Une timide arrivée

Lisa montait doucement les escaliers menant au dortoir des filles, songeant à la soirée qui venait de se dérouler. Un monde nouveau s'offrait à elle, et tout cela était tellement incroyable ! Comment une chose telle que la magie pouvait exister ? Jamais elle n'aurait pu s'imaginer un tel endroit. Son arrivée à Hogward avait été mouvementée, tout d'abord à cause de la traversée en barque, puis ensuite avec la répartition. Le Choixpeau Magique l'avait envoyée à "Poufsouffle". Le nom lui avait déjà beaucoup plu, mais elle avait ensuite été très satisfaite des autres élèves appartenant à cette maison. Ils avaient tous l'air très gentils, contrairement aux Serpentard qu'elle n'aimait pas beaucoup.

*J'espère ne jamais avoir à les rencontrer, ils risquent d'être très désagréables avec moi et je n'ai pas envie de me faire des ennemis* songea-t-elle en atteignant la porte du dortoir.

Sortant de ses pensées, elle tourna lentement la poignée, espérant que personne ne serait réveillé par cette intrusion. Pourvu que ses camarades de chambres soient là et l'aident à se mettre à l'aise ! C'était la toute première fois qu'elle quittait ses parents aussi longtemps, et elle devait bien admettre qu'une peur la tiraillait. Et si elle n'arrivait pas à s'intégrer ? Et si tout le monde la repoussait ? Non, c'était inimaginable, elle avait tellement envie d'appartenir à ce fabuleux univers de la magie, et d'apprendre de nombreux sorts et autres enchantements...

Au moment où elle allait pousser la porte, elle hésita une seconde et s'arrêta dans son élan, puis ferma les yeux et expira doucement, tentant de contrôler l'angoisse qui prenait peu à peu le contrôle sur sa raison. La timidité n'était pourtant pas un problème pour elle, mais cette situation était différente.

*Calme-toi, et puis normalement tes bagages sont déjà là. Si tu te sens seule, tu pourras toujours ranger tes affaires ou jouer avec Simba, qui doit tranquillement dormir sur le lit !*

Rassérénée par le fait que son chat adoré l'attendait dans la pièce où elle s'apprêtait à entrer, elle esquissa un sourire et s'avança. La porte grinça, mais elle ne pouvait rien faire à part espérer que personne ne soit déjà en train de dormir...

Non, personne ne dormait. En tout cas, pas Susan. La fillette avait même l'air carrément paniquée. Agenouillée au pied de son lit, échevelée et les joues rouges, elle fouillait dans sa valise, lançant sans ménagement du linge sur son lit. De toute évidence, elle avait égaré quelque chose et cette situation l'agaçait tant qu'elle n'entendit même pas le petit grincement de porte - Poudlard était trop pauvre pour investir dans de l'huile - indiquant l'entrée d'une Poufsouffle dans le dortoir.
D'un air hautement dramatique, la petite brune finit par se lever d'un bond avant d'arpenter la pièce dans le sens de la longueur, en répétant sur un ton catastrophé (et même ca-tas-tro-phé) :

- Mais c'est pas vrai, mais c'est pas vrai, mais c'est pas vrai, mais c'est pas...

Ah ? Extinction de voix ? Certes non, il en fallait plus que cela pour pousser les cordes vocales bonesiennes à bout. La jeune sorcière venait juste d'apercevoir Lisa, sur le pas de la porte.
Elle se stoppa net, la bouche grande ouverte, une main en l'air et un pied levé, ce qui était le comble du ridicule.
Très gênée, elle reprit une posture un peu plus digne d'une Poufsouffle et adressa un grand sourire à la nouvelle venue tout en songeant très fort :

* Oh non ! Oh nonononononon ! Non seulement elle va me prendre pour une folle, mais en plus elle va fuir. Euh ? C'est quoi son nom ? *

Elle se maudit de ne pas avoir la conscience préfectorale d'Alexander qui lui, donnait toujours l'impression d'avoir appris par coeur la liste des noms de tous les élèves de cette école, y compris des nouveaux venus, à tel point qu'il ne se trompait jamais et n'oubliait rien. Susan avait encore beaucoup de travail à faire, de ce côté là.
En attendant, elle toussota pour se donner une contenance avant de demander d'une voix fluette mais néanmoins chaleureuse :

- Salut, tu es nouvelle ?

* Non, sans blague ? *

- J'ai perdu mon Gaffiot...

* Comme si ça l'intéressait *

- Il y a un lit libre près de cette fenêtre si tu veux, ou un autre à côté de l'armoire... Tu veux que je t'aide à t'installer ?

* Après ta déplorable entrée en matière, Susan, il y a peu de chance pour qu'elle accepte que tu touches à ses affaires. *

- Ah ! Au fait, je suis Susan Bones, enchantée et sois la bienvenue à Poufsouffle.

La jeune Poufsouffle ne savait pas réellement à quoi s'attendre. On lui avait dit, lors du repas suivant la cérémonie de répartition, que les chambres étaient très chaleureuses et bien décorées, avec de longs rideaux et des lits à baldaquins qui donnaient envie de faire la grasse matinée tous les jours. Aussi, elle ouvrit de grands yeux étonnés lorsque que son regard se posa au centre de la pièce.

Cela dit, c'était loin d'être pour la même raison qu'elle pensait... En effet, une autre jeune fille, l'air un tout petit peu plus âgée qu'elle, faisait les cent pas en répétant inlassablement la même phrase. Le ton de sa voix ne laissait aucun doute sur son humeur : apparemment, quelque chose la contrariait, et même beaucoup...

L'angoisse de Lisa revint au galop. Comment allait-elle être accueillie ? Et si on l'envoyait balader parce qu'elle était arrivée au mauvais moment ?

*Espérons que mon arrivée ne l'ait pas dérangée...*

Oups, Susan venait de s'apercevoir que quelqu'un d'autre se trouvait là. Lisa sourit en voyant sa posture quelque peu inhabituelle, ce qui l'aida à se détendre un peu. Certaines autres personnes auraient pu être soupçonneux quant à l'équilibre mental de Susan, mais pas elle : la mère de Lisa ne cessait de répéter que chaque personne sur cette terre possédait un petit grain de folie qui rendait le monde plus joyeux.

Son sourire s'élargit lorsque son interlocutrice lui adressa la parole d'une façon extrêmement chaleureuse et accueillante. Sa question permettrait à Lisa de se présenter. Mais avant qu'elle n'ait pu répondre, sa nouvelle connaissance enchaîna sur la raison pour laquelle elle s'était comportée de cette façon à son entrée. Une justification qui lui semblait certainement nécessaire, histoire de ne pas être prise pour une folle furieuse.

- Oh... J'espère que tu le retrouvera vite, lança Lisa en rougissant.

Elle ne savait pas ce qu'était un Gaffiot, mais ne voulant pas passer pour une ignorante, elle préféra se taire et faire comme si... Que penserait Susan sinon ? D'accord, ses parents étaient moldus et il y avait quelques mois de ça, elle n'imaginait même pas qu'un tel monde puisse exister, mais tout de même. Elle en faisait désormais partie, et devait s'adapter au maximum.

*Dès que je saurais où se trouve la bibliothèque, j'irais vérifier ce terme !*

Susan se présenta ensuite, et les yeux de Lisa brillèrent lorsqu'elle lui proposa son aide. Elle était rassurée de pouvoir compter sur une personne de sa maison qui était prête à lui filer un coup de main, car jamais encore elle ne s'était sentie aussi seule. Ses parents lui manquaient déjà tellement...

- Je crois que je vais prendre celui près de la fenêtre, dit-t-elle avec un nouveau sourire en jetant un oeil sur le duvet. Simba a déjà choisi pour moi, apparemment !

D'un pas sautillant, elle se dirigea vers son chat et le prit dans ses bras, lui offrant une caresse. Il se mit à ronronner et à lécher sa joue.

- Et moi, je suis Lisa, répondit-elle en posant de nouveau son regard sur Susan. Je te remercie pour ton aide, et j'accepte avec plaisir. Je suis très heureuse de faire partie de cette maison !

[HJ : si je mets un peu de temps à répondre, j'en suis désolée, la fac donne beaucoup de boulot ^^ Je passerais certainement mercredi ^^]

(Pas de problème, étant pour ma part en prépa, je suis rarement connectée en semaine !)

Un peu rassurée en constatant que visiblement, Lisa ne lui tenait pas rigueur de se monter à ce point inintéressante et étrange, Susan se détendit un peu tandis que ses joues prenaient une jolie teinte écrevisse restée trop longtemps dans l'eau bouillante, sa préférée ces derniers.
Comme beaucoup de Poufsouffle, la fillette était d'une timidité maladive et manquait cruellement de confiance en elle. Mais pour l'heure, son rougissement facial n'avait rien à voir avec de l'introversion. Elle se sentait tout simplement honteuse à l'idée de s'être donnée en spectacle face à une fillette d'apparence aussi sympathique que Lisa. Elle allait certainement se poser des questions sur sa santé mentale et, même si pour l'instant elle faisait mine de ne s'être rendue compte de rien, nul doute qu'elle l'éviterait, à l'avenir.

La brunette adressa un sourire tremblotant de reconnaissance à Lisa. Les rôles étaient complétement inversés : si Lisa n'était pas avec ses valises dans les mains, on aurait sans peine pu penser que c'était Susan, la petite nouvelle mal à l'aise et Lisa l'aînée réconfortante.
Elle piqua du nez en direction de ses chaussures d'uniforme, comme s'il s'agissait d'un objet d'art particulièrement magnifique et se mordilla la lèvre avec nervosité.
Finalement, elle parvint à articuler d'une petite voix presque inaudible :

- Oh merci... Je dois l'avoir oublié à la maison...

Elle laissa sa phrase en suspens. Qu'est ce que Lisa allait penser d'une idiote qui n'était pas fichue de ranger toutes ses affaires dans une valise ? Lançant un timide coup d'oeil en biais à la fillette, elle entreprit de sautiller d'un peid sur l'autre dans une imitation très juste du "Au s'cours, j'ai bu trop de thé, où sont les toilettes ?". Sauf que Susan n'avait pas bu de thé et que ce petit sautillement de moineau n'avait donc d'autre raison que celle d'une timidité - encore ! - extrême.

La situation aurait pu durer ainsi très longtemps si le chat n'avait pas offert une diversion bienvenue au malaise de Susan. Elle releva la tête et contempla l'animal d'un air absolument ravi :

- Oh ! Tu as un chat ! Tu as vraiment de la chance... Moi, tout ce que j'ai, c'est un hibou... Je veux dire, il est bien, ce n'est pas le problème, mais comme bouillote pour lire au coin du feu les soirs d'hiver, on trouve mieux...

Le malheur était que ses parents estimaient qu'un hibou était bien plus pratique d'un chat. Ce qui, d'une certaine façon, était logique. Il n'en restait pas moins que le vieux Piknikdouille n'avait pas vraiment les mêmes capacités qu'un chat.
Retenant un soupir, Susan sourit de manière plus franc à Lisa et osa même poser une question très bête :

- Simba, ça a un rapport avec Walt Disney... Euh... Enfinjeveuxdiretuvoisquoi... rajouta-t-elle avec précipitation par derrière.

Pour cacher sa bêtise, elle enchaîna aussitôt :

- Tu veux que je t'aide à défaire quelle valise ?

Lisa se sentit néanmoins un peu gênée en se rendant compte que Susan rougissait à son tour, et qu'elle trouvait un intérêt soudain pour le bout de ses chaussures. Si elle pouvait retourner en arrière, elle attendrait un peu avant d'entrer dans la chambre et de surprendre la jeune fille d'une telle manière, et par conséquent de l'embarrasser. Elle aurait aimé lui dire qu'il ne fallait pas s'inquiéter de ce qu'elle pouvait penser, que non, elle ne la prenait pas pour une folle dont il faudrait songer à s'éloigner à l'avenir. Mais ces propos l'auraient probablement encore plus embêtée, et Lisa garda alors ses pensées pour elle.

La nouvelle venue esquissa un sourire lorsque Susan expliqua que son "Gaffiot" - quoi que cela puisse être - devait se trouver chez elle. Un point commun aux deux filles... Lisa aussi pouvait s'avérer très tête en l'air, et d'ailleurs elle ne doutait pas qu'en défaisant ses valises, elle se rendrait compte qu'un objet quelconque avait été oublié chez ses parents. Et pourtant, la petite famille avait bien pris son temps pour faire les bagages de façon à penser à tout.

Susan se mit à sautiller, nouveau signe de nervosité et de timidité. Mais comme Lisa prenait son chat dans ses bras, ses yeux pétillèrent lorsqu'elle posa son regard sur lui. Ceci eut pour effet bénéfique de la calmer un minimum.

- Oui, c'est vrai ! s'exclama Lisa en riant aux propos de Susan. Mais un hibou, c'est très pratique quand on veut envoyer du courrier à nos proches. J'ai entendu dire tout à l'heure que ceux qui se trouvaient à notre disposition dans la volière commençaient à fatiguer, et qu'ils n'étaient donc plus très rapides.

Elle haussa les épaules et ajouta :

- Au moins tu peux écrire souvent à ta famille, et tu es sûre que les lettres arrivent vite !

Enfin, tout dépendait du hibou. Si l'animal de la jeune Poufsouffle était aussi vieux que certains qu'elle avait eu l'occasion de contempler dans le Hogward Express, ça n'était pas plus pratique qu'en "emprunter" un à la volière.

Susan adressa un sourire chaleureux à Lisa qui le lui rendit, et elle l'écouta ensuite parler de son dessin animé favori. Elle voulut lui répondre mais n'en eut pas le temps, la conversation revenant sur les valises. Son interlocutrice avait l'air légèrement embarrassée de lui poser une telle question.

- Eh bien, commençons par celle-ci, répondit-elle en désignant une grosse valise marron pleine à craquer. Merci encore pour ton aide, c'est très gentil.

Alors que les deux filles se mettaient au travail, déballant les livres de première année, Lisa revint tout de même sur l'évocation du Roi Lion.

- En tout cas, tu as raison pour mon chat ! Ce dessin animé est absolument magnifique, ajouta-t-elle alors en souriant de nouveau, de l'admiration dans la voix. L'histoire est très belle et les personnages attachants. C'est pour cela que j'ai décidé de nommer mon chat Simba !

Bien, Lisa et Susan allait pouvoir se livrer à de grands jeux concours du type "Celle qui est le plus gênée gagne" ou encore "La plus tête en l'air a le droit à une tapette", sans oublier le fameux "Walt-Disney et moi, une grande histoire d'amour".
Enfin presque, parce que si on prend Bambi, par exemple, il y a de quoi en sortir traumatisé quand on a trois ans. La mère de Susan, sorcière mais adepte de cinéma, aimait beaucoup raconter que lorsqu'elle était allait voir Bambi avec Susan, alors jeune et ignorante des choses de ce monde, tous les gamins de la salle s'étaient mis à brailler lorsque le méchant chasseur avait abattu la maman de Bambi. Walt Disney sait se montrer cruel, parfois.

Bref, le rire de Lisa avait certainement des vertus thérapeutiques et il allait falloir que la fillette songe à les exploiter à l'avenir. Susan finit de se détendre en n'en devint que plus bavarde. Elle se rapprocha du lit que la jeune sorcière avait élu comme était le sien pour les sept années à venir - une pensée un peu affolante, quand on prend le temps d'y réfléchir - et reprit d'une voix toujours fluette mais bien lui assurées qu'auparavant :

- Oh ! Tu peux emprunter le mien, si tu veux, je n'écris pas tellement à mes parents. Je veux dire si, je leur écrit, mais bon, pas tous les jours non plus, et Piknikdouille - c'est mon hibou - est plutôt rapide. Le problème de la volière, en fait, c'est que les hiboux sont sollicités sans arrêt, ce n'est pas qu'ils sont vieux, c'est juste qu'on ne sait pas lesquels ont accompli six vols dans la semaine et lesquels n'en ont fait que deux seulement, alors forcément, on ne tombe pas toujours sur le bon.

Elle se tut un court instant et parut se perdre dans des pensées que toute personne n'appartenant pas directement à l'intérieur de sa tête ne pouvait partager. Ce qui excluait environ six milliard d'individus du lot, un bon petit nombre.
Finalement, elle redressa la tête et saisit à son tour quelques livres de première année qu'elle déposa sur le lit, à l'instar de Lisa. Ce faisant, il lui vint à l'esprit qu'elle avait oublié de ranger son devoir de métamorphose, qui devait donc encore se trouver dans la salle commune, sur une des tables de travail. Ce n'était pas grave en soi, mais elle espérait que personne ne renverserait de l'encre dessus. Susan était bien trop candide pour seulement penser qu'un Poufsouffle pourrait voler son devoir ou même seulement en recopier certains passages.

- Oui ! s'exclama-t-elle en opinant avec force, je crois que c'est mon Disney préféré... Parce que les histoires de princesse, ça va un peu mais au bout d'un moment, c'est répétitif, non ? En plus, la musique est vraiment chouette ! Quand j'étais petite, mes parents m'emmenaient voir toutes les nouveautés Disney... Le hic, c'est que comme ils sont sorciers, on n'a pas de télé et tout ça alors je ne les revois jamais, sauf miracle, rajouta-t-elle avec un sourire de regret.

"Si le monde te persécute, tu te dois de persécuter le monde". Parfois, la morale Disney laissait à désirer. En tout cas, cette phrase aurait parfaitement convenue à Argus Rusard, la plaie de tout élève normalement constitué.