Depuis le début du mois d’octobre, les journées à Poudlard étaient redevenues mornes et pluvieuses. Les feuilles écarlates fraîchement tombées des arbres étaient emportées par des trombes d’eau, et les terrains commençaient à devenir boueux, ce qui rendait malaisée la tâche de se rendre en cours de Soins aux Créatures Magiques, ou à ceux de Botanique. Pour autant, Alexandra ne détestait pas ces longues périodes de l’année où l’Angleterre retrouvait ses couleurs habituelles ; bien qu’elle n’affectionne pas particulièrement la boue ou les odeurs rances qui s’échappaient des sous-bois lorsque les souches étaient humides, elle aimait le bruit de la pluie. Ce son avait quelque chose de reposant et d’agréable. Néanmoins, ces temps peu favorables à une sortie dans le parc l’empêchaient de s’entraîner au Quidditch avec Arthur. Depuis un mois qu’elle avait commencé, elle s’en sortait de mieux en mieux, mais elle aurait préféré pouvoir monter sur le vieux balai qu’elle empruntait à l’école plus régulièrement. A ce rythme-là, il lui faudrait encore des années pour parvenir à jouer dans l’équipe des Serdaigle, et elle doutait fort qu’elle puisse se souvenir de la façon dont il fallait piloter un balai après de si longues pauses. Et puis, Arty se lasserait certainement de jouer les professeurs, au bout d’un moment, même s’il ne paraissait jamais réellement agacé.
Quoi qu’il en soit, en ce jour pluvieux, la majorité des élèves étaient retournés dans leurs salles communes. Une équipe de l’école -Alexandra n’arrivait pas à voir laquelle depuis la fenêtre d’une des grandes tours- était en train de s’entraîner en vue du premier match de la saison. Mais en dehors, ses camarades avaient préféré le confort et la chaleur du château. Ennuyeux. La jeune Serdaigle n’avait vraiment pas grand-chose à faire à l’intérieur, et elle n’avait pas non plus envie de travailler son devoir de Métamorphoses –il restait trois jours, c’était bien suffisant, non ?-. Que pouvait-elle donc bien faire pour chasser son ennui ?
Prise d’un soudain élan d’inspiration, Alexandra décida de faire un petit tour à l’extérieur, pour profiter du calme et essayer de mettre un peu de vie dans sa journée morose. Elle avait lu dans son Bestiaire, quelque chose qui l’avait tout particulièrement intéressée, et dont elle voulait vérifier la véracité. Car oui, même si Alex lisait un nombre incalculable de livres en très peu de temps, ce n’était pas pour autant qu’elle
croyait tout ce qui y était écrit. Et puis elle se sentait l’âme d’une scientifique, aujourd’hui. Ce serait certainement une bonne occasion de faire quelques expériences.
Vêtue de sa cape de l’école afin de se protéger du vent et de la pluie, Alexandra traversa à grands pas le parc, et couru s’abriter dans les serres. A cette heure-ci, et surtout par ce temps-là, même le Professeur Chourave avait préféré rester dans une des salles du château qui comportait une cheminée. Bonne nouvelle. Au moins comme ça, la jeune Bowman pourrait faire
tout ce qu’elle voulait sans être enquiquinée par qui que ce soit. Enfin. Ce n’était pas comme si elle comptait faire quoi que ce soit d’illégal, ou d’interdit pas le règlement, non. Mais bon, elle préférait être tranquille dans le but d’éviter toutes les questions gênantes.
Car elle comptait faire une expérience
grandiose.
Ouvrant la porte des serres avec milles précautions pour ne pas faire trop de bruit, Alexandra jeta un regard circulaire à la pièce, et constata qu’elle était bel et bien seule. Elle alluma la lumière, puis passa devant un bon nombre de plantes en pot qu’elle avait étudiées depuis qu’elle était arrivée à Poudlard. Aussi se rappela-t-elle qu’il valait mieux ne pas s’approcher trop du Filet du Diable qui reposait paisiblement dans sa motte de terre, et qui aurait vite fait de l’étouffer à l’aide ses affreuses tentacules verdâtres. Sereinement, la jeune fille se dirigea vers l’armoire et l’ouvrit pour chercher deux ou trois bricoles. Ainsi, elle emprunta un pot, un peu de terre, une petite pelle, et des graines de ce qu’elle savait être du blé. Par contre, la présence de ce genre de graines était plutôt inhabituelle, puisqu’en général, Chourave préférait étudier des choses qui, si trop inoffensives, ne l’intéressaient pas vraiment. Elle devait certainement avoir un petit côté Hagrid sur les bords…
Haussant les épaules, Alexandra émit la brève hypothèse que Poudlard faisait peut-être pousser son blé pour confectionner son propre pain. Voilà une théorie qu’elle aurait à vérifier lorsqu’elle en aurait le temps, mais pour ça, il lui aurait fallu savoir
comment accéder aux cuisines. Chose que personne sans son dortoir ne semblait savoir. Enfin. Pour le moment, la présence de ce genre de graines l’arrangeait plus que ne l’intriguaient. D’un geste expert –on s’occupe du jardin des vieux de son quartier ou pas-, la blonde déposa un peu de terreau au fond du pot, sema ses graines, et tassa le tout à l’aide de sa pelle. A présent, il n’y avait plus qu’à attendre que le travail de la nature se fasse.
« Je me demande si le blé sorcier va pousser plus vite que le blé moldu… » s’interrogea-t-elle à voix haute, avant de s’assoir sur le sol froid des serres de botaniques.
Car oui, Alexandra ne pouvait clairement pas attendre aussi longtemps, si elle voulait que son expérience soit réalisée au plus vite. Pour favoriser la croissance d’une plante, il fallait lui parler, n’est-ce pas ? S’armant donc de son sourire le plus candide, Alexandra se rapprocha du minuscule pot fraîchement confectionné, et susurra aux graines.
« S’il vous plaît, dépêchez-vous de pousser, d’accord ? J’ai besoin d’un champ de blé. Dans le genre heu… là, toute de suite. C’est possible ? » Un bruit sourd se fit entendre de l’autre côté des serres. Alexandra se redressa brusquement, et scruta l’obscurité pour essayer de voir s’il y avait quelqu’un d’autre de présent. Par ce temps ? Dans les serres ? Même Chourave ne s’y serait pas risquée. Qui donc pouvait-être assez fou pour venir ici à cette heure-ci ?
« Qui est là ? Je vous préviens, je suis armée… » jugea bon de préciser Alexandra, en brandissant la petite pelle dont elle s’était servie pour tasser la terre.
« Et je n’hésiterai pas à m’en servir. » ajouta-t-elle, en regrettant de ne pas avoir quelque chose de plus impressionnant et de menaçant. Comme une batte de baseball, par exemple.
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