Mission Fondant du Chaudron {Partie 1}

Dire que Prudence Faraday était une délinquante juvénile qui ne perdait jamais une occasion de s'attirer des ennuis à elle et à son meilleur ami Alan Carmichael était un euphémisme. Il était de notoriété publique dans l'école, que la jeune psychopathe fille était plus courageuse qu'une Gryffondor, plus maligne qu'une Serpentard et plus sage, gros lol cultivée qu'une Serdaigle. En revanche elle était beaucoup trop tout ça pour faire une docile, frêle, chétive, gentille et aimable Poufsouffle. Tout du moins, dans l'esprit d'Alan.

L'irlandais ne tarissait cependant jamais d'éloges à propos de sa meilleure amie. Il était en revanche assez réaliste (et bien trop jeune) pour constater que son amie était loin des clichés préexistants qu'il affectionnait tant. A Poufsouffle, on était gentil, doux et discret, on n'aimait pas les ennuis et on se plaisait à temporiser les conflits entre les autres maisons.
Ça, c'était ce que croyait Alan avant d'arriver à Poudlard.
Le petit sorcier s'était bien vite rendu compte que c'était Prudence qui créait les conflits entre les maisons les Gryffondor n'étaient pas tous courageux et les Poufsouffle pas tous justes : non, ils avaient tous plusieurs de ces qualités là en eux : personne n'était binaire. Ainsi, lui-même était plutôt érudit et assez calculateur, fin stratège, Prue elle, était aussi courageuse qu'Harry Potter en personne et bien trop intelligente pour qu'on la croit inconsciente ou tête brulée mouarf, ceux qui la connaissent savent. Seul Magnus lui, faisait figure d'exception : il aurait pu être un descendant direct d'Helga Poufsouffle en personne tellement sa fidélité, sa droiture et son travail acharné faisait de lui le Poufsouffle idéal. Comme quoi, tout le monde n'est pas un Chapeauflou.

Si Prudence était la rebelle de Poufsouffle, si elle était la cause de bon nombre d'excursion illégale dans l'école vas-y que je te colle tout sur le dos, force était de constater qu'Alan avait pris le même chemin dangereux. Trop fier d'être l'ami de la superstar de Poufsouffle rien que ça, oui oui !, et un peu honteux d'avoir été toute une année durant le boulet rabat-joie que l'on trainait derrière soi (autant pour Prue que pour Magnus), Alan avait vite appris à devenir plus 'fun'.
Plus 'fun' signifiait pour lui – l'enfant unique des Carmichael s'identifiait à son modèle familial le plus proche, à savoir sa sœur de cœur, Prudence -  enfreindre sans état d'âme le règlement intérieur de l'école. Commencer dès la première année vous ôtait déjà beaucoup de scrupules seul Harry Potter et ses amis savent, après, il n'y avait qu'à se laisser porter.

Etant donné qu'Alan et Prue n'étaient qu'en deuxième année et qu'ils devaient penser à garder une marge de manœuvre pour terminer en beauté leur 7ème année de délinquance s'ils étaient encore en vie, ils gardaient le meurtre d'une personne innocente pour leur fin d'études. Tant qu'à enfreindre le règlement intérieur, autant carrément se mettre à dos aussi le Ministère de la Magie, non ?
Quoiqu'il en soi, ils n'étaient que des petits sorciers, inutile d'aller trop fort, trop vite.
Préparer une potion illégale dans les toilettes des filles du 2ème étage en volant au passage des ingrédients dans la réserve du prof de potions, c'était suffisant, non ?

Assis sur le sol des toilettes de Mimi Geignarde (qui pour l'occasion n'était pas là. Sûrement partie mater les préfets dans leur salle de bain), Alan jeta un regard larmoyant à son chaudron, puis à Prue qui venait justement d'entrer dans la pièce (il la reconnue au code qu'ils avaient instauré ensemble).

- J'ai une bonne et une mauvaise nouvelle.

Les bras ballants, le regard fatigué et la mine exaspérée, le petit sorcier grimaça.

- Je commence par la bonne : on n'aura pas à aller piquer la corne de bicorne dans les réserves du professeur Harris. La mauvaise, c'est que la potion est foutue, je l'ai ratée.

Si seulement il savait pourquoi, tout aurait été différent. Il pourrait la refaire aussi sec sans faire d'erreur ! Là, la fatigue aidant à mal réfléchir, il ne savait même pas où il avait pu mal faire. C'était terrible, nom d'un dragon ! Alan s'était levé à 3h du matin, sentant que sa potion allait mal et n'avait pas quitté les toilettes depuis. Prue avait su de suite où le trouver : on était dimanche, si Alan n'était pas dans la salle commune, c'était louche.

- Purée, je l'ai senti hier soir... J'aurai dû le voir plus tôt, mais je sais même pas où j'ai foiré ou de quoi ça vient !

Alan était rarement défaitiste, il apprenait toujours de ses erreurs et évitait ainsi de les reproduire plus tard. C'était même une force pour lui. Là, la fatigue d'une longue semaine de travail et de veille à la potion faisait que ses capacités étaient diminuées, comme s'il n'était plus que la moitié de lui-même Qui lui dit ? Nick, vous voulez bien lui annoncer qu'il a été décapité ?. Prue avait pourtant insisté pour aider à mélanger la potion, de temps en temps, mais Alan s'y était refusé, connaissant le mépris de son amie pour l'art noble des potions. Après tout, il y arrivait très bien tout seul, si la présence de Prue avait été vitale, il se serait empressé de lui demander de l'aide.

Après tout, c'était leur projet commun, le Polynectar. Il y avaient longtemps réfléchi, pesé le pour et le contre, ils avaient même grandement hésité avant de le faire. Alan et Prue en avaient même parlé à Magnus, finalement, qui était tout content de participer (mais qui laissait bien volontiers la potion au bon soin d'Alan) et avait même promis de créer un plan aux petits oignons pour se rendre à Pré-au-Lard. Car oui, faire du Polynectar c'était sympa, mais ce n'était pas pour le plaisir de faire bouillir des sangsues pendant 3 mois. L'idée était de se rendre à Pré-au-Lard avant l'an prochain, bien évidement ! Sinon à quoi bon braver le danger inutilement, risquant l'exclusion à tout instant se faire remarquer ? Quoi ? Hein ? Attendre tout simplement l'année d'après pour s'y rendre avec les autres camarades de classe ? N'importe quoi ! Et le plaisir de vivre dans l'illégalité dans tout ça, on l'oublie ? De toute façon, la patience, ça n'a jamais été leur fort. C'est tellement surfait les gens patients.

(1038)

(1211 mots)

C'est fraîchement rentré d'Irlande après les vacances de Noël, qu'Alan et Prudence décidèrent de mettre leur plan 'En route pour Pré-au-Lard' ou 'Mission Honeydukes' ou encore 'Chocogrenouilles et Fondant du Chaudron nous voilà !' - comme ils aimaient l'appeler – en marche.
Ce n'était pas sans raison si un beau matin enneigé, dans le Poudlard Express, Alan Carmichael, chaudement enroulé dans son écharpe jaune et noire - avait inopinément pondu un " Bon, on attaque le Polynectar pour aller à Pré-au-Lard mardi en huit, ça te va ?" à Prudence, entre le passage dans le couloir d'un première année enrhumé et celui de la dame aux bonbons pour la 5ème fois de la journée Mamie carie qu'on l'appelle. Non.
Alan préparait son coup depuis le jour de Noël, très exactement. C'est en recevant de ses parents un livre sur la Faune sauvage d'Ecosse, les Animaux Fantastiques et comment les trouver de Norbert Dragonneau, Odyssée avec les Crécelles de Kenmare de Pandore McAllister et un poster géant de l'équipe nationale d'Irlande (avec le nom de 'Carmichael' brodé en or sur la poitrine de maman, pour sûr qu'il sera affiché dans le dortoir des 2èmes années !), que le déclic se produit.
(Trop) gâté par tous ses merveilleux cadeaux, les larmes aux yeux, Alan Carmichael – petit sorcier de douze ans – n'avait rien à offrir en retour à ses parents.
Particulièrement malaisé par la situation, le petit sorcier se promit à l'avenir, de dépenser son argent de poche dans les flamboyantes boutiques colorées de Pré-au-Lard, afin d'offrir à ses deux parents les merveilleux cadeaux qu'ils méritaient. Et au passage succomber aux vitrines colorées d'Honeydukes dont les publicités faisaient tant rêver Alan dans les pages de la Gazette du Sorcier. Histoire de ne pas y aller pour rien.

- Ouais... Alan compta sur ses doigts quelques instants et pris quelques secondes avant de répondre à Prudence, les yeux dans les yeux. Il faut la recommencer de suite pour pouvoir l'utiliser en juin. Si on commence plus tard, c'est rapé.

L'Irlandais était formel : le Polynectar nécessitait plusieurs mois de préparation et la commencer plus tard revenait à ne pouvoir l'utiliser que l'an prochain. Complètement inutile donc, puisque l'an prochain ils seraient en 3ème année et auraient – a priori – le droit de se rendre dans le village sorcier. Il ne fallait donc pas se laisser abattre et ne pas perdre de temps.

- Je propose qu'on s'attaque en premier aux ingrédients qu'on n'a plus et qui sont à récupérer dans la réserve de potions. On commence par ça, comme ça si on échoue, on n'a pas commencé la potion pour rien.

Il était inutile de convaincre Alan de recommencer la potion sans avoir tous les ingrédients. Il ne supporterait pas qu'on lui dise que la corne de bicorne était manquante et qu'il devait s'arrêter en plein milieu. Cette fois, ils la faisaient pour la réussir, pas pour échouer avant la fin. Et comme dans sa vie de tous les jours, Alan commençait par la tâche la plus ingrate pour finir par la plus facile. Sauf que dans son cas, toutes les tâches étaient difficiles, c'était bien ça le problème.
- On échafaude un plan avec Magnus pour faire une diversion, on éloigne le professeur Harris et on prend ce dont on a besoin dans la réserve, plus deux ou trois ingrédients pas trop rares pour brouiller les pistes. Si on ne prends que les ingrédients du Polynectar, ça va se savoir, ce sera plus difficile pour nous après. Je regarderai quelle potion nécessite les mêmes ingrédients.

Une idée particulièrement honteuse traversa l'esprit d'Alan. Quelle raison meilleure que Payton, sa fille, pourrait forcer le directeur de Poufsouffle à quitter son bureau ? Profiter du malheur de quelqu'un comme ça, surtout de Payton qui était son amie et grandement handicapée par son amnésie, écœura brièvement Alan. Rien que d'y avoir pensé faisait – consciemment - de lui, une mauvaise personne.

- Je préfère directement m'éventrer et laisser mes entrailles s'étaler par terre plutôt que boire du jus de Rusard.

Alan mima le fait de vomir et ria à sa plaisanterie avec Prudence. Boire un bout de Rusard, le concierge aux cheveux gras de l'école, c'était comme avaler de la boue. De la boue à laquelle on aurait ajouté une compotée de choux de Bruxelles avec du foie de morue et des cervelles de crapauds. Le meilleur plat du monde, donc.

- Bon, je gardais la surprise pour plus tard, mais je pense qu'on a bien besoin d'une bonne nouvelle, là.

Alan sortit de sa poche une petite fiole en verre, où l'on pouvait péniblement distinguer à l'intérieur deux longs cheveux blancs. Ils étaient fin et comme tout cheveux, difficiles à voir.

- Je les ai ramenés de Galway. Je me suis dit qu'il nous fallait prendre l'apparence de quelqu'un qui n'était pas de Poudlard, pour ne pas se faire remarquer et aussi quelqu'un d'adulte, vu que l'accès est interdit aux élèves. J'ai donc piqué deux cheveux à deux moldus sur un banc public à Galway, en bord de mer. Je les ai distrait en leur criant de regarder vers le ciel, et je leur ai pris chacun un cheveu.

Il agita doucement la fiole devant Prue, le sourire aux lèvres.

- Bon, c'était deux personnes âgées, par contre. Je me suis dit que personne ne nous dérangerait, comme ça. Un homme et une femme, pas très grand, du moins ça en avait l'air !

Alan s'était dit que comme ça, ils n'auraient pas à agrandir leur vêtements ou à faire trop de métamorphoses dessus. Plus ils leur ressemblait, plus ça serait facile de se faire passer pour eux.
Le seul détail qu'Alan avait omis de préciser à Prue, c'était qu'il était incapable de différencier les deux cheveux. Comme un idiot et dans sa précipitation, il avait mis les deux dans le même flacon, sans prendre la peine de regarder à qui appartenait le long, et le semi-long. Pour simplifier la tâche, les deux étaient blancs, super ! Bravo Alan Carmichael, espérons que Prue ne posera pas la question, sinon ça va être drôle...

(1004)