[Automne 2012] Cherche appartement à vendre [Lena]

Dans la vie arrivait des moments où il fallait cesser de toujours remettre tout au lendemain. Abell n’étant pourtant pas du genre à procrastiner, que ce soit dans sa vie personnelle ou professionnelle même s’il n’aimait guère la paperasse. Mais il avait beau être en couple avec Lena depuis près de trois ans, Abell était loin d’être guéri de sa peur de l’engagement. Il savait qu’il devrait la surpasser pour rester avec la belle brune. Il avait bien cru la perdre un an auparavant avant qu’elle ne lui fasse croire qu’elle était enceinte. Certains de ses amis étaient devenus parents depuis déjà des années mais lui, à trente-deux ans bien sonnés, n’était absolument pas prêt à sacrifier sa jeunesse éclatante et ses nuits pour avoir un gosse. Et il ne savait pas s’il serait un jour prêt pour cela. Mais il était disposé à faire des efforts, beaucoup d’efforts, pour garder Lena. Sans leur relation, sa vie serait fade, un enchaînement de photos, de bichonnage de motos et de coucheries sans lendemain. Abell ne croyait toujours pas au bonheur, mais il ne pouvait nier être heureux en ce moment.

Il y a un an, Abell avait proposé à Lena de se trouver un endroit pour tous les deux. Il avait balancé cette proposition un peu comme ça, sans vraiment y réfléchir sérieusement. Ils passaient déjà l’essentiel de leur temps chez l’un ou chez l’autre mais habiter vraiment ensemble, c’était totalement différent. Mais c’était un pas qu’Abell souhaitait désormais franchir. Il était terrifié, mais il était prêt. Il en avait parlé avec Lena et ils avaient enfin réussi à libérer leur planning ultra chargés et se décider à visiter des appartements ensemble. Abell avait fait appel à Izzie Lane, l’agente immobilière qui lui avait dégoté son studio londonien, et une ancienne conquête même s’il avait passé ce détail sous silence à Lena, évidemment. Alors qu’ils attendaient Izzie, Abell, qui avait revêtu une élégante chemise noire porté sur un pantalon de costume, récapitulait : « Alors on a dit qu’il nous fallait un grand balcon, une superbe vue, un énorme dressing évidemment, une chambre d’amis pour le jour où Keira ne supportera plus la compagnie d’Harrison et une grande cuisine pour que ma chère et tendre me prépare de délicieux mets à longueur de journée. On est d’accord ? » Un sourire taquin illuminait son visage d’ange. Même après autant de temps passé aux côtés de Lena, il n’abandonnerait jamais l’habitude de la charrier.

La sonnette retentit et Abell traversa la cuisine pour ouvrir à Izzie qu’il accueillit chaleureusement. « Bonjour ma belle, j’espère que tu nous as trouvé des endroits charmants, nous sommes des clients très exigeants. N’est-ce pas princesse ? » demanda-t-il en se tournant vers Lena. Mais ils n’avaient pas de temps à perdre, Izzie leur avait prévu une tonne de visites et le photographe savait que cela serait fatiguant. Il faudrait qu’il se mette d’accord avec Lena sans compter qu’ils devaient d’abord trouver un appartement qu’il leur plaise. Abell avait mis longtemps avant de trouver son studio actuel et il avait tendance à se montrer vraiment tatillon et ce sur le moindre détail. Mais il était déterminé à enfin trouver le foyer idéal pour leur couple. Il s’approcha de Lena, déposer un baiser sur sa tempe et prit sa veste de costume posé sur le fauteuil de bar. « Allons y » déclara-t-il en souriant à Lena. Ils avaient une longue journée qui s’annonçait.

Abell ne comptait plus les diverses taquineries de ses amis lorsqu’il leur avait évoqué son projet d’emménager définitivement avec Lena. Entre les "Emménager avec une meuf, toi ? Tu te sens bien mec ?" les "la prochaine étape c’est le mariage !" et "à quand le bébé ?" l’avait particulièrement agacé. Ce n’était pas parce qu’il achetait un appartement avec Lena qu’elle lui passait la corde au cou ! Ses amis pouvaient être vraiment lourds lorsqu’ils le voulait comment ça il était le pire ? Sans compter qu’ils seraient les premiers à squatter son nouveau chez lui, il en était sûr. Prenez Astoria par exemple, vu qu’elle avait eu l’idée saugrenue d’avoir un second gosse –alors qu’il s’habituait à peine au premier, franchement !, il misait son appareil photo qu’elle tenterait de lui refourguerait Scorpius le plus souvent possible "Tu as enfin de la place pour l’accueillir Abell ! En plus il ne risque pas de finir traumatisé en voyant je ne sais quelle conquête sortir de ton lit maintenant que tu es enfin dans une relation stable. Ne rechigne pas, c’est toi qui tient absolument à ce qu’il soit ton filleul alors conduis toi en parrain exemplaire !" Non qu’il ne s’en plaigne, Scorpius était un gamin attachant pour son âge mais il tenait avant tout à être tranquille avec sa chérie, pas à accueillir tous les enfants de ses amis sous prétexte qu’ils voulaient enfin tirer leur coup.

Abell avait passé le plus clair de sa vie à craindre la vie de couple. Hormis le fait que cela le priverait de batifoler à droite et à gauche, il avait toujours pensé qu’avoir une relation sérieuse était synonyme de routine. Pourtant, il devait bien reconnaître que depuis qu’il sortait avec Lena, il ne s’était jamais ennuyé, pas même une seule seconde. Au final, leur relation si spéciale auparavant n’avait que peu changée. On retirait la monogamie, les mots d’amour et les photos de couple qui trônaient dans leurs chambres, leur complicité, leurs taquineries, leurs soirées restaient équivalentes à avant, lorsqu’ils n’étaient que des amis. Peut-être était-ce cela de se mettre en couple avec sa meilleure amie. Abell connaissait tellement bien Lena qu’il ne risquait pas d’être déçu. Il savait qu’elle lui correspondait parfaitement. Même si lui n’était pas sûr qu’il était assez bien pour elle. Qu’il la méritait vraiment. Peut-être que cette peur ne disparaîtrait jamais totalement. En attendant, le photographe était bien déterminé à prouver à l’élue de son cœur, à leurs amis, et sans doute plus important encore, se prouver à lui-même qu’il ne foirait pas toutes les bonnes choses qui lui arrivait comme il l’avait souvent cru. Qu’il pouvait assurer. Qu’il pouvait la rendre heureuse. Et quand il voyait tous les jours son sourire, le même qu’elle lui adressait en ce moment même, alors qu’elle était installée sur le fauteuil, cela ne renforçait que davantage sa motivation.

« Un garage dans un appartement ? C’est original. Mais une cave pour les motos ce serait pas mal. » Il lui sourit, ses yeux bleus électriques pétillant de malice. « Une chambre d’enfant ? Ça ne donnera qu’une excuse supplémentaire à Aria, Luca et Lexy pour nous refiler leurs mômes. » D’accord, c’était sans doute un peu puéril d’éviter ainsi de parler des sujets qui fâchent mais Abell avait déjà accepté, proposé même, d’emménager, et c’était déjà énorme. Pas besoin d’ajouter un gamin au tableau. Un petit pas pour son couple, un grand pour Abell le Magnifique, ancien Don Juan dans l’âme.

« Mais je suis un grand macho princesse, tu ne le savais pas déjà ? D’ailleurs, il faudrait que tu quittes ton boulot dès demain. On va habiter ensemble et c’est à moi, l’homme de la maison, de rapporter de quoi nous nourrir » déclara-t-il, le plus sérieux du monde. Bien sûr, il ne s’agissait que d’une plaisanterie. Il ne voudrait jamais que Lena arrête de travailler, à moins que cela ne soit ce qu’elle souhaite.

Izzie finit par arriver. Abell fut ravi que Lena s’accorde avec lui en évoquant leur exigence –non qu’il en doutait. Puis, sa belle s’approcha de lui pour lui adresser une remarque qui le fit rire aux éclats. « Promis patronne, je ne recommencerai plus ! Même si avec un copain sans bras, tu risques d’être bien embêté. Et tu devrais définitivement cuisiner tout le temps. » Abell adorait le côté jaloux de Lena et il s’en amusait d’ailleurs, la titillant parfois sans outrepasser aucune limites. Il aimait que cette jalousie, ainsi que les petits surnoms qu’il trouvait ridicule avant, lui soit réservé à lui et uniquement à lui. « Allons-nous trouver l’appartement de nos rêves, princesse ! » Abell ferma son studio derrière lui avant de se retrouver dans la voiture d’Izzie, en route pour le premier bien d’une longue liste.