Les larmes d'une poupée [PV]

Alice pleurait rarement. Enfant abandonné à la naissance, petite fille adoptée par des gens qui n'avaient pas pu mentir sur la filiation des enfants (on aurait eu du mal à leur faire croire que Nasira et Alice étaient vraiment sœur biologiquement parlant), voleuse à ses heures perdues, pauvre en permanence, elle n'avait jamais vu l'intérêt de pleurer. Bien entendu, elle avait été bébé elle aussi, et elle savait qu'elle avait eu les pleurs comme mode de communication à un moment dans sa vie, et elle se souvenait avoir aussi fait des caprices lorsqu'elle se disputait avec Micah. Mais elle ne pensait pas que ça compte vraiment. Le fait était qu'elle ne fonctionnait pas par auto-apitoiement et qu'en général, elle cherchait une solution sans se préoccuper du problème.

Seulement, là, il n'y avait pas vraiment de solution, aussi avait-elle sangloté tout au long du chemin qui menait à la salle des Gryffondors, et puis elle avait attendu son grand frère sans cesser de pleurer. Lorsqu'il était arrivé, elle s'était jetée dans ses bras et elle avait été incapable de lui expliquer ce qui s'était passé dans un premier temps. Puis elle lui raconta. Il la consola du mieux qu'il put (il n'y avait pas grand chose à faire mais elle avait juste besoin d'une présence) et elle resta blotti dans les bras de son frère assez longtemps. Même si Alice était parfois jalouse de Nasira qui était très grande pour son âge et super belle, elle se disait aussi que lorsqu'elle grandirait, elle ne pourrait plus rester dans les bras de son frère comme elle le faisait maintenant à la moindre occasion. Elle ne pourrait plus monter sur les genoux de Nasira, ou de leur mère. Elle ne pourrait plus jouer aux petites voitures avec Micah (même si ce dernier passe-temps n'était pas vraiment son activité préféré, soit). Donc finalement, grandir, ce n'était pas forcément si drôle que ça.

Comme son gros chagrin n'avait pas de solution, elle finit par sécher ses larmes et par rendre sa liberté à son frère. Mais il lui promit de venir plus tard l'aider à chercher...

Car le sujet du chagrin d'Alice était qu'elle avait perdu quelque chose de vraiment précieux pour elle. Une chaîne avec son signe astrologique en plaqué or que son père lui avait offert pour ses six ans. Cela pouvait paraître anodin, en plus, ce collier n'avait pas vraiment de valeur financière, mais son père l'avait acheté de façon honnête, en travaillant pour avoir de quoi acheter de vrais cadeaux à ses quatre enfants pour leurs anniversaires respectifs. De l'argent mis de côté, divisé par quatre, qu'il n'avait pas touché de toute l'année pour autre chose que ce pour quoi il avait travaillé. En général, les cadeaux étaient fabriqués ou volés ou achetés avec de l'argent volé (ce qui revenait au même selon Alice), mais là, non. Et il avait fallu que son père travaille sérieusement pendant un moment pour ça. Plus que le bijou lui-même, c'était tout ce qu'il représentait qui importait à Alice. Leurs parents adoptifs à ses frères, sœur et elle les aimaient vraiment. Ils n'étaient pas parfaits, pas honnêtes, pas riches, mais ils éprouvaient de sincères sentiments pour eux.

La promesse de son frère l'avait rassérénée et elle avait décidé de continuer à chercher aussi. Mais pas tout de suite. Elle fit mine de partir pour que Mattew rentre dans sa salle commune, puis, elle s'était assise sur les marches, pensive. Quelques minutes plus tard, une jeune fille de la même maison que Mattew s'arrêta à côté d'elle. Alice leva les yeux. Elle réalisa alors qu'elle devait les avoir tout rouges d'avoir pleuré. Aussi baissa-t-elle le nez, un peu trop vite pour que ça soit honnête... « Bonjour... » Murmura-t-elle alors, par politesse, et peut-être aussi pour inviter la jeune fille à passer son chemin...