On fait le point ? [ Ivalyana ]

Lorsque Dahlia avait suggéré à Ivalyana de se rendre à Sainte-Mangouste - ou plutôt, avait cherché à savoir si elle avait déjà consulté des Madicomages concernant sa condition -, elle ne s'était pas tout à fait mise à la place de sa camarade : comment le vivrait-elle, elle, si des dizaines de spécialistes se succédaient à son chevet, l'observant comme une bête curieuse et cherchant à savoir ce qui clochait chez elle ? La préfète ne se représentait que trop bien les couloirs fourmillant de monde de Sainte-Mangouste, elle s'y était rendue, plus jeune, avec sa famille. Elle avait cet endroit en horreur : les couloirs aux lumières fluorescentes et l'odeur d'antiseptique ne faisaient que renforcer son agoraphobie. Heureusement, elle n'avait jamais été trop malade ou trop blessée, aussi ne s'était-elle jamais attardée à l'hôpital sorcier, mais elle pouvait aisément comprendre qu'Ivalyana n'ait pas plus envie d'y séjourner qu'elle.

Elle acquiesça d'un hochement de tête. « Je comprends. Ce n'est pas très drôle là-bas de toute façon. » Euphémisme. Elle adressa un regard curieux à sa camarade. « Jamais... jamais ? Tu n'allais pas dehors ? » interrogea-t-elle, peinant à imaginer une vie passée entre quatre murs si tu savais. « Pour les gens, ça ne devient jamais agréable, mais on s'habitue un peu. » promit-elle, pour le coup bien placée pour comprendre sa camarade. Elle n'était jamais sereine lors des grands événements de Poudlard en particulier, comme le bal de Noël. Tout ce monde entassé dans un espace restreint. S'y rendre lui demandait un effort spécifique et éreintant, qu'elle s'arrangeait pour conserver de courte durée. Les cours regroupant plusieurs années n'étaient pas beaucoup mieux.

Dahlia fut détournée de ses pensées par une réaction étonnante de la part d'Ivalyana : sa nouvelle camarade se redressa brusquement, guettant les dortoirs comme on guetterait une issue de secours, ou une bouée de sauvetage. Elle se leva doucement à son tour, observant le comportement de sa camarade. « Ivalyana ? » appela-t-elle en vain, car la brune s'était déjà précipitée vers les escaliers. Sans réfléchir, la préfète se lança à sa suite. Si Ivalyana faisait un malaise dans leur dortoir, il faudrait bien que quelqu'un soit là pour sonner l'alerte. Elle espérait juste qu'elle n'avait pas envie de vomir, ou autre réaction certes humaine, mais fort peu ragoûtante.

« Ivalyana ? » répéta-t-elle en arrivant dans le dortoir. Mais il n'y avait aucun signe de vie autour d'elle. Leurs autres camarades vaquaient probablement à d'autres activités à travers le château. La porte de la salle de bain était ouverte. Quelque chose n'allait définitivement pas, et Dahlia se demanda distraitement si elle avait finalement bien fait de suivre sa camarade. Et si elle se transformait ? Elle avait bien vu sa détresse avant qu'elle ne se lève. Les mains tremblantes, le souffle court. Elle se racla la gorge, s'approchant lentement de la porte de la salle de bain. « Tu te sens mal ? Tu veux que j'appelle quelqu'un ? Pomfresh ? McGonagall ? » proposa-t-elle en se demandant ce qu'il adviendrait d'elle si elle finissait écrabouillée sous l'énorme carcasse d'un serpent géant aux yeux jaunes. Ce n'était certainement pas ce que ses parents avaient en tête pour son avenir.

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Une chose était évidente : Ivalyana n'allait pas bien. Dahlia fut bien contente que leurs camarades de dortoir ne soient pas présentes, moins il y aurait de regards curieux, mieux ça vaudrait a priori. Son devoir d'Arithmancie complètement oublié, tout comme ses affaires et celle de sa nouvelle camarade, abandonnées à leur triste sort dans la salle commune (mais qui à Serdaigle irait voler des morceaux de parchemin et un manuel de cours ?), Dahlia se rapprocha lentement de la porte de la salle de bain.

Debout dans le dortoir, Dahlia avait sorti sa baguette de la poche de sa robe, sans trop savoir quoi faire. Ivalyana n'avait pas répondu à sa proposition d'aller chercher un professeur - qui serait pourtant plus à même qu'elle de  gérer cette situation -, et elle ne se voyait pas l'abandonner à son sort, dans tous les cas. Déglutissant doucement, elle entendit des sifflements provenir de la salle de bain, ce qui ne mit ses sens que davantage en alerte. Ivalyana était-elle sur le point de se transformer ? « Je ne sais pas si tu m'entends, mais si tu pouvais me dire ce que je peux faire... » lança-t-elle à tout hasard, parfaitement consciente de son inutilité actuelle. Mais pour sa défense, McGonagall ne leur avait jamais expliqué ce qu'il fallait faire si jamais Ivalyana était sur le point de se transformer. Seulement qu'il ne fallait cafter à personne concernant son état. Grand bien lui en fasse, Dahlia avait tu le secret de sa camarade, pour autant, elle se sentait quand même un peu foutue. Quelle taille faisait un Basilic, déjà ?

Apercevant le petit serpent qu'elle avait vu un peu plus tôt apparaître au sol, sans pour autant obtenir la moindre réponse de sa camarade, Dahlia se douta que ses craintes avaient dû se réaliser. « Tu t'es transformée ? » demanda-t-elle toujours dans le vide, étudiant le serpent tout en réfléchissant. Elle savait qu'Ivalyana lui avait dit que le pouvoir de ses yeux était rendu inoffensif par son collier, mais elle n'était pas sûre d'avoir envie de jouer les cobayes pour autant. Elle avait une famille qui tenait à elle, et aucun désir de mort. « Ecoute, je ne sais pas ce qui a provoqué ça... » Elle réfléchit, songeant aux dernières paroles qu'elles avaient échangées. « Est-ce que c'est à propos de ce que tu disais sur les autres gens ? Crois-moi, je sais que ça peut être difficile. Je ne supporte pas vraiment les foules non plus... Mais il n'y a personne à part toi et moi dans le dortoir actuellement. Tu ne crains rien ici. » promit-elle d'une voix ferme. Très doucement, elle poussa la porte de quelques centimètres, assez pour apercevoir une ombre des plus impressionnantes sur le sol de la salle de bain, qu'elle fixait obstinément. « Je peux attendre ici jusqu'à ce que tu te re-transformes, si tu veux. » proposa-t-elle en tâchant de maintenir un calme qu'elle ne ressentait plus qu'à moitié dans sa voix. Se trouver face à face avec un serpent géant n'était définitivement pas la façon dont elle avait initialement prévu de passer son après-midi.

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Pour toute réponse à ses interrogations, Dahlia n'obtînt qu'une série de sifflements assez alarmants. Comme elle ne pouvait rien faire d'autre que d'attendre - elle n'allait pas laisser la jeune fille toute seule, d'une part elle était tenue de garder son secret et cela incluait donc de ne pas laisser leurs camarades de dortoir débarquer pour aller se brosser les dents et tomber nez à nez avec un serpent géant, et de l'autre, elle l'avait trouvée réellement sympathique en lui parlant, et elle s'était sentie mal de manière évidente, elle n'allait pas l'abandonner à son sort -, la préfète se résolut à se remémorer ce qu'elle avait lu sur les basilics suite à l'annonce de McGonagall en début d'année.

Le mot géant était revenu plusieurs fois. Yeux jaunes : pas sa couleur préférée, mais elle ferait avec. Pouvant mesurer jusqu'à... combien ? Dix ? Quinze mètres ? Quinze mètres semblait excessif au vu des dimensions de leur salle de bain, dont les autres filles se plaignaient bien assez en temps normal. Nul doute que si Dahlia avait pu leur annoncer qu'un serpent géant arrivait à y tenir, oui madame, elles calmeraient un peu leurs ardeurs. Mais cette option était proscrite. Elle avait mieux à faire que d'être virée pour avoir voulu faire taire certaines de ses camarades de dortoir. En plus elles n'avaient pas entièrement tort. Dahlia avait vu mieux comme salle de bain, dans sa courte existence. Mais elle s'éloignait du sujet, et l'apparition du serpent de compagnie d'Ivalyana le lui fit bien comprendre. Elle songea qu'il faudrait qu'elle essaye de trouver un sort pour comprendre la langue des serpents. En attendant, elle se contenta de parler à nouveau dans le vide : « Par curiosité, on part sur quoi comme dimensions, histoire que je sache à quoi m'attendre... ? » murmura-t-elle plus pour elle-même que pour le bénéfice d'Ivalyana, qui de toute évidence avait d'autres chats à fouetter.

Allant à l'encontre de ses propres instincts, la préfète finit par pousser légèrement la porte de la salle de bain. Et si initialement, elle se força à garder les yeux bien fixés sur le sol - elle croyait Ivalyana, mais elle ne l'avait pas fait elle-même ce collier, comment savoir s'il marchait vraiment correctement ? La confiance règne -, mais sa curiosité l'emporta sur son instinct de préservation. Ce qu'elle vit lui coupa le souffle et lui donna le fort sentiment d'être incroyablement minuscule. On avait beau savoir que sa camarade pouvait se transformer en roi des serpents à la première émotion trop forte venue, on n'était jamais tout à fait prêt à se trouver nez à nez avec ledit serpent, n'est-ce pas ? Elle déglutit, restant immobile tandis qu'Ivalyana s'approchait brièvement pour récupérer son serpent. Peony avait intérêt à la croire quand elle lui raconterait cette histoire (et après tout, Dahlia était davantage connue pour ses vérités annoncées brut de décoffrage que pour des mensonges). C'était fou, purement et simplement. Mais malgré son apparence des plus impressionnantes, Ivalyana-sous-forme-de-serpent ne paraissait pas tout à fait... menaçante ? Elle semblait même plutôt tranquille.

Rassemblant ses esprits et tâchant de se montrer pragmatique - une activité rendue plus compliquée par le fait qu'un serpent géant se trouvait à moins d'un mètre d'elle -, Dahlia se racla la gorge et annonça : « Ok, je ne sais pas combien de temps ça va prendre pour que tu retrouves ta forme humaine. Ce qu'on va faire, c'est que je vais boucler le dortoir, d'accord ? Je vais supposer que c'était un acquiescement ? » Il faudrait qu'elle pense également à emprunter un bouquin sur l'interprétation du comportement animal. « Je vais récupérer nos affaires avec un Accio, et je bloque la porte. Si les autres veulent rentrer je leur sortirai une excuse bidon, tant pis. » Elle ne s'attirerait sûrement pas leur sympathie ainsi, mais dans le fond, elle n'en avait jamais eu grand-chose à faire. Adressant un regard qu'elle voulait encourageant à sa camarade, elle recula et sortit sa baguette, grâce à laquelle elle fit revenir leurs affaires de cours à bon port. Puis, elle s'appliqua à fermer la porte à l'aide d'un sort. Enfin, elle annonça haut et fort : « C'est bon. Je t'attends là, d'accord ? » Elle était revenue devant la salle de bain, pour observer le serpent avec plus de curiosité que de crainte, une fois le choc passé. Mais elle n'allait pas fixer sa camarade jusqu'à ce qu'elle se re-transforme, ça paraissait très peu productif. Raisonnable, elle reprit donc son manuel d'arithmancie, sur lequel elle fit de son mieux pour se concentrer. Même si, à côté d'une camarade qui était capable de se transformer en basilic, toutes ces maths paraissaient presque dérisoires !