Poudlard, le 28 octobre 2000
Cher Quentin,
J’espère que tu vas bien et que la reprise du travail n’a pas été trop pénible pour toi. En ce qui me concerne, les semaines passées ont certainement été les pires qu’il m’ait été donné de vivre depuis que je suis entrée à l’école. Je sais que tu vas probablement m’en vouloir, toi qui étais si content lorsque j’ai été nommée préfète, mais il faut que je te le dise avant que tu ne l’apprennes par quelqu’un d’autre : je vais être destituée. En fait, dès la fin de la semaine, il faudra que je rende mon badge, sans espoir de le retrouver un jour. Je ne suis pas fière de l’événement qui m’a valu une telle déchéance et, pour être honnête, j’ai chaque jour de plus en plus envie de me terrer sous ma couette et de me perdre dans les rêves plutôt que de devoir affronter une nouvelle journée de cours avec cette opprobre attachée à chacun de mes pas, mais je ne regrette pas d’avoir agi comme je l’ai fait. Je suppose que tu te souviens de Fredericke Maiden. Ou, plutôt, je suppose que tu te souviens du peu d’affection que je lui porte et des craintes, peut-être infondées mais néanmoins toujours vivaces, que sa relation avec Adrien m’inspire. Je sais que j’avais promis de faire des efforts pour apprendre à maîtriser mes émotions mais, l’autre jour, lorsqu’elle s’est volontairement mise avec Adrien en cours de potion et m’a adressé cet affreux rictus triomphal en se plaçant à ses côtés, j’ai perdu mon sang-froid et, avant même de m’en apercevoir, je m’étais ruée sur elle. Oui, je sais ce que tu penses : faire un scandale pour si peu en plein cours, voilà qui est tout juste digne d’une gourgandine de bas-étage. Je ne cherche pas d’excuse ou de justification à mon comportement, et je sais, au fond de moi, que j’ai mérité ma déchéance, mais toi, de ton côté, ne me juge pas trop sévèrement, ne me condamne pas trop durement : je suis bien assez punie comme cela. Tu connais mon caractère, tu vois assez combien il m’est difficile de faire confiance à quelqu’un, combien j’ai du mal à laisser mon entourage entrer plus intimement dans mon existence, tu sais toutes les peurs que peuvent engendrer mes sentiments pour Adrien. Je sais que tu les trouves irrationnelles et que tu as essayé de me raisonner, mais admets que c’est facile pour toi, de parler avec tant de confiance, alors que tu sors avec Susan depuis des lustres maintenant ! Moi je découvre et forcément, je suis d’autant plus prompte à m’emporter que je ne crois pas vraiment en la pérennité des sentiments. Ce qui me chagrine le plus, dans cette lamentable histoire, ce n’est pas tant de m’être donnée en spectacle mais plutôt le fait d’avoir été la seule punie – et lourdement, de surcroît : j’ai des heures de retenue jusqu’à Noël ! – puisque Fredericke, elle, garde son poste et son prestige. Pourtant je te jure Quentin, je te jure, elle m’a vraiment provoquée, ce n’était pas le fruit de mon imagination ! Quoi qu’il en soit, j’espère que tu ne m’en tiendras pas trop rigueur et que tu pourras me pardonner, je crois que je vais avoir grand besoin de ton soutien au cours des prochaines semaines…
Bien à toi,
Anabelle.
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