Celui que j'aime [PV]

Voilà déjà quelques semaines que Bérénice n’avait pas eu l’occasion de voir son petit ami. Le vrai drame de sa petite vie, ce n’était même pas son syndrome d’asperger mais bel et bien le fait qu’elle ne s’entiche que de garçons plus âgés, et donc plus à Poudlard. Le plus rageant dans tout ceci c’est que du coup, elle n’aurait jamais le noël romantique de ses rêves, c’était tout bonnement impossible puisque à noël, elle était en famille et que le bal se passait la veille, au sein même de l’école… c’était vraiment abominablement frustrant comme situation, elle n’arrivait pas à l’avaler, la pilule était trop amère. Heureusement, elle allait revoir son amoureux sous peu et pour l’occasion elle s’était faites toute jolie dans une tenue neuve. Le fait est que comme elle ne s’était pas rendue du tout au bal cette année, elle pouvait se permettre de s’acheter d’autres genres de vêtements, neuf au moins. Elle avait donc mis une jupe plissée bleu turquoise à motif écossais, un pull coll roulé noir moulant assorti à ses leggins parce que même par coquetterie, Bérénice refusait carrément d’avoir froid ! Aux pieds elle avait des bottines à fermeture argent et dans ses cheveux attachés une barrette papillon qui laissant sa nuque à découvert avec quelques mèches sur le devant pour encadrer son visage pâle.

Observant la salle du petit restaurant sans prétention où elle avait rendez-vous avec Tyler, elle repensa à ce premier trimestre qui avait été assez mort pour elle. Trop triste de ne pas pouvoir voir son copain, trop inquiète aussi à cause de son histoire avec Erwan qui s’était mal fini à cause de la distance (pensait-elle), elle avait sombré dans une profonde déprime dont elle ne sortait que de manière épisodique pour justement voir Tyler ou alors parce qu’on la forçait à sortir de son dortoir pour lui faire prendre l’air. Chose qu’elle ne faisait pas sans moult protestation ! Même la musique avait moins d’attrait à ses yeux sans personne pour l’écouter jouer…

Mais enfin son homme parut, il était plus beau que jamais pour le regard azure de la demoiselle qui avait l’impression que ça faisait des siècles qu’elle n’avait pas pu le poser sur lui. « Tyler ! » Elle lui sourit timidement, une légère rougeur aux joues. Elle lui laissa le temps de s’asseoir, de s’installer, elle aurait aimé l’embrasser mais les effusions en publique la mettait toujours très mal à l’aise alors elle n’avait pas osé, elle avait peur de faire une syncope si elle s’y risquait. « Tu… tu… m’as… » Elle ne résussi pas à terminer sa phrase et comme elle tripatouillait la serviette en papier devant elle, elle finit par dire complètement autre chose que le tu m’as manqué qu’elle voulait à la base « Tu vas bien ? » Et oui, c’est ça d’être BB, c’est ne jamais réussir à exprimer ce qu’on ressent… une véritable malédiction, surtout qu’intérieurement elle ne rêvait que de se blottir dans ses bras… chose qu’elle n’avait pas fait depuis les dernières vacances de la toussaint… et c’est long deux mois quand on est amoureux !

Bérénice se pinça la lèvre inférieure très fort. Elle s’en voulait de ne pas être capable d’exprimer clairement ses sentiments à Tyler. Après tout, il était si gentil avec elle, et lui il disait ça avec tellement de simplicité ! Le problème c’est que déjà à la base, elle avait un énorme problème avec tout ce qui touchait à l’expression des sentiments. C’était un peu comme si c’était enfermé quelque part dans son cœur et que ça ne voulait pas sortir, jamais, ce qui risquait de la faire exploser certes, mais elle avait toujours été ainsi. Son bégaiement venait de là d’ailleurs, elle voulait vraiment dire ce qu’elle pensait parce que dans sa famille on était pas du genre menteur ou dissimulateur, on lui avait toujours dit que la franchise était même une des premières qualités (bien qu’elle doive être utilisé à bon escient)… Mais voilà, BB était atteinte du syndrome d’asperger, ça la rendait différente du reste de sa famille, ça provoquait en elle un réel blocage, difficile à vaincre par la seule volonté… Avec Erwan, elle y était un peu parvenue. Mais voilà, ce n’était plus le cas avec Tyler parce que justement Erwan avait trahi ses sentiments, il l’avait même carrément trahi tout court. Elle ne savait plus comment faire, elle avait perdu le mode d’emploi de la bonne petite copine, et ça la rendait réellement triste de songer que Tyler payait les pots cassés par son ex petit copain.

Elle prit la rose blanche, détourna le regard et bégaya un « T… T… To… Toi o… aus… aussi. » Avant de pousser un profond soupir, agacée par sa propre incapacité à s’exprimer. Il ne manquait plus qu’elle s’évanouisse et la coupe serait pleine, elle redeviendrait la fade BB à l’ancienne, celle qu’elle était avant sa transformation et sa découverte d’une passion pour la musique.

Il lui prit la main et elle la pressa légèrement pour lui montrer que bégaiement ou pas, elle était contente de le voir. Elle lui fit même un petit sourire avec une légère rougeur aux joues. Elle aurait voulu qu’ils soient seuls parce qu’elle savait que son malaise venait aussi du fait qu’ils soient dans un lieu public… mais elle avait peur qu’une telle demande soit mal interprétée. En fait, l’image qu’elle renvoyait à Tyler l’inquiétait plus que de raison, à l’évidence, elle se posait beaucoup trop de questions.

« Je suis désolée. » Murmura-t-elle « Je ne veux pas t’embarrasser… c’est juste que… je me sens un peu… mal à l’aise. » Elle entremêla ses doigts avec ceux de Tyler et le serveur arriva, le temps qu’ils passent commande, elle resta le regard baissé, en effet, Bérénice ne regardait pas le visage des gens, en général elle visait soit un point par terre soit un point derrière l’épaule. Elle regardait Tyler de temps en temps, parfois même dans les yeux, mais c’était son petit ami et un ami de longue date, avec un serveur elle ne pouvait pas le faire. Elle releva la tête lorsqu’il fût parti, ignorant son regardant lourd de question, et continua comme s’il n’était jamais venu les déranger à expliquer son problème à Tyler. « On ne s’est pas vu depuis longtemps, je ne sais pas comment me comporter… et il y a tous mes… problèmes… tu sais… » Oui, il savait, enfin, en tout cas, elle le supposait.

Que se passait-il à Poudlard ? Normalement, en tant que rédactrice en chef du Hibou Bavard, elle aurait du être capable de répondre à cette question sans aucune difficulté, mais c’était nettement plus compliqué dans la pratique que dans la théorie parce que là, sur le moment, rien ne lui venait vraiment. Elle fit néanmoins un effort pour essayer de mettre de l’ordre dans ses pensées et faire le tri entre ce qui pouvait être intéressant et ce qui ne l’était pas du tout. Pour gagner du temps (oui, même avec son copain qui est aussi un de ses meilleurs amis, elle panique), elle répondit au sujet du restaurant « Je savais qu’il n’y aurait pas trop de monde. » d’une toute petite voix encore plus basse que d’habitude. Il faut savoir que la voix de BB avait quelque chose de particulier, elle était légèrement rauque et voilé, pas tout à fait en adéquation avec son physique de petite poupée brune mais logique vu son économie de mots (elle avait toujours peur de bégayer !).

« On a une nouvelle prof en potion, et heu… Anabelle n’est plus préfète, ni en chef, ni rien du tout, elle a sauté à la gorge de Maiden, ça n’a pas beaucoup plu aux professeurs, surtout qu’elle avait sorti sa baguette. Mais c’est dommage, parce que sans cet écart, c’était une sacrée bonne préfète. » Comme gros cancan, elle ne voyait rien d’autre, surtout que les histoires de couples qui se font et de défont ça ne devait pas beaucoup passionner Tyler. « Eh et un club s’est formé, un club tamagotchi, avec des espèces de bestioles animés magiquement qu’on garde toujours en poche. J’ai hésité à m’inscrire mais je ne suis pas sûre que ce soit pour moi ce genre de choses. » Même une bestiole virtuelle elle aurait peur de lui faire mal ! Et oui, elle est comme ça BB, perpétuellement angoissée.

« Oh heu, mais tu n’as rien à faire ! Je sais que c’est moi qui heu… débloque un peu. » Elle eut un sourire qui ressemblait plus à une légère grimace. Dire qu’elle débloquait lui semblait encore faible, mais toutes les thérapies du monde n’y ferait rien, elle avait du mal à contrôler ses émotions, c’est pour ça que plus jeune elle les fuyait avec force… mais tout compte fait, ce n’était pas la solution, en plus elle aimait bien avoir un copain, éprouvé de l’amour c’était pas tous les jours marrants, être aimé en revanche c’était quelque chose d’agréable. Dommage que ses peurs prennent trop souvent le dessus.

« Bah c’est que… mon problème c’est justement de ne pas savoir me comporter, alors forcément, c’est un peu l’histoire du serpent qui se mord la queue… » Comme elle savait qu’elle ne se comporterait pas comme une fille normale, elle se demandait comment se comporter mais en agissant ainsi elle se comportait anormalement. Et si vous avez tout compris, z’avez tout compris à BB !

Lorsque leurs verres arrivèrent, elle trinqua avec un petit sourire un peu plus détendu, rassurée par les paroles de son petit ami. « Tchin. » C’était simple, mais ça voulait tout dire pour elle. N’empêche qu’elle avait quand même hâte que le repas soit finis pour qu’ils s’isolent, après tout, ils ne se voyaient pas souvent.

Oh si, Bérénice savait parfaitement ce qui s’était passé pour que Fredericke et Anabelle se déchirent, comme la plupart du temps c’était à cause d’un garçon. La jeune poufsouffle n’était pas de ce genre mais elle avait conscience que ses semblables étaient souvent jalouses, voire possessives tout court, cela dépassait l’entendement de BB qui ne savait pas ce que c’était qu’être jalouse. Envieuse oui, par exemple elle aurait adoré avoir d’aussi beaux cheveux qu’Ophélia, naturellement blonds et soyeux, elle aurait aussi aimée être aussi franche et déterminée qu’Elizabeth ou aussi intelligente que les serdaigles de sa connaissance… Mais jalouse, jamais, même pas après ce qui s’était passé avec Erwan, parce qu’être jalouse signifierait qu’elle en veuille aux autres, qu’elle ait peur qu’ils la volent, et elle était bien trop préoccupée par ses propres défauts pour éprouver ce genre de sentiments négatifs (elle avait déjà son quota à elle seule si l’on peut dire).

« Anabelle a peur que Maiden lui pique Adrien, ça a peu de chance d’arriver, c’est connu qu’Ady préfère les brunes. Si j’étais elle, je me méfierais plutôt de ses futures élèves… mais je suppose que la jalousie ce n’est pas quelque chose de raisonner. » Voilà qui selon elle résumait et concluait tout. Elle ne pouvait guère épiloguer, d’une part parce qu’Anabelle ne lui parlait pas de ce genre de choses (il faut dire qu’elles n’étaient pas très proches) et d’autre part parce que ce n’était pas vraiment leurs affaires à Tyler et elle.

« Je… ne préfère pas. Ce serait seulement une source d’angoisse supplémentaire. » Et elle passait déjà pas mal de temps à angoisser pour tout et rien régulièrement, pas la peine de s’en rajouter. Cela dit, elle trouvait ça très mignon et l’idée bonne… Comme le Hibou Bavard battait de l’aile mea culpa, mea maxima culpa, il n’y avait plus beaucoup de « grands » clubs à Poudlard, là c’était peut-être l’occasion de faire vivre quelque chose d’inédit à l’école par ce biais !

« Sûrement que c’est un peu maso… » Répondit-elle un moment après la diatribe de son petit ami mais après avoir soigneusement baissé les yeux, signe qu’il y avait un « mais » qui allait suivre. Bérénice ne regardait pas les gens dans les yeux et elle avait même constamment le regard baissé ou tourné franchement ailleurs. Elle y parvenait avec Tyler d’une manière générale parce qu’ils étaient très proches – même avant de sortir ensemble – mais quand elle devait aborder un sujet sérieux, la maladie reprenait le dessus et elle se mettait à observer ailleurs, machinalement, sans même y penser vraiment. « Mais… même si je ne suis qu’un peu autiste, je le suis quand même, affronter cette réalité ne la fera pas disparaître et je continuerais immanquablement à t’embarrasser en public à cause de ça… »

Elle releva légèrement le menton et repoussa des mèches brunes dans un geste qui aurait pu paraître agacé s’il n’était pas à ce point emprunt du désespoir qu’elle s’inspirait elle-même. Consciente que ça n’avançait à rien, et persuadée par avance que Tyler allait lui dire qu’il se fichait pas mal de ses bizarreries (chose qu’elle croyait, elle avait juste peur que ça ne dure pas), elle accepta de trinquer avec lui à leur amour.

A la question suivante, elle eut à nouveau un petit silence, le temps pour elle de formuler clairement dans son esprit ce qu’elle voulait dire avant de le faire. Dans la mesure où les mots ce n’était pas trop son truc, elle comptait bien se débrouiller tout autrement… « Tu veux pas qu’on aille chez moi plutôt ? » Elle se donna un dix sur dix côté naturel, elle n’avait même pas buté sur les termes, mais elle savait que le plus dur (pour Tyler sûrement) allait venir. « Mes parents ne sont pas là… » Bon, après, s’il ne comprenait pas où elle voulait en venir, elle savait pas ce qu’elle pourrait y faire, douée comme elle était !

Bérénice n’épilogua pas sur la question des couples en détresse amoureuse (par jalousie) à Poudlard, au fond, ça ne les concernait pas vraiment et elle n’avait rien à ajouter à ce que disait Tyler car elle était assez d’accord avec lui. Il fallait être Anabelle pour penser que Fredericke pourrait lâcher Vincent et s’intéresser à un autre garçon, tout le reste de l’école savait que la préfète des rouges et or était dingue de son copain (à un point limite irrationnel vu le degré de violence du dit garçon). Revenant donc au sujet des tamagotchi, elle confirma quelque chose à son petit ami.

« Cela vient à l’origine du monde moldu donc tu pourras en trouver, mais ils ne fonctionneraient pas à Poudlard car la magie de là-bas bloque l’électricité. » Et donc ceux du club à Poudlard étaient en fait trafiqué par magie par les fondateurs du club, c’était grâce à ça qu’ils fonctionnaient, un peu comme si on avait remplacé les piles par de la magie, ou un truc dans ce goût là, BB n’était pas spécialement douée en classe, pas assez pour comprendre un tel mécanisme en tout cas.

Le sujet de sa maladie la fâcha, mais vous connaissez BB, elle n’en montra rien. Elle se contenta de hausser les épaules sans répondre. Tyler ne pouvait pas comprendre ce que c’était que de ne pas être capable de regarder les gens en face tout en sachant pertinemment que c’était la norme sociale. Son corps et son intellect ne fonctionnaient pas de conserve et elle en souffrait énormément. Elle n’était pas capable de faire comme tout le monde, ça la bloquait parce que quelque part dans son cerveau, il y avait un truc qui ne marchait pas… et il aurait beau dire, c’était plus fort que sa volonté. Mais il ne connaissait pas ce sentiment d’impuissance, Tyler était toujours parfait, beau, gentil, intelligent, compréhensif… Elle était très heureuse qu’il l’aime et elle l’aimait aussi, mais de toute évidence, sa perfection empêcherait toujours qu’ils se comprennent sur ce point. ..

Et sur d’autres… car la suite n’arrangea guère l’humeur de la brunette qui se retint de soupirer franchement, ou qui plutôt n’osa pas le faire. Elle avait l’impression d’avoir fait une proposition excessivement indécente alors que ce n’était, à priori, pas le cas. Et il ne fallait pas croire, BB était par certains côtés comme toutes les autres filles une éternelle insatisfaite, elle trouvait donc que son petit ami aurait dû être content – avec modération certes, il faut savoir rester gentlemen en toute situation – qu’elle lui fasse une telle proposition, hors ce n’était pas le cas. Il semblait assailli par le doute, comme si c’était… mal ?

« Je ne te le demanderais pas si je n’étais pas consciente que cela peut… aller loin. Mais tu noteras que ça peut aussi ne pas heu… l’être. Enfin je veux dire, on peut dormir ensemble sans plus si ça te dérange. » Elle camoufla sa déception sous un ton peut-être trop doux pour être honnête, mais s’il y avait un qualificatif qui lui correspondait bien c’était la douceur et ce n’était pas près de changer, aussi contrariée puisse-t-elle être (encore que frustrée soit peut-être un terme plus proche de la réalité).