[Chaudron Baveur] - Des filles et des coeurs brisés - PV

Dans la vie, il y a des choses agréables, d’autres désagréables, et puis il y a tout le reste. Un flux de données, d’évènements, de sentiments qui varient entre ces deux degrés opposés de sensation. Récemment, Keira avait touché le fond du ‘désagréable’. Bien que ce soit elle qui ait choisi de mettre fin à cette relation qui ne menait plus nulle part, elle avait souffert. Vraiment beaucoup souffert. Et alors qu’elle s’éloignait de cet être qu’elle avait tant aimé, et qu’au fond, elle le savait, elle aimerait sans doute toujours, ses peurs, ses fantômes du passé remontèrent à la surface. Pendant toute la période durant laquelle elle était sortie avec Kaïn, elle avait cessé d’avoir peur, de se méfier excessivement des hommes. Naïvement, elle s’était convaincue qu’à présent, elle avait un homme bien dans sa vie et qu’elle ne risquerait donc plus rien. Louis était loin, Raphaël lui avait même effacé la mémoire et elle n’avait pas revu Shiro depuis des années… Elle avait regagné confiance en elle… Du moins jusqu’à ce qu’elle se retrouve à nouveau seule.

Keira avait toujours été très dépendante. La solitude n’avait jamais été son fort. Elle avait besoin d’être dans une foule, d’être entourée, dans du bruit, de l’agitation. Elle ne supportait pas le silence, ni même l’immobilité. La période Louis l’avait beaucoup calmée cependant. Il lui en avait fait voir de toutes les couleurs, alors elle s’était adaptée, parce qu’elle l’aimait… A sa manière… Cependant, quand elle fut totalement délivrée de cette liaison destructrice, elle se sentit particulièrement affaiblie. Et alors qu’elle avait réappris à vivre avec Kaïn, elle se sentait à nouveau particulièrement démunie, alors que son petit ami devenait un ‘ex petit ami’ comme tant d’autres avant lui… Bien qu’elle lui attacha une importance bien supérieure à nombre de ses ex qu’elle avait enchaînés.

Rapidement, Keira avait dû se trouver un autre appartement, vivre dans un autre quartier de Londres, très loin de celui où elle avait découvert le bonheur dans les bras de Kaïn. Elle ne se sentait pas la force d’arpenter ces mêmes rues en sachant que plus jamais ils n’auraient l’occasion de s’embrasser, que jamais plus elle ne pourrait le toucher comme elle l’avait fait à diverses reprises. Il lui manquait tellement… Ce matin, alors que Keira s’éveillait, affrontant cette nouvelle journée le cœur serré, elle se glissa difficilement dans sa salle de bain. Douchée, elle se coiffa, s’habilla, se maquilla et quitta son appartement. Elle passa la journée à travailler et doucement, elle parvint à faire passer sa douleur en arrière plan tandis qu’elle se concentrait sur sa musique. Sa voix, brisée, résonnait dans le micro, tandis que ses doigts se déplaçaient sur sa basse.

A la fin de la journée, la rouquine discuta un moment avec Roze, tandis que Raphaël et Luc s’éclipsaient rapidement. Finalement, les deux filles du groupes se séparèrent à leur tour et Keira se retrouva là, au milieu de Londres, à ne plus vraiment savoir quoi faire… Elle n’avait envie de rien, se sentait démoralisée d’un coup et ne savait plus que faire… Elle ne voulait pas rentrer. Surtout qu’elle n’était pas sûre du tout qu’Elyna serait là et qu’elle ne voulait vraiment pas se retrouver toute seule chez elle. Elle se mit donc à marcher et ses pas la menèrent finalement au Chaudron Baveur… Pourquoi pas, après tout… Elle passa le seuil et s’installa en retrait pour profiter pleinement de l’agitation en adoptant un promontoire adapté à l’éveil des sens. Ses cheveux roux étaient légèrement en bataille, ses boucles ayant été emmêlées par le vent qui soufflait puissamment dehors. Elle était habillée plutôt simplement (par rapport à ses habitudes, j’entends) : un jean noir, une blouse bleue qui faisait ressortir à la fois ses yeux, ses cheveux et sa peau d’un blanc laiteux. Elle était maquillée très simplement : le minimum syndical. Elle commanda du whisky et fit doucement tournoyer son verre dans sa main, observant les glaçons fondre, sans plus ciller, écoutant l’agitation alentour et jetant, de temps en temps, un regard à la scène qui s’animait sous son regard vide.