule des élèves envahit le couloir… Enfin la foule, de nombreuses filles semblaient vraiment tenir à rester dans la salle de classe, peut-être qu’elles voulaient encore du Lockhart, Lockhaaaart…

*Elles sont stupides, pourquoi tout le monde est fou de lui ???*

Il bougonnait, le cours lui avait donné mal à la tête… Il en venait presque à regretter Quirrell, ce nase bégayant qui sentait l’oignon ou l’ail ou un truc comme ça… Alors qu’il sortait de cours, Drago posa les yeux sur une immense plante verte hyper moche qui prenait beaucoup de place dans le couloir. Il ne lui semblait pas l’avoir déjà vu là auparavant, c’était assez curieux comme découverte.

*Bah sûrement la grosse Chourave qui fait des siennes encore !*

Fièrement il passa à côté de la plante verte tout en se passant la main dans les cheveux pour vérifier que sa coiffure était toujours bien en place.

*Que faire maintenant ? Rejoindre Hadrien ? Pansy ? Aller sur le terrain de Quidditch ?*

Le Quidditch c’était pas mal. Le premier match n’aurait pas lieu avant des semaines, mais il aimait tellement sa nouvelle tenue de Quidditch et son Nimbus que rien que l’idée d’associer les deux et de voler suffisait à lui rendre un peu de bonne humeur.

Quelquechose le suivait, il en était persuadé et sa certitude s'accentua lorsqu'il vit un tableau parlant et qu'il commença à le détailler tout en marchant. C'était une grande fresque et très intéressante même si Gunther détestait cordialement l'art. Il aurait pu être tranquil si il n'y avait pas eu cette masse informe et cette plante verte pour la masquer. Il trébucha ( pour la troisième fois ) sur la grosse chaussure de Rusard et s'étala de tout son long sur le sol. Le concierge se releva rapidement et le pointa du doigt.

* La poisse, la poisse, la poisse....*

Il serra les dents et recula, l'obstacle qu'il heurta cette fois ci était un autre Serpentard.

- Ah ! Salut Malefoy. Désolé.

Il lui fit un vague sourire et s'excusa (tout aussi vaguement) auprès de Rusard. Il jeta un oeil à Drago qu'il n'avait pas vraiment bousculé. Il regarda ensuite ses pieds pour revenir à la fresque.

- Et heu... Tu vas bien sinon ?

Hadrien réprimait sans doute une grosse envie de rire même si le mauvais oeil planait toujours au dessus de lui. Son visage était totalement calme et il n'exprimait rien de particulier.

- Il paraît que t'as le nouveau Nimbus 2001. Je croyais que c'était interdit de l'ammener à Poudlard. Tu as eu une autorisation?

Il avait pris son habituel ton sans timbre, dépourvu de toute émotion malgré l'admiration pour un tel bijou.

Ahahahaha ! Il le savait, la patience finissait toujours par payer ! Et les pieds laissés à traîner dans les couloirs étaient d'un grand secours lorsqu'on voulait piéger les coupables.
Hadrien avait donc eu la malchance de tomber sur Rusard. Croyait-il s'en sortir avec de vagues excuses ? Que nenni ! Car le concierge n'avait pas passé sa matinée à traîner sa plante de couloir en couloir pour des prunes.
Il sortit comme un diable de derrière sa plante et fonça sur Hadrien, tel le vautour affamé se lançant sur le pauvre lapin égaré au milieu de la prairie. Qu'il fasse ses prières car ce soir, il peignerait la pelouse à coup de peigne édenté... A moins que Rusard n'opte finalement pour un lavage du sol à l'aide d'une brosse-à-dents... Hum... Brillante idée, vraiment.

- Arch ! Vous, che vous tiens, betit chenapan ! s'exclama-t-il avec des accents de cerbère allemand (il était allergique au pollen et venait tout de même de passer un petit moment le nez collé contre une "saloperies" de plante mais quand on veut protéger la Vérité, il faut savoir faire des sacrifices).

En trois pas, il fut sur Hadrien ce qui, pour quelqu'un qui se déplaçait parfois avec une canne, était plutôt étonnant. Sauf que la canne n'était là que pour taper dans les jambes des élèves, par inadvertance, bien entendu.

- Alors, poursuivit-il en toisant le jeune garçon d'un oeil mauvais, on zircule trop vite dans les couloirs, hum ? On bouscule le personnel, hum ? Voilà qui va vous coûter cher, mon gaillard.

Argus se frotta les mains d'un air ravi tandis qu'un sourire mauvais étirait ses lèvres minces. Il se tourna ensuite vers Drago. Certes, ce dernier ne lui avait pas broyé le pied mais puisqu'il était là... Autant en profiter.
Plissant les yeux avec la tête de celui qui se demande de quoi il allait bien pouvoir accuser la personne qui se trouve en face de lui, il reprit avec un aplomb qui n'avait d'égale que sa mauvaise foi :

- Et vous, hum, vous zavez combien za coûte la complizité ? Ne niez bas, je vous ai barfaitement vu ! Vous marchiez trop vite bour ne bas être coubable, mon garçon, vous projettiez zans doute d'aller fabriquer une botion dans les toilettes bour faire exblozer la zalle commune des Gryffondors, hum ?

Les poings sur les hanches, il contempla ses deux victimes d'un oeil satisfait. Bien, la pêche avait été bonne ce matin. Son entraînement intensif de l'été n'avait pas été vain. Pour bien enfoncer le clou, il pointa un doigt accusateur sur une infime trace de boue qui se trouvait derrière Malefoy et avait sans doute été laissée là bien avant le passage de celui-ci :

- Arg ! Et qu'est ze que zezi ? De la saleté , vous trouvez ça amusant de zalir le châtea, betits fripons ?

Malefoy fut le premier à répondre aux accusations de Rusard. Ce dernier prit le temps de le détailler de la tête au pied avant de répondre. Malefoy était un Serpentard issu d'une grande famille de sorciers ce qui le rendait presque moins pire que les autres élèves aux yeux de Rusard. Malheureusement pour Drago, le simple fait qu'il ait parlé en premier le rendait coupable car dans son esprit tordu, il estimait que le pauvre garçon se défendait trop vite, ce qu'il ne se priva pas de lui faire remarquer :

- Humph... Vous vous défendez bien vite, mon gaillard, vos intenzions ne zont pas zi pures que vous voulez bien le laissez entendre...

A nouveau, il lança un coup d'oeil perçant à Malefoy, cherchant vraisemblablement à le coincer d'une manière qui ne soit pas trop malhonnête. Le problème était que la définition de l'honnêteté lorsqu'il s'agissait de mettre en cause des élèves était très relative chez Rusard. Il rajouta donc avec une mauvaise foi pire encore qu'auparavant :

- Et même zi ze n'était pas vous chauzzures, za zera bour toutes les fois où vous avez zali mes couloirs ! D'ailleurs, maintenant que vous vous êtres bien ezzuyez les biepds sur le barquet, elles beuvent être brobres, vos chauzzures...

Ne cherchez pas de logique là-dessous, il n'y en a pas. Argus tira un grands mouchoir à carreaux de sa poche et s'y vida le nez avec un bruit de trompette. Ayant ainsi retrouvé pour quelques secondes un usage correct de la parole, il reprit :

- Donc, Malefoy, ce soir dans mon bureau après le dîner et vous...

Il se tourna d'un air mauvais vers Hadrien. Celui-là était le pire des deux, il lui avait volontairement écrasé les orteils, il allait lui en cuire. Un sourire de mauvaise augure étira ses lèvres tandis qu'il demandait d'une voix doucereuse :

- Vous avez quelque chose à dire pour votre défense ?

Gunther se crispa en entendant la voix de Rusard les interpeler. Il ferma les yeux en souhaitant qu'il parlait à quelqu'un d'autre... Mais non, la malchance était là pour détruire la vie de Hadrien pendant cette année à Poudlard, il en était persuadé. Il ne fut pas surpris de voir Malefoy se défendre à la vitesse de l'eclair, il n'avait certainement pas l'intention de se faire punir par ce vieux rat d'égoût. Finalement il eu droit à une heure de retenue. Hadrien regarda le jeune Serpentard comme pour lui signifier qu'il était désolé. Mais Rusard s'attaqua immédiatement à lui.

- Je demanderai à Herr Dumbledore si se cacher derrière les plantes est vraiment dans vos attribution... Il faudra aussi, lorsque je le verrais, que je lui demande qui a peint cette magnifique fresque que j'admirait en trébuchant sur vous au comble de ma malchance.

Il expliquait dans cette phrase, à Malefoy, la raison pour laquelle il ne s'étonnait plus vraiment des chutes et des punitions. Mais il était sûr d'avoir joué une bonne carte en parlant de Dumbledore. Si Gunther détestait quelque chose chez ce concierge, c'était certainement son stupide accent allemand que même à douze ans, Hadrien avait réussi à perdre très vite au profit d'un anglais impécable à peine ponctué d'expression allemandes qui lui donnaient un certain charme, ce qui ne l'empêchait pas de jurer en allemand.

- Enfin, je pense que Herr Malefoy s'est excusé... Il a même reconnu ses torts, n'est-ce pas une bonne raison pour nous laisser partir Herr Rusard ?

Le ton doux et presque nonchalant le rendait très agréable. Son léger accent le faisait presque passé pour un ange.

HJ : Rusard est allergique aux plantes vertes d'où son accent allemand idiot, dès qu'il aura pris ses pilules, il ira mieux !

Rusard haussa un sourcil méprisant en écoutant Hadrien déblatérer de manière idiote sur ce qu'il comptait faire. Comme si Dumbledore s'intéressait à la manière dont Rusard attrapait les élèves en plein délit ! Du moment que le concierge n'utilisait pas de torture physique, le directeur le laissait travailler en paix.
Le concierge eut un sourire en coin, Hadrien croyait lui faire peur ? C'était raté et en plus, le jeune garçon venait de chuter encore plus bas que tout un chacun dans l'estime du vieil homme ce qui restait d'être mauvais pour lui.

- Des menazes ? dit-il d'un ton rauque, vous z'avez conszienze que vous z'aggravez votre cas, mon garçon, le brofezzeur Dumbledore ze moque bien de la fazon dont les coupables zont débusqués, croyez-moi.

Si la punition de Malefoy allait se révéler gentille selon les critères de Rusard, celle de Gunther risquait d'être d'une autre trempe. Sans compter qu'il venait de se coller le concierge sur le dos pour tout le reste de l'année. Rusard n'allait plus le lâcher d'une semelle maintenant et le punir pour un oui ou pour un non. Il venait de passer numéro un dur la liste des élèves à abattre et principal suspect de tous les crimes non élucidés à ce jour.

- Le sort de Monsieur Malefoy est réglé, betit voyou, ze n'est pas à vous de le défendre, il est assez grand bour le faire zeul... Quant à vous, zi vous marchiez plus lentement, zet accident - ou plutôt zet attentat envers ma berzonne - ne zerait jamais arrivé. Pour vous apprendre à contenir vous ardeur, vous zerez aussi en retenue ze soir, dans mon bureau, après le dîner.

Là il y avait un truc que Drago ne figeait pas… Il venait de se prendre une retenue ? A cause d’Hadrien ? A cause de quoi au juste ??? Cet saleté de concierge… de quel droit lui parlait-il sur ce ton d’ailleurs ? Drago irait se plaindre au professeur Rogue et dare dare ! Non mais…

En attendant il était là dans son couloir, avec Hadrien à côté de lui qui se rebellait et qui n’arriverait à rien d’autre qu’à faire monter l’enchère… Il jeta un regard des plus noirs au concierge visiblement enchanté d’avoir puni des Serpentard. Cette saleté de Rusard qui souriait avec ses dents si pourries qu’on aurait dit qu’elles allaient tomber…

Le regard qu’il lança à Hadrien n’était pas beaucoup plus chaleureux. N’ayant aucune envie de continuer le débat plus longtemps, Drago leur tourna le dos et s’enfonça dans les couloirs, cherchant le chemin du bureau du professeur Rogue. Lui seul pouvait lui éviter la retenue. N’importe quelle excuse serait bonne à prendre !

*Non mais quel type raté celui-là ! Faudrait le mettre dans une poubelle avec Hagrid et y mettre le feu avant de les balancer du haut d’une montagne !*

Quel moyen de torture plaisant, il fallait qu’il songe à essayer avec Dobby plutôt que de le laisser s’abîmer les mains sur le fer à repasser. L’odeur de peau d’elfe de maison brûlé étant particulièrement désagréable…

*Bon c’est pas tout mais je dois trouver le professeur Rogue*

Il descendit directement vers les cachots sans autre forme de procès.