Trésors perdus

PV Opalyne & Ruby Hummingbird

Par cette belle journée de vacances, Ellasandra était seule chez elle, dans sa grande demeure de Lairg. Enfin, non, pas tout à fait seule, puisqu’elle était avec son dernier né, Jensen, âgé de cinq ans. Ses frères et soeurs étaient eux, au travail, et tous vivaient d»ores et déjà dans leur propre appartement. Nathanael vivait à New York, quand il ne voyageait pas aux quatre coins du monde, Haven vivait non loin d’ici mais travaillait à Londres et Heaven, elle, vivait à Londres et travaillait à Pré-Au-Lard. Avec Jensen, elle avait donc encore le temps avant de le voir partir de la maison. Mais ces deux là n’allaient pas rester seuls longtemps. Raphaël leur avait proposé un déjeuner sur le Chemin de Traverse, et rien qu’à l’annonce de ce nom, le bambin avait littéralement sauté de joie. Il adorait cet endroit et pouvait y passer des heures.

La route jusqu’au Chemin de Traverse ne fut pas bien longue, puisqu’Ella transplana en compagnie de son fils dans le Chaudron Baveur, avant d’entrer dans la grande rue commerçante par le passage à l’arrière de la taverne. Elle avançait tranquillement, regardant les différentes étales, les différentes vitrines, faisant quelques achats par-ci par-là. Jusqu’à ce que son fils n’arrête d’avancer et lâche sa main, pour fixer une ruelle qui partait perpendiculairement à la grande rue.

« Eh oh ?»
«Chéri, viens, Papa va nous attendre !»

Jensen crapahutait tout seul depuis quelques années maintenant, mais là, il s’était planté devant une petite allée sombre du Chemin de Traverse -qui n’avait rien à voir avec l’Allée des embrumes- et la fixait avec un grand intérêt. Quand sa mère l’avait appelé, il l’avait regardé avec ses grands yeux bleus, hérités de son père, puis il avait de nouveau fixé la ruelle, comme si quelque chose là-bas l’intéressait bien plus que sa mère ou son père. Ella fit marche arrière pour lui prendre la main, sans jeter un regard à la ruelle. Elle se souciait trop de son fils pour pouvoir voir que deux petites filles étaient là, recroquevillées, avec des bagages. Mas Jensen lui, les avaient bien vu, et il ne comptait pas partir si tôt. Pourquoi étaient-elle là, toutes seules, paraissant si mal ?

«Maman, il y a des petites filles là...»
«Quoi ? Mais non... Oh par Merlin !»

Ellasandra avait finalement jeté les armes et avait porté un regard sur la sombre ruelle. Elle y discerna deux petites formes, deux petites filles, qui semblaient se consoler l’une l’autre, ou quelque chose dans ce style. La rousse fut affolée, puis grandement inquiète. Qu’avaient-elles ? Pourquoi étaient-elles là, avant tant de bagages ? Où étaient leurs parents ? Ella prit son fils par la main et rompu en quelques secondes la distance qui la séparait des deux demoiselles. La ruelle était vraiment sombre, aussi, elle l’éclaira par un sort informulé, sa baguette dans la main. Les deux enfants ne semblaient pas bien vieilles, et n’avaient surement pas plus de quinze ans. L’une blonde, l’autre rousse, elles semblaient tristes et un peu apeurées. C’était normal après tout, quand on trouvait refuge dans une allée comme celle-ci.

« Les filles ? Qu’est-ce que vous faites là ? Ca ne va pas ? Vous êtes toutes seules ?»

Ella était soucieuse. Cela pouvait être une ruse de la part d’un quelconque mage noir, mais elle sentait que quelque chose n’allait pas. Une mère sentait toujours cela. Et elle savait que s’il s’agissait de ses propres enfants, elle serait paniquée. C’est pourquoi elle avait presque foncé, tête baissée, sans trop se soucier du danger. Il s’agissait de gamines, pas de tueuses en série !

La fuite était la seule solution. Après avoir levé la main à deux reprises sur le visage de Jade, Ruby savait que les répercussions auraient été bien trop importantes. Elle ne pouvait pas, elle ne pouvait clairement pas rester mais à côté de ça, elle était parfaitement consciente du fait que.. Que bah ouais, elle était obligée de le faire, elle n'avait pas d'autre solution que de partir et que cela soit facile ou non, elle devait faire avec. Elle ne resterait pas, elle ne resterait pas plus longtemps parce qu'elle ne voulait pas y rester, oui voilà. Mais partir seule n'était pas une solution possible, elle ne pouvait pas se résoudre à abandonner sa jumelle alors qu'elle savait pertinemment que si elle partait sans elle, c'était elle qui prendrait, elle et elle seule. Et non, elle ne pouvait pas se le permettre. Alors oui, elle était montée, d'un seul coup, d'un geste, elle avait couru et elle avait annoncé à sa sœur qu'elle partait et que le mieux pour elle était de partir avec elle. Elle ajouta qu'elle avait levé la main sur Jade à deux reprises et que la vengeance n'en serait que terrible et trop dur. Trop insupportable. Alors non, elle ne pouvait décidément pas rester là. C'était insupportable. Et il fallait juste apprendre à faire avec parce que oui, il n'y avait pas d'autres moyens d'agir. Il fallait faire avec. Point final. Il fallait faire avec et ne surtout pas aller contre tout ça.

Elles prirent autant d'affaires que possible, le plus qu'elles purent et elles filèrent. Direction le chemin de traverse grâce au magicobus. Bien sûr qu'elles ne savaient pas où aller, l'idéal était de fuir cette maison, l'idéal était de disparaître et de ne supporter pas être ici plus longtemps. Mais une fois sur place, elles ne savaient pas pour autant quoi faire bien sûr. Difficile de s'organiser quand on est tout seul et que l'on n'a aucune idée de ce qui serait le mieux à faire, dans un sens, du moins.  « Je sais que je nous ai mis dans l'ennui, j'en suis parfaitement consciente.. Je sais que c'est insupportable.. Mais il faut juste faire avec tu vois..? C'est tellement dur.. Et énervant aussi.. Mais faut qu'on soit fort Lyne. On ne peut pas continuer comme ça, on en est parfaitement incapable.. ». Et ça lui donnait envie de pleurer. La fuite était la seule et unique solution mais à côté de ça.. Ca ne voulait pas non plus dire que ça allait être si simple, sans aucun doute.. Mais.. Au milieu de tout ça, il fallait faire avec, sans aucun doute.. Elles étaient seules mais à côté de ça, au moins, elles étaient ensemble, et c'était ça le plus important.  « Je ne sais pas où on va aller mais tout ça c'est terminé.. ». Elle refusait d'être frappée à nouveau, hors de question. Elle déposa un léger baiser sur le front de sa sœur. C'était le moment d'être forte, oui, c'était surtout maintenant qu'il fallait l'être, il fallait faire de son mieux.

Lorsque cette dame avança vers elle, elle ne s'y attendait pas. Elle voulu protéger sa sœur mais dans le fond, elles ne savaient pas à quoi elles faisaient face et cette femme avait l'air douce, du coup.. Aucune idée. C'était perturbant, d'une certaine manière du moins, il fallait juste apprendre à faire avec, apprendre à faire de son mieux en tout cas. Même si ce n'était pas facile, pas facile du tout. Oui voilà.  « On a fugué.. On ne veut plus jamais rentrer chez nous.. Je ne supporterais pas qu'on lève à nouveau la main sur moi, il en est hors de question.. Je ne veux pas que l'on nous touche encore.. On.. On ne sait pas où aller.. ». Ruby avait beau faire la fière, elle commençait à difficilement retenir ses larmes. L'envie de pleurer se faisait de plus en plus forte.. Quoi de plus normal en même temps.. Là, dans la situation dans laquelle elles étaient.. C'était insupportable.

Depuis combien de temps exactement, Lyne haïssait-elle autant cette maison, et pire encore, ses habitants ? Pour Jade c’était sans doute une date proche de sa naissance… Quand tout avait dérapé, quand leur famille parfaite s’était auto détruite… Ou plutôt, quand cette salle peste avait tout détruit. Elle ne savait pas encore parler qu’elle mettait déjà le bazar partout autour d’elle et brisait la famille !!! Elle avait brisé à tout jamais la famille des jumelles, et pour ça, Lyne lui en voulait depuis très longtemps.

Quant à son père, Lyne n’arrivait pas à donner une date précise… C’était une colère qui avait vu le jour de prime abord, puis un agacement croissant et, finalement, une haine indissociable de tout le restant…

Aussi lorsque sa jumelle passa la voir pour lui dire qu’elle partait, Lyne suivit le mouvement. De toute façon, elle était en colère (et puisque ce jour là, elle n’était pas fâchée contre sa sœur, elle n’avait pas franchement de raison de refuser cette idée). Elles firent donc leurs affaires et hop, elles filèrent. Quelle fugue !

Lyne garda le silence, tandis que Ruby parlait. Elles étaient dans une totale inversion de leurs rôles respectifs ! Lyne muette, Ruby pipelette, il y avait de quoi étonner ! La rouquine avait observé le paysage par les fenêtres du magicobus, pensive. Elle se sentait plutôt vidée là… C’était comme ça depuis le début des vacances. Elle était morne, mangeait sans faim et se fatiguait très vite… Parfois, elle avait même des vertiges.

Ruby et elle étaient assises par terre, dans une ruelle, sans d’options précises devant elle quant à leur devenir… Lyne posa ses prunelles sur Ruby et lui offrit un petit sourire, posant sa tête contre l’épaule de sa sœur.

Quand la dame s’arrêta devant elles, et s’adressa à elles, Lyne se méfia immédiatement. Elle s’énerva lorsque sa sœur balança toute leur histoire à cette inconnue. Furieuse (malgré sa faiblesse et sa fatigue plus que visibles), elle poussa sa sœur (sans trop de violence, elle n’avait pas de forces) et siffla :

« La ferme Ruby ! On la connaît pas. »

Comment sa sœur pouvait-elle faire confiance à cette étrangère par Merlin ! Si elle voulait se faire découper en rondelles, elle aurait pû le dire dès le début ! Lyne ne l’aurait pas suivie. Elle était peut-être blasée, mais certainement pas suicidaire ! La rouquine leva des prunelles claires mais dures vers la femme. Opalyne n’était pourtant pas le genre de fille qui faisait des chichis, mais là quand même, elle savait brancher son cerveau deux secondes ! Que faisait sa sœur, dans cette histoire ?? Ruby n’était-elle pas censée être le cerveau de leur étrange duo ???

Ellasandra fut surprise de la façon dont la jeune blonde lui raconta tout. Elles se faisaient frapper par leurs parents ? Mais bon dieu, quel genre de parents frappaient ses enfants pour qu’ils aient ainsi l’envie de partir, de fuguer ? Ellasandra pouvait comprendre que les demoiselles étaient parties, mais quand même. Où prévoyaient-elles d’aller ? Que prévoyaient-elles de manger ? Elles ne semblaient pas avoir beaucoup de choses avec elles, et surtout, elles paraissaient complètement perdues et désemparées. Alors que la blonde avait tout raconté à Ellasandra, la rousse à ses côtés poussa sa soeur et refusa d’en dire d’avantage. Ella comprenait qu’elle ne voulait pas que leur histoire soit racontée à n’importe qui, mais avant qu’elle n’ai pu dire quoi que ce soit, ce fut son fils, Jensen, qui s’était accroupi devant les deux filles, qui parla.

« Maman elle est gentille !»
«Par Merlin... Depuis quand êtes-vous là ?»

Ella rapprocha son fils d’elle, alors qu’il avait ses grands yeux bleus fixés sur les deux soeurs. Elle devait faire quelque chose. Elle ne pouvait pas, maintenant qu’elle s’était approchée, faire comme si de rien n’était et repartir vers le restaurant où elle devait rejoindre Raphaël. Elle ne pouvait pas, parce qu’elle était une mère, et qu’elle savait qu’elle ne pourrait jamais accepté que l’on traite ses propres enfants comme ces deux petites avaient été traitées. Elle ne connaissait pas l’histoire entière, bien évidement, mais assez pour savoir qu’elles n’avaient pas eut une enfance des plus heureuses.

« Je m’appelle Ellasandra, et voici mon fils, Jensen.»
« J’ai cinq ans !»

Jensen était toujours plus enjoué que sa mère lorsqu’il parlait de son âge. Mais cela, c’était simplement parce qu’il était encore petit. Bientôt, il en aurait déjà marre et arrêterait de donner son âge à tous ceux qu’il rencontrait. Mais bon, pour l’instant c’était plutôt mignon, non ? Enfin bref. Alors qu’il fixait toujours les deux jeunes filles, Ella elle, s’inquiétait toujours autant. Elles ne semblaient pas vraiment en grande forme, et la sorcière ne pouvait décemment pas les laisser dans un tel état !

« Quand avez-vous mangé ? Vous avez faim ? Soif peut-être ? Comment vous vous appelez ? »

Elle semblait avoir plus ou moins compris que la petite blonde s’appelait Ruby, mais l’autre, elle n’en n’avait aucune idée. Et honnêtement, si elle devait s’occuper un peu d’elle, autant qu’elle sache comment elles s’appelaient non ? Bien sûr, peut-être que les deux fillettes n’allaient pas vouloir qu’Ellasandra les aident, mais elle pouvait toujours essayer. Elle savait qu’elle donnerait absolument tout, tout ce qu’elle avait, pour que ses propres enfants soient aidés si jamais ils traversaient une telle situation. Bien évidement, Heaven et Haven avaient d’ores et déjà leurs chez eux, ils n’avaient plus besoin d’aider, Nathanael non plus d’ailleurs... Mais si jamais Jensen avait des problèmes et qu’il se retrouvait à cet endroit également... Oui, elle aimerait que quelqu’un de bien attentionné s’occupe de lui, ou du moins, lui prête un peu d’attention...

Oui bon, peut être que Ruby avait un peu trop parlé, elle s'en était rendue compte dès le moment où elle s'était tue. Mais il fallait quand même bien avoué qu'elles étaient dans une situation dangereuse et très problématique. En clair, c'était loin d'être facile, très loin d'être facile. Et ça pouvait aisément devenir un gros problème. Et on aurait beau dire ce que l'on voulait, ce n'était pas ça qui allait faciliter les choses, loin de là, très loin de là même, si on voulait vraiment tout savoir. Ca pouvait facilement être une grosse prise de tête, un gros problème aussi. Mais bon, du coup oui, cette femme n'était peut être pas là pour son bien et ça pouvait facilement être une grosse prise de tête, quoi que l'on en dise. Il faudrait seulement apprendre à faire avec, quoi que l'on puisse bien en dire, d'ailleurs. Mais ça pouvait facilement devenir super énervant, super chiant et tout ça. Mais bon, ce n'était pas non plus comme si on pouvait faire autrement, et c'était souvent là que se trouvait le problème. Et on aurait beau dire ce que l'on voulait, ce n'était pas ça qui allait être simple. Ca ne pouvait pas l'être d'ailleurs. Non voilà.  « Je sais ! Mais bordel Lyne, on est toute seule.. ». Et on aurait beau dire ce que l'on voulait, ce n'était pas ça qui allait rendre les choses plus simples, loin de là même. Et ça pouvait facilement devenir une grosse prise de tête, en plus de ça, si on voulait tout savoir. Enfin bon, tout ça pour dire que ouais, la situation laissait à penser que oui, elles ne pouvaient faire confiance à personne mais à côté de ça, ça ne voulait pas pour autant dire que les choses allaient être aussi facile qu'on pouvait bien le vouloir. Loin de là, même, si on voulait tout savoir. C'était loin d'être facile. Très loin. Et puis elles n'avaient que douze ans. Elles avaient besoin d'aide. Et pour cela, il fallait qu'elles parlent. Il fallait qu'elles disent quelque chose. Et ça pouvait être bien compliqué oui, elle en était absolument convaincue. Et puis elle avait un enfant, et son enfant avait l'air cool, et il avait l'air de ne pas être un enfant pourri gâté comme sa mère.. Du coup, bah ouais, elle se permettait d'y croire, au moins un peu. Et on ne pouvait clairement pas lui en vouloir pour ça non ? Lorsque l'on ne peut pas faire confiance à son propre père, on essaie de chercher un peu d'aide ailleurs.. Même si c'est loin d'être facile. Très loin même.. Mais on fait de son mieux. Ne serait-ce qu'un peu..

Du coup non, elle ne comptait pas se taire.  « Depuis ce matin. ». Et au final, elle ne savait même pas pourquoi elles étaient venues ici, peut être dans l'espoir de rencontre quelqu'un, d'avoir de l'aide, allez donc savoir. En tout cas, elle n'en avait pas la moindre idée et ça pouvait facilement devenir sacrément énervant et ce, pour n'importe qui, d'ailleurs. Mais bon, à côté de ça, il fallait juste apprendre à faire avec, apprendre à aller de l'avant, ce genre de chose. Il fallait faire de son mieux, et c'était bel et bien là la toute dernière chose qu'elle savait. Ce qui était loin d'être facile, d'ailleurs. Mais il fallait juste apprendre à faire avec, quoique l'on puisse bien en dire, d'ailleurs. Il n'y avait pas d'autres choses à en dire. Et puis ayant un peu d'argent ( pas de quoi en faire toute une histoire par contre ), elles auraient pu grignoter deux trois petites choses, peut être. Pas un repas entier bien sûr, mais ça aurait déjà été ça.  « Moi c'est Ruby ». Et elle laissa à Opalyne le loisir de se présenter si elle le voulait. Après, libre à elle. Ruby avait prit la décision de parler mais c'était son choix à elle, pas celui de sa jumelle. Donc si elle voulait parler, elle aurait tout le temps qu'elle voudrait pour le faire. Point barre.

Et d'ailleurs, même si elle ne savait pas pour Opalyne, Ruby devait bien avouer que oui, elle avait faim, oui elle avait soif. Et elle manquait de force, aussi d'ailleurs. Elle en avait marre. La situation devenait impossible là. Et elle ne savait pas de quoi serait fait le reste de la journée. Et pour l'heure, et bien oui, elle avait envie de lui faire confiance, elle avait envie de croire à cette femme qui se montrait à ce point chaleureuse.  « Moi j'ai faim ! ». Et elle n'avait que treize ans, elle n'était encore qu'une enfant après tout. Alors oui, il y avait l'innocence de l'enfance, encore aujourd'hui. Que cela plaise aux gens ou non, d'ailleurs. Mais ça n'y changerait rien. Elle en était parfaitement convaincue. Ruby essayait de ne pas mentir, et on n'allait pas le lui reprocher. Elle voulait juste avoir une vie normale, elle voulait juste avoir de la chance. Elle voulait juste pouvoir faire son possible, de son mieux et tout ça, que cela soit faisable ou non, d'ailleurs. Elle priait, point barre.  « Allez Lyne ! Elle a l'air gentille.. »

Si Ruby avait décidé d’être stupide, Lyne quant à elle comptait camper sur sa position. Comment sa sœur pouvait-elle faire confiance aussi aveuglément à une totale inconnue bon sang ! C’était vraiment trop ridicule ! Ceci étant, Lyne était faible. Pas qu’elle soit sous alimentée, non, mais elle se sentait juste vraiment mal. La tête lourde, les oreilles qui bourdonnent, mal au cœur et le sentiment que le sol ondule tandis que tout semple tourner étrangement sous ses yeux bleus. Sa peau était plus livide que jamais et ses joues rouges comme si elles avaient été chauffées à vif. Elle avait chaud et froid en même temps, et avait très certainement de la température. Mais malgré tout, elle refusait de faire confiance. Parce qu’avec ses quelques années de vie, si elle avait bien compris une chose c’était qu’on ne pouvait se fier à personne. Surtout pas aux adultes !

Quand Ruby lui répondit, Lyne se contenta de soupirer. Elle était trop mal pour luter de toute façon. Et elle se sentait trahie par tout le monde à présent, y compris par sa sœur. La rouquine relâcha alors son étreinte, et abandonna le combat. Elle ne pouvait faire confiance à personne. Même pas à Ruby. Alors puisque c’était comme ça qu’elles en finissent donc une bonne fois pour toute ! Qu’on les tue et qu’on en finisse bon sang ! Elle se sentait à deux doigts de tourner de l’œil et en venait même à espérer qu’elle pourrait peut-être mourir ici. Comme ça au moins on ne lui ferait plus jamais de mal. Parce que son petit cœur était si meurtri qu’elle en venait à se demander si un jour il pourrait à nouveau être fonctionnel.

Alors que Ruby répondait à cette femme, Lyne s’entêtait dans son silence. Elle refusa de s’adresser à sa sœur et à cette inconnue. Qu’elles partent toutes les deux si c’est ce qu’elles veulent bon sang ! Pour le moment, tout ce qu’elle voulait c’était qu’on la laisse enfin en paix ! Et alors qu’elle pensait à ça, les yeux rivés vers le sol de pierres chauffées par le soleil, elle sentit ses dernières forces l’abandonnaient et tourna de l’œil. Enfin on la laisser tranquille ! Sa vue devint sombre après une ultime lutte (vaine) contre ce monde d’inconscience. Sa seule et unique pensée qui lui traversa l’esprit, juste avant de ne plus avoir accès à cette capacité-ci fut : ‘je vais peut-être enfin mourir’. Plutôt sombre pour une fillette de treize ans, c’était certain.

Lyne perdait la foi, elle perdait espoir et, surtout, elle n’avait plus confiance. Toutes ces trahisons l’avaient tellement atteintes qu’elle préférait cesser de croire aux adultes. Parce qu’ils sont tous des menteurs, des beaux parleurs et ils sont tous méchants, en fin de compte. Elle était fatiguée et elle en avait assez de se battre contre des forces qu’elle ne pouvait, de toute façon, pas dominer.

Ella avait eut son dernier enfant, Jensen, il y avait de cela cinq ans. Maintenant, il était un beau petit garçon, et jamais Ella n’aurait pensé avoir de nouveaux des enfants. Elle se faisait vieille malgré les apparences, et elle avait d’ores et déjà dépassé la quarantaine. Elle avait quarante quatre ans désormais, et ce n’était plus à cet âge là qu’on devenait une nouvelle fois maman. Pas par voie naturelle en tout cas. Même si sa dernière grossesse n’avait pas été une grossesse à risque, maintenant, elle allait éviter d’avoir de nouveau un enfant, en étant enceinte tout du moins.

Bien sûr, elle ne pensait pas non plus adopter. Elle avait deux enfants, déjà bien grands, Haven et Heaven, les jumeaux, et elle les aimaient énormément. Puis il y avait Nathanael également, qui, même s’il n’était pas son fils biologique, était tout de même une personne en qui elle avait placé de grands espoirs. Et c’est pourquoi elle le considérait comme son propre fils. Elle ne voyait pas d’inconvénient là-dedans, Nathanel savait de toute manière très bien qu’Ella n’était pas sa mère... Mais il ne la dénigrait pas à cause de cela, ce qui était une bonne chose. Ils ne se disputaient pas, ou très peu, et pour des sujets très sérieux, que Nathan prenait parfois un peu trop à la légère, mais sinon, tout se passait très bien. Puis il y avait eut Jensen. Le petit garnement avait rendu la maison bien plus bruyante, bien plus animée, et en fait, ce n’était pas plus mal. Les trois grands l’aimait et le couvrait de cadeaux, donc tout allait bien...

Et de ce fait, Ella ne pensait jamais ressentir une nouvelle fois l’envie d’être maman, d’être une personne importante pour un enfant... Et pourtant, là, devant ces deux petites filles, ces deux enfants perdues, elle ne pouvait se résigner à les abandonner . Elle ne savait pas pourquoi, mais c’était comme cela. Elle ne pouvait tout simplement pas passer son chemin, elle ne le pouvait plus. Bien sûr, elle aurait pu, si elle le désirait, les ramener de force chez leurs parents, mais là, elle ne pensait pas que cela était une bonne idée. Sauf si elle voulait brider l’évolution des deux jeunes filles. alors que la blondinette lui répondit qu’elle avait faim, et alors qu’elle essayait de persuader sa soeur, Ella elle, jeta un coup d’oeil vers la rue principale. Les gens passaient sans s’arrêter, sans se soucier de ce qu’il se passait dans cette petite ruelle.

Cependant, tandis que «Lyne» haussait les épaules, elle sombra également dans une espèce d'inconscience. En gros, elle était tombée dans les pommes. Bien, elles n’allaient pas manger tout de suite visiblement. Ellasandra ne pouvait pas laisser la petite rousse dans cet état, là, dans cette sombre ruelle. Son instinct de mère ne pouvait décemment pas la laisser faire une chose pareille. Elle se releva alors rapidement, portant tant bien que mal la petite rousse contre elle et fixa Ruby droit dans les yeux.

« Ruby, tu vas venir avec moi. On va emmener ta soeur à Sainte Mangouste, d’accord ? Jensen, chéri, accroche toi. Ruby, prends mon bras, tu veux ?»

Lorsqu’elle fut sûre que Ruby et son fils étaient bien accrochés, Ellasandra transplana, directement à Sainte Mangouste. Elle préviendrait son mari plus tard, ce n’était pas un souci, le souci principal pour le moment, était de prendre soin de Lyne. Et ausi, de nourrir la pauvre petite Ruby, qui mourrait de faim.