Evasion [PV]

De longs mois avaient passés sans que Julian ne se soucie de l'influence que Magicis Sacra avait eu sur lui. A vrai dire, après réflexion, il doutait vraiment que la Menace en ait encore quelque chose à faire de lui. Certes, la menace était sérieuse, il n'était toujours pas parvenu à enlever ce fichu collier en argent qu'il avait autour du cou (certainement un oubli de leur part), mais les faits étaient là : depuis qu'il avait fouillé le bureau de McGonagall (de son propre aveu, il n'en avait aucun souvenir), et qu'on avait saccagé la salle commune de Serpentard, Julian n'avait plus eu de perte de mémoire.

La peur demeurait, certes, mais il fallait reconnaître qu'entre la présence de Tempérance dans sa vie et celle plus récente de Derek, tout allait bien dans le meilleur des mondes.

Ça, c'était avant.

Un beau matin du mois de mars, Julian se réveilla dans le dortoir des Serdaigle, sa baguette magique dans son lit, alors qu'habituellement posée sur sa table de chevet. Ce simple fait aurait pu être lié à un éveil nocturne banal, s'il n'avait pas été accompagné par un trou de mémoire de la taille d'un éléphant adulte.

- Non...

Dans un premier temps, Julian avait passé sous silence ce blanc qui occupait sa veille, à ses camarades. C'était peu probable, mais ça ne pouvait rien signifier. Il resta toutefois vigilant, à tout, tout ce qu'on disait, tout ce qui n'était pas normal. Une intrusion dans la bibliothèque, l'infraction d'une salle commune, le vol de quelque chose... Tout ce qu'il aurait pu faire sans s'en rendre compte et qui ne résultait pas de la vie quotidienne de l'école.
Ce qui attendait Julian était hélas bien pire.

Payton Harris, la préfète de Poufsouffle, avait été attaquée la veille et avait perdu la mémoire. Complètement et irrémédiablement. La coïncidence était trop forte et Julian trop malin pour ignorer ce que cela signifiait. L'Américain était – une nouvelle fois – l'auteur de l'attaque. Très bientôt tout le monde allait le pointer du doigt et le désigner comme grand coupable. A raison hélas, parce qu'il était encore le seul pantin de Magicis Sacra, le seul qu'on pouvait utiliser à son aise comme un Pinocchio armé qu'une baguette magique. Julian avait voulu vérifier l'information en s'approchant de la douce préfète des Poufsouffle. Son regard perdu, ses multiples interrogations et le trouble de son professeur de potions de papa ne laissaient pas de doute : Payton était bien amnésique.

Complètement troublé, paniqué, le Serdaigle évita les salles de classe et se réfugia dans la plus haute de tour de l'école. Il évita Derek et Tempérance comme la peste, fuyant chacun des élèves qui l'approchaient. Il fallait qu'il soit seul. Pour réfléchir. Se jeter dans le vide ne lui ressemblait pas, déjà il fallait être très courageux pour passer la barrière et sauter, ensuite, il ne se voyait pas laisser ses amis, ses merveilleux amis, dans la tristesse. Le suicide, ce n'était pas pour lui.
Il ne se voyait pas non plus rester à Poudlard et prendre le risque de blesser à nouveau quelqu'un. En particulier Tempérance et Derek.

Il n'avait donc pas d'autres choix : sa décision était prise, dès ce soir, la nuit tombée, il partirait. Il partirait loin, fuyant amis et famille ainsi que tous les gens pour qu'il avait de l'affection. Loin d'eux, il ne pourrait leur faire du mal.

Julian profita des cours pour faire sa valise et écrire deux lettres. Une pour Tempérance, qu'il se refusait à laisser ne serait-ce qu'un jour, l'autre pour Derek, son meilleur ami. Partir sans un mot ne leur serait pas supportable, il leur devait bien ça. Quand ses camarades de chambrée arrivèrent de cours, Julian se colla dans son lit et marmonna  un "Malade.. F'chez-moi la paix...", les rideaux fermés, pour les faire fuir. Plus tard, les lettres envoyées, la nuit tombée, Julian emporta discrètement sa valise et quitta – définitivement – le dortoir de Serdaigle. Sans un regret ni un pincement au cœur.

C'est dans la salle commune qu'il fut arrêté par une chose à laquelle il ne s'attendait pas.
Le plan était si bien ficelé qu'il aurait été dommage de se faire avoir maintenant, il allait devoir être plus malin. S'il avait pu, il aurait volontiers sorti sa baguette magique et remédié au problème sans état d'âme.
Hélas, il ne pouvait plus.

Cole était passé dans le dortoir de Julian le matin même pour lui parler du journal qui allait bientôt être publié. Il ne crut pas une seule seconde à son histoire de maladie. Il avait remarqué le comportement de son camarade la veille, il avait évité tout le monde, ce qui était particulièrement suspect, surtout en sachant qu’il avait retrouvé son meilleur ami en début d’année et qu’il s’était beaucoup rapproché de Tempérance (mais genre, beaucoup!). Cole était plutôt malin, il avait donc facilement deviné que quelque chose clochait chez son camarade et pour ainsi dire ami. C’est pourquoi lui non plus il n’alla pas en cours. Il resta dans la salle commune, sur un fauteuil, avec un magazine. Il attendait. Il attendait que Julian vienne tenter sa bêtise parce que mieux valait que ce soit lui plutôt que les aurors qui peuplaient plus que jamais le château. Et il dut attendre jusqu’au soir. Il demanda à Bartley de lui apporter à manger et un peu de lecture supplémentaire, sans lui expliquer ce qui se passait, mais il lui promit que si tout allait bien, il finirait par le lui dire. C’était juste qu’il ne voulait pas impliquer Bartley, qui était préfet, dans cette histoire.

« Tu croyais vraiment pouvoir partir sans que personne ne le remarque ? » Demanda simplement Cole à Julian, sans animosité aucune dans la voix. Il restait assis dans le fauteuil : Julian pouvait tenter un sprint s’il voulait, son camarade avait ostensiblement sorti sa baguette et la gardait en main juste au cas où il faudrait ficeler le Serdaigle. Ce n’était pas de l’ordre de l’impossible quand on connaissait le zozo. Il n’arrivait toujours pas à intégrer que même si La Menace se servait de lui pour agir, ce n’était pas lui. Cela dit, pour ce que Cole avait entendu d’une conversation entre adultes, certains pensaient plus comme Julian que comme lui, raison de plus pour le Serdaigle de ne pas faire de vague en essayant de fuir. Ce serait une preuve de culpabilité. Car c’était de cela qu’il s’agissait : les remords et les regrets, probablement pour Payton vu les récents événements. Pas si dur de faire s’additionner 1 + 1, surtout quand on faisait parti du groupe Anti-Menace (et qu’on avait toujours une oreille qui traînait au bon endroit).

« Tu ferais mieux de laisser tomber ton plan de fugue quel qu’il soit. Il est impossible de quitter Poudlard sans se faire remarquer par les aurors ou les professeurs, la surveillance est accrue depuis l’accident de Payton. » Cole pointa ensuite le doigt vers l’endroit approximatif où devait se trouver le collier du jeune homme. « Et même si tu partais, ils pourraient te faire revenir quand ils le veulent. Sans même parler du fait que t’enfuir serait un aveu de culpabilité, pour l’instant, le professeur McGonagall te protège, elle ne pourra plus le faire si tu te fais arrêter au milieu de la nuit par les aurors. » Il ne mentionna pas le fait que de ce qu’il avait entendu, sans l’intervention de la directrice, Julian aurait été enfermé à Azkaban par ceux qui le soupçonnaient d’avoir oublietté Payton. Cela aurait été un peu dur.

Cole attrapa son thermos de chocolat chaud (il en avait un autre de thé mais Julian n’était pas anglais) et fit signe à son camarade qu’il pouvait le servir : « Tu veux un chocolat chaud ? On doit pouvoir trouver mieux qu’une fugue comme plan. » Et Cole avait toujours l’air serein : s’énerver n’aurait rien apporter de plus à son ami. Il avait besoin de soutien.

Si Cole s'était cru intelligent et bien aimable de coincer ainsi Julian, c'était que la situation lui échappait totalement. Dans sa précipitation, Julian avait oublié une chose : envoyer sa baguette à Derek était une bonne idée - il ne pourrait ainsi plus faire de mal à quiconque durant sa fugue et serait quasiment indétectable par la Menace une fois qu'il serait lui-même perdu - il n'avait hélas pas anticipé le fait que sa baguette lui serait utile pour sortir de Poudlard. L'ex-Ilvermornien s'était dressé le parcours parfait pour sortir de l'école en évitant les aurors et leurs sortilèges de repérage, il n'avait cependant pas pris en compte la tique bleu et bronze qu'il avait pour ami. Cole ne pouvait pas plus mal tomber.

- Quand on le remarquera, je serai loin.

Julian hésitait entre deux extrêmes : ainsi pris au piège, bloqué dans son plan d'évasion, Julian accueillait très mal la nouvelle. Il hésitait entre fuir d'un coup, et ainsi prendre le risque de forcer Cole à lui jeter un sort ou à plus tard donner l'alarme : ce qui contrarierait fatalement ses plans. Ça laissait Cole libre de faire ce qu'il voulait et carrément au courant de son plan : Julian ne pouvait pas se le permettre et ça l'énervait royalement. La seconde solution était de se jeter sur Cole, de le neutraliser et d'ensuite casser sa baguette en deux. Cette extrémité ne lui convenait pas non plus mais Cole l'avait cherché : on ne s'interposait pas nonchalamment entre un sorcier dangereux et son objectif. Surtout que Julian – l'air de rien – faisait partie des Thunderbird d'Ilvermorny, la maison qui comptait le plus d'aventuriers et de courageux, il n'avait donc pas peur de se battre. Surtout que dans ce cas-ci, se battre revenait à protéger ses amis, ses proches, et tous les élèves et adultes de Poudlard, la santé physique de Cole passait donc bien après tout ça.

Contenant sa colère, essayant de ne pas trahir ses émotions alors qu'il bouillait de l'intérieur et cherchait mentalement le meilleur moyen de s'approcher de Cole sans éveiller sa suspicion, le Serdaigle ajouta :

- J'ai un plan soigneusement ficelé et avouer ma culpabilité est le cadet de mes soucis. Demain matin le Ministère va venir m'interroger quoiqu'il arrive et je doute pouvoir échapper au Véritasérum cette fois.

Julian était énervé et peinait à le cacher. Cole s'en était rendu compte et comme un dresseur de fauves dans la cage aux lions, il restait aux aguets, sa baguette toujours brandie sur Julian. Le bleu et bronze réalisa qu'au moindre mouvement, il ne formerait plus qu'un vaste sac de nœuds au sol, Cole avait bien anticipé les réactions extrêmes de son ami et il était prêt à tout. Pris au piège, on pouvait beaucoup changer, Cole le savait bien.

Julian opta donc pour une troisième tactique : la raison. Le 5ème année n'avait pas toutes les cartes en main et Julian allait lui expliquer pourquoi partir de Poudlard était la meilleure des solutions pour tout le monde. On l'avait tous cru libéré de la Menace, et pourtant – sûrement pris de court – Magicis Sacra n'avait pas hésité à se resservir de lui à nouveau, en urgence. Ils pouvaient donc le faire à la moindre occasion et indéfiniment tant que quelqu'un d'aussi protecteur que McGonagall le couvrirait. Le couvrirait et ne débloquerait pas la situation surtout : pour Julian, mieux valait un élève loin ou en prison qu'un pantin dangereux dans une école.

- Il faut que McGonagall arrête de me protéger, justement. Elle veut m'aider mais c'est tout le contraire. Je préfèrerai finir à Azkaban où je suis sûr de ne faire de mal à personne plutôt que rester ici à agresser des gens. Fuguer me semble encore l'option la moins pire. Si je me perd dans la nature, même en me manipulant Magicis Sacra ne pourra plus se servir de moi, ils m'oublieront. Sans baguette je ne suis un danger pour personne. Ici, je suis le pire danger qui existe : celui qu'on ne peut pas empêcher d'agir et qu'on doit en plus protéger. Ils doivent se délecter de voir que je suis encore à Poudlard, tu n'as même pas idée.

Le regard dur, la mine sérieuse, on n'aurait pas dit que c'était deux amis qui parlaient ensemble. Julian était bien décidé à quitter Poudlard, et si Cole n'y mettait pas du sien, Julian trouverait toujours un moyen de s'en sortir. Il pouvait lui mentir et renouveler l'opération le lendemain, loin de tout soupçon.
Le seul point embêtant, le seul vrai problème était qu'il avait envoyé une lettre à Tempérance et une lettre plus sa baguette à Derek. Dès le lendemain matin, dès qu'ils se rendraient compte que Julian était toujours là, le Serpentard et la Poufsouffle feraient tout pour l'empêcher de partir. Encore une erreur de timing.