Moi, paniquer ? Jamais voyons ! [PV]

Cordélia arriva au travail l’air plus énervé que d’ordinaire, la preuve c’est qu’elle ne se cogna nulle part, ce qui chez elle était le signe d’un état d’éveil plutôt rare à une heure aussi matinale. Et au lieu de rester avec les pâtissiers pour les aider et vérifier que tout se passait bien, elle monta directement dans les bureaux « Shawn ! Tu t’occupes de tout aujourd’hui, compris ?! » Suite à quoi elle prit le chemin de son propre bureau qui n’avait presque pas changé depuis son installation voilà maintenant quelques années. La seule différence c’était que les photos de Stephen se faisaient plus nombreuses puisqu’il continuait à grandir et avait maintenant 6 ans et demi. Cordélia se prenait un bon coup de vieux à chaque fois qu’elle y pensait mais, voilà, tout était là, elle essayait de ne surtout pas y penser. Et d’ailleurs, ce jour là, ce n’était absolument pas le problème. Elle chercha Nolhan mais il n’était pas dans la pièce, ce qui signifiait qu’il était dans son bureau, celui d’à côté. Elle ouvrit donc la porte en question à toute volée.

« Tu as un jour de congé. Suis moi immédiatement. » Même si leur relation était encore supposément secrète, c’était un secret de Polichinelle. Après tout, même le meilleur des assistants ne passait pas autant de temps avec sa patronne… et puis Cordy n’était pas douée pour les secrets. Mais tant que le père de la jeune fille – principale actionnaire en dehors de Cordélia de la boîte – ça allait encore… Et comme tout le monde respectait leur secret, personne n’ébruitait la chose. Ce matin là, pourtant, garder le secret était encore le cadet des soucis de Cordy !

Elle entraîna son petit ami dehors et l’emmena chez elle, là elle claqua la porte derrière lui. Stephen était à l’école, Nanny était en course, ils étaient donc seuls, et ça valait mieux pour ce qu’elle avait à lui dire. Cela faisait trois ans depuis la première fois qu’ils avaient couchés ensemble et deux ans et demi qu’ils étaient ensemble et oui déjà (ce qui expliquait pourquoi le secret était éventé, ils faisaient de moins en moins attention !), Stephen aimait bien Nolhan même s’il ne le verrait probablement jamais comme l’homme de la maison même si ça devait devenir plus sérieux entre sa mère et lui, donc pendant tout ce temps, tout avait été presque idyllique… mais là, c’était la panique ! Cordélia avait déjà vécu ça, elle savait où ça pouvait mener…

« Assieds-toi. » Elle fit les cents pas, c’était un truc qu’elle faisait toujours quand elle était nerveuse, mais Nolhan ne l’avait pas vu dans cet état depuis le premier matin où ils s’étaient rendus compte que leur relation patronne/assistant en avait pris un sacré coup !!!

« Je suis peut-être enceinte. » Elle sortit de son sac une boite de test vide et la lui balança. Sa mère était morte en couche, mais visiblement, elle était bien plus fertile et solide qu’elle ! A peine oubliait-elle sa potion qu’elle se retrouvait avec un bébé ! Mais son médecin lui avait dit que vu sa tension, c’était peut-être une grossesse nerveuse donc qu’il ne fallait pas paniquer. Cordélia, paniquer ? Jamais voyons ! Où avez-vous vu ça ?

Les premières réactions de son compagnon ne firent que faire pousser à Cordélia des soupirs d'exaspération. Elle préférait même ne pas répondre de peur que le stress ne lui fasse dire une parole malheureuse. Cette situation faisait resurgir en elle de très mauvais souvenirs... c'était sa grossesse qui avait, en quelque sorte, marqué le début de la fin avec Jan, elle ne pourrait jamais pardonné à son ex ce qu'il avait fait, mais elle éprouvait encore de l'amertume de cette période. Un sentiment qui n'avait par ailleurs absolument rien à voir avec son fils, elle adorait Stephen et ne regrettait pas une seule seconde sa venue, et elle était par ailleurs certaine que si elle avait un second enfant elle l'aimerait tout autant (l'avortement n'avait jamais été une option envisageable pour elle, ni quand elle avait 18 ans, ni maintenant). Le problème était bien qu'elle trouvait la situation anxiogène, par rapport à son couple, pas l'existence d'un bébé en soit.

« J'ai déjà vécu ça, je sais parfaitement ce que je suis sensée faire. L'inconnue dans cette équation c'est toi. La dernière fois que je suis tombée enceinte, le père m'a laissé tomber quelques temps après la naissance, alors si cette fois je le suis aussi, je veux que tu sois sûr de ce que toi tu feras. Moi je le garde, c'est certain. Après tu restes ou tu pars mais je refuse tout entre deux. » Cordélia était remontée mais toute personne la connaissant un tant soit peu savait que chez elle, en cas de situation stressante soit elle se mettait à pleurer, soit elle criait. Autant dire qu'au boulot, elle criait, même si la boite tournait tellement bien qu'elle n'était que rarement angoissée. Comme quoi, il n'y avait vraiment que dans son taff qu'elle était bonne...

« J'ai vu un médecin, j'aurais le résultat de la prise de sang ce soir. » Que dire d'autre ? Honnêtement, rien d'autre ne lui venait tant elle avait l'impression d'avoir déjà vidé son sac, et peut-être même ses poches par-dessus le marché ! A ses yeux, elle pensait que la balle était dans le camp de son petit ami. S'ils avaient un enfant ensemble, cela changerait – en bien ou en mal – leur relation, parce que rien ne pourrait être comme avant. Un enfant ça bouleverse le monde, après tout, son univers à elle n'avait plus jamais été le même après la naissance de Stephen, cela l'avait même fait grandir brusquement, elle qui s'était toujours (et le faisait encore parfois) reposée sur Julia ou sur Jan. Là, si enfant il y avait, cela serait aussi un tremblement de terre dans leur univers... et elle voulait savoir ce qu'il voulait lui car c'était bien la seule chose qui l'angoissait vraiment, peut-être parce que comme deux idiots qu'ils étaient parfois, ils n'en avaient jamais parlé ? Probablement.

De toute évidence, Cordélia était complètement perdue, paumée, et tout autre adjectifs que vous pouvez considéré lui coller sur le front. Mais ce n'était pas la grossesse potentielle qui la stressait, parce que ça, elle pouvait encore le gérer, en revanche, ce qui la traumatisait vraiment beaucoup, c'était qu'elle ne puisse pas deviner à l'avance ce qu'en penserait Nolhan. La seule certitude à avoir dans les minutes durant lesquelles ils discutaient c'était que le fait d'avoir caché leur relation allait appartenir au passé. Allez savoir pourquoi, le fait de porter potentiellement son enfant faisait prendre confiance à Cordélia combien leur comportement était puéril. Elle avait pensé épargné Stephen en agissant de la sorte, mais la seule pour qui elle faisait ça, c'était elle, parce que tant que cela restait un non-dit (car le côté secret avait pris une tournure plutôt casse gueule au file des mois), elle n'avait pas à l'assumer.

Alors, évidemment, elle le laissa réfléchir, se lever, croiser les bras, faire tout ce qu'il voulait. Elle se fichait pas mal de ce à quoi il pensait, le temps restait suspendu pour elle. Il passait à la fois vite et lentement. Vite parce qu'elle ne voulait pas entendre ce que pensait Nolhan de tout ça, elle avait bien trop peur de le perdre (elle n'était forte qu'en apparence), et lentement parce qu'elle ne savait pas si elle ne craquerait pas avant que le résultat de la prise de sang n'arrive.

« J'aimerais avoir d'autres enfants que Stephen. Mais j'y pensais comme quelque chose qui serait planifier cette fois. Enfin, ce que je veux dire, c'est que dans le futur je voudrais d'autres enfants, là, maintenant, cela me semble précipité, mais si c'était le cas, je le garderai, et je tiens à ce que cela soit clair entre nous. Et si cela me semble précipité, ce n'est pas à cause de la durée de notre relation, mais parce que Stephen ne sait même pas vraiment que nous nous fréquentons ! » Stephen avait beau être très intelligent, s'il pensait bien qu'il y avait anguille sous roche, il ne voyait pas du tout Nolhan comme son beau-père, or, dans l'ordre des choses, il faudrait plutôt commencer par là, avant de lui faire un petit demi-frère ou une petite demi-soeur, non ? C'est un peu suivant ce raisonnement qu'elle avait décidé que quoi qu'il advienne côté bébé, si elle restait avec Nolhan, il faudrait éventer le secret une bonne fois.

Et enfin, il l'embrassa, et elle se blottit contre lui, seulement heureuse qu'il soit là pour elle. Elle resta ainsi sans rien dire un moment, puis, doucement, elle se sépara de son étreinte pour lui répondre. « Merci, ça me fait vraiment plaisir, mais s'il n'y a pas de bébé, il faudra qu'on remette les choses en ordre, pour le jour ou ce sera le cas. J'en ai marre de me cacher. » Elle n'en avait pas marre jusqu'ici, mais certaines nouvelles remettent tout en question.

« Se douter de quelque chose et le savoir, c'est très différent. Mais le fait est qu'il faut le lui dire. » Son petit garçon avait presque huit ans, il était en âge de comprendre tout ça, enfin, du moins le fait que non, sa maman ne se marierait jamais avec lui, et qu'elle avait besoin d'un peu de compagnie. Mais depuis qu'il avait l'âge de raison, elle avait toujours vécu seule avec lui... alors, elle devait admettre qu'elle s'inquiétait quand même un minimum.

« Penser à autre chose ? » Cordélia haussa un sourcil. Elle ne pensait à rien d'immédiat, elle pouvait le jurer. L'anxieuse de l'engagement, c'est elle hein ! Cela étant, elle se prenait quand même à s'imaginer avec un nouveau bébé, et ça, c'était plutôt une vision sympa. Surtout qu'elle n'était plus la petite jeune fille un peu paumée qu'elle était à la naissance de Stephen. Maintenant, elle avait un boulot sérieux, stable, qui ne nécessitait plus l'aide extérieur de son père, et elle avait aussi une jolie maison, une vie tranquille quoi... elle n'avait pas pu profiter de la première année de Stephen, elle déprimait à cause de Jan, de ses absences, elle avait même du prendre une très difficile décision... si elle avait un nouveau bébé, elle espérait que cette fois sa grossesse serait pleinement épanouie !

La journée passa, les résultats se faisaient attendre, et Cordélia en était presque à se ronger les ongles. Elle avait pourtant perdu cette habitude depuis longtemps, quand elle était étudiante à Durmstrang en fait. Enfin, sur les coups de 18h, le téléphone sonna et avec lui les résultats tant espérés. Elle avait répondu et sa mine se fit déçu. « Bien, merci. » Puis, elle se tourna vers son petit ami. « C'est négatif, je ne suis pas enceinte. » Elle posa la main sur son cœur qui battait encore à cent à l'heure. « Je pense que c'est mieux comme ça, mais quelque part, je suis quand même un peu déçue. Enfin, il y a le temps. » Plus pour Nolhan que pour elle cela dit. Elle avait trois ans de plus que lui après tout, son horloge biologique tournait eh ! Mais ce serait pour une autre fois... Et dès demain, leur relation ne serait plus un secret, ce qui était déjà un pas vers un peu de stabilité, et surtout plus d'honnêteté. Elle le devait pour continuer à être une bonne mère pour Stephen. Lui apprendre le secret, c'était mal. Elle avait mis du temps à le réaliser, mais maintenant, elle avait bien assimilé ça. Plus de cachotteries, elle allait assumer, comme une grande !